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6èmes Journées Scientifiques d'Esquirol 2002

Transmission de la psychanalyse : effets au quotidien d'un séminaire

de réflexion clinique à l'hôpital Esquirol


Madame Florence REZNIK
Psychologue, psychanalyste

Ou ailleurs qu'en psychiatrie, s'interroge-t-on autant sur l'être humain ?

La psychanalyse nous éclaire et particulièrement en psychiatrie, à appréhender autrement le sujet souffrant, à écouter le contenu des délires, à repérer les mécanismes psychiques qui sous-tendent les comportements, fussent-ils les plus insensés, les plus tragiques et à en avoir, non pas une compréhension, mais une lecture différente.

Cette dans cette perspective que j'ai proposé ce séminaire de réflexion clinique et psychanalytique dans le Service du Dr WINDISCH (que je remercie pour son encouragement et son soutien à ce lieu de travail)

C'est Madame Bénédicte DELATTRE, cadre de santé et Monsieur Xavier FOURTOU, futur psychologue qui vont témoigner des effets que ce travail a pu contribuer à produire dans leur conception de la perversion ; le thème choisi, et dans leur pratique au quotidien.

Ce séminaire a la particularité de faire intervenir des personnes du dedans, et du dehors de l'institution autour d'un thème clinique qui sert de fil rouge tout au long de l'année.

Nous avons ainsi abordé successivement, ces derniers années, l'hystérie - la perversion et, cette année, l'être persécuté.

Dans le séminaire sur l'hystérie, l'orientation a été de redonner à l'hystérie ses lettres de noblesse, de l'extraire du rejet voire du mépris dont cette pathologie fait régulièrement les frais.

A travers le cas d'Anna O. - une des patientes de Breuer, nous avons pu démontrer comment une souffrance terrifiante, incluant tout l'être, psychique et physique, peut, après une psychanalyse, qui en était pourtant à ses débuts, se transformer en création personnelle.

Il nous a semblé essentiel aussi de ne plus associer l'hystérie aux femmes, une des séances du séminaire a porté sur l'hystérie masculine démontrant que les hommes peuvent en être aussi, et c'est tant mieux !

L'aspect ethnopsychiatrique a été abordé, avec la confrontation entre nos sociétés occidentales et les sociétés dites " traditionnelles " parfois plus avisées, dans certains domaines que les nôtres, notamment sur la question de la transmission de mère à fille et de père à fils.

Concernant la perversion, nous avons tenté de dissocier la part de perversion qui existe en chacun d'entre nous, et qu'il est vital de reconnaître, d'analyser pour dénouer les nœuds pervers dans lesquels nous pouvons tous, être captés au cours de notre vie, à séparer donc, des sujets véritablement ancrés, de façon structurale dans la perversion.

Ont aussi été approchés les aspects sociaux et politiques de la perversion ainsi que ses liens avec le langage.

Cette année, où nous abordons la question de " l'être persécuté ", l'idée de départ est de séparer là aussi, une structure psychotique paranoïaque - pas toujours facile à repérer, des mouvements de persécution, possibles chez tout un chacun et dépendant de multiples facteurs tant internes - psychiques, pathologiques, traumatiques - qu'externes liés par exemple, à une situation de persécution dans la réalité.
Est-on persécuté du dedans de son être ou du dehors ? Et, inversement, y-a-t-il une base de réalité à l'origine de tout sentiment de persécution ?

Des intervenants extérieures : psychiatres, psychologues, psychanalystes, philosophes, ethnologues, sociologues, écrivains, ayant tous un lien avec la psychanalyse, sont invités et nous invitent à leur tour, de par leur spécificité et leurs implications, différentes de la nôtre dans le monde, à élargir et enrichir notre réflexion.

Réciproquement, la confrontation pour eux avec des cliniciens et des soignants leur permet de mieux connaître cet univers si étrange et étranger, si effrayant parfois, qu'est la psychiatrie.

Dans l'institution, j'ai proposé à des psychologues - psychanalystes et aux équipes infirmières du service, de travailler sur le thème choisi, d'exposer le fruit de leurs réflexions et comment ce travail théorique et clinique peut trouver des applications dans le soin.

