TEXTE REALISE PAR UNE
AIDE-MEDICO-PSYCHOLOGIQUE LORS D’UNE FORMATION INFIPP – Françoise M. - Octobre
2013 – Montauban
Depuis l’obtention de mon diplôme
d’Aide-médico-psychologique, une de mes fonctions principales est celle de la
relation humaine avec les résidents dont j’ai la charge.
Je
me rends compte que cette relation n’est plus la même lorsque j’effectue des
toilettes. La nudité des corps amaigris, la déformation, la transformation ont
été une étape assez difficile à regarder ou simplement à toucher.
Mais
au fil de mon expérience, je comprends que ces corps sont amaigris parce qu’ils
sont dénutris, ou bien déformés par des pathologies telle que la polyarthrite
rhumatoïde ou des maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson. Je
comprends que le corps change, se modifie au cours des années. Mais ce
vieillissement peut être accéléré par la pénibilité d’une activité ou lorsque
un accident survient. A la vue de ces corps meurtris ou bien qui ont subi une
ablation, je ne pose pas de questions pour éviter toute gêne ou bien pour ne
pas faire remonter des souvenirs douloureux. J’essaie de maîtriser mon regard
pour instaurer un climat de confiance, de bien-être durant la toilette.
La
toilette est un instant important pour le résident, car c’est de son corps
qu’il s’agit. Avec pudeur, respect et silence, j’effectue cet acte. Il m’arrive
de leur parler mais ce n’est que pure banalité. Je me rends compte que pour
eux, faire à leur place, est difficile du fait de leur âge et de leur
éducation. Ils ne sont plus libres de leurs corps. Je m’approprie leur corps.
Et bien souvent, quand ils sont agressifs, c’est qu’ils n’ont pas encore
atteint le stade de l’acceptation de cet acte, et lorsqu’ils comprennent que
plus jamais ils ne seront comme avant et que la confiance s’est installée avec
l’AMP, il y a résignation.
Je
sais qu’il y a une souffrance physique et morale. Voir leur corps se dégrader
et ne plus pouvoir l’entretenir, ne plus être maître de celui-ci. J’essaie de
les faire participer en leur demandant leur aide. Soit pour se tourner, soit
pour lever le buste, soit pour lever la jambe.
Je
ressens chez certains résidents une volonté immense pour m’aider, mais souvent
leurs efforts restent vains, car ils sont prisonniers de leur corps. Je les
rassure, j’établie un climat de confiance, j’essaie de travailler avec eux pour
rendre ce moment le moins désagréable possible, pour dédramatiser et surtout
pour les amener à accepter cette nouvelle image de soi. Je m’entoure de
professionnels comme la psychologue lorsque je ressens que la personne est en
difficulté pour accepter son image ou si celle-ci ne reconnaît plus son schéma
corporel.
Bien
souvent lorsque la mobilité de la personne le permet, s’assoit au bord du lit,
celle-ci pour lui mettre les bas ou ses chaussures. Il arrive que cette
personne pose sa tête sur mon épaule, sans rien dire, mais à son regard, je
comprends que cette proximité traduit un besoin d’être touchée par l’autre,
blottie contre l’autre. C’est un bien-être, peut-être aussi une reconnaissance
de l’attention que je viens de lui accorder à travers le « geste
soin ». Je sais que le toucher fait partie du développement
psycho-affectif. Je n’ai jamais repoussé ce geste car il est essentiel pour les
résidents qui n’ont plus de famille. Je ne suis pas là pour remplacer la
famille. Je ne prends pas cette attitude pour un témoignage affectif mais un
besoin de senti, d’être touché par l’autre. Chez les résidents qui ne
s’expriment pas, le toucher reste un moyen d’expression et de contact comme le
regard.
L’AMP
ou l’Aide-soignant sont obligés d’avoir un minimum d’empathie tout en gardant
les distances professionnelles. C’est le savoir-être qui l’emporte sur le
savoir, le savoir-faire mais qui reste néanmoins important pour prendre
confiance et redonner à la personne son rôle d’exister.
L’estime
de soi, le respect, la pudeur, la discrétion, le toucher, se mouvoir font
partie intégrante de notre vie. Beaucoup de ces sentiments relèvent de ma
propre éducation. C’est ainsi que je conçois ma façon de travailler et de
vivre. C’est avec empathie que j’arrive à avancer et comprendre les résidents,
et à installer une bonne relation.