MAITRE DORSNER-DOLIVET
En ce qui concerne la prise de décision d'isoler, nous nous retrouvons devant un véritable vide juridique.
En effet, le texte de base en matière d'hospitalisation est la Loi du 27 juin 1990, ce texte réglemente les conditions de l'hospitalisation en amont et en aval, c'est-à-dire qu'il précise les conditions dans lesquelles une hospitalisation peut être ordonnée, une hospitalisation peut être maintenue, et une hospitalisation doit cesser.
Il prévoit le nécessaire respect de certaines conditions de forme, comme par exemple la rédaction de deux certificats médicaux, mais à aucun moment ce texte ne mentionne la décision d'isolement.
Or, déterminer comme c'est mon sujet, le statut juridique de l'isolement, revient à se demander dans quelle condition une décision d'isolement peut être prise, et dans quelles conditions peut-elle être contestée, y a t il un recours contre une telle décision ?
Donc il faut essayer de s'y retrouver sans texte, ni jurisprudence.
Il existe cependant des décisions qui mentionnent les responsabilités, par exemple des H.P. à la suite du suicide du malade qui aurait été placé dans une cellule d'isolement et à qui on aurait laissé un tabouret et une ceinture dont il se serait servi pour se pendre.
Mais sur la décision d'isolement il n'y a pas de jugement, il n'y a pas d'arrêt.
Alors comment essayer de se retrouver dans ce vide juridique ?
Il y a tout d'abord une certitude : l'hospitalisation libre doit être le principe, et il est vrai que dans la réalité des choses, elle représente plus de 90% des hospitalisations, le premier texte qui peut nous aiguiller un peu est l'article L-326 1 du Code de la Santé Publique, d'après lequel :
" nul ne peut être, sans son consentement, hospitalisé ou maintenu dans un établissement accueillant des personnes atteintes de troubles mentaux hormis les cas prévus par la Loi, c'est-à-dire pour une hospitalisation sur la demande d'un tiers et l'hospitalisation d'office."
Donc on retiendra que l'hospitalisation nécessite, au moins dans le principe, le consentement du malade.
L'autre texte dont je vous parlais est l'article L-326 2 du Code de la Santé Publique, qui dit que toute personne hospitalisée avec son consentement pour des troubles mentaux, en hospitalisation libre, dispose des mêmes droits, liés à l'exercice des libertés individuelles, reconnu aux patients hospitalisés pour d'autres causes que la maladie mentale.
D'après ce texte, donc on ne peut concevoir de restriction à la liberté individuelle telle que la possibilité d'aller et venir dans l'hôpital, par exemple que pour les patients qui sont admis en hospitalisation d'office, ou en hospitalisation sur demande d'un tiers.
Un troisième texte, qui s'inspire d'une recommandation de la réunion des ministres lors du Conseil de l'Europe de 1983, c'est l'article R-83 2 et qui a été repris à l'identique par l'article L-326 3 qui précise que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles doivent être limitées soit par l'état de santé du malade, soit par la mise en oeuvre de son traitement; on peut donc penser que l'isolement est applicable uniquement dans ces deux cas : soit parce qu'il entre dans le cadre du traitement thérapeutique d'un malade.
En outre, les règlements intérieurs aux hôpitaux qui doivent être approuvés par le préfet et être plus ou moins collés à un règlement type élaboré par un comité réglementaire, on peut imaginer que le règlement intérieur contienne des articles explicites sur ce point, précisant par exemple à quelles conditions pourra intervenir une décision d'isolement.
L'article L-326 3 peut encore nous aider pour définir un statut à l'isolement, il reconnaît des droits à tout malade comme celui de communiquer avec un médecin, ou un avocat, mais qui précise surtout que le malade a le droit de communiquer avec le préfet, le juge du Tribunal d'Instance, et le président du Tribunal de Grande Instance, et le maire de la commune.
Or, ces autorités doivent au moins une fois par semestre une visite de tous les établissements spécialisés de leur secteur.
Au cours de ces visites, ces "protecteurs naturels" des patients reçoivent leurs réclamations.
L'autre autorité avec laquelle le malade hospitalisé peut communiquer c'est le Procureur de la République, qui lui, effectue une visite trimestrielle dés établissements spécialisés, visite au cours desquelles il recevra lui aussi les doléances des malades hospitalisés et y donner suite.