Egalement les psychologues en formation, encadrés par Mesdames MOATTI, FRADIN, Monsieur GOLDENBERG et moi-même, après avoir étudié le sujet durant leur année de stage, ont eu la parole dans ce séminaire.

Le point de vue du cadre de santé


Madame Bénédicte DELATTRE
Cadre de Santé

L'implication de l'équipe soignante de Déjerine au séminaire du jeudi intitulé " rencontre clinique " est une réflexion théorique sur nos pratiques. Cette participation a de nombreuses retombées :

Cette réflexion en équipe plurielle est fédératrice. Ensemble, nous cherchons un éclairage pour la clinique du quotidien. Nous mettons en commun tout corps de métier confondu nos compétences et nos savoirs. Les temps pour ce travail sont définis comme tout autre action de soin. Florence REZNIK, psychologue, psychanalyste, encadre et nous aide pour ce séminaire. Ce travail intellectuel se réalise sur le " site recherche de notre secteur " animé par deux infirmiers Anne-Marie Leyreloup et Emmanuel Digonnet se partage un temps plein. Ils sont une ressource pour la réflexion clinique soignante du secteur. Ils sont des atouts organisationnels et méthodologiques pour ce travail. Leur expertise permet à partir du sujet de définir un plan de travail théorique. Ils guident notre réflexion pour écrire nos pratiques de soins que l'on a plutôt coutume d'agir.

Pour le secteur, le fait qu'une équipe pluriprofessionnelle souhaite enrichir les soins a de nombreux avantages. Ce travail institutionnel permet à tous les professionnels de penser, de parler, de réfléchir et d'écrire le quotidien des soins. Cette logique de travail donne une connaissance des différentes pratiques. Chacun donne son point de vue, fait part de son expérience, de son ressenti et toute vérité est recevable. Le groupe régule lui-même la réflexion sur une base d'échanges verbaux et écrits. Nous n'avons pas pour objectif un résultat mais un effet clinique sur les pratiques de soins. La richesse d'une telle pratique est soutenue par Madame STOLZ, cadre supérieur de santé et Monsieur le Docteur WINDISCH, médecin chef avec leur projet de service. Ce projet résonne également dans toutes les unités fonctionnelles du secteur.

Dans une unité de soins, souvent, il se dit : " on ne fait pas de clinique ", " et la clinique ", " on n'entend pas ce que l'on dit du patient ". Ici, on doit entendre que les soins donnés vingt-quatre heures sur vingt-quatre par l'équipe soignante ont besoin d'être formalisés, écrits, partagés, pour la cohésion du travail institutionnel et pour le patient lui-même. Ainsi, le patient lors des différents entretiens médicaux, infirmiers, sociaux et psychologiques, lors des repas, des activités groupales, des soins plus généraux, nous amènent qui il est, comment il se porte. Donc, une clinique quotidienne existe bien dans l'unité. Mais où doit-elle être formalisée ? Dans notre secteur, on quitte l'unité de terrain et l'on rejoint le site recherche. Cet autre lieu permet un autre travail pour l'équipe soignante. D'un point de vue organisationnel, le professionnel a les moyens d'élaborer une réflexion clinique. Il formalise et écrit les soins du quotidien. Le tout se réalise sans lien hiérarchique entre chaque professionnel.

Enfin, le travail est exposé au séminaire. Il fait l'objet de discussion avec des professionnels du dedans et du dehors de l'hôpital Esquirol. Ce travail modifie notre regard sur le patient, sur sa pathologie et particulièrement notre regard sur la perversion qui est trop souvent stigmatisée en psychiatrie. Il continue ainsi à faire des effets dans notre pratique et pour la clinique de tous les jours.

Le point de vue d'un psychologue stagiaire


Xavier FOURTOU
Psychologue stagiaire

L'année dernière j'étais psychologue stagiaire dans le Service du Docteur Windisch, encadré par Madame Reznik, qui m'a demandé, en coopération avec les deux autres stagiaires, Peggy Flack et Marie Paye, de préparer une présentation dans le cadre du cycle de séminaires qui était organisé sur la perversion.
Nous avons choisi de parler d'un patient, Martin.
Notre travail était de référence principalement psychanalytique puisque notre enseignement à l'Université est centré sur la psychanalyse.
Cette présentation a éveillé chez moi des sentiments contrastés.

