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12° congrès de l’association «ANCRE - PSY »
Lyon 7 /
8 décembre 2001

Je jure que je ne vous dirai pas tout

Secrets partagés !
Qu'y avait-il dans la tête des organisateurs pour proposer ce pléonasme en titre d'une table ronde.
Secret partagé. Un secret ce n'est pas ce que l'on ne dit pas, c'est ce que l'on ne dit pas à tout le monde.
En effet, vous ne savez pas si je porte ou non des chaussettes la nuit quand je dors. Si je dors tout seul, je suis le seul à le savoir. Ce n'est pas un secret, je porte ou je ne porte pas de chaussettes quand je dors, c'est un fait que je suis seul à savoir. Quand il m'est arrivé de ne de plus dormir seul, j'ai fais promettre à celle qui allait partager mon lit (entre autre) de ne pas révéler si je portais des chaussettes en dormant. C'est comme ça, je trouvais tout d'un coup qu'il s'agissait d'un détail tellement intime que quelqu'un d'autre le sache ne pouvait se faire qu'en échange de la discrétion absolue. Et voilà que nous partagions un secret. Ce n'était plus un simple fait, c'était un secret entre elle et moi que je lui demandais de ne pas révéler.
Donc le secret n'existerait qu'à partir du moment où il est partagé… sous le sceau du secret j'entends.
Pléonasme vous dis-je que "secret partagé".
Mais qu'est ce qui autorise ou non le détenteur d'un secret à le partager ? Quel nom prend le secret quand il est connu par un certain nombre ? Quelle part de celui qui avait un secret est alors livrée aux autres détenteurs ?
Nous en avons parlé aux différentes équipes avec qui nous travaillons. Que ce soit à l'hôpital de jour ou dans l'unité d'hospitalisation, à l'évocation de "secret partagé", chacun nous conseillait d'aller voir du côté de l'histoire de René. En effet, nous avons beau retourner les événements dans tous les sens, nous ne comprenons pas comment nous en sommes là lui et nous alors que tout nous faisait penser qu'il trouvait enfin sa place dans la prise en charge élaborée avec lui.
Des échanges avec les psychiatres, l'ergothérapeute, l'assistante sociale, l'éducatrice et les infirmiers, que ce soit à l'hôpital de jour, à l'appartement associatif dont nous nous occupons ou en intra hospitalier, revient l'idée que quelque chose se situe autour de ce moment où René a confié ce secret à l'ergothérapeute de l'hôpital de jour.
Alors, plutôt que de vous faire un topo sur les chaussettes que je porte ou pas la nuit, étant donné que notre présence ici n'a d'intérêt que du retour que nous en ferons à ces équipes avec qui nous partageons le secret de René, nous allons réfléchir à voix haute avec vous, espérant que des discussions qui s'en suivront nous saurons y trouver les pistes nécessaires pour savoir quoi faire de ce secret si tant est qu'il faille justement en faire quelque chose.

René habite dans un appartement associatif qu'il partage avec deux autres personnes. Deux fois par semaine il reçoit les infirmiers de l'unité intra hospitalière très proche en visite à domicile. Dans la journée il fréquente plus ou moins assidûment l'hôpital de jour. Il consulte son psychiatre au CMP. Avec l'assistante sociale et l'éducatrice de l'hôpital il organise l'évolution de sa prise en charge vers un appartement plus indépendant et peut être un travail en CAT. Vous le voyez, René bénéficie d'un solide étayage au carrefour de plusieurs structures de notre secteur. Mais c'est au prix de toutes ces "béquilles" comme il dit lui-même que nous avons pu construire avec lui un ailleurs à l'hôpital. Tout ceci ne s'est pas mis en place du jour au lendemain. C'est pourquoi nous vous proposons un bref retour sur l'histoire de René et sur son parcours institutionnel.
René nous est adressé en 1997 en HO pour avoir agressé des passants et des locataires d’un quartier de la ville où il s’est réfugié.
Les certificats médicaux évoquent une pathologie psychotique, vraisemblablement schizophrénique. René vit dans la rue de trafics de stupéfiants depuis son brusque départ de province à l'âge de 16 ans, alors qu'il vivait en famille d'accueil. De cette famille d'accueil il ne nous parle jamais. Il s'en est choisi une nouvelle qui est celle de son frère et qui réside à prés de l’hôpital. René appelle la dame de cette famille "ma mère". Les liens paraissent à ce point bien établis que quelques mois après son hospitalisation, c'est chez eux que se fera sa sortie.
René nous revient quelques mois après encore une fois en HO. Il a agressé le mari de sa "mère", le laissant pour mort, alors que ivre ce monsieur avait une nouvelle fois molesté sa "mère". René selon lui n'a fait que justice et ne trouve rien à redire de son geste.
Dans le service, il a régulièrement des accès de violence brefs mais dévastateurs, "punissant" les uns ou les autres avec ses poings pour avoir soit manqué de respect à une femme ou n'avoir pas respecté les règles. Cette attitude est diversement reprise par l'équipe ou le médecin qui voient René se poser petit à petit en caïd du service, arrondissant ses revenus de mini larcins ou trafics divers.
Ses passages à l'acte ne sont jamais tournés vers les soignants, se posant parfois même comme protecteur des infirmières en difficulté face à d'autres patients qui s'agitent.
Au fil des mois, ces accès sont peu à peu repris, ils peuvent être verbalisés. René explique comment il ne supporte pas l'injustice. Il ne la supporte pas au point qu'elle ne souffre d'aucun délai pour être rendue. La verbalisation avant les passages à l’acte, permet petit à petit de les mettre à distance, de la contrôler, puis de s’en passer.
Au fur et à mesure, la mise en place d'un cadre thérapeutique s'organise. Tout en restant hospitalisé, René fréquente l'hôpital de jour.

