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Des méthodes de contraintes physiques
DANS LES SERVICES PSYCHIATRIQUES RUSSES

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Docteur P. KATCHALOV

Docteur KAZANTSEV

Au début du XXème siècle, les méthodes d'isolement et de contention dans les services psychiatriques russes étaient identiques à celles employées partout en Europe : chambres d'isolement, chambres "fortes", draps mouillés et clystères au chloral furent des pratiques courantes.

Les réformes psychiatriques des années 20, animées par l'élan révolutionnaire et libérateur, ont eu pour résultat, avec la sectorisation, la création des réseaux des dispensaires et des hôpitaux de jour, la disparition des chambres d'isolement et la transformation des anciennes chambres "fortes" en chambres d'observation.

Une chambre d'observation ("chambre aiguë" du jargon psychiatrique) typique représente une pièce de 5 à 10 lits, avec un large portail où, au lieu de la porte, se trouve le poste de deux aides-soignants, dont la surveillance est assurée 24 h sur 24. Les mesures de surveillance sous-entendent l'interdiction de sortir de la chambre, l'accompagnement des malades aux toilettes. La lumière n'est jamais éteinte et dans la nuit, un éclairage spécial est prévu.

L'équipement de la chambre d'observation est assez pauvre pour éviter la transformation des objets en projectiles, normalement seul le poste de radio fixé au mur est permis. Les aide-soignants nettoient la chambre au minimum, matin et soir, et au fur et à mesure de situations concrètes.

La notion de chambre d'observation restait un non-dit des manuels tout au long de l'histoire de la psychiatrie, et coïncidait avec le vide législatif sur ce sujet.

C'est avec la mise en vigueur de la loi de 1993 sur l'assistance psychiatrique et de la défense des droits civiques, que l'isolement et la convention sont mentionnés pour la première fois, bien qu'assez vaguement comme des mesures autorisées qu'on commence à aborder cette question dans des ouvrages psychiatriques. Ainsi les médecins et les infirmiers ne disposent d'aucune information sur ce sujet, ou, ce qui veut dire la même chose, apprennent sur le lieu de travail les us et coutumes en vigueur, ce qui comporte évidemment, un risque d'arbitraire quant au bien fondé et à la durée d'application de ce dispositif.

Ainsi tout ce que les auteurs exposent ici représente un exposé de leur expérience personnelle de plusieurs hôpitaux russes et ne contient pas de données statistiques.

La loi ne distingue que l'hospitalisation libre et le placement d'office, dans le deuxième cas, le malade n'a pas le droit de refuser le traitement. C'est pourquoi des médecins traitants ou médecins de garde décident des modalités de placement du malade dès le départ.

La première indication pour la mise en chambre d'observation, comme le suggère sa dénomination, s'adresse à tout patient placé en état d'urgence psychiatrique ainsi qu'aux patients qui sont, soit inconnus du service, soit connus pour leurs tendances violentes, suicidaires ou subversives.

Donc, la chambre d'observation est souvent un passage obligé pour un grand nombre de patients qui ne présentent pas forcément un danger, ni pour les autres ni pour eux-mêmes.

Dans la chambre d'observation, sont mis tous les malades qui s'agitent, qui deviennent violents ou suicidaires, ou bien qui refusent le traitement après avoir été transférés dans les autres chambres. Pour eux, ce placement est un véritable retour en arrière.

Comme avantage de ce dispositif par rapport à la chambre d'isolement, on peut noter que les nouveaux patients, souvent perçus comme des intrus par la communauté hospitalière, passent par une sorte de rite d'initiation qui leur permet de mieux s'adapter et s'intégrer dans le milieu avec moins de risque de perturber l'équilibre des autres patients. C'est surtout important car selon les données de la littérature, la mise en chambre d'isolement se passe presque exclusivement pendant les premières heures de l'hospitalisation (après l'admission).

Pour eux, la perspective assez proche de sortir de la chambre d'observation, même pour demeurer dans le service, est déjà un pas en avant.

Les autres avantages de ce système, sont la sécurité assurée par la surveillance permanente, l'absence de la déprivation sensorielle, la disponibilité d'écoute des aide-soignants tout au long de la journée et la possibilité de participer à certaines activités. Sans donnée de recherche spéciale, il est difficile de juger si la mise en chambre d'observation est perçue aussi humiliante et punitive, comme c'est le cas de la chambre d'isolement.

Le désavantage probable de ce système, qui reste à vérifier par des études comparatives, peut-être la baisse du seuil de tolérance du personnel aux conduites des patients, ce qui peut à son tour résulter en sur-utilisation de la fixation, comme on appelle habituellement la contention physique.

Si la fixation ne fut pas un non-dit dans les manuels psychiatriques comme la chambre d'observation, elle faisait l'objet d'une litote. Si les manuels des années 30 mentionnaient des enroulements en draps mouillés, à partir des années 50 jusqu'aux années 80, ils ne parlent que de contention manuelle, le maximum étant la contention de la tête par un torchon.

C'est toujours avec la loi de 1993 qu'on commence à parler couramment de l'utilisation des ceintures en double couches de tissu élastique, longues de 2 mètres et larges de 10-15 centimètres mises en travers de la poitrine, des bras, des flancs et des chevilles des patients pour les attacher au lit.

Dans le même ouvrage, on aborde la question de 20 heures de formation spéciale pour les aide-soignants et pour les infirmiers pour ce type de prise en charge.

A notre connaissance, cette formation reste dans le domaine du souhaitable.

Il est à noter que le nombre du personnel chargé de l'acte de fixation, que les auteurs des manuels jugent nécessaire, évolue avec le temps :

w 2-3 dans les années 50,

w 3-4 dans les années 60,

w jusqu'à 5-6 dans les années 80.

Historiquement, cette évolution de chiffres ainsi que l'augmentation de fréquence et de la durée de fixation, s'expliquent peut-être par le fait qu'avant l'introduction des neuroleptiques, et encore à la fin des années 50, on abusait du chloral de la scopolamine et de la morphine pour tranquilliser les malades.

Ce type de médication est actuellement devenu obsolète. L'impossibilité d'obtenir la tranquillité immédiate avec les neuroleptiques, nous donne quotidiennement une leçon d'humilité vis-à-vis de la folie.

L'exercice du pouvoir médical risque toujours de se transformer défensivement en abus, spécialement quand il s'agit des psychoses chez les toxicomanes, où la maladie est perçue plutôt comme leur faute.

Pourtant, nous ne sommes pas sûrs que la législation soit plus détaillée que la loi de 1993 pour combler ce vide de régulation.

La question mérite des études spéciales pouvant servir le fondement des recommandations cliniques.

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