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PREMIERE APPROCHE DE LA PSYCHIATRIE AU NIGER

 

 

Le Niger est un pays d'Afrique de l'ouest, situé entre l'Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, le Tchad, la Libye, le Mali et le Nigeria. La capitale est Niamey. Les habitants, qui sont au nombre de 12 millions, sont  appelés des nigériens.

 

Au Niger, la maladie mentale est perçue comme étant l’œuvre d’un « génie », ou d’une personne « jalouse » qui auraient jeté un sort au malade. Les familles font donc d’abord appel à un guérisseur. Ce dernier, dont la rétribution peut aller de 50 à 100 000 FCFA (de quelques centimes d’€ à 150 €), va utiliser pour le désenvoutement, des méthodes telles que les incantations, les fumigations, les décoctions, les bains, le sacrifice d’animaux, les coups. Il est à noter que si le guérisseur est un marabout, il utilisera les textes du coran pour ses incantations. On peut parfois constater des cas de « guérison », qui peuvent correspondre, en fait, à la fin d’une bouffée délirante aiguë.

 

Lorsque le désenvoutement a échoué, ou lorsque le malade se livre à des actes graves (vols, homicide, viols, pyromanie) la famille va amener ce dernier à l’hôpital de Niamey, ou à l’un des centres de Zinder, Tahouat, Maradi (ces centres sont tenus par des infirmiers en psychiatrie). L’hôpital national de Niamey apparaît en novembre 1922 à l’initiative de Jules Brevié, alors gouverneur des colonies. Ce n’est qu’en 1965 qu’il prend le nom d’hôpital national de Niamey. Le bâtiment destiné à la psychiatrie sera construit en 1955 et sera réservé à la fois aux « fous  et aux détenus », ce qui n’a rien d’original dans l’histoire de la psychiatrie. Que ce bâtiment ait servi aux détenus malades est à présent une vieille histoire.  Le pavillon E de  l’hôpital de Niamey compte deux psychiatres, trois infirmiers techniciens supérieurs en santé mentale (après le diplôme d’infirmier d’état, ils ont reçu une formation spécialisée de 3 ans en psychiatrie), une assistante sociale, élément fondamental du service qui fournit un travail considérable,  cinq infirmiers, quatre ASH et deux gardiens, dont le rôle est de maîtriser physiquement les patients agités, cherchant à quitter le service ou refusant une injection, mais également d’assister le personnel infirmier dans ses tâches de surveillance,  le tout pour 53 lits en chambre de quatre. Il existe deux sections : une pour les hommes, qui sont les plus nombreux, (huit salles de quatre lits) une pour les femmes (cinq salles de quatre lits). La structure ne comporte plus de chambre d’isolement. Elle a été fermée à la suite du constat selon lequel des infirmiers abusaient de son utilisation. Tout patient doit être accompagné d’un membre de sa famille, qui doit pouvoir étendre sa natte sur le sol au pied du lit de son malade.

 

Chaque patient passe d’abord par le service d’entrée de l’hôpital ou « service d’aiguillage », où s’effectue le tri. Y travaillent un médecin généraliste et les étudiants en médecine stagiaires ; cela signifie que chaque patient a été examiné par un médecin généraliste ; il est à noter qu’une pathologie infectieuse (paludisme, infection respiratoire) vient parfois compliquer le diagnostic psychiatrique. D’autre part, un patient répertorié en psy peut y être renvoyé alors qu’il ne souffre, à un moment donné,  que d’une pathologie organique.

 

Le Niger ne dispose pas de cadre juridique pour l’assistance aux malades mentaux. Il n’y a donc aucune formalité particulière à l’admission ; la demande de consultation peut émaner du malade, de la famille, d’un médecin ou d’une autorité judiciaire ou policière.

 

Les médicaments les plus utilisés sont la chlorpromazine, le nozinan et l’halopéridol. Si l’hôpital ne les possède pas en stock, la famille devra se les procurer auprès d’une pharmacie. Une hospitalisation dure en moyenne sept jours. Le malade sort avec un traitement à suivre dans 100 % des cas, le suit plutôt bien pendant six mois, voire un an, ce qui est déjà remarquable en raison de l’énergie nécessaire et du coût du traitement. L’arrêt du traitement au bout d’une année entraîne généralement des rechutes, mais la relation qui a pu être tissée avec l’hôpital permet un suivi à long terme. Une thérapie peut être proposée par le médecin psychiatre, qui dispose d’un psychologue clinicien et de quatre psychologues.

 

Les pathologies les plus fréquemment rencontrées sont la schizophrénie, les bouffées délirantes aiguës, la dépression, et notamment des cas de dépression réactionnelle chez les jeunes, la mélancolie, l’anxiété.  Des troubles démentiels chez les personnes âgées font leur apparition depuis quelques années. Il est possible, sinon probable, que seule la méconnaissance du caractère pathologique de ces troubles en ait retardé la détection et la prise en charge. Le postulat selon lequel certaines maladies n’existeraient pas en Afrique est erroné, la dépression y touche la population au même titre que dans les pays occidentaux. Selon la dernière communication de l’OMS, le taux de suicide a augmenté de 60 % dans le monde au cours des 50 dernières années et la hausse la plus marquée a été relevée dans les pays en développement.

 

L’usage de substances psycho-actives est élevé, sans pour autant pouvoir être quantifié. La drogue la plus répandue est le haschish, dont le coût est faible. Il existe un trafic très organisé de médicaments de la rue (anxiolytiques, stimulants dérivés d’amphétamines) achetés bien entendu sans ordonnance. En ce qui concerne l’alcool, on pourrait penser à priori qu’il est peu consommé, le Niger étant pays à dominante musulmane (80 %). Une bière, consommée dans un « maquis » (petit bistrot local) coûte environ 1 €, ce qui est très élevé, ramené au revenu moyen par habitant (770 €/an – 60 % des nigériens vivent sous le seuil de pauvreté). Or, il se vend sur le marché local des alcools frelatés dont les dégâts sur le cerveau humain ne sont plus à démontrer. Pour exemple, une bouteille de whisky « arrangé » coûte environ 3 €.

 

Dans la ville de Niamey, on observe des malades mentaux en haillons, errant au hasard des rues. Il s’agit de patients très malades, que leur pathologie a mené loin de leurs familles voire de leurs pays ; certains sont en effet originaires du Burkina-Faso, du Nigéria ou du Ghana. Ils  vivent ou survivent  dans la rue, n’ont aucun traitement et leur prise en charge, si elle est souhaitable et devra être envisagée dans un futur proche, est encore actuellement difficile. Certains, cependant, sont amenés par la police, lorsqu’il s’est passé quelque chose sur la voie publique et là, avec l’aide du service social et de leur ambassade d’origine, il est possible de les rapatrier dans leur pays et surtout un hôpital où ils seront soignés.

 

Une Association nigérienne pour la promotion des malades et handicapés mentaux a été créée il y a quelques années. Elle ne connaît plus d’activité depuis le décès de son président.

 

Avec tous nos remerciements au docteur Brigitte LECCIA

Psychiatre – Hôpital de Niamey (Niger)

 

Domi

Mai 2008