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Les médicaments

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"Non-observance et qualité de l'information donnée au patient psychotique sur son traitement"
Introduction
L'enquête
Information sur la médication et psychose
Prescrire, distribuer, informer : le poids de l'institution
Que savent les patients sur leur traitement ?
Modalités pratiques d'information
Conclusion
Bibliographie

Introduction

La non-observance médicamenteuse est une "résistance plus ou moins marquée, exprimée ou non vis-à-vis du traitement prescrit, entraînant soit des prises irrégulières, soit l'abandon de tout traitement." (1).
La non-observance médicamenteuse s'avère d'un coût social particulièrement élevé. Elle entraîne rechutes et réhospitalisations, elle contribue à augmenter le burn-out soignant. Ce coût est particulièrement lourd dans les pathologies chroniques (notamment dans les schizophrénies) qui imposent des traitements au long cours.
Une étude attentive de la littérature montre que la non-compliance du traitement par le psychotique est due à un déni de la maladie, à des difficultés relationnelles avec le médecin ou avec l'équipe soignante, aux effets secondaires importants des neuroleptiques, aux stéréotypes sociaux relatifs au médicament/drogue et à une information erronée sur ces médicaments.
Nous considérons avec Marie-Cardine que le médicament est davantage qu'une substance destinée par ses qualités physico-chimiques à combattre un trouble ou une lésion. "Une définition plus large du médicament tiendra compte de l'ensemble de ses interactions, car le médicament est une substance prescrite dans un cadre et elle incarne la représentation symbolique d'une demande et d'une intention."(2)
Si la prescription d'un médicament met en jeu la relation médecin/malade, sa distribution s'inscrit, en milieu hospitalier, au sein de la relation infirmier/malade et au sein de la relation infirmier/médecin. Cette place particulière de l'infirmier va être le support d'un jeu relationnel (pour ne pas écrire transférentiel) extrêmement complexe.
Ayant choisi le non-observance comme sujet d'étude nous avons posé comme hypothèse que la dissociation psychique du patient psychotique est telle qu'il est illusoire de penser l'informer sur son traitement sans effectuer un véritable travail d'apprivoisement, travail qui s'inscrit dans la durée et mobilise tous les intervenants d'un secteur. Ces intervenants sont mobilisés non seulement dans leur pratique professionnelle, mais également interrogés dans leur propre rapport au médicament et au savoir médical. La qualité de l'information donnée au patient ne peut s'apprécier que d'un point de vue institutionnel. (3)

