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VIOLENCE , ADOLESCENCE ET FAMILLE.


Intervention faite lors du CONGRES MONDIAL DE PSYCHIATRIE DU JUBILE (PARIS 27-30 juin 2000) lors du symposium sur la violence organisé par le Dr.J.Fortineau

Dr. PATRICK BANTMAN
Psychiatre des hôpitaux
HÔPITAL ESQUIROL
57 rue du maréchal leclerc
94413 SAINT MAURICE



Nous voudrions, à distance de considérations sur une thématique trop «actuelle», évoquer cette question de la violence chez les adolescents, à travers ce qui peut être en jeu dans la relation entre parents et adolescent.

Il ne s’agit pas pour nous d’évoquer une quelconque causalité univoque, renvoyant la responsabilité d’une problématique souvent complexe à des facteurs familiaux. Les facteurs à l’œuvre sont souvent multiples et intriqués.

En effet, à l’adolescence, entrent en jeu et en résonance, des troubles psychiques certains, avec aussi des assises familiales et sociales perturbés.

Afin de nous présenter, je voudrais dire que je ne suis pas pédo-psychiatre, je travaille dans le service public de Psychiatrie dit «adulte». Responsable d'un secteur Psychiatrique sur des communes proches de Paris, nous intervenons aussi au sein d’une consultation de Thérapie Familiale et également dans le cadre d’une consultation éducative rattachée au ministère de la justice.
Nous sommes ainsi amené à travailler avec des jeunes patients, et surtout confronté à des problèmes de violence dans des contextes différents (à l'hôpital psychiatrique , en consultation médico-psychologique , au dispensaire, aux urgences de l'hôpital général, dans le cadre d'une consultation éducative).

J’ai reçu très tôt une formation analytique puis systémique, car il m’a toujours semblé fondamental de tenir compte de l’environnement dans le développement de troubles psychopathologiques et leurs perpétuations.

Depuis plusieurs années, j'ai orienté ma pratique vers le travail avec la famille afin de mieux comprendre le rôle des relations parents-enfants dans la genèse et la continuité de manifestations pathologiques.

Nous ne voulons pas dire que l’on ne doit pas s’intéresser à l’enfant, à son discours ou à ses productions. Dans les familles avec lesquelles nous travaillons, il y a souvent une intrication entre les problèmes psychopathologiques de l’adolescent et un certain dysfonctionnement familial. Par ailleurs l’adolescent a rarement une demande pour lui-même, même s’il souffre.




La demande ne s’articule pas du côté de l’adolescent, mais de la famille, du lycée, de l’institution. De plus, les pédopsychiatres constatent fréquemment, depuis quelques années une augmentation de l’instabilité psychomotrice, des conduites d’opposition, des troubles du comportement ainsi que des abus sexuels. La pathologie dite névrotique, témoignant d’une conflictualité intrapsychique mentalisée (1) tend par contre à se raréfier.

Il nous semble nécessaire, de façon peut-être critiquable, que celui qui reçoit la demande socialisée la prenne en compte comme telle : c’est à la mère, au père, au maître, à l’institution, que doit se prêter son écoute, et ce pendant toute la durée du travail thérapeutique, s’il est entrepris. Dans certains cas les entretiens avec la famille peuvent être accompagnés par un travail parallèle avec l’adolescent (1).
Il me semble fondamental d’écouter ce que les parents ont à nous dire de leur souffrance, et de la souffrance de leur enfant. Cette souffrance est souvent le reflet de la leur, la manifestation de la leur propre qu’ils ont porté en silence jusqu’à là.

Il ne s’agit évidemment pas de stigmatiser ou de «culpabiliser» les parents (A.Naouri), ni d’imposer des normes ou des valeurs.







Nous voudrions aussi insister sur le constat fait dans la pratique avec les familles. Les sociologues constatent les modifications de la famille (d'un point de vue à la fois structural et qualitatif), par rapport à une certaine tradition antérieure, fréquence des familles recomposées, modifications des rapports parents-enfants autrefois marquées par la différenciation des rôles, avec une répartition assez précise de la fonction maternelle et du rôle du père.

