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SECTEUR PSYCHIATRIQUE
Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS

À l'intérieur de chaque département français, des aires géographiques très précises, d'environ 67 000 habitants, ont été découpées pour délimiter des territoires appelés " secteurs psychiatriques ". Selon le quartier, l'arrondissement, la rue dans laquelle vous habitez, vous dépendez donc, le plus souvent sans le savoir, d'un secteur de santé mentale.

Au début du siècle dernier, la psychiatrie était limitée aux grands asiles, dans lesquels l'enfermement des patients était la seule réponse que la société, pour se protéger, savait apporter à la maladie mentale.

Depuis les années 50, grâce aux médicaments neuroleptiques, l'hospitalisation ne représente plus qu'un temps limité du parcours des malades mentaux.

De là naît l'idée du Secteur, c'est-à-dire, d'une organisation des soins et de la prévention des maladies psychiatriques autour de lieux de consultation implantés dans la Cité, au plus proche du domicile des malades. Ce sont donc ces lieux, baptisés CMP (centres médico-psychologiques), qui deviennent le pivot de la prise en charge.

Le secteur psychiatrique désigne à la fois la zone géographique et le dispositif de soins en pathologie mentale qui intervient à l'intérieur de ses limites.

Ce dispositif comporte toujours des lits d'hospitalisation qui peuvent être implantés dans ces grands hôpitaux asiles d'autrefois ; mais de plus en plus, ces asiles ont tendance à fermer pour favoriser l'ouverture de petites unités en ville ou au sein d'un hôpital général.

Les durées d'hospitalisation pour les personnes en état de crise, de dépression ou de délire sont bien plus brèves qu'autrefois, en moyenne trois semaines.

En s'implantant au cœur de la ville, les centres médico-psychologiques de secteur se sont ouverts à toutes les formes de souffrance psychique. Les patients s'adressent directement au CMP ou sur les indications de leur médecin traitant, d'un enseignant ou d'une assistante sociale.

L'esprit du secteur est d'organiser un travail en réseau avec l'ensemble des structures médico-sociales et associatives implantées dans son aire géographique : hôpitaux généraux, médecins généralistes ou spécialistes, services sociaux de la mairie, centres de prise en charge de l'alcoolisme ou de la toxicomanie, maisons de retraite etc…

Le but est de prévenir les crises de la maladie mentale et d'éviter autant que possible les hospitalisations.

La consultation peut être unique ou constituer la première étape d'une prise en charge psychothérapique. Chaque secteur peut disposer d'un certain nombre de structures en plus du CMP : hôpitaux de jour, centres de crise, appartements thérapeutiques, consultations spécialisées par exemple en toxicomanie ou en ethnopsychiatrie.

Prenons l'exemple de Martine, jeune femme de 24 ans. Elle vit à Paris avec ses parents dans le XVIII° arrondissement.
Un jour, elle est sujette à ce que l'on appelle une bouffée délirante aiguë : elle a des hallucinations, elle se sent menacée par des inconnus dans la rue, elle crie et insulte les passants. Elle doit être hospitalisée en urgence.
L'hôpital de rattachement de son secteur est celui de Maison-Blanche situé à une quinzaine de kilomètres de son domicile. Elle y est soignée par des médicaments neuroleptiques et y commence une psychothérapie avec le DrV.
Lorsqu'elle sort de l'hôpital au bout de trois semaines, elle peut continuer ses soins au sein du Centre Médico-psychologique situé à 100m de son domicile. Elle retrouve le DR V. qui y travaille également. Dans le centre, il est également proposé une thérapie familiale pour permettre aux parents d'accompagner au mieux le traitement de leur fille.
Il s'avère que Martine souffre d'une psychose chronique qui nécessite des soins continus ; quand elle va mal, elle refuse les consultations : ce sont alors les infirmiers et le Dr V. qui se rendent à son domicile pour assurer la continuité des soins.
Quant elle le souhaite, elle participe aux activités de l'atelier thérapeutique de son secteur, ce qui l'aide à se resocialiser.
L'assistante sociale de l'équipe soutient Martine dans ses démarches d'autonomisation : elle lui fait obtenir une Allocation Adulte Handicapé ; ceci aide Martine à s'insérer dans un appartement thérapeutique du secteur et à envisager un travail protégé.

Toutes les activités des CMP sont entièrement gratuites afin de ne pas constituer une entrave à l'accessibilité de leurs services.
Chaque secteur psychiatrique est sous la responsabilité d'un médecin psychiatre des hôpitaux ; il peut être entouré de psychiatres adjoints ou attachés. L'équipe pluridisciplinaire est composée de psychologues, d'infirmiers, d'assistantes sociales auxquels peuvent s'adjoindre des éducateurs spécialisés, ou des paramédicaux tels que des ergothérapeutes ou des psychomotriciens.
Le plus important est que c'est à la même équipe qu'il incombe d'assurer les prises en charge intra et extra hospitalières : ceci garantit au mieux la continuité des soins
C'est au secteur psychiatrique de prendre en charge les hospitalisations sous contrainte (Hospitalisation d'office : HO, et Hospitalisation à la demande d'un tiers : HDT).

La dynamique du secteur psychiatrique a été portée par toute une génération de psychiatres militants profondément convaincus de la nécessité d'une médecine sociale, proche des besoins de la population. Leur but était de sortir la maladie mentale de l'enfermement asilaire pour la réintégrer dans l'ensemble social d'où elle émerge.

Pour ce faire, l'équipe de secteur doit s'implanter dans le milieu social réel où vivent les malades. En milieu rural ou dans une ville nouvelle, les difficultés ne sont pas les mêmes et il faut à chaque fois réinventer les concepts de l'hygiène mentale.

La capacité du secteur d'animer un véritable réseau de santé, de mettre fin à l'exclusion que génère la maladie mentale constituent la garantie vivante de son efficacité thérapeutique.