L'enquête
Des infirmiers de chaque unité fonctionnelle du XIVème secteur de Paris se sont rencontrés pour réfléchir sur leur pratique et éventuellement structurer une réflexion plus approfondie sur celle-ci. 38 infirmiers et infirmiers cadres ont participé à cette première étape. Il y avait à l'origine le projet un peu vague de présenter une communication aux premières "Journées scientifiques du C.H. Esquirol", co-organisées par le Dr.Windisch, médecin-chef de notre secteur.
Un petit groupe d'infirmiers a été l'élément moteur de ce travail, ces infirmiers étaient essentiellement mobilisés par l'histoire de la profession et par une exigence de réflexion sur leur pratique quotidienne. Nous avons souhaité travaillé sur un aspect commun à la pratique de tous les infirmiers, quel que soit leur lieu d'exercice : l'information donnée au patient psychotique sur son traitement. Après avoir effectué une recherche bibliographique nous avons construit deux questionnaires avec réponses "oui, non, ne sait pas". L'intérêt de ce type de questionnaires est qu'il laisse peu de place à l'interprétation du cotateur. Un de ces questionnaires était destiné aux patients, l'autre aux infirmiers.
Le questionnaire "patient" a été divisé en trois parties : l'une centrée sur la qualité de l'information telle que les patients la perçoivent; la seconde, plus précise teste les connaissances des patients sur les somnifères, les neuroleptiques sédatifs et incisifs, sur leurs modalités de prise, sur les effets thérapeutiques et secondaires; la troisième remplie par les soignants précise placement, lieu et temps de suivi, niveau d'étude et description de l'état psychique du patient à partir de cinq items du Brief Psychiatric Rating Scale. Nous avons choisi le BPRS car c'est l'échelle d'évaluation des états schizophréniques la plus fréquemment utilisée. Les résultats des études menées à son propos montrent que cette échelle est fiable et qu'il y a peu d'écarts entre les différents cotateurs.
La population cible est constituée de patients schizophrènes pris en charge par le XIVème secteur de Paris, hospitalisés depuis au moins deux mois à l'hôpital (c'est-à-dire interrogés à un moment où la situation de crise était moins aiguë) ou suivis en extra-hospitalier depuis au moins six mois.
Ces patients avaient donc tous reçus des informations concernant leurs médicaments.
Le choix des patients a été fait en collaboration avec les différents médecins du secteur; tous les patients momentanément fragilisés, et ceux que ce questionnement auraient pu déstabiliser ont été écartés. N'ont pas été retenus les patients persécutés, ceux qui vivent leur traitement comme un poison, ceux qui s'imaginent être enregistrés par des micros, etc. Rappelons qu'il s'agissait d'une première étude et qu'il nous fallait éviter d'affoler soignants et soignés. Il est probable que menée aujourd'hui l'enquête concernerait davantage de patients. Il est à noter que parmi les cinq refus de répondre au questionnaire, nous trouvons trois patients avec idées de référence et délire flou de persécution. 52 infirmiers (XII ème et XIV ème secteurs de Paris) ont répondu au questionnaire qui leur était adressé.
Nous avons écarté tous les infirmiers qui avaient (en raison de leur participation aux Journées scientifiques) eu connaissance des résultats provisoires de cette enquête, ceci risquant de modifier leurs réponses. Ce questionnaire a été conçu de telle sorte qu'il recoupe le questionnaire patient. Du 8 décembre 1992 au 15 janvier 1993, 33 patients psychotiques (sur 38 pressentis) ont répondu à ces questionnaires, soit 16 en extra-hospitalier et 17 en intra-hospitalier. La plupart des patients y ont répondu avec enthousiasme, les soignants (médecins et infirmiers) se sont avérés assez peu réticents contrairement à ce que nous aurions pu imaginer.
En extra-hospitalier, la répartition des patients a été plus difficile, qu'en intra. Parmi les patients hospitalisés au Centre de Jour, certains fréquentent l'accueil du Centre d'Accueil et de Crise le week-end, d'autres reçoivent la visite d'infirmiers du dispensaire, d'autres participent aux groupes proposés par les infirmiers du dispensaire. Simon, pour prendre un exemple, psychotique chronique au fort vécu abandonnique, fréquente l'hôpital de jour tous les matins du lundi au vendredi, il reçoit deux visites à domicile d'infirmiers du dispensaire le mardi et le jeudi après-midi, enfin il passe tous les week-end au Centre d'Accueil et de Crise pour faire "acte de présence" et y prendre son traitement.
Tous les patients ne bénéficient pas forcément d'une prise en charge aussi lourde, il nous a cependant paru difficile de caractériser les patients autrement que par leur suivi extra-hospitalier, sans privilégier une structure par rapport à une autre.
Le seul contact qu'ont certains patients suivis par l'équipe du dispensaire est la visite à domicile hebdomadaire, il a semblé difficile à l'équipe de leur demander de se déplacer pour répondre au questionnaire, d'autant plus que certains ne peuvent le faire. Les infirmiers craignaient également de paraître trop intrusifs en interrogeant les patients chez eux.
Afin d'éviter une trop grande distorsion dans la façon de mener l'entretien et le questionnaire, le même infirmier devait être présent à toutes les rencontres. A domicile cela présentait quelques inconvénients.
Chaque patient a donc rempli son questionnaire en présence de deux soignants, l'infirmier responsable et un infirmier de la structure de soins. Cette façon de faire était la seule permettant de rassurer le patient, d'éviter une trop grande distorsion dans la façon de mener l'entretien mais elle permettait également de corriger les erreurs commises par le patient, voire de corriger les malentendus suscités par le questionnaire lui-même. Le questionnaire sur les produits, conçu en "vrai-faux", pouvait, sans être corrigé, induire le patient en erreur.
20 minutes suffisaient pour répondre aux questions, ce temps fut souvent doublé à l'hôpital, le patient saisissant l'occasion pour poser des questions sur son traitement.

