Retour à l'accueil
Pratique soignante de secteur pour des soignants pas toujours pratiquants.
Chaque secteur de psychiatrie a son histoire, une évolution différente, ses spécificités, le 16ème secteur en fait partie. Etant le seul secteur de psychiatrie adulte du Val de marne, rataché à l'hôpital Esquirol, il est l'un des derniers sur l'établissement à s'être doté il y a dix ans maintenant, d'une structure d'accueil et de crise installée sur Charenton le pont. Dix ans déjà, qu'il est loin et proche à la fois le temps ou l'intra-hospitalier était composé de trois unités appelées divisions (étonnant non ?), avec son unité d'entrant, de " chronique ", de géronto psy mais surtout où étaient pris en charge à l'année, la moitiée de la population soignée. Qu'il est loin et proche à la fois le temps où les appartements thérapeutiques se trouvaient encore dans l'enceinte même de l'hôpital. Aujourd'hui, tout a changé, que ce soit en intra ou en extra-hospitalier, le paysage du 16ème secteur a encore évolué. De trois unités intra, ce secteur a été le premier et le dernier en 1995 à se transformer (si on peut l'écrire ainsi) en une seule unité d'hospitalisation (diminution de lits oblige) pour revenir en 2002 a deux structures plus conformes à une qualité des soins, à une meilleure sécurité tant pour les patients que pour les soignants. Alors qu'il était l'un des derniers à avoir ouvert un centre d'accueil et de crise, il a été le premier en Mars de cette année, à le fermer, étouffé qu'il devenait par un manque criant de personnel infirmier, décrédibilisé qu'il était par un recours devenu permanent à du personnel intérimaire.
Pourtant de toute cette évolution, de cette révolution il n'en reste pas moins un secteur ou persistent de nombreux projets. Le déménagement du CMP sur Charenton, l'ouverture d'un Hôpital de jour, d'un CATTP, d'une antenne CMP sur Alforville montrent bien à quel point le secteur veut diversifier ses lieux d'intervention, pour d'une part répondre au plus près aux besoins de la population, et d'autre part, continuer de proposer des alternatives à l'hospitalisation, ouvertes sur la cité. Mais si des structures sont en passe de s'ouvrir, elles ne viennent pas non plus faire oublier celles qui ferment ou se transforment par obligation et non pas toujours dans le cadre d'un projet de secteur. Oui, le centre d'accueil et de crise a fermé, faut-il en parler plus longtemps, la question se pose, toujours est-il que cet événement dans l'histoire du secteur aura encore besoin de temps pour se digérer, tant par les conséquences qu'elle peut entrainer en matière d'offre de soins, que par la démotivation qu'elle aura pu apporter chez des personnels qui avait su prouver l'utilité d'une telle structure.
Devons nous pleurer un concept qui n'existera plus en tant que tel, ne devons nous pas réfléchir plutôt comment répondre au mieux aujourd'hui à la demande d'aide qui se présente à nous tous les jours. Faut-il dénoncer ce type de bouleversement ? Autant de questions sans réponses qui viennent dans tous les cas nous obliger à se repositionner au travers de nos pratiques de soins.
La vie d'un secteur est un peu comme une souffrance psychique, elle peut parfois évoluer favorablement avec des périodes de rémission, mais il faut également prendre en compte d'éventuelles rechutes qui peuvent permettre aussi de rebondir. Une des principales caractéristiques de la vie d'un secteur, c'est que ses acteurs ne veulent pas toujours du même traitement. Si on peut se féliciter que le secteur soit constitué d'une équipe pluridisciplinaire, chacun à sa manière, avec ses compétences propres participant à son évolution, il n'en reste pas moins que le nombre important d'intervenants peut parfois en devenir un frein.
Notre secteur est malade, il souffre d'un manque chronique de lien. Quand je parle de lien, je ne pense pas à tous ceux que l'on peut constituer dans la cité, avec les collectivités locales, les associations, les différents partenaires de santé(SAU, medecins généralistes…). Non, notre secteur est malade de ce lien direct qui devrait exister, celui entre les différentes unités qui le composent. Le paradoxe veut que nous sommes plus facilement disposés à aller rencontrer l'inconnu sans pour autant oser s'arréter sur l'existant. Un esprit cartésien aurait tendance à penser que la solidité de l'existant peut aider plus facilement à s'ouvrir sur l'extérieur. Tant de choses restent à construire pour faire exister un secteur. L'actualité récente est venue nous le rappeler. Comment deux structures qui depuis dix ans travaillaient à la même adresse, se retrouvent huit mois après a confronter leurs pratiques, leurs compétences, leur vision du travail de secteur ? Ce lien qui au regard de beaucoup pouvait laisser entendre une complémentarité professionnelle et naturelle, finalement se découvre au fil du temps parce qu'un jour, un événement imprévu nous a poussé à travailler ensemble.
Je ne peux croire qu'aujourd'hui, un secteur ne soit composé que de spécialistes spécialisés dans une spécialité, où l'on ne parle pas le même langage ? A l'époque de la prise en charge globale du patient, existerait-il des pro à l'hospitalisation, à l'accueil et la crise, au suivi médicopsychologique, au travail de réseau? Pourquoi pas, mais à condition que l'on veuille bien reconnaître et développer les liens entre tous ces différents intervenants qui sont là pour un même objectif : contribuer à aider au mieux la personne en souffrance.
A une époque ou la psychiatrie en générale est mise à mal, ou il est bien évident que l'on ne peut pas faire plus avec du moins, en plus de lutter pour la défense d'un secteur de la santé qui restera incontournable, nous devons continuer de nous interroger sur comment amméliorer tous ensemble le dispositif de soins proposé a toutes ces personnes en souffrance qui chaque jour viennent plus nombreuses dans nos structure demander de l'aide.
Notre secteur évolue à son rythme, mais son histoire se construit progressivement. Des changements, il y en aura certainement d'autres, il faudra s'en réjouir s'ils contribuent efficacement à l'ammélioration de l'offre de soin à la population. Il faudra les combattre s'ils sont la conséquence de décisions purement comptables. On aura rien sans lien…
Yves-Marie FROT
Journée Accueil, 28 Novembre 2002