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Mais en quoi le cheval peut devenir Un médiateur thérapeutique ?

Dans la mythologie et dans l'antiquité le cheval occupe une place importante.
La mythologie grecque représente, le cheval avec les attributs de la force et de la vitesse, de la beauté et de la majesté. Pégase, le cheval ailé est né du sang de la Méduse lorsque Persée lui a coupé la tête. Zeus en fit une constellation.
Chiron, le centaure, est une double créature, mi-homme, mi-cheval. L'éducation d'Achille lui a été confiée. Il est d'un caractère bienfaisant. Il était considéré par les grecs comme l'un des inventeurs de la médecine.
Hippocrate observait que la pratique de l'équitation en plein air empêchait les muscles de perdre de leur tonus et que l'adaptation aux différents rythmes du cheval était extrêmement bénéfique.
En 300 ans avant Jésus-Christ, Xenophon, philosophe grec, disciple de Socrate, reconnaissait les vertus thérapeutiques du cheval :
" Le cheval est un bon maître, non seulement pour
le corps mais aussi pour l'esprit et pour le cœur "


Ces vertus ont été reconnues tout au long de l'histoire permettant une ouverture nouvelle dans la recherche du bien-être, du plaisir, de la connaissance et de la reconnaissance de soi.
Diderot, au XVIe siècle, dans son encyclopédie écrit un chapitre qui porte le titre : " De l'équitation et de ses compétences pour se maintenir en bonne santé et pour la recouvrer ".
Goethe, au XVIIIe siècle écrit : " Ici au manège, l'homme et l'animal ne font qu'un, au point de ne pouvoir distinguer lequel des deux est effectivement en train de dresser l'autre ".
Le cheval est utilisé à des fins thérapeutiques et dans divers domaines depuis environ 40 ans.
L'origine de la thérapie équestre remonte à 1960. Les précurseurs ont été les suédois et les norvégiens. Par la suite, les anglais et les français les ont suivi (CF : " Comment est née la T.A.C en France. Interview de Renée de Lubersac).

Etre vivant, sensible et réceptif
Le cheval induit une relation de confiance réciproque. Il a un caractère néoténique(1), c'est-à-dire un comportement juvénile, ce qui lui confère son côté domesticable. Il est possible de faire collaborer l'animal par la force. Cependant l'obéissance s'obtient également dans le calme, lorsqu'on se donne les moyens d'être dans la compréhension du cheval, par une connaissance de ses besoins, de ses modes de fonctionnement et la bonne interprétation du langage corporel. Le cheval est un animal hyper-affectif, pour travailler correctement avec lui il faut développer de l'affectif.
L'apprentissage de la maîtrise et de la patience est nécessaire dans différents gestes à effectuer comme le pansage, seller, brider…
" Le cheval est objet de soin, d'alimentation, de pansage, de manipulations d'un espace à un autre. Il devient alors un support possible de projection des expériences vécues du sujet dans son propre corps et dans sa relation à l'autre. Le cheval peut être pensé en terme de contenant. "(2)

Réceptacle de la parole et des sentiments
Dans sa fonction de contenant, le cheval permet une communication autre que par le langage et constitue ainsi une gamme de richesse relationnelle et thérapeutique.
" C'est un animal perméable et réceptif aux émotions, affects, projections et transferts. Il utilise tous ses canaux sensoriels pour communiquer et réagir en être sociable. "(3)
La communication revêt 2 aspects : l'un verbal, l'autre non-verbal c'est-à-dire comportemental, gestuel, les attitudes, les odeurs…

Dans la communication avec le cheval nos sens(4) mutuels et réciproques, Homme/Cheval, sont en éveil. Nous allons principalement à voir à faire avec notre langage non-verbal. Dans la constitution du petit d'Homme, ce langage est bien antérieur au langage verbal. Ce langage archaïque s'instaure in-utéro.
Nous l'utilisons constamment en le combinant au langage verbal. Lorsqu'il n'y a pas concordance entre ces deux niveaux de communication, cela provoque de la perplexité, voire de l'angoisse chez l'interlocuteur.
Le cheval lui ne communique qu'avec son corps, ce mode de communication est particulièrement développé chez l'animal et ses sens sont plus affinés que les nôtres pour percevoir les émotions. Il va faire appel à un retour de notre langage archaïque et à la qualité de la synchronisation entre nos deux modes de communication dans nos relations précoces. De part son caractère le cheval sera d'autant plus sensible si la personne développe de l'affectif. Il est particulièrement attentif à la cohésion des intentions et des gestes. Sans cette cohésion le cheval ne peut comprendre et n'accepte pas ce qu'on lui demande.
Sur le plan physique cela va nécessiter un travail de synchronisation. Si l'action des mains et des pieds n'est pas coordonnée le cheval ne comprendra pas la direction qu'il doit prendre. Ces actions doivent être contrôlées musculairement et permettent ainsi de maîtriser son tonus. Le tonus se trouve à l'articulation du psychique et du somatique. C'est l'attitude tonique qui transmet à l'entourage la vie émotionnelle d'une personne. Apprendre à contrôler son tonus c'est apprendre à contrôler ses émotions.