Information sur la médication et psychose
Informer, c'est non seulement donner des renseignements, faire connaître quelque chose à quelqu'un mais c'est aussi le contenu de la communication et tout ce qu'elle véhicule.
Toute communication d'un message entraîne nécessairement des pertes et des distorsions qui sont dues à la polysémie du langage et à l'hétérogénéité entre l'univers subjectif de l'émetteur et celui de récepteur.
Troubles du langage, troubles du cours de la pensée, troubles de la conscience de soi et de l'environnement rendent cette question beaucoup plus complexe que ne le laissent entendre les textes.
Si nous définissons la psychose comme "un processus morbide qui se développe en lieu et place d'une symbolisation non réalisée" (4), on comprendra que les risques de distorsion et de perte d'information sont très élevés.
Ainsi, il ne suffira pas d'énoncer, une fois pour toutes l'effet d'un traitement, ses effets secondaires ou tout autre renseignement, encore faudra-t-il vérifier si cette information a été comprise, intégrée et qu'elle ait un sens pour celui qui la reçoit. A quoi sert d'expliquer à un patient que l'haldol® combat les hallucinations, si celui-ci est convaincu de la réalité de ses étranges perceptions ?
Informer un patient suppose donc qu'on l'aide à prendre conscience de sa maladie, à ébaucher une critique de son délire. C'est un acte thérapeutique élaboré qui s'inscrit dans la relation soignant/soigné.
Faut-il s'étonner qu'un psychotique, pour qui la projection est un des moyens de défense essentiel, renvoie à son médecin et aux infirmiers que ses médicaments sont mauvais, qu'ils le paralysent, qu'ils l'empêchent de penser ? Il ne faut pas appeler manque d'information ce qui appartient au registre relationnel. Nous devons constamment tenir compte de l'ambivalence du patient et du déni de sa pathologie.
A propos du médicament, " il y a donc tout un domaine symbolique et imaginaire, individuel et collectif, qui se trouve manié tout autant que les aspects pharmacologiques"(5). Il s'agit ainsi que le remarque Marie-Cardine d'une véritable synthèse psycho-chimique. Le médicament est vraiment "un objet symbolique proposé à l'investissement du médecin" (6), de l'infirmier et à celui du malade. C'est parce que le médicament est un objet symbolique qu'il y a une façon psychotique de le prendre, c'est parce que le psychotique ne différencie pas le nom et la chose qu'on peut dire en paraphrasant Lacan que le psychotique n'ingère pas un produit pharmacologique mais un signifiant. Il est des signifiants particulièrement empoisonnants.
Le traitement se boit "cul sec", s'avale en grimaçant, il a un goût, une forme, il renvoie à des perceptions, à des modifications réelles ou imaginaires.
Le traitement est également ponctuation du temps, il permet de découper la journée en différents moments d'échange : prise du matin, du midi, du soir et du coucher. C'est parfois le traitement retard qui ponctue les rencontres avec l'équipe extra-hospitalière, le psychiatre faisant même coïncider les jours d'entretien et d'injection.