La prise en charge hôpital de jour et intra hospitalier s'articule bien, ce qui permet d'envisager une étape supplémentaire. René est alors candidat à l'appartement associatif qu’il l'intègre avec deux autres résidents.
Une première ré hospitalisation a lieu à sa demande alors qu'il craint un nouveau passage à l'acte (chose qui a disparu depuis quelques mois) contre ses colocataires qui ne respectent pas le règlement de l'appartement et s'alcoolisent régulièrement.
Les choses remises en ordre, la vie s'organise, René se positionne en leader. Il organise la vie commune, et en assume les responsabilités. Moteur de cette petite collectivité, il faut à la fois maintenir ce rôle qui le revalorise et lui donne une identité et prévenir une possible dérive tyrannique.
A l'hôpital de jour il a choisi Lionel, l'ergothérapeute pour confident et figure paternelle. Celui-ci, plus âgé et père de famille peut à la fois lui consacrer du temps à l'écouter dans ses difficultés quotidiennes et faire le point avec lui quand sa consommation de produits illicites a des répercussions évidentes sur sa participation aux ateliers.

Début 2000, il lui confie un secret. D'abord entre deux portes, puis au cours d'un long entretien en tête-à-tête, Il s’agit d'un secret qui date de sa vie en famille d'accueil et qui semble encore peser sur lui. C’est la première fois qu’il en parle, même si des allusions ici ou là pouvaient faire penser à quelque chose de cet ordre. Il raconte avec détails l'inavouable pour ce grand gaillard qui est plus enclin à tarabuster les autres qu'à avoir le rôle de victime.

Lionel est pris au dépourvu par les révélations qui lui sont faites et qui minent la vie de René depuis des années. Le cadre de l'entretien pour Lionel est clair. Il n'est pas le thérapeute de René, ce qui se dit dans ces entretiens doit servir à sa prise en charge dans le cadre de l’hôpital de jour. La confidentialité de ces entretiens engloberait l’équipe avec qui il travaille. Ce jour là, le cadre de l’entretien se trouve modifié par la teneur du secret.

C'est la première chose qu'il explique à René. Il propose d'élargir le cercle confidentiel au médecin, en sa présence. René refuse car le médecin de l'hôpital de jour est une femme. L'entretien se poursuit et Lionel lui explique qu’il ne peut seul porter ce secret avec lui. Ils conviennent que sans en révéler la teneur à l'hôpital de jour ce secret sera repris avec un autre médecin du service et lui-même, ceci pour permettre à René à la fois de travailler avec celui qu'il a choisi comme confident et de ne pas y mêler les autres soignants et les autres structures.
Au cours de l'entretien avec le médecin, le secret en question apparaît comme étant des actes dont il a été victime lorsqu'il était mineur et relevant de la justice. René ne veut pas en entendre parler. La justice des blancs n'est pas faite pour les noirs. C’est lors d’un nouvel entretien qu'il acceptera d'être accompagné dans une démarche visant à déposer une plainte pour qu'une enquête soit ouverte.
La justice, la vraie, existe, et elle concerne aussi René, c’est l’objet de la première démarche. D’autre part, l’accompagnement de René autour de ce secret va peut être permettre de travailler avec lui autour de ces passages à l’acte où il se pose comme justicier.
On ne saurait dire si René en est soulagé ou nom. Son état psychique est quelque peu plus instable. Il dort moins bien, est souvent angoissé. Il fait souvent allusion à cette démarche en cours. Sa fréquentation de l'hôpital de jour devient alors chaotique.

