LIBERTE
« D’ALLER ET VENIR » PORTES OUVERTES[1]
A propos de l’ouverture des portes d’un service hospitalier aux Hôpitaux de Sain Maurice (Val de marne )
Dans la logique du respect des droits fondamentaux du patient et de la législation en vigueur sur la liberté d’aller et venir comme « un droit inaliénable de la personne humaine », le pôle 94G16 a souhaité souligner l’exercice de ce droit, dans ses deux unités intra-hospitalières, en ouvrant ses portes.
Bien des démarches en amont furent nécessaires à cette mise en place car respecter la liberté des patients tout en assurant leur sécurité demande beaucoup d’implication : que ce soit vis-à-vis de la direction (mise en place d’un protocole validé par le chef de service et médecin praticien), des équipes sur le terrain (consensus d’équipe à travers des réunions de synthèses pluriprofessionnelles) et de la clientèle (réunion d’expression et de réflexion autour des attentes de chacun).
Donc, depuis plus d’un an, de 10h à 18h, l’accès au service reste ouvert avec un bilan plutôt positif.
Dans la majorité des prises en charge, on constate un respect total des consignes et cela quelque soit l’état du patient. En effet, un malade très délirant ne posera aucun problème s’il à un traitement adapté et si la stratégie de soin dans la prise en charge s’organise dans l’empathie, le respect, la vigilance et la relation de confiance.
Pour les quelques transgressions de consignes, on s’aperçoit que les restrictions de sortie n’avait pas été suffisamment explicites ou comprises. Dans les modalités du contrat de soins le patient doit rester acteur de sa prise en charge : obtenir son consentement est indispensable, son implication reste primordiale.
Donc, avec des mois de reculs, nous pouvons véritablement mesurer l’impact de ce changement d’organisation dans la gestion du service au quotidien, que se soit dans les difficultés, comme dans les avantages.
Intérêts pour le personnel :
L’ouverture de l’accès au service a rendu l’atmosphère plus sereine avec un regard plus tranquille sur la gestion du quotidien, sur celle des allées et venues. On prend conscience que la pression de l’enfermement interagit sur le ressenti des équipes. Les collègues de nuit soulignent une meilleure qualité du sommeil avec une ambiance plus sereine (diminution de la gestion des tensions et des agressivités).
On constate que cette décision renforce l’instauration d’une relation de confiance entre patients et soignants ; l’assouplissement du cadre de soin, en diminuant la relation de contrainte liée à l’application des consignes médicales, renforce chacun des membres de l’équipe dans sa fonction de « soignant » en gommant l’image archaïque (et pourtant toujours bien présente) du « gardien ». Moins d’allées et venues pour actionner la serrure libère beaucoup de temps pour l’équipe et donc dégage du temps de soins supplémentaire au bénéfice du patient.
Enfin, il faut souligner que bien moins de traitement « si besoin » sont donnés. Il y a également beaucoup moins de mise en chambre de soins intensifs.
Ressenti positif exprimés par les patients :
Les personnes hospitalisées, elles aussi, éprouvent du soulagement face à l’évacuation de cette lourdeur institutionnelle : c’est un souffle de liberté.
De par la confiance qui leur est accordée, basée sur l’échange et la compréhension mutuelle (contrat de soin), ils se sentent mieux considérés. Leurs implication active durant le parcours de soin, les renvoie à la notion de responsabilité par rapport à leur devenir (ils ne sont plus ces irresponsable dont parle la rue).
Impacts négatifs :
Pour l’équipe :
Nous constatons parfois que les visiteurs (amis ou famille) ne se présentent pas systématiquement. Ils pénètrent dans l’unité et se rendent directement auprès du patient sans le filtrage indispensable (contrôle des identités et inventaire des apports).
Certains anciens patients reviennent dans l’unité (ce qui n’est médicalement pas souhaitable) pour saluer d’anciennes connaissances ; ils s’installent dans un coin, tente de s’inviter à un goûter ou un repas.
Les fugues de patients qui conduisent au détachement immédiat de collègues, réduisant l’équipe sur le terrain.
Parfois, nous sommes confrontés à l’incompréhension de certaines familles de patients hospitalisés sous contrainte qui réclament haut et fort l’enfermement.
Pour les patients :
Nous n’en n’avons pas trouvé, car les incidents recensés ne peuvent être corrélés à l’ouverture des portes. De plus, un patient dans l’impossibilité d’intégrer et / ou d’accepter les consignes de soin est mis en CSI puisqu’il soulève la notion de risque et pour lui et pour autrui.
Par contre, ce qui nous a interpelés c’est la crainte qu’objectaient les patients de voir pénétrer dans le service des personnes indésirables susceptible de leur faire du mal, menaçant leur sécurité.
Dans un monde ou l’enfermement est parfois le seul rempart conte l’insécurité, il est intéressant de réaliser que suivant l’endroit où l’on se place le danger ne vient pas forcément d’où l’on croit !!....
Se sentir plus libre d’aller et venir calme le ressenti d’infantilisation dont souffrent certains d’entre eux favorisant ou renforçant ainsi l’autonomie et par là même valorisant l’image de soi. Cela alimente positivement le projet de sortie puisqu’ils ne sont plus ces « fou » voués à la réclusion, l’extérieur est à portée de main.
Dès le début de la mise en place de l’ouverture du service la curiosité des patients a été stimulée :
Certains s’assoient près de la porte, attendent, surveillent, commentent les mouvements. Ils interpellent les arrivant ou les sortant ce qui favorise du dialogue, des échanges, ce qui crée du lien.
Nous avons même dû intervenir, des rangées de chaises « fleurissaient » l’entrée jusqu’à l’encombrer. La stimulation de l’Eveil a touché même des patients auxquels nous ne nous attendions pas.
L’ouverture redonne confiance en l’avenir ; certains patients confient être tombés si bas, cette porte leur promet des lendemains meilleurs.
Progressivement, pour certains, leur regard sur l’extérieur évolue, ce n’est plus une entité interdite ou dont ils sont exclus mais un extérieur en attente de les accueillir donc moins hostile, moins menaçant. Cela contribue à leur donner confiance en l’avenir.
L’aspect symbolique n’est pas non plus négligeable avec la notion d’intérieur et d’extérieur, de dedans et de dehors.
Le service de psychiatrie devient un lieu de soin à l’image des autres (cardiologie, pneumologie…) où les gens vont et viennent où il y a du mouvement, somme toute de la vie.