Les rapports parents-enfants se sont transformés, ainsi que les modalités éducatives qui semblent davantage fondées sur l’affectif, prônant la
non directivité, donnant la primauté à l’hédonisme et à l’individualisme (5).
On relève fréquemment l’opposition entre «la valeur famille» et la «valeur individu». Une autre caractéristique qui s'est profondément modifiée est ce que j'appellerais la souplesse au sein des familles. Il est fréquent à notre époque de voire des familles fonctionner sur un mode ou
chaque conflit prend une importance vitale, et peut dégénérer en violence. Dans certaines familles les gens sont incapables d'accepter le point de vue de l'autre et de manifester de la tolérance


Ce que l'on constate fréquemment
en clinique, aussi c'est ce que nous appellerons des situations familiales avec de très grandes carences identitaires entre parents et enfants(1). C'est ce que dans notre jargon nous appelons des situations où existe peu de différenciation entre l'attitude des parents et les enfants. Peu d'interdits sont posés et souvent les parents se comportent comme des grands adolescents. Cette difficulté à poser la loi associée parfois aussi à une certaine fascination de la part de leurs parents pour les enfants qui transgressent.

Il est fréquent de constater dans certaines familles où existent des problèmes de passages à l'acte chez les adolescents, une certaine "fierté" de la part des parents, comme si ceux-ci admiraient inconsciemment le comportement de leurs enfants. Cette situation n’est pas pour nous sans évoquer ce que repère les sociologues autour de
la difficulté de l’exercice de la fonction parentale (la «déchirure paternelle» In (2). Cet aspect est également fréquent dans de nombreuses familles, où plus aucune autorité paternelle, ne peut s’exercer, et où domine l’«angoisse» et la «peur» des parent , vis-à-vis d’un ou plusieurs enfants.

Dans d’autres situations, il existe une
«confusion» entre générations, et les problèmes des parents s’intriquent avec ceux des enfants, sur deux, parfois trois générations.
Nous donnerons plusieurs exemples cliniques de ces difficultés familiales où existent des problèmes liés à l’indifférenciation que l’on retrouve au niveau des individus, du couple et de la famille, tirés de notre expérience en consultation éducative, ou en Thérapie Familiale.




Exemple 1

.Magali est reçue à la consultation éducative de Nogent à sa demande, ainsi que celle de son éducatrice. Il s’agit d’une adolescente de 15ans 1/2, lors de l’entretien, elle relate des difficultés avec son père qui la «harcèle» constamment. Magali présente depuis 3 ans des difficultés d’adaptation scolaire, elle ne fréquente plus d’établissement pratiquement depuis le début de l’année, et à la maison les heurts avec son père sont constants avec, depuis peu, des échanges de «coups».
Magali est une enfant adoptée, à l’âge de 3 mois Mr et Mme J avaient déjà une fille d’environ 7ans, et, expliquent cette adoption par des problèmes médicaux chez Mme J. L’investissement des parents adoptifs fut très important («un rêve réalisé») et Magali a toujours su qu’elle était adoptée.
Magali a toujours été une enfant un peu «difficile. Elle avait beaucoup de rancœur vis-à-vis de son père adoptif, pas très souple, selon sa mère. Les problèmes semblent avoir débuté, il y a trois ou quatre ans, après un avortement, date à laquelle Magali avait des manifestations caractérielles : cassait des objets, les jetait à travers la pièce. À ce jour la situation est devenu intenable, avec des crises violentes, elle jette à son père: «tu vas crever, j’aurai ta peau».
Magali est totalement déscolarisée depuis le début de l’année, des scènes violentes l’opposent à son père, elle sort tous les soirs, fréquente des jeunes en grande difficulté, et auxquelles elle semble totalement s’identifier, elle est amaigrie et éclate facilement en sanglot.
Devant l’importance du conflit familial nous avons proposé quelques entretiens avec la famille.