Un médecin expert est désigné par le juge pour entendre et l’expertiser dans le cadre de l'enquête. Cet expert qui exerce aussi à l'Unité pour Malades Difficiles, convoque René dans son service.
René sait ce qu'est une UMD, pour lui, c'est là que l'on emprisonne les malades violents qui ont commit des délits.
Lui, victime et plaignant se voit convoqué à l'UMD. L'angoisse à son comble, il renonce à s'y rendre et dans la foulée, dans une lettre adressée au juge il abandonne sa plainte.
René a décidé que la justice, celle là en tout cas n'est pas pour lui, la prise en charge se dégrade, René s'enferme dans son monde puis c'est la rupture de la prise en charge. Il quitte la région pour se rendre en dans la province de sa famille d’accueil "se faire justice". Arrêté lors d'un contrôle de police, il est conduit à l'hôpital psychiatrique de la région alors qu'il a pu rencontrer (une des filles de la famille d'accueil qu’il pense victime des même sévices) mais pas la personne qu'il recherchait.
Il réintègre le service en hospitalisation d’office. Lorsqu'il évoque ce voyage, bien que mettant en avant la frustration de n'avoir pas été au bout de son dessein, il parle avec chaleur et émotion de ce retour dans la région de son enfance, ce qui contraste avec le projet qu’il s’était fixé.
Lorsqu'il va mieux sur le plan symptomatologique, les projets de sortie sont de nouveau d'actualité.
Mais René refuse catégoriquement de réintégrer l'hôpital de jour. Toutes les tares sont attribuées à cette structure, c’est à peine s’il parle avec Lionel ou s’il l’écoute.

De cet exposé du cas de René, nous souhaitons nous poser deux questions autour de ce secret.
La première, nous l'avons abordée avec Lionel l'ergothérapeute et concerne le secret lui-même.
Qu'est ce que René voulait que Lionel fasse de ce secret ?

La réponse de Lionel est fonction de son rôle dans l'institution ou tout du moins de l'idée qu'il s'en fait. Il cherche donc dans le réseau de soin de René la personne compétente pour partager ce trop lourd secret, ces révélations exposées si crûment et sans recul des années plus tard.
Mais était-il question de compétence, n'est ce pas plutôt la question du choix de René qu'il s'agit d'interroger ? L'ergothérapeute a été "choisi" pour recevoir ce secret. C'est ce choix qui lui confère une compétence. "Cette compétence n'est pas liée au statut ou au savoir-faire, mais résulte de la reconnaissance par hasard d'un style qui a ménagé l'ambiance nécessaire à l'inscription de ce contact qui se distingue de tout autre"
nous dit Lecarpentier.
Déposer un secret. Qu'est à dire ? Comme nous le disions en introduction, un secret serait quelque chose de partagé entre un nombre restreint de personnes. Celui qui dit un secret choisi et le moment et celui à qui il le dit. Si secret et confession sont souvent associés, c'est par l'expression "vider son sac" que l’on rend sans doute le mieux compte de ce qui se passe dans le cas dont nous parlons. René choisi Lionel et pas un infirmier de l'unité qui le voit en visite à domicile ou le médecin de la consultation. Il lui confie un secret. Or quand on confie, on se fie à quelqu'un que l'on juge digne de confiance. Lionel se trouve dans une position intenable de double loyauté. Lionel n'est pas l'ami de René, il est l'ergothérapeute de l'hôpital de jour. A ce titre c'est un rôle de soignant qui lui est confié (encore une fois) par une institution, un rôle qui lui est reconnu par les patients et dont il doit rendre compte à l'institution. Pour autant, il n'est pas tenu de "tout dire" à tout le monde. Il va «
 » de cette contradiction en cherchant un tiers entre René, le secret et lui. Si René accepte, c'est sans doute parce qu'il est facile d'associer médecin et secret médical. Le secret entre lui et Lionel se trouverait déposé dans l’écrin ou le coffre médecin. Seulement voilà qu'un quatrième personnage s’impose dans le secret, la justice (dans un premier temps une officier de police judiciaire, puis le juge anonyme à qui René rédige une lettre accompagné de Lionel). Cela fait déjà beaucoup trop de monde à partager ce secret. Il était tellement difficile à René de parler de cela qu'il lui a fallu plusieurs années de lente maturation de sa confiance pour dévoiler qu'il avait été ainsi outragé et maltraité. Petit à petit, c'est nu qu'il avance devant de plus en plus de spectateurs et en plus il en laisse des traces écrites qui ont une autre valeur que la révélation «bouche à oreille ».
Mais finalement, quel était le dessein de René en confiant … enfin… son secret à Lionel. Confier veut aussi dire remettre quelque chose à quelqu'un. Cela engage une relation entre la loyauté de l’un et la confiance de l’autre. René voulait peut être remettre son secret à Lionel, c'est à dire s'en démettre, ce qui est sans doute impossible sans un long travail psychothérapique et c’est ce que pressent Lionel. Cadeau empoisonné, mais pouvait-il continuer à le porter seul.

