« L’HAD doit
être le choix du malade et non une façon de libérer des lits à
l’hôpital ». C’est par ces mots que le représentant des patients,
Monsieur Gérard RAYMOND termina sa communication, lors du Colloque organisé par
la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins le 15 juin 2004
à Paris.
Ce type
d’hospitalisation n’est effectivement possible que si le patient est d’accord
pour sa mise en place.
C’est une
alternative à l’hospitalisation classique. En psychiatrie, c’est une pratique
qui n’est pas encore très répandue en France. Quelques équipes pionnières ont
pourtant commencé à travailler avec ce type de soins à domicile dès la fin des
années 70. Les conditions pour l’ouverture de l’ HAD jusqu’en 2004, qui voulait
que pour une place d’ HAD ouverte se fermait un lit en intra hospitalier, sont
caduques. Depuis la dernière circulaire, les places d’ HAD peuvent s’ouvrir
sans conditions. Les soignants des secteurs qui sont persuadés que le milieu
naturel de vie est le plus approprié pour prendre en charge les patients vont
pouvoir mettre en route des projets de mise en place d’ HAD.
D'après une
étude du CREDES (Quel avenir pour l'Hospitalisation à Domicile ? Analyse
des freins et des facteurs en faveur de son développement), réalisée en 1994,
les « trois avantages principaux de l' HAD » sont la satisfaction des
patients : 90 % des patients interrogés sont" très
satisfaits " ou " satisfaits par leur prise en
charge " ; la satisfaction des prescripteurs et les économies
pour le système de Santé : d'après cette étude, l'HAD aurait, permis en 1991,
une économie de près de 400 millions de francs.
1790 : La ROCHEFOUCAULT-LIANCOURT
a posé le concept de retour à domicile des mendiants et indigents qui étaient
placés dans les hôpitaux généraux alors qu’il était président du Comité de
Mendicité de l’Assemblée Constituante[1].
1945 : Le Professeur BLUESTONE crée la première
forme d’hospitalisation à domicile. Ce sont les premières expériences
américaines Home Care.[2]
Elles sont fondées sur l’association des ressources de la médecine moderne et des
contributions affectives, sociales et matérielles que la famille, le domicile
et les soignants apportent aux thérapeutiques prescrites aux patients. Le
concept de Home Care ou d'alternative à l'hospitalisation regroupe l'ensemble
des soins dispensés au domicile du patient, d'un nombre et d'une intensité
comparable à ceux qui étaient susceptibles de lui être prodigués dans le cadre
d'une hospitalisation traditionnelle. Il s'agit bien de privilégier le maintien
à domicile du malade, tout en lui assurant la même qualité de soins qu'en
hospitalisation traditionnelle.
1951 : première expérience
française à Tenon par le Professeur SIGUIER[3].
Il s’agit d’une organisation similaire aux
« home care » à partir de son service de médecine générale.
1957 : première structure
d’Hospitalisation à Domicile de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris
(AP-HP) et admission du premier malade. Il s’agissait des hôpitaux de Tenon et
de St Louis. L’HAD s’est
imposée, d’une part en raison de l’évolution des pratiques médicales qui
requièrent de moins en moins le recours à l’hospitalisation complète, et
d’autre part en raison de la mutation des besoins des malades qui souhaitent
être soignés dans leur environnement familier.
1958 : Création de «Santé Service » à Puteaux sur
l’initiative du Professeur DENOIX, directeur de l’hôpital Gustave Roussy de
Villejuif. Dans un premier temps, cette structure est destinée aux malades
cancéreux.
1960 : première convention de l’AP HP avec la Caisse
Primaire d’Assurance Maladie (C.P.A.M.). Un certain nombre de métiers est
représenté : le médecin hospitalier et le médecin traitant, l’assistante
sociale, l’infirmière, l’aide soignante et l’aide ménagère.
De 1965 à 1996, création des services HAD de
pédiatrie, kinésithérapie, obstétrique, ergothérapie, diététique, nutrition
parentérale. En 1996, le service de nuit était créé. Dans le même temps, était
mis en place le service de coordination pour les infirmiers, puis le service
médical de coordination. 1994 voyait la mise en place de la fonction de
psychologue clinicien dans le cadre de l’ HAD.