Au cours de l’unique entretien réalisé avec Magali et ses parents, les parents relateront les circonstances de l’adoption, et évoqueront l’impossibilité pour la mère de Magali de garder sa fille, comme mère célibataire au Sri Lanka. Magali devant ce récit découvrit que sa mère, n’était pas une prostituée comme elle le pensait, et qu’elle l’avait gardée jusqu’à 3 mois. La souffrance de Magali devant ce récit provoqua sa colère d’apprendre que ses parents «lui avait toujours mentit».
Selon ses parents, il ne s’agissait pas là d’un «secret» au sens habituel. Tout cela Magali le savait déjà. Mais, pour Magali, il en était autrement, elle venait de réaliser qu’elle avait vécue avec sa mère pendant 3 mois. Elle avait eut des «liens»avec sa mère. En réponse à Magali sur la souffrance de perdre quelqu’un de cher, le père évoque la mort d’une sœur, il y a 40 ans. Ce souvenir le «hante». Ce souvenir, il l’a occulté toutes ces années, et ce n’est que très récemment qu’il repense à elle.

Ce qui nous interpelle dans cette famille, c’est avant tout la relation entre le père et la fille adoptive, et le destin du secret des origines. Le père se plaint amèrement de la désaffection de Magali, il a l’air marqué par son enfance et un deuil non fait, que semble réactualiser le conflit avec Magali. Ce père est en train de craquer dit sa femme, «à cause de Magali», mais aussi semble-il de la manière dont ce conflit réactualise sa propre histoire infantile. Il est l’objet de la haine «mortifère» de Magali. Le conflit est intense, et la violence explosive, associé à la culpabilité chez Magali et à l’atteinte à sa vie propre par l’anorexie et l’amaigrissement.
Elle essaye de se dégager de l’emprise et de la soumission à son père, par la haine. Les parents sont surpris de voire la réaction de Magali au récit de l’adoption; ils pensaient avoir déjà tout «relaté» à de nombreuses reprises sur les conditions de l’adoption.
Cette famille nous semble débordée par les conflits majeurs qui opposent les «valeurs» des parents surtout le père et Magali. Le père dont l’origine familiale, sa culture orientent vers un respect des valeurs familiales, et, dont le deuil non fait d’une sœur plus jeune a laissé une blessure profonde, ne comprend rien à l’attitude de sa fille, et, réagit par une surprotection et une emprise étouffante au comportement de sa fille.
Nous évoquerons pour interpréter le sens de ce drame familial la notion d’«incestuel» dont parle par Paul Claude Racamier. Pour P.C.Racamier «incestuel» qualifie ce qui dans la vie psychique individuelle et familiale, porte l’empreinte de l’inceste non fantasmé, «sans qu’en soient nécessairement accomplies les formes génitales» (P.C.Racamier, L’inceste et l
incestuel- Les éditions du collêge 1995) .
Dans le cadre d’une relation incestuel l’emprise cède le pas à la complicité. L’objet incestuel est considéré comme un objet narcissique. L’objet incestuel comme l’évoque Racamier «ne sera pas entier» il sera partiel; il ne sera pas intérieur : il sera un bouche-trou». Pour commencer il aura été adulé comme Magali.
«Peu à peu avec douleur et avec rage» l’objet incestuel réalise «qu’il a été utilisé, parasité, disqualifié, floué dans ses désirs propres».
Le conflit devient alors intense