La seconde question que nous nous posons est celle des réunions de synthèses. Lors d'une prise en charge comme celle ci, il est essentiel que communiquent les différents membres d'une équipe, infirmiers, médecins, assistante sociale, ergothérapeute, mais aussi les différentes structures qui ont en charge le même patient.

Lorsque René est ré hospitalisé après son voyage en province où il avait décidé de faire justice, il faut envisager de remettre sur pied cette prise en charge qui jusqu'alors s'engageait plutôt bien.
L'hôpital de jour est réticent à voir René revenir taper cent balles des clopes ou d'autres produits dans les couloirs. Le médecin lors d'une synthèse réunissant les différentes structures, explique son parcours des derniers mois. Le comportement de René a une toute autre signification à la lumière de ce que l'on sait maintenant de son enfance, de ce qu’il a enduré, de ce qu’il n’a pas pu régler. Si l'on raccourcit un peu les choses, ne reproduit-il pas dans une moindre mesure ce qu'il a subit. Ces passages à l'acte impulsifs ne sont-ils pas ceux qu'il aurait voulu commettre à cette époque là sur son persécuteur ? N'est ce pas ceux qu'il aurait aimé voir commettre par d'autres pour lui venir en aide  La poursuite de sa prise en charge passe donc par le partage de ce secret entre les différentes équipes qui interviennent auprès de lui à différents moments de sa journée. Cela, René ne l'ignore pas. Et il en est encore un peu plus déshabillé. Quelles idées se font les patients des réunions de synthèse ? Que raconte-t-on sur moi, que vous dites-vous  Et quand un secret est en jeu, comment imaginer qu'il ne soit pas partagé sans que le principal intéressé n’ai délié personne du secret qu’il à confié.
Du côté des soignants, il en va de l’idée que c’est la cohérence des équipes qui se succèdent auprès de lui qui est mise en jeu. Cependant, tous doivent-ils avoir tenants et aboutissants de tout pour travailler de concert ?
Qu'avons-nous à faire de ce secret dans le cadre de l'appartement associatif ? Nos rencontres avec René ont lieues avec les deux autres résidents. Il y est question de la vie quotidienne, de l'organisation à trois, du radiateur en panne. Certes, nous nous sommes inquiété lors de son départ en province. Nous en avons reparlé avec les deux autres locataires. Dans le cadre de notre contrat, et notamment dans celui d'une sortie d'essai sous HO, toute nuit passée en dehors de l'appartement doit nous être signalée. Mais sans en connaître les raisons, nous pouvions travailler avec René sur le respect du contrat , sur l'articulation de l'appartement au sein du dispositif de soins, sans "tout savoir". Ne pas savoir, ne veut pas dire ignorer. Nous ne pouvions ignorer les démarches de René, devions nous en connaître la teneur.
Suite à la réunion de toutes les équipes, René nous dira qu’il veut également renoncer à sa place à l’appartement. Il veut se poser à l’hôpital.
L'articulation du travail entre plusieurs structures ne passe pas forcément par le partage de toute la connaissance que nous avons du sujet patient. Il nous faut pouvoir "organiser les mouvements ou leur interrelation au niveau du cadre général, mais il nécessaire de conserver des scènes multiples et articulées dans un mouvement complexe d'opposition et de collusion"
nous dit Tosquellas.
Il est là aussi question de confiance, mais cette fois entre les membres de l'équipe pluridisciplinaire, entre les différentes structures qui pour l’occasion forment un groupe. La cohésion du groupe épars repose sur la loyauté supposée de chacun des membres du groupe.
C'est parce que nous avons confiance dans le travail effectué par l'hôpital de jour que nous pouvons supporter de ne pas tout savoir.