Parallèlement, quelques secteurs de psychiatrie
mettent en place l’Hospitalisation à domicile pour les patients qu’ils suivent,
à partir de 1970.
L’HAD a été
instituée par la loi hospitalière du 31 décembre 1970. A ce titre, elle
fait donc partie des structures sanitaires. Nous pouvons lire à l’article 4
que : les
services des centres hospitaliers peuvent se prolonger à domicile, sous réserve
du consentement du malade ou de sa famille, pour continuer le traitement avec
le concours du médecin traitant.
Parmi les textes fondateurs du « secteur », le décret
86-602 du 14 mars 1986 relatif à la
lutte contre les maladies mentales et à l’organisation de la sectorisation
psychiatrique précise à l’article 9 que « la prévention le diagnostic
et les soins sont assurés notamment à la résidence des patients ». Par
ailleurs l’arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et services de
lutte contre les maladies mentales comportant ou non des possibilités
d’hébergement mentionne à l’article 11 que les services d’ HAD en psychiatrie
« organisent des prises en charge thérapeutiques à domicile associées
s’il y a lieu à des prestations d’entretien nécessitées par l’état de
dépendance du patient ».
Le décret n°
92.11.01 du 02 octobre 1992 stipule que « les structures dites
d’hospitalisation à domicile permettent d’assurer au domicile du malade, pour
une période limitée mais révisable en fonction de son état de santé, des soins
médicaux et paramédicaux continus et nécessairement coordonnés. Ces soins se
différencient de
ceux habituellement dispensés à domicile par la complexité et la fréquence des
actes. »
La circulaire
ministérielle du 30 mai 2000 précise le champ d’application de l’ HAD. Elle
spécifie que « l’hospitalisation à domicile concerne les malades atteints de
pathologies graves, aiguës ou chroniques, évolutives et/ou instables qui, en
l’absence d’un tel service, seraient hospitalisés en établissement de santé.
L’HAD a pour objectif d’éviter ou de raccourcir l’hospitalisation en service de
soins aigus ou de suite et réadaptation, lorsque la prise en charge à domicile
est possible ».
Elle précise en les
détaillant la typologie de l’ensemble des actes pouvant être, seuls ou
associés à d’autres actes, réalisables à domicile.
Elle insiste sur le concept
de Projet Thérapeutique et précise les rôles respectifs des différents
médecins concernés par cette prise en charge, à savoir le médecin
hospitalier, le médecin de famille et le médecin coordonnateur de
la structure HAD.
Malgré ces
dispositions, le principe de l’ HAD n’est pas encore partout appliqué et peine
à se développer. En 1973, il existait 13 structures, 41 en 1992 et 82 en 2001.
Au 1er janvier 2004 les capacités
d’accueil en hospitalisation à domicile étaient de 4 326 places dont plus de la
moitié installées en Ile-de-France, 141 en région Nord – Pas-de-Calais et 108
en Picardie. Actuellement 28 départements sont encore dépourvus de HAD[4].
Une dernière circulaire
de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS) du
04 février 2004, selon le même schéma, complète la précédente en abordant
les modalités de prise en charge générale notamment en psychiatrie. Elle
vise un double objectif, répondre à la demande des patients et diminuer les
durées de séjour en hospitalisation complète. Ce développement s’appuie sur une
planification simplifiée.
Il en ressort principalement que l’ HAD permet de
préparer, raccourcir, prendre le relais, éviter et remplacer une
hospitalisation à temps complet. Dans la perspective de soins gradués, et dans
le cadre d’un travail en réseau
intégrant le secteur et les professionnels libéraux, elle peut notamment
contribuer à la réinsertion de patients pris en charge au long cours en
hospitalisation complète. Ces orientations sont
destinées à favoriser le développement de l'hospitalisation à domicile et
s'inscrivent dans le cadre de la révision des schémas régionaux d'organisation
sanitaire de deuxième génération. Les prochains Schémas Régionaux d’Organisation
Sanitaires (SROS) intègrent le développement des
alternatives à l'hospitalisation, au moyen d'un volet spécifique.