Exemple 2

Mr D.est venu consulter au CMP pour entreprendre un travail analytique. Au cours de l’entretien avec la psychologue, il évoque les problèmes qu’il rencontre avec ses deux enfants âgés de 15 et 17ans. Il s’agit surtout pour le plus jeune de problème scolaire, de comportement agressif, avec toxicomanie, ayant entraîné l’intervention du juge pour enfants et une mesure éducative. Devant ces difficultés, la psychologue proposera à Mr D d’entreprendre une Thérapie Familiale dans le même CMP. Nous recevrons La famille D très peu de temps après. Il s’agit d’une famille sympathique de 4 personnes, le père est médecin généraliste, travaille beaucoup, et est peu présent, la mère est au foyer. Elle souffre du climat familial, des disputes violentes, auxquelles elle ne peut plus faire face. Les préoccupations des parents concernent à la fois l’ambiance à la maison, et les difficultés d’Antoine, le plus jeune qui ne travaille pas du tout. Cette famille d’origine nord africaine dégage cependant une impression d’affection entre les membres et une attention de chaque vis-à-vis des autres. Il est beaucoup question du respect, et l’intérêt des parents pour leurs enfants est considérable.

Nous recevrons aussi les parents seuls au cours de cette thérapie entreprise qui a duré 1 an. Ce qui est apparu, c’est la solitude de la mère face aux problèmes de ses enfants, le père absent par son travail, n’intervenait peu voire pas du tout dans la position d’autorité rendue nécessaire par le comportement de ses enfants .Il se conduisait un peu comme un grand frère, très proche de ses enfants, dont il partage le gôut pour le sport. Il nous confia au cours de nos entretiens avec sa femme, un secret, que lui aussi à l’âge de ses enfants avait eut de nombreux problèmes avec l’autorité et le système scolaire. Il avait été mis à la porte d’établissement scolaire. Nous avons invité MrD à évoquer ses difficultés de jeunesse à ses enfants, ce qu’il fit quelques temps après. Nous avons aussi essayé de modifier le fonctionnement du couple afin que l’exerçice de l’autorité ne repose pas entièrement sur Mme.

Nous insisterons dans cette présentation sommaire de cette thérapie sur le décalage entre l’attitude du père, celle de la mère et les problèmes posés par les enfants. Le père au début n’intervenait et n’exprimait pas son autorité. Il a d’ailleurs longuement évoqué son problème avec son propre père. Recemment alors que la famille se remanifestait pour des problèmes de violence concernant cette fois le fils ainé, le père a évoqué les difficultés du couple et à parler du «refus» de sa femme à le laisser engager une psychanalyse. Là aussi, il semble que la problématique paternelle et celle du couple viennent interpeller les thérapeutes et que le passage assez stupéfiant des symptômes d’un frère à l’autre, nous apprends que rien n’est réglé et que le glissement homéostasique vient se mettre au service de l’unité familiale probablement menacée. Dans ce cas, nous semble confronté à la problématique de non différenciation entre parents et enfants. Le père incapable d’assumer un rôle autoritaire se met au sein de la fratrie tout en se proposant en modèle d’identification pour ses enfants.




Exemple 3

Je vous parlerais ainsi d’Hugo.
Hugo est un garçon intelligent de 10 ans. Il m'a été adressé avec sa famille, par la psychothérapeute d'Hugo. Hugo est décrit comme extrêmement violent à l'école. Les parents de ses camarades de classe ont été jusqu'à faire une pétition à cause des problèmes de violence suscitée par Hugo. Ses parents sont charmants et il n'existe pas de difficultés financières particulières dans la famille, ni de violence au sein du couple ou de la famille. Le père est très occupé, il est syndic de copropriété, rentre tard. Sa femme qui travaille aussi à la charge de ses enfants, mais ne se plaint pas de l'absence de son mari à la maison. Elle doit fréquemment intervenir pour séparer les enfants qui se battent. Cela fait plusieurs fois que nous les voyons et l'état d’Hugo semble s'améliorer progressivement.
Qu'exprime Hugo dans cette violence? La difficulté des parents a posé la Loi est une caractéristique retrouvée dans la famille d'Hugo, comme dans beaucoup de familles. Tout en étant très proche de Hugo, son père ne se pose pas en tant que parents représentant la loi. On a même l'impression qu'il est dépassé, et éprouve presque une certaine fascination d'Hugo??
Une autre caractéristique que nous avons vu évolué au cours de la Thérapie c'est leur difficulté à vivre et à évoquer leurs propres conflits concernant Hugo. Les parents au début ne se contrariaient jamais. Progressivement les parents ont commencé à se différencier dans leurs comportements entre eux et vis à vis d'Hugo… Cette relation est toujours en cours, mais le comportement d'Hugo n'est plus au centre des discussions et les parents acceptent de se remettre en cause…