Elle a tous d'abord été source de frustration.
Avant d'étudier la psychologie clinique et la psychanalyse j'ai obtenu un diplôme de gestion et ai travaillé dans un cabinet de conseil en stratégie. Mon travail consistait à rédiger des rapports sur des marchés et sur des entreprises concurrentes de nos clients. Mes rapports se voulaient très structurés, chaque page ayant un message simple et s'enchaînant de façon logique pour aboutir à une conclusion claire.
J'ai voulu appliquer la même démarche pour la présentation de Martin, réaliser un tableau structuré et simple avec une conclusion claire.
Et je me suis aperçu que je n'arrivais pas à terminer le travail.
Cette expérience m'a ainsi permis de mieux saisir que l'on n'a jamais fini de penser sur un individu et d'essayer de la comprendre.
D'où la nécessité de faire toujours preuve de modestie et de précaution en parlant de quelqu'un.

Par ailleurs, le travail sur la présentation de Martin m'a au début procuré un certain malaise.
Notre démarche n'était-elle pas irrespectueuse ? Est-il éthique de parler d'un patient devant un auditoire ?
Certes nous avons changé le nom de ce patient, mais tout de même…
Nous avons rencontré Martin à de multiples reprises, nous avons épluché son dossier, nous avons interrogé le personnel de l'hôpital à son sujet, avions-nous le droit d'évoquer sa vie, sa maladie ?
Je me pose ce type de questions lors de toute présentation de cas. A l'Université par exemple, nos enseignants nous parlent souvent de patients qu'ils ont en analyse. Je me dis alors que peut-être quelqu'un dans l'amphithéâtre va reconnaître cette personne.
Particulièrement sensibles à cet aspect éthique nous avons tenté dans notre présentation d'éviter toute mise à nu de Martin.
Notre but était avant tout de réfléchir sur ses mécanismes de fonctionnement et de parvenir à faire avancer sa prise en charge.

A propos de cette prise en charge, le travail pour ce séminaire m'a évoqué un autre sentiment, celui d'une extrême richesse.
Etant donné que l'analyse d'un cas n'est jamais achevée, elle donne l'occasion de proposer et approfondir de multiples sources de réflexion.
Il n'y a pas une réponse, il n'y a pas une solution.
Les multiples pistes qui peuvent être évoquées représentent une richesse non seulement pour la pure réflexion mais surtout pour le soin du patient.

Ce travail a enfin été pour moi l'occasion de réfléchir sur ce thème difficile et majeur qu'est la perversion. Il est relativement peu évoqué à l'Université, peut-être justement à cause de sa grande complexité.
Travailler sur la perversion incite je crois à réfléchir sur les mécanismes pervers que nous sommes tous susceptibles de développer.
La perversion en effet peut s'exprimer et se repérer chez tout individu car elle relève aussi bien de la structure psychique que de la pathologie.
En conclusion je voudrais reparler de ma première expérience professionnelle, dans le domaine du conseil en stratégie.
J'ai apprécié Dans ce secteur l'importance accordée à l'encadrement des jeunes.
Je suis ravi de voir que dans le domaine de la psychologie clinique et de la psychanalyse l'encadrement des plus jeunes est également un aspect qui compte. Madame Reznik nous a consacré beaucoup de temps pour échanger nos questionnements. Enfin, donner la possibilité à des stagiaires de communiquer lors d'une séminaire et de s'exprimer aux Journées d'Esquirol est une mission très responsabilisante et motivante.

CONCLUSION


Je remercie Madame DELATTRE et Monsieur FOURTOU qui ont témoigné de ce que la psychanalyse peut apporter dans une institution, pas uniquement d'un point de vue intellectuel et théorique mais peut produire comme effets dans la pratique.

Les intervenants de ce séminaire ne sont pas nécessairement psychanalystes, mais ils ont en commun une certaine idée de la transmission de leurs connaissances non érigée en savoir, également une envie de partager avec d'autres, leurs questionnements, de là où ils en sont et en leur nom propre.
Ils sont tous animés par un mouvement de recherche qui me semble être le plus proche de l'esprit de la psychanalyse.





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