Cette circulaire
précise que : « L'organisation des soins en psychiatrie se
caractérise par des formes diversifiées de prise en charge alternatives à
l'hospitalisation à temps complet (CMP, CATTP, hospitalisation de jour, visites
à domicile...) dans une logique de graduation des soins. Parmi ces modalités de
prise en charge, l' HAD se caractérise par une intensité, une continuité, une
coordination et une structuration des soins correspondant au rôle et aux
objectifs qui lui incombent et définis préalablement. »
L'admission suppose le consentement du patient et de
son entourage au principe de l' HAD.
L'HAD permet tout d'abord de préparer, raccourcir, prendre le relais,
éviter et remplacer une hospitalisation à temps complet. L’HAD
intervient donc en amont et/ou en aval de l’hospitalisation temps
plein : en amont en évitant ou en préparant une hospitalisation temps
plein et en aval pour raccourcir une hospitalisation et favoriser une
réinsertion sociale à la sortie de l’hôpital. En effet, dans la perspective de
soins gradués, et dans le cadre d'un travail en réseau intégrant le secteur et
les professionnels libéraux (psychiatres et/ou généralistes, gériatres...),
elle peut notamment contribuer à la réinsertion de patients auparavant pris en
charge au long cours en hospitalisation complète.
L’HAD va donc recouvrir l’ensemble des soins psychiatriques délivrés au
domicile du patient suffisamment améliorés pour pouvoir vivre et rester
chez lui, mais pas encore totalement en état de se réadapter à la vie
extérieure sans une prise en charge régulière, intensive et pluridisciplinaire.
Certains patients suivis ont souvent un appartement et éprouvent des
difficultés à y vivre. Ce temps d’ HAD permettra de faire du lien entre le
patient et son lieu de vie, entre le patient et son entourage. La prise en
charge à domicile doit tenir compte du fait que le patient est une personne
complexe dont les soins seront dispensés dans son cadre de vie et devront tenir
compte de son entourage.
Elle peut également constituer une étape
dans la prise en charge du patient, avant la mise en place d'un suivi
ambulatoire moins intense (consultation au CMP, VAD, hospitalisation de jour,
autres).
En aval l’objectif est de raccourcir le temps d’hospitalisation sans
pour autant laisser le patient seul devant les difficultés du retour à
domicile.
L’HAD est souvent en situation intermédiaire et contribue à une
amélioration qualitative dans l’histoire du traitement d’un patient.
Enfin, en assurant l'intervention de professionnels de santé et
d'acteurs sociaux à domicile, l' HAD favorise l'accès aux soins des patients et
des familles qui ne recourent pas aux structures de prises en charge
traditionnelles. Elle peut éviter la stigmatisation inhérente à
l’hospitalisation dans un hôpital psychiatrique.
Afin d'éviter toute rupture de prise en
charge du patient, une prise en charge de qualité en HAD implique le
développement de collaborations et de complémentarités structurées entre les
équipes d' HAD et les autres acteurs de la prise en charge du patient qu'ils soient
sanitaires, sociaux, médico-sociaux. Il s'agit, en particulier, de permettre au
médecin traitant de garder toute sa place dans cette prise en charge, mais
également de développer des liens avec des intervenants tels que les
associations d'usagers.
Parce qu'elle est globale et qu'elle
prend en compte son milieu social de référence, l' HAD permet d'améliorer l'alliance
thérapeutique du patient et l'observance de son traitement. Elle permet, en
outre, d'apporter et de mettre en place un soutien adapté à la famille et à
l'entourage du patient. Il s’agit de travailler avec le patient, dans le
respect de ses droits et avec l’entourage en reconnaissant à celui-ci une
véritable fonction dans une prise en charge souvent complexe et difficile. Les
proches d’une personne souffrante demandent souvent d’être « aidés pour
l’aider ».
En ce qui concerne les soins, la famille
doit être, associée à la stratégie de soins notamment si la qualité des
relations familiales se révèle importante pour la suite de la prise en charge.