Le malade, eu égard à l'article L-326 3 peut saisir la Commission des Hospitalisations Psychiatriques qui examinera la situation, et les conditions d'hospitalisation au regard du respect des libertés individuelles.
Soulignons et expliquons maintenant pourquoi ce droit de communiquer avec les autorités est important, le Code de la Santé Publique reconnaît à ces autorités le pouvoir de saisir le Président du Tribunal de Grande Instance de façon à ce que celui-ci statue sur le maintien en hospitalisation et éventuellement prononce la sortie d'un malade retenu injustement.
Face au texte qui permet ce droit de saisine une insatisfaction demeure, car si ces autorités peuvent saisir le Président du T.G.I., en définitive ce président a des pouvoirs très limités : en l'état actuel des textes et de la jurisprudence, il ne peut que prononcer la sortie ou le maintien d'un patient à l'hôpital sans qu'à aucun moment il ne puisse exercer de surveillance sur la façon dont l'hospitalisation est pratiquée ; et il ne pourrait pas remettre en cause une décision d'isolement prise par un médecin.
Il est dommageable que les législateurs n'aient pas voulu aller plus loin, alors qu'ils avaient reconnu ces droits qu'a le malade de saisir la Commission, le Préfet, le Juge d'Instance, etc....
Et qu'il permet à sa famille de les saisir, à la place même du malade.
Existe-t-il d'autres moyen pour contester la décision d'isolement ?
Cette décision n'est contestable qu'a posteriori, et les moyens sont limités.
Quand on parle de ce genre de contestation on envisage le versant des responsabilités.
Une responsabilité civile tout d'abord, lors d'une hospitalisation dans le secteur privé, ce qui est extrêmement rare, sur les fondements de la faute qui aurait consisté en une décision d'isolement abusive, le malade pourrait obtenir des dommages et intérêts, ce qui est une bien piètre compensation; dans le secteur public on rechercherait sur le fondement de la faute de service qui aurait été commise par l'hôpital en laissant prendre une décision abusive d'isolement.
Du côté de la responsabilité pénale, on est assez démuni, parce qu'en faisant le tour des textes qui existent on cherchera dans le Nouveau Code Pénal et dans le Code de la Santé Publique, dans ce dernier les seuls textes qui existent sont les articles L-352 à L-354 qui prévoient des sanctions pénales, donc emprisonnement et amendes à l'égard notamment des directeurs d'établissement qui auraient omis d'accomplir certaines formalités administratives, par exemple d'envoyer au Préfet un bulletin d'entrée lors de l'admission d'un malade ce qui n'a rien à voir avec une décision d'isolement.
Si on regarde du côté du Nouveau Code Pénal, il n'existe pas davantage de solution, on peut prendre en compte l'article sur la séquestration arbitraire mais cette infraction suppose qu'un malade soit hospitalisé sans ordre des autorités constituées or nous ne nous plaçons pas dans cette hypothèse mais dans celle selon laquelle le malade effectivement a fait l'objet soit d'une H.D.T. soit d'une H.O. et où il fait l'objet d'une décision d'isolement, or cette décision elle-même ne peut pas être remise en cause dans le cadre de ce délit de séquestration arbitraire.
Alors que penser de ce statut juridique de l'isolement qui est plus qu'embryonnaire ?
On pourrait imaginer que les législateurs traduisent ainsi leur confiance en la décision consciencieuse des médecins, il est en effet difficile à certaines autorités d'évaluer certaines méthodes effectuées dans un but thérapeutique sur un terrain profondément pathologique.
Mais peut-être est-ce que sur la base du texte existant et permettant à un malade d'en appeler aux autorités légales, que la situation peut changer et accorder un droit de regard plus important du Président du Tribunal de Grande Instance sur le statut des malades en hôpital psychiatrique, basé bien entendu sur des expertises puisque le magistrat n'a pas les compétences pour se prononcer seul sur une telle décision. Mais on pourrait permettre, après un rapport d'expertise, au président de se prononcer sur l'opportunité d'isoler de son terme, de son achèvement.
Il est donc très important de prendre conscience du vide juridique actuel sur la décision d'isolement, et de l'importance de faire en sorte que ce vide disparaisse.
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