Prescrire, distribuer, informer : le poids de l'institution
L'institution, ainsi que l'écrit Parizot est une "assignation des différences qui organise un sens" (7). "Instituer c'est nommer, introduire la discontinuité, les différences."(8)
Etablie sur cette différenciation des rôles mais aussi soumise aux rêves narcissiques des groupes humains, piégée par les comportements psychotiques qu'elle prétend faire évoluer et qui lui renvoient sa propre image : absence de temporalité et fonctionnement discontinu aboutissant généralement à un formidable immobilisme l'institution soignante est constamment à interroger. Seule, une attention vigilante de tout le groupe pour faire émerger une pensée, une interrogation sur les buts et les moyens institutionnels peut donner le liant signifiant, caractéristique de la vie psychique et indispensable à tout projet de soin psychiatrique.(9)
L'infirmier n'est pas un distributeur passif de produits prescrits par le médecin. Il donne le médicament avec son savoir infirmier, avec son expérience professionnelle, avec sa connaissance des produits qui n'est pas la même que celle du médecin, avec sa perception de l'état du patient.
Il peut le distribuer en étant convaincu de son efficacité, en étant sceptique, en étant en conflit avec le médecin. En donnant le traitement, en en parlant avec le patient, il énonce également la qualité de sa relation avec le médecin. Besançon note que "les attitudes vis à vis du médicament sont un reflet quasi-paradigmatique de l'ambivalence tant du médecin que du malad."(10) A sa façon, l'infirmier n'oriente-t-il pas la prescription ? N'adresse-t-il pas lui aussi une demande au médecin ?
Que le patient s'agite, que sa violence, réelle ou supposée soit telle que l'équipe ne puisse la contenir, l'infirmier demandera, exigera une augmentation de traitement. Le médecin doit aussi gérer l'angoisse institutionnelle.
Combien d'internes ont dû renoncer, sous la pression des équipes infirmières à diminuer le traitement d'un patient ? Combien d'infirmiers résistent à la tentation d'augmenter un traitement qu'ils jugent insuffisamment sédatif ? Combien de médicaments prescrits si besoin, sont donnés systématiquement ?
Informer un patient, est-ce lui dire qu'il a 200 gouttes de nozinan®, parce qu'il renvoie à l'équipe infirmière quelque chose qu'elle ne supporte pas ? Comment pourrait-on tenir un quelconque discours sur ce traitement s'il ne se justifie que de l'angoisse, que de l'aversion que le patient suscitent? La résistance de certains patients au traitement, résistance vécue par le patient et abondamment commentée par l'équipe infirmière, ne procède-t-elle pas parfois d'une collusion inconsciente visant à mettre le psychiatre en échec ?
Comment pourrait-on favoriser l'autonomie du patient si l'on est incapable d'aborder le contre-transfert, s'il n'existe rien dans l'institution qui permette de le travailler et d'élaborer collectivement?
Si une équipe est convaincue qu'un patient est potentiellement dangereux, elle ne percevra et ne transmettra que ce qui vérifie cet a priori. Le médecin qui ne partage pas le quotidien du patient, n'entendra que des signes de dangerosité, il ne pourra donc, même s'il n'est pas dupe, qu'augmenter ce traitement. C'est la seule façon, hors travail d'élaboration institutionnelle, d'éviter l'escalade.
Le questionnaire destiné aux soignants montre que l'infirmier n'informe le patient sur son traitement que s'il se sent dépositaire d'un savoir, que si sa parole est reconnue, écoutée et reprise, que si la relation qu'il établit avec le patient est considérée comme significative. Si cela paraît vrai à l'hôpital de jour, cela ne l'est pas dans les unités de soins.