Cheval objet d'identification et de transfert
Comme nous l'avons vu dans la description éthologique de l'animal, le cheval est un être réactif et sensible. Il reflète constamment, presque comme un miroir, le comportement de celui qui l'approche, de celui qui le monte.
" En tant qu'être vivant il est le support privilégié d'une circulation émotionnelle. L'image du cheval contient une force, une puissance, une liberté qui permettent la réactivation des images internes paternelles mais elle peut aussi renvoyer au contenant maternel en termes de chaleur, de portage, de bercements et d'odeurs, etc… "(5)

Le médiateur cheval permet de travailler les 3 principes, décrit par D.W.Winnicott, nécessaires à l'apprentissage spatiaux temporelle à la construction de l'individu : le Holding, le Handling et l'Omnipotance.
Le handling selon D.W.Winnicott est la façon adéquate qu'à une mère de soigner et de manipuler corporellement son enfant. C'est un apprentissage qui se déroule tout au long de l'enfance au travers la toilette, l'habillage… Le holding est la façon dont la mère porte et maintient son enfant physiquement et psychiquement. L'enfant et de surcroît le nourrisson sont en état de dépendance absolue, ou état fusionnel. Dans la construction d'un individu il est fondamental que ce processus se déroule dans un climat de sécurité et de confiance entre la mère et l'enfant. C'est de là que D.W.Winicott introduit son concept de " mère suffisamment bonne ". Cette mère présente des capacités d'écoute aux besoins de son enfant, elle ajuste ses comportements et ses réactions dans une sécurité suffisante et permet ainsi progressivement l'émergence du Moi.
Dans les maladies psychiques, ce développement a été altéré.
L'utilisation du cheval permet un retour aux relations primitives et archaïques mère/enfant. C'est au cours du pansage, que la dimension de Handling prend sens. L'accent est porté sur les caresses, les soins que l'on va prodiguer au cheval, il va falloir, avant de monter dessus, le brosser, le peigner, lui nettoyer les pieds, s'intéresser à ses bobos, parfois l'alimenter…
Un pansage nécessite l'utilisation de 2 à 3 brosses différentes qu'il faut passer sur l'ensemble du corps du cheval. Le corps du cheval est découvert dans sa globalité. Ce corps réagit à toutes les stimulations. Il peut être hypersensible, chatouilleux, lascif…Il est doux et chaud. Le corps d'un cheval est très mobile. Tout bouge chez lui, les oreilles, la queue se balance, les naseaux frémissent, il éternue. Il va donc falloir rester attentif à ses réactions et à ses besoins. Baisse-t-il les oreilles ? Est-il hyper sensible sous le ventre ?
La dimension de Holding est présente quand la personne monte à cheval. Le mouvement de bercement procuré par le pas du cheval va favoriser les phénomènes de ballottement, de portage. Le cavalier découvre des sensations de maintient et de soutien physique, si la mise en selle est pratiquée dans un cadre relaxant et sécurisant. La place du thérapeute est alors fondamentale. C'est lui qui va créer et tenir ce cadre, tant avec le cavalier qu'avec le cheval. Alors pourra s'instaurer un travail de régression, rendue possible par les différentes sensations corporelles ressenties. Il faut savoir que, au pas, le sujet à cheval fait fonctionner pas moins de 300 muscles, sans contrainte pour le cavalier. Là encore la position de thérapeute est primordiale. C'est par la verbalisation de ces sensations que va pouvoir émerger une reconnaissance des limites du corps.
Cette reconnaissance est également travaillée au cours du pansage. Il y a reconnaissance ces différentes parties du corps, dont la terminologie est très proche chez le cheval de celle de l'humain. On parle de jambes, de la tête, des pieds, du ventre…La façon circulaire de passer les brosses permet d'appréhender ce corps gigantesque et somptueux dans sa globalité.

Mais revenons au pas du cheval, il impose au cavalier un mouvement doux, rythmé, répétitif et symétrique. Quand l'approche a lieu dans un climat de confiance et de sérénité le pas confère un rythme quasi hypnotique.
S'en suit un travail de séparation, car il va bien falloir le quitter ce cheval. Cette séparation se fait en 2 temps. Il faut descendre de sa monture, puis il faut ramener le cheval dans son boxe et ranger le matériel. Cette séparation, qui évoque la castration, se doit d'être pratiquée dans un climat rassurant, par exemple en assurant la personne de la présence à la séance prochaine du thérapeute et du cheval.

Tout ceci ne représente que des prémisses, bien minimes, de ce qu'il peut être avancé dans les possibilités de travail thérapeutique avec un cheval.
A une prochaine fois pour un nouvel aspect.
Isabelle Aubard


Références :
1- Néoténique : terme créé par Kollman pour caractériser la continuation du développement des organes génitaux chez les êtres qui subissent un arrêt dans la métamorphose.

2 - Document de l'association TAC-IF (Thérapie Avec le Cheval en Ile de France)

3 - Karine Martin, Mémoire FENTAC " Schizophrénie et thérapie avec le cheval, un travail autour du narcissisme ", promotion 1999-2002

4 - SENS, nous dit le petit littré, vient du latin sensus, c'est l'appareil qui met l'homme et les animaux en rapport avec les objets du dehors par des moyens des impressions que ces objets font directement sur lui. Au figuré, " appliquer tous ses sens " signifie y employer tous ses soins, y faire tous ses efforts.

5 - Document de l'association TAC-IF (Thérapie Avec le Cheval en Ile de France)



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