Exemple 4

Dans une autre histoire, Fabien est pris dans une relation de rivalité entre ses parents en instance de séparation. Chacun se renvoyant la responsabilité de la violence de leur fils. Fabien se bat avec son frère, et, ses parents sont incapables de les séparer. Ils étaient complètement absorbés dans leurs propres difficultés.
Il a fallu que sa violence atteigne un point tel que la justice à dû intervenir, pour que ces parents commencent à réagir... Il est frappant de voir à quel point les parents ont renoncé à leur rôle de parents et sont absorbés par leur conflit. Pour appréhender leur situation, il a fallu à la fois les resituer vis-à-vis d'eux-mêmes et dans leur responsabilité vis-à-vis de Fabien. Dans cette situation nous n’avons pas rencontré les enfants qui refusaient de venir. Nous avons travaillé avec les parents sur leur responsabilité vis à vis de leur propres enfants. Nous avons vu lentement évoluer leur position et se désengager progressivement de l’attitude projective qui caractérisait chacun. La place de la violence des enfants renvoie à la violence du père et la démission maternelle. Le rôle des aieux souvent retrouvés dans ces contextes dysfonctionnels est ici aussi présent, puisque le seul refuge que l’enfant pût trouvé était chez sa grand
mère. Celle-ci accepta de participer à quelques entretiens. Cette exemple d’une situation de consultation éducative nous a semblé particulièrement éclairant de l’intrication des problèmes parentaux et ceux des enfants. Il ne s’agissait pas pour nous seulement d’en faire le constat, mais faire progresser cette situation en travaillant avec les parents sur leur rôle parental sans parti pris pour l’un ou pour l’autre, ce qui était difficile compte tenu du contexte où s’intriquait également des éléments psychopathologiques liés à la nature sado-masochiste de la relation entre les parents, et la position psychorigide à la limite de la paranoia du père. Elle révéla aussi la place importante joué par un grand-parent.


Exemple 5

Le jeune Jean est suivit à la consultation éducative pour des problèmes d’échecs scolaires ,des comportements violents en famille, des recours à des prises de cannabis, et des attouchements sur ses plus jeunes sœurs.
Il a 17 ans, est le 3éme d’une fratrie de 5 enfants, dont l’aîné a 20 ans, et les plus jeunes, des jumelles ont 4 ans.
Les problèmes sont survenus à la naissance des jumelles. A cette époque Jean a commencé à fumer, puis à voler de l’argent à ses parents. Depuis 2 ans 1/2 les problèmes scolaires sont devenus importants. La mère institutrice investit fortement son métier, et fuit le foyer. Le couple des parents s’est déjà séparé en 1991 pendant plusieurs mois. Le mari n’est pas, selon sa femme, quelqu’un qui s’exprime beaucoup. Il a mal vécu le décès de son père en 1997. Depuis le décès de son père, c’est la mère du père qui s’occupe des plus petits à la maison. La femme reproche à son mari le manque d’autorité. Sa femme aurait souhaité un homme «qui a les reins solides». Lui n’aime pas faire le «père fouettard». L’»autorité», elle l’a vu s’exercer par son père qui les corrigeait, son frère et elle... Selon les parents, les aînés ont senti le malaise du couple… Le mari lui reproche de l’avoir empêché d’exercer son autorité.
Le père s’est beaucoup investit dans l’éducation de Jean. Pour faire le «copain», il a abandonné le rôle d’autorité. Il jouait au foot avec son fils jusqu'à la naissance des jumelles, maintenant il se reproche de ne plus avoir d’activité avec lui. La situation à la maison est tellement insupportable que Jean ira vivre quelque temps avec sa grand-mère. La mère est très déprimée de la situation et désinvestit de plus en plus la maison. Elle voudrait se faire hospitaliser, et le couple parle à nouveau de se séparer. La mère souhaiterait une autre vie, tout en se reprochant de ne pas être une bonne mère. Sur nos conseils, elle engagera des entretiens avec un psychothérapeute. Les entretiens du couple vont s’articuler avec ceux de Jean avec la psychologue de la consultation.
Au cours de ces entretiens, la situation extrême difficile de jean est souvent au deuxième plan après les problèmes du couple. La mère expose longuement ses difficultés personnelles, les problèmes à son travail, avec son mari. Le mari reste assez silencieux, exprime certes son épuisement devant la situation, mais contrairement à sa femme ses affects semblent pauvres. Il est difficile en les écoutant de se représenter le fonctionnement familial. Ils donnent l’impression d’être totalement enlisé dans leurs propres difficultés sans autre issue que la séparation qui est souvent évoquée. Il revient sur leurs carences parentales, surtout le père qui nous dit son impuissance à arrêter la projection d’un film vidéo pornographique par Jean avec ses sœurs à la maison. Dans ce cadre nous n’avons pas engagé de Thérapies de couple, nous contentant de les aider dans l’expression de leurs difficultés, afin de rester dans le cadre du problème posé par Jean. Ce travail a cependant convaincu le couple a engagé une thérapie.