Que savent les patients sur leur traitement ?
Nous avons considéré que connaître son traitement c'était connaître le nom des produits prescrits, leur posologie, l'effet thérapeutique recherché, les modalités de prise, les éléments de surveillance et les éventuels effets secondaires.
La partie du questionnaire centrée sur le traitement comportait 25 items. Deux patients seulement y ont répondu en faisant moins de cinq erreurs, soit 6 % de la population cible. Nous pouvons relever la présence de nombreux traits psychopatiques chez ces deux patients.
Eu égard à la difficulté des questions, nous avons estimé qu'un patient connaissait sa médication s'il faisait moins de 10 erreurs.
L'adéquation entre le nom du produit et son action thérapeutique a été retrouvée chez 30 % des patients hospitalisés et chez 50 % des patients suivis sur le secteur. Les patients qui connaissent le mieux leur traitement sont ceux qui ont fait des études supérieures, qui ont un temps de suivi d'au moins 10 ans, qui sont sortis de la phase aiguë et qui paraissent épargnés par la désorganisation conceptuelle.
Lorsqu'il veut être informé, le patient s'adresse à son médecin en extra-hospitalier, aux infirmiers à l'hôpital temps plein.
Il apparaît que plus l'information tend à être quotidienne, moins le patient peut citer le moment précis où elle lui a été transmise. Lorsqu'il le fait, il évoque alors des moments privilégiés, des moments qu'il décrit comme fondateurs d'une compréhension nouvelle, et de la pathologie et du traitement. Ce moment fondateur est toujours relié à la présence d'un soignant référent avec lequel existe une relation privilégiée.
Si les patients associent somnifères et lutte contre l'insomnie, Largactil®, Nozinan® et sédation voire diminution de l'angoisse, ils s'avèrent dans leur grande majorité incapables d'établir un lien entre délire, hallucinations et prescription d'Haldol®. Il n'est pas évident d'accepter un traitement qui a pour but de combattre ce qui n'est pas perçu comme un symptôme, d'autant plus que les infirmiers n'osent pas appeler symptômes ces perceptions délirantes.
Les niveaux d'ignorance des patients correspondent exactement à ce que taisent les infirmiers, comme si l'information donnée par le médecin avait besoin d'être relayée par une parole infirmière pour pouvoir être intégrée.
Lorsqu'il adresse une demande de renseignement aux soignants, le patient ne recherche pas une information scientifique; par l'intermédiaire du médicament, il parle de ce qu'il sent, de ce qu'il éprouve dans son corps. Le questionnaire montre que les patients ne connaissent pas les effets secondaires décrits dans le Vidal, mais qu'ils sont attentifs aux sensations qui émergent dans leur propre corps, même si pour nous soignants, il n'y a aucun lien entre les produits et leurs sensations.
Ce n'est pas parce qu'il est mieux informé que le patient prend mieux son traitement. Ainsi Noël, ancien visiteur médical, connaît parfaitement les molécules, les mécanismes d'action des médicaments prescrits. Ces médicaments sont bons pour les autres, les malades, lui n'est pas malade, pourquoi les prendrait-il ?

