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Du bateau à la galère
Les deux textes suivants sont les introductions de réunions cliniques autour des séjour thérapeutiques (notament sur un bâteau) et sur les difficultés des "retours" de séjours.
Si vous souhaitez faire partager votree expérience dans ces domaines, n'hésitez pas à nous faire parvenir vos réactions.
Des psy causent pour un meilleur accompagnement.
Nous voulions vous faire part de nos interrogations de soignants, suite au recul que nous avons maintenant, quant à nos participations à des séjours thérapeutiques. Tout particulièrement le séjour voile qui a la particularité de se dérouler dans un espace-temps rarissime, pour les soignants comme pour les soignés. Nos questions vont de l'encouragement souvent, au doute parfois du bien fondé d'embarquer des patients psychotiques dans ce qui, au départ, doit être un séjour sur un voilier, mais qui, pour certains d'entre eux se continue sur une galère :
Comment faire participer ces patients sans qu'ils encourent un retour trop difficile à assumer?
Peut-on et doit-on faire un lien lorsque, plusieurs mois après des séjours thérapeutiques tels que la voile, des patients schizophrènes ont fait des passages à l'acte tels que des suicides ?
Ne doit-on pas améliorer l'accompagnement et rester vigilants dans l'après projet, et tout aussi vigilants dans les indications et le projet lui-même ?
Serions-nous trop exigeants lorsque nous demandons à un patient atteint de schizophrénie de quitter l'institution ou d'être capable, après une semaine de séjour au combien remuante, d'avoir des projets de sortie et de s'y atteler dès son retour ?
Le séjour en lui même bouleverse déjà tant les patients, ne leur faudrait-il pas plus d'attention, un temps pour récupérer, pour analyser, un sas pour reprendre pied ?
Le séjour thérapeutique ne s'inscrit-il pas dans la dynamique de soin de l'hôpital ? Ne doit-il pas être surtout un moment privilégié pour l'observation sans prétention de notre part d'avoir transformé ou soigné définitivement les patients ?
Comme vous l'entendez, les questions ne manquent pas avant d'ouvrir la discussion.
Voici une image : " Le bateau est à l'image de l'homme, il y a l'apparence et ce qu'il est réellement. Lorsqu'on le regarde, on y voit des voilures magnifiques, grandes et fortes, signes de toutes puissances, mais pour qu'un bateau avance, il y a sous le bateau la quille, celle qu'on ne voit pas mais qui donne tant l'équilibre du bateau. Cette quille, c'est ce qu'il y a à l'intérieur de l'homme. Est-ce que le patient psychotique ne met pas toutes voiles dehors pour un séjour aussi intense, alors qu'un immense vide intérieur le déchire ? Pourrions-nous, nous soignants, être là pour panser au mieux ces déchirures. "
Nous nous intéressons au vocabulaire des marins qui nous interpelle tant les mots sont forts : border, chavirer, dériver, choquer, larguer, virer, sombrer, affaler, barrer, abattre, refuser, déraper, décrocher… Il y a la dérive, il y a l'écoute. Les marins équilibrent le voilier à l'aide de l'écoute
Texte préparé en vue de la réunion clinique
du 25 mars 99 (Service du Dr. WINDISCH)
Séjour thérapeutique suite.
Lors de la précédente réunion intitulée : " Du bateau à la galère ", nous nous interrogions sur le problème de passages à l'acte, de patients, qui intervenaient plusieurs mois après le séjour thérapeutique voile. En voulant travailler autour de l'amélioration de cet accompagnement des séjours (tant dans les indications et la préparation que lors du retour dans l'institution), nous nous sommes intéressés et questionnés sur nos propres passages à l'acte.
- Pourquoi un patient à son retour de mini séjour ne retrouve t-il pas sa place et le lit qu'il a quitté trois jours plutôt ?
- Quel accueil réserve t-on à un patient lorsqu'on lui adresse, dès son retour, une réflexion sur le fait qu'il s'est quelque peu négligé physiquement lors de ce séjour? A qui s'adresse le message lorsque ceci est dit en présence de l'équipe accompagnatrice ?
- Qu'est-ce qu'il y a de difficile et d'intolérable pour un soignant ou une équipe, de voir revenir "leur patient " et "leurs collègues " bronzés, ayant pris du plaisir à naviguer ensemble?
- Cette prise en charge ponctuelle, hors les murs, dépossède t-elle les soignants de la prise en charge quotidienne de "leurs patients" ?
- Est-il si difficile, pour nous soignants, de se passer le relais ?
- Ces séjours sont dits parfois séjours de rupture, de quelle rupture parle t-on ?
- Comment faire pour que cette expérience ne reste pas une parenthèse, non inscrit dans la dynamique des soins et dans l'histoire du patient ?
En interrogeant ensemble l'acte, ne pourrait-on pas faire de nos passages à l'acte, des actes de passages ?
Annick Le Boudec, Philippe Baronnie