C’est parce que l’hôpital de jour nous fait confiance qu’ils peuvent supporter que René rentre le soir à l’appartement et qu’une partie de sa vie leur échappe.
Or que retrouvons-nous dans cette histoire ? La multiplicité des scènes aurait pu être un atout pour René. Ce qu'il jouait avec Lionel, se déroulait sur la scène hôpital de jour. Sur la scène appartement, il était celui sur qui reposait la cohésion et l'organisation d’un foyer. Sur la scène unité d'hospitalisation, il était celui qui respectant son engagement avec le médecin, venait régulièrement faire son semainier.

Le résultat du partage du secret a été de réunir ces scènes distinctes en une vaste agora où il s’est trouvé exposé à tous les regards, sans nulle part où "sauver la face" au sens de cacher une face. Du coup, désertant la scène hôpital de jour, il déserte obligatoirement les autres.
Le rôle de Lionel était celui que l'on attribue à un référent dans les prises en charge. Ici, c'est René qui choisit son référent. Or le référent nous suggère encore Tosquellas «
pas le lieu privilégié de la promotion de la parole d'un patient singulier. Le lieu pour faire apparaître les liens signifiants quant à son histoire singulière afin de redonner sens aux évènements passés, dans un après coup de revécus inters relationnels". Lionel nous dit qu'il n'avait ni la compétence, ni la mission, de travailler seul ce secret avec René. L'introduction du tiers médecin était à ses yeux indispensable, mais suffisante. Le médecin nous explique qu'il était de son devoir d'orienter René vers la justice, et plus tard de l'intérêt du travail pluridisciplinaire que nous partagions cela.

Qu’en est-il vraiment des réunions de synthèse.
René ne dit pas à l'hôpital de jour ce qu'il dit aux infirmiers qui le visitent à domicile. Il ne raconte pas lors des réunions de résidents, ce qu'il dit lors de ses accueils dans l'unité d'hospitalisation, il ne parle pas à l'éducatrice de ce qu'il confie à Lionel. René choisit dans ces multiples lieux l’endroit où il dépose des choses. La première réaction peut être de penser que pour que René existe en tant que René, qu'il ne se "disperse" pas comme nous aimons à le dire dans notre jargon, l'échange entre les différentes structures, entre les différents membres de l'équipe pluridisciplinaire est essentiel. Il faut des réunions de synthèse pour rassembler tous ces petits morceaux épars de René….
Pas sûr ! Peut être que René justement existe par les liens qu'il y a entre ses interlocuteurs, mais aussi par les trous, les espaces, le jeu, qui lui laissent une place pour être René. Or, souvent, en quoi consistent les réunions de synthèse ? Elles sont le lieu du non secret. Ce que je sais, je te le dis pour le bien de X., pour la cohérence de sa prise en charge.
Les réunions de synthèses doivent être des lieux de partage du souci commun, pas forcément celui du partage des secrets … ou des confidences.
J'imagine le jour où, pour mon plus grand bien sans doute, se réuniront mes collègues de travail, ceux de l'association serpsy, ma famille proche, amis, ajoutons les voisins avec qui j'ai encore d'autres types de relations, voire les commerçants du quartier que je rencontre régulièrement. Tous ces gens parleront bien du même personnage. L’une disant que je dors avec ou sans chaussettes, les uns qu'aux 24 heures du Mans moto je déteste les rodéos, d'autres que je vais chez le boucher de bonne heure le samedi pour avoir du beefsteak dans l'araignée ou encore qu'enfant ne sachant pas siffler dans mes doigts je demandais à mon frère de le faire pour me faire remarquer d'une voisine. Et après ? Que gagneront les uns et les autres à connaître des détails qui n'ont rien à faire dans ce que j’appellerai leur sphère d'interaction ?

Y aurait-il plusieurs niveau, plusieurs strates d'échange dans le cadre d'une prise en charge ? De la réunion des membres d'une équipe, composée déjà de différentes professions, qui vivent la prise en charge au jour le jour, … tous les jours.
La réunion de synthèse qui réunit des équipes intervenant à différents niveaux, à différents moments.
La réunion clinique qui réunit des individus qui vivent dans le même souci, au sens de prendre soin.
La réunions de supervision etc…

Il y a entre tous ces niveaux non pas des secrets à échanger pas plus que des secrets qui seraient cachés (et cette idée me semble primordiale si l’on veut parler de confiance et de cohésion). Il y a des niveaux de partage d’informations il y a surtout à partager nos réflexions. Ces mises en commun doivent permettre ensuite à chacun de traiter ses secrets et à tous de se mobiliser à un moment donné autour d’un patient.


Anne Marie Leyreloup, Emmanuel Digonnet