L'admission en HAD implique la prise en compte de la capacité de
l'environnement du patient à assumer cette prise en charge, notamment en
situation d'urgence et de crise, sans pour autant exclure de ce dispositif les
personnes vivant seules.
Ces soins pourront être accompagnés d’un
travail d’éducation sanitaire et de prévention.
En France, la conférence de consensus sur
les " Stratégies thérapeutiques à long terme dans les psychoses
schizophréniques (1994) ", évoque les approches familiales parmi les
stratégies thérapeutiques non médicamenteuses, dans le chapitre traitant des
approches psychothérapiques. On insiste sur l'information aux familles, et la
place des psychothérapies familiales dans une optique de partenariat. Les
familles peuvent bénéficier d'une formation permettant de mieux réagir face à
la maladie.
Dans le document de consensus du traitement de la
schizophrénie aux Pays-Bas, on insiste sur le fait que le patient et la famille
doivent être informés tant de façon verbale qu'écrite sur la maladie
schizophrénique, sur le traitement appliqué, sur les résultats à attendre de ce
traitement et sur les effets gênants possibles des médicaments. La
conférence de consensus en Belgique insiste sur leur implication dès le premier
épisode et à plus long terme. Elle recommande la prise en charge éducative
du patient et de sa famille.
L’environnement familial peut parfois être la condition de
l’HAD. C’est une responsabilité que cette forme de soins particulière, va faire
peser sur l’entourage. C’est souvent elle qui sera présente le plus souvent
possible auprès du patient. La famille va alors devenir un des acteurs du soin
et son rôle sera d’une extrême importance. Il sera alors nécessaire pour les
équipes de soins de soutenir ces personnes.
Le
travail en HAD nécessite une réelle ouverture aux autres professionnels du
médical comme du social. Il demande également de travailler avec les élus,
tribunaux, police, associations de familles ou de malades.
Etymologiquement[5], le
mot partenariat est un dérivé récent du mot partenaire, défini « personne
qui partage une chose avec une ou plusieurs personnes » puis
« associé » « compagnon »... Dans le partenariat, il est
question d’alliance, d’association et de participation.
Le
partenariat peut signifier l’élaboration de conventions écrites entre les
partenaires.
La logique[6] du
partenariat oblige à se connaître pour se reconnaître, à réfléchir ensemble et
à agir de façon coordonnée dans un but commun. Il doit être compris comme un
espace de liberté et de respect du travail de l’autre.
Les conventions créées entre partenaires délimitent
le champ d’action des uns et des autres. Elles déterminent les responsabilités,
fixent un cadre à la coopération de deux ou plusieurs structures ou
organisations. Les partenariats peuvent offrir des réponses coordonnées et
adaptées à des situations possibles ou à venir.
La circulaire du 14 mars 1990 relative aux orientations de
la politique de santé mentale affirme la nécessité de travailler dans la
communauté. Elle prévoit entre autre, la création d’un conseil de secteur qui
doit regrouper les différents acteurs de
la communauté de secteur. Elle
précise que ces conseils pourraient :
-
étudier et résoudre
les problèmes d’articulation, de coordination entre les différents
acteurs ;
-
mobiliser les
complémentarités entre les praticiens libéraux et les infrastructures publiques
et associatives pour faciliter l’orientation des malades…
[1] Procès-verbaux du Comité de mendicité de l'Assemblée constituante, février 1790-septembre 1791. Édition par C. Bloch et A. Tuetey, Procès-verbaux et rapports du Comité de mendicité de la Constituante (1790-1791), Paris, 1911. lx-817 p. (Collection de documents inédits sur l'histoire économique de la Révolution française), p. 1-304.
[2] http://www.eurasante.com/polebio/etude1.html
[3] AP HP Histoire, Musée, Archives Historique de l'hôpital HOSPITALISATION A DOMICILE
http://www.ap-hop-paris.fr/index.htm
[4] http://www.cram-nordpicardie.fr/
[5] Le Robert, dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d’Alain Rey, 1998.
[6] LEYRELOUP (AM), Réseau de santé, ou santé en réseau ? in V.S.T. n°81 La santé en Réseau, 2004, p.20