Modalités pratiques d'information
Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier vérifie la prise des médicaments et surveille leurs effets. Il doit également, en tant que de besoin éduquer le patient et son entourage.
Ces actions d'éducation doivent viser à l'acquisition, l'intégration de connaissances qui permettent à la personne soignée de maintenir, modifier ou d'acquérir des habitudes ou comportements réfléchis, adaptés à son milieu et à son environnement. Il s'agit de faire comprendre au patient la nécessité d'une prise régulière, de donner des informations sur les modalités d'absorption et sur les effets secondaires des médicaments.
L'infirmier identifie les besoins du patient, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue.
L'information sur le traitement n'a pas, sur un plan pratique, la même raison d'être en intra et en extra-hospitalier. Ainsi 72 % des infirmiers exerçant à l'hôpital considèrent que la surveillance des malades et des thérapeutiques mises en œuvre est la série d'actes qui caractérise le mieux leur pratique.
A l'inverse 72 % des infirmiers travaillant en extra-hospitalier privilégient le maintien, l'insertion des personnes dans leur cadre de vie habituel.
Lorsqu'un patient demande des renseignements sur sa médication, il obtient toujours la réponse d'un infirmier qui renverra, éventuellement, s'il l'estime nécessaire au médecin prescripteur. Il assume ainsi pleinement son rôle d'intermédiaire entre malade et médecin.
Quels renseignements devrait donner le médecin aux patients ? Les réponses varient selon les Unités fonctionnelles. A l'hôpital 73 % des infirmiers estiment qu'il devrait préciser posologie et durée du traitement, seuls 53 % d'entre eux ajoutent effets thérapeutiques et secondaires.
En extra-hospitalier, trois infirmiers sur quatre considèrent que le médecin doit énoncer les effets thérapeutiques, la durée du traitement et les éléments de surveillance. Toutes ces informations étant reprises par l'infirmier dans le but de favoriser l'autonomie du patient, plus le médecin donne d'informations, mieux infirmiers et patients peuvent travailler. C'est ainsi que 55 % des patients suivis en extra-hospitalier connaissent les effets thérapeutiques et secondaires de leur traitement.
A l'hôpital, le patient est essentiellement informé à sa demande (73%), l'information peut être différée en fonction de la disponibilité de l'infirmier (60%). Si le patient ne demande rien, il ne recevra d'information que par moins d'un infirmier sur deux (48 %). Le travail d'éducation à la prise de traitement s'effectue essentiellement à l'occasion d'un départ en permission (66 %) ou lors d'une sortie définitive (66 %) - ce qui semble un peu tard. La question du traitement sera également abordée à l'occasion d'une visite à domicile.
En extra-hospitalier, l'infirmier n'attend pas la question pour évoquer le traitement, trois infirmiers sur quatre l'abordent spontanément et répondent bien évidemment à la demande. Les infirmiers exerçant au Centre Psychothérapique de Jour travaillent spécifiquement ce point lors du groupe semainier, et d'une façon moins précise lors de diverses activités de groupe.
Le contenu de l'information donnée par l'infirmier n'apparaît pas spécifique à une structure ou à une autre. La différence essentielle entre intra et extra-hospitalier est qu'en intra l'infirmier attend les questions alors qu'en extra-hospitalier, il les précède.
Il ne suffit pas d'informer encore faut-il être convaincu de la nécessité de le faire. En intra, 59 % des infirmiers estiment qu'il est nécessaire d'informer le patient sur son traitement, 26 % pensent que c'est utile. Lorsque nous abandonnons les déclarations d'intention et évoquons des situations cliniques, les infirmiers nuancent. C'est ainsi que la connaissance de son traitement peut pour un patient donné apparaître dommageable (13 %), ponctuellement dommageable (66 %), voire en contradiction avec les objectifs thérapeutiques (20 %). L'état psychique du patient peut rendre cette information inutile pour 40 % des infirmiers.
En extra-hospitalier, la connaissance du traitement apparaît indispensable (22 %), nécessaire (66 %), utile (66 %).
Quelles fonctions ont les informations données par l'infirmier ?
Elles contribuent essentiellement à rassurer le patient (88 %), elles sont essentiellement l'occasion de vérifier si l'infirmier dit la même chose que le médecin (42 %), elles peuvent enfin permettre d'améliorer l'observance médicamenteuse (24 %). Le lien entre information et observance est donc loin d'être admis universellement.
Notons que pour 42 % des infirmiers, cette information ne sert parfois à rien, car le patient n'en tient aucun compte. Si connaître son traitement est considéré comme un droit par 70 % des infirmiers, ce droit n'est pas reconnu aux patients dont l'état psychique est par trop perturbé (52 %).