Je ne parlerai pas du travail réalisé au cours des thérapies ou de ces consultations, mais de ce qui m'a étonné dans l'attitude des parents dans ces situations très différentes.
La gène voire la honte à évoquer ce qu'ils vivent d'abord comme un échec comme parents. Parfois ils se sentent dépassés par les événements, n'ayant pas ou plus les moyens d'intervenir face à un enfant mis longtemps en position de toute puissance. À un moment donné commencent les histoires, la responsabilité des parents est alors engagée.
Quand cette souffrance commence à s'exprimer face à des situations de violence, il est frappant de constater à quel point cela pèse pour eux, alors que la première impression donne l'impression fausse qu'ils ne sont pas impliqués.
Ces parents sont au contraire tellement immergés dans des difficultés,  et, ils sont totalement dépassés.
Nous voudrions à ce point de notre questionnement insisté sur l'importance du rôle parental et de la disponibilité des parents, quand on aborde la question de la violence.
Je pense ainsi à mon expérience auprès de familles «
  » distantes de leur enfant qui me montre des parents qui sont prêts à se mobiliser à condition qu'on les interpelle sans qu'ils se sentent coupables.
L'enfant,
je m'en rends compte avec mes propres enfants souvent doit s'appuyer sur une représentation fiable des valeurs des parents , et leur propre référence à l'autorité .

Les parents sont dans certains cas , engloutis dans leur propre difficulté ou leurs difficultés de couple comme dans la situation de Jean ou de Fabien.

Nous voudrions aussi évoquer, à quel point pèse souvent sur les parents par des mécanismes souvent inconscients,
le poids de leurs propres histoires et des traumatismes infantiles , comme des pertes (3) . Dans un cas un deuil impossible à faire va trouver dans l’emprise un mode de formation réactionnelle évoquant «relation incestuelle  ». Pour Magali il y a une difficulté majeure à s’ancrer dans la filiation adoptive , liés justement au deuil et au rapprochement impossible entre la génitrice et la tante décédée .Pour les parents d’Hugo il y le désir de réparer les fautes parentales et de se poser en bons parents, et surtout d’éviter tout conflit.La filiation s’établit autour de ces traumatismes dont les effets sont transmis sur les enfants. L’histoire est souvent jalonnée de traumatismes inélaborés, gardant toute sa charge émotionnelle comme pour le père de Magali .

