Professeur J.L. TERRA
Introduction
Philippe PINEL préconisait déjà en 1974 que l'isolement se pratique le moins possible et le mieux possible. En 1995, plusieurs hôpitaux s'intéressent à l'isolement, que ni l'usage des psychotropes, ni l'évolution des connaissances en psychiatrie, ne permet d'éviter. L'absence de critères de qualité explicites, les nombreuses possibilités d'améliorations de ce soin à risques connus et élevées en font un bon sujet d'étude. Malgré les progrès des traitements en psychiatrie, l'isolement thérapeutique demeure encore largement utilisé pour réduire certains états d'agitation et de violence des patients. Evoqué dans la presse seulement lors d'accident dramatiques, ce soin est considéré globalement comme un soin à risque élevé pour les patients et professionnels de santé.
A la suite de la réflexion initiée dans plusieurs hôpitaux, l'A.N.D.E.M. (Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale) a jugé nécessaire de proposer ce thème d'évaluation de la qualité des soins aux professionnels de santé en psychiatrie, lors de l'appel d'offre 1994.
L'utilisation des chambres d'isolement a été retenue pour les motifs suivants :
w la parution de la circulaire Veil, rédigée dans le décours d'événements dramatiques,
w la fréquence de ce type de soin et la diversité des pratiques,
w le nombre de risques élevés à gérer dans ce processus de soin, complexe et multiple professionnel,
w le potentiel élevé d'amélioration possible.
Seize hôpitaux en 1994 et 1995 ont souhaité travailler avec le service hospitalier de l'A.N.D.E.M. Quatorze ont pu conduire l'expérience jusqu'au bout et rédiger un rapport final.
La méthode de l'audit clinique
L'audit clinique est la méthode d'évaluation retenue par le service hospitalier de l'A.N.D.E.M., pour aider les hôpitaux à développer l'évaluation de la qualité des soins, selon la mission précisée dans la loi portant réforme hospitalière. Cette méthode permet, à l'aide de critères déterminés, de comparer les pratiques de soins à des références admises, en vue de mesurer la qualité de ces pratiques et des résultats de soins, dans le but de les améliorer.
Le choix des critères de qualité
Après une revue de la littérature internationale, un groupe d'experts réunis par l'A.N.D.E.M., a établi 23 critères de qualité constituant ainsi le premier référentiel de pratiques sur l'isolement en psychiatrie. Ces critères de qualité s'étayent sur les dimensions de la qualité définies par la J.C.A.H.O. et portent sur les ressources, les processus et les résultats. Le choix a été fait de définir un niveau de qualité optimale comme base de comparaison aux pratiques professionnelles.
Définition de la qualité de l'isolement thérapeutique
Selon la Joint Commission On Healthcare Organization (J.C.H.A.O.), la qualité des soins est définie par huit dimensions :
Ø Sécurité Ø Continuité
Ø Efficacité Ø Acceptabilité
Ø Caractère approprié Ø Accessibilité
Ø Délivrance au bon moment Ø Efficience
Pour l'isolement thérapeutique, les dimensions suivantes ont été retenues :
Sécurité des patients et des professionnels
Plusieurs études nord-américaines montrent que les professionnels ont le plus souvent recours à l'isolement en réponse à la conduite violente d'un patient, conduite qui ne peut être gérée par une autre modalité de soins.
La dimension sécurité est donc à prendre en compte dans une situation reconnue comme une urgence par les professionnels de psychiatrie.
Caractère approprié, acceptabilité, délivrance du soin au bon moment
S'il s'agit effectivement de priver un patient de sa liberté d'aller et venir librement, cette restriction aux libertés fondamentales peut se concevoir uniquement dans l'intérêt du patient. Il faut donc s'assurer que cette modalité de soins est la meilleure et le seule réponse possible à apporter au patient, compte tenu de son état de santé mental, ceci dans des conditions de respect de sa dignité humaine.
Accessibilité des professionnels, continuité des soins
Cette dimension est importante car l'isolement place l'équipe soignante face à une difficulté : celle de maintenir une qualité de communication optimale, d'une part avec le patient isolé physiquement, d'autre part entre les différents membres de l'équipe. La chambre d'isolement n'est que la condition matérielle de l'isolement.
Ni l'efficacité, ni l'efficience ne sont considérées dans cette étude.
La méthode de mesure
Il s'agit d'une évaluation dite concomitante (action, évaluation). L'évaluateur est l'équipe soignante. Les données sont recueillies par observation directe et examen de dossiers. Cette auto-évaluation implique l'ensemble des professionnels responsables de la qualité de ce soin, centrée sur le patient.
Les résultats
Le niveau d'exigence de qualité des critères a été atteint à des degrés variables. Si certains obtiennent des taux de réalisation très proches des standards, d'autres ne pourront être atteints qu'avec des modifications importantes qui vont toucher l'organisation des soins, les matériels et les pratiques professionnelles. Des mesures correctives sont mises en oeuvre dans les différents hôpitaux et des politiques d'isolement sont élaborées. Au regard des résultats, de nouvelles règles de fonctionnement sont formalisées par des procédures, elles clarifient les rôles et responsabilités des différents professionnels impliqués par l'isolement thérapeutique. Les résultats des évaluations sont à usage interne pour chaque établissement, qui apprécie l'opportunité de leur publication.
Conclusion
Cet outil mesure la qualité des prestations à un moment donné, il ne donne pas les moyens et les preuves d'une maîtrise de la qualité du soin évalué. Cette méthode permet, néanmoins de montrer aux professionnels que la qualité de soin spécifique de la pratique psychiatrique peut être défini précisément par la constitution d'un référentiel, peut être mesuré et amélioré par des actions correctives planifiées.
L'audit clinique est à considérer comme la première étape d'une démarche qualité.
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