Conclusion
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant que chaque infirmier se sente responsable du traitement qu'il distribue, avant que chaque infirmier se décide à informer loyalement chaque patient. Comment le patient pourrait-il participer aux choix thérapeutiques qui le concernent si infirmiers et médecins contribuent à entretenir le mystère autour de produits souvent décrits comme une camisole chimique ?
Qu'il le veuille ou non, l'infirmier informe le patient. Il lui transmet que ses médicaments ne le regardent pas, il délivre une information limitée à ses aspects organiques, il le renvoie au médecin prescripteur, il évoque la sortie et la suite du traitement.
Et pourtant. La formalisation d'un diagnostic infirmier de risque de non-observance médicamenteuse permettrait d'évaluer le niveau d'acceptation du traitement, de connaissances sur ce traitement et sur la maladie et de proposer à tout patient réhospitalisé une activité d'éducation à la santé (si cette réhospitalisation est due à l'interruption du traitement).
Informer un patient sur son traitement, ce n'est pas seulement délivrer des renseignements plus ou moins obscurs, c'est créer un espace de parole autour du médicament.
Un patient qui participe à un groupe d'éducation peut exprimer son déni de la maladie, le nuancer, refuser que ce qu'il perçoit soit considéré comme une hallucination mais aussi reconnaître qu'il dort mal, qu'il a besoin d'aide pour lutter contre ses persécuteurs, etc., bref fournir un levier à partir duquel une demande de soins pourra être formulée. Ce patient peut bien hurler sur tous les tons que son médecin, que les infirmiers sont des incapables, qu'ils l'empoisonnent, il hurle d'un lieu où il a noué une relation avec un ou des membres de l'équipe.
A partir de ce lieu et de cette relation, une alliance va naître, alliance dans laquelle l'aspect éducatif pourra n'être qu'un prétexte. Tous les auteurs notent que le patient est non seulement d'autant plus compliant qu'une alliance thérapeutique existe mais encore que les effets secondaires sont d'autant moins sévères que le patient accepte son traitement.
Ce groupe d'éducation n'est il pas, par ailleurs, le lieu idéal où les stéréotypes sociaux relatifs au médicament/drogue pourront se modifier ?
Pour améliorer la qualité de l'information donnée au patient, nous avons (en faisant appel à la référente vidéo de l'institution) réalisé un film didactique sur les psychotropes dont le titre est "Vivre en ville".
Ce film sert de support à des rencontres autour du traitement et des questions qui s'y rapportent. A ce jour, 6 groupes de patients ont vu le film. La première présentation eut lieu dans le cadre du groupe "Vie quotidienne".
Les patients des différents groupes ont été si enthousiastes qu'il paraît aujourd'hui indispensable de continuer cette expérience. Il nous est également apparu que ces échanges autour du film ne se résumaient pas à une simple évocation du traitement et des problèmes qu'il pose. Les patients ont abordé leurs inquiétudes concernant leur sortie, leur solitude, la relation soignant-soigné et la maladie.
Depuis octobre 1995, le secteur a détaché un cadre-infirmier et un infirmier dans le but de créer une dynamique autour de ces notions de vie quotidienne. L'aspect éducatif et relationnel est au centre de leurs préoccupations.

FRIARD(D), LEYRELOUP (A.M), LOUESDON (J), RAJABLAT (M), STOLZ (G), WINDISCH (M).
Service Dr Windisch, (94).

Bibliographie

1-FRIARD (D), LEYRELOUP (A.M), LOUESDON (J), RAJABLAT (M), STOLZ (G), WINDISCH (M), Psychose, psychotique, psychotrope : quel rôle infirmier ?, Ed. Hospitalières, Paris 1994,p.180.

2- MARIE-CARDINE (M), La relation "médecin-malade" à travers le médicament, in Psychologie médicale 1990, 22, 6,pp. 471-475,p.471.
3-FRIARD (D), LEYRELOUP (A.M), LOUESDON (J), RAJABLAT (M), STOLZ (G), WINDISCH (M), Psychose, psychotique, psychotrope : quel rôle infirmier ?, op.cit.,p.8.
4-ANQUETIL (N), Psychose, in Grand Dictionnaire de la psychologie Larousse, Paris 1991, p.627.
5 - MARIE-CARDINE (M), La relation "médecin-malade" à travers le médicament,op.cit, p.472.
6 - Ibid., p.472.
7 - PARIZOT (S), L'institution vivante : mirage ou mythe, in Psychiatrie Française, n°2, mars-avril 1988, 19 ème année, pp. 45-56, p.46.
8 - Ibid., p.46.
9- Ibid., p. 56.
10- BESANCON (G), Les images du médicaments, in Psychologie Médicale 1990, 22,6, p. 476-480.

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