Dans un autre cas le père donne à la mère la fonction parentale afin d’éviter toute confrontation avec le père patriarche ,et, ce sont ses enfants qui eux vont l’affronter afin de protéger le père vis à vis de ses conflits infantiles. Il est inutile aussi d’insister sur le poids des
perturbations transgénérationnelles . En particulier , les silences sur les origines et la filiations ont fréquents .Souvent les agirs adolescents ont été abordés comme des modes de protection devant ce que la demande d’un autre a d’insupportable


Comment les aider à ce moment-là ?

Je crois qu'il est important de les aider à appréhender leur fonction sans les culpabiliser, ou leur donner des leçons(4) . Écouter ce qu'ils font, ce qui se jouent entre eux, et leur enfant. Il est banal d'insister sur la communication entre parents et enfants. Cela veut dire à la fois écouter et poser des limites(4).


Dans les situations que nous rencontrons on peut voire comment la famille sécrète ses propres risques , en accumulant certaines difficultés et génère à la longue, des formes de violence par des passages à l’acte.
Il faut reconnaître la difficulté des soignants et accompagnateurs de terrain pour réussir à enrayer ces processus de destruction. Elle se démultiplie de façon dramatique , lors que les processus de clivage et d’enfermement ont réussi à isoler la famille du monde social. Les intervenants eux mêmes sont enfermer dans une logique linéaire qui les met dans l’obligation de séparer où d’exclure pour arrêter l’escalade de violence. Ils sont aussi «contaminés» par les dysfonctionnements psychiques dus à la chronicisation de la situation (2).
Il nous semble que le fait d’organiser des
rencontres, quand cela est possible avec l’ensemble de la famille, permet d’établir (mais cela ne marche pas toujours) un espace de dialogue qui permet des rencontres entre des points de vue différents voire incompatibles. Cela permet la sortie de la paradoxalité voudrais que cela change, mais je n’y crois pas, et je ne crois pas que vous réussirez), le retour de la pensée, la circulation des affects, la levée des non-dits et des situations de «  » (2). La réunion du réseau familial , comme l’appelle C.Guitton permet de mobiliser les ressources émotionnelles, affectives et mémorielles de l’histoire familiale(2) .Elle permet aussi de resituer la problématique dans l’histoire familiale, de mettre à jour les dissensions et la souffrance des membres , bien avant que le problème survienne .Les hypothèses que nous élaboreront servent l’objectif de mieux comprendre leurs intrications avec les difficultés familiales .Elles sont fragiles et la famille a rarement au début une demande pour elle-même. Il est frappant cependant de constater dans un deuxième temps une élaboration de la demande qui permet d’organiser une prise en charge pour le jeune (ce qui est souvent notre but avoué), voire pour la famille ou le couple pouvant déboucher sur une thérapie du couple ou de la famille.




JUIN 2000


BIBLIOGRAPHIE

(1) Douville O. Des adolescents en errance de lien . L’Information Psychiatrique
No1- janvier 2000-

(2) Guitton C. Aux risques du temps. Mémoire pour le concours Erié ,juin 2000.

(3) Huerre P.et C. La violence juvénile .A partir d’expertises réalisées auprès de 100 adolescents criminels et de 80 adolescents victimes de crimes ou d’agressions .
Nature
tomeXIII-No1-fevrier 2000

(4) Naouri A. Comment ne pas se préoccuper de la parentalité Synapse-Mars 2000.

(5) Théry I.Couple , Filiation et Parenté aujourd’hui. Rapport au Ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux .Ed.O.Jacob-juin 1998


Mots clés :violence famille-intrication-différenciation-carence-représentation

Resumé

L'objet de cet article qui a fait l'objet d'une intervention lors du Congrés de Psychiatrie Mondiale à Paris est d'insister sur le rôle que peut jouer la famille dans ces situations et l'intérêt de les impliquer dans le travail thérapeutique .Des exemples viennent étayer cette présentation .


The object of this article , swhich was the intervention object at the time of the World Congrés Psychiatry in Paris (27- 30 june 2000) ist to insist on the role that can play the family in these situations and the interest to imply them in therapeutic work. Some exemples are given




 


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