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Le Conseil de Service Reflet du travail en équipe et outil du travail d'équipe

9 juin 1998

Les Rencontres Infirmières de Saint Cyr au Mont d'Or


Introduction

Pourquoi a-t-on choisi cet objet, pourquoi ce choix du conseil de service pour aborder la réflexion sur le travail en équipe ?
C'est en effet un choix qui peut sembler paradoxal ou factice, au sens où cela peut paraître loin de la réalité des pratiques quotidiennes d'une équipe, équipe pluricatégorielle ou équipe infirmière, équipe qu'on peut définir comme un groupe de personnes unies dans une tâche commune, et qui agissent ensemble. Il convient de dire que ce conseil de service a d'abord une vocation administrative, dictée par la Réforme Hospitalière et les organismes de tutelle. Cet aspect administratif, législatif, détermine des attributions telle que l'élaboration du projet de service dans le cadre du projet d'établissement. Il peut donc influencer l'orientation des politiques budgétaires et avoir ainsi une dimension économique. D'autre part, une des perspectives implicites du conseil de service était aussi d'éviter que les services soient tentés de se situer dans la plainte adressée à la Direction et aux Tutelles.
L'obligation faite aux médecins et aux équipes de préciser leur cadre de travail, les invitait à tenir compte de cet aspect économique. En acceptant cette part et ce droit de regard mutuel, un rééquilibrage était permis et autorisait aussi une certaine continuité dans la gestion des politiques de soin.
Le Conseil de Service est constitué de membres de droit et de représentants des collèges. Pour notre service, il se compose de 7 membres de droit et de 21 représentants de différents collèges, tirés au sort, ce qui n'est pas sans interroger sur la notion de représentativité.

La question peut en effet se poser de savoir si l'on parle en son nom propre ou en tant que représentant d'un corps : le fait d'être tiré au sort ne va pas sans confronter le participant à des conflits de loyauté. Etre tiré au sort permet de considérer qu'on ne représente que la fonction, et non le collectif infirmier, encore moins soi-même en tant que personne. Ceci dit, on peut aborder plus précisément le cas de notre service, par l'aspect disons "historique" dans lequel s'inscrit ce conseil de service. Comme ailleurs, et bien avant l'apparition des conseils de service, il existait des réunions institutionnelles, au rythme d'une à deux par an, où étaient débattues les grandes lignes et les grandes orientations du service, ainsi que les problèmes institutionnels rencontrés. L'expérience de ces réunions regroupant les acteurs des différentes unités de soin n'est donc pas nouvelle. Mais elle a pris sans doute avec l'élaboration du projet de service, un relief particulier : les projets d'ouverture du CATTP et de l'UBO(Unité de Bilan et d'Orientation) et la nouvelle donne géographique des secteurs, à présent réalisés en sont les récents témoignages.

Et finalement, avec ses aspects administratifs pas forcément engageants ou intéressants, le Conseil de service aurait pu demeurer peu propice à d'autres développements, un lieu où, pour reprendre LACAN, "lorsque le langage devient trop fonctionnel, il est impropre à la parole". Il nous semble qu'il en a été tout autrement et que les questions que l'on peut poser en regard du thème d'aujourd'hui, même si nous n'avons pas beaucoup de reculs, peuvent s'énoncer ainsi :
- "en quoi le conseil de service fabrique-t-il de l'Equipe ?
- Comment l'équipe utilise-t-elle le conseil de service ?"
ou encore :
"en quoi le Conseil de Service est-il le reflet du travail en équipe et l'outil du travail d'équipe ?"

Le Conseil de Service : reflet du travail en équipe

* Définition "reflet"

Le Petit Robert nous donne comme définition du terme : "Image ou représentation affaiblie". Cette définition précise bien que l'objet dont on parle n'est pas l'image idéalisée d'un fonctionnement, mais davantage une représentation atténuée de l'ensemble du travail mené en équipe. Il nous semble important de préciser que lorsqu'on parle d'équipe, il s'agit d'équipe pluricatégorielle et non pluridisciplinaire. Ce "reflet" de l'équipe pluricatégorielle nous sert de fil directeur, et ne saurait donc à ce titre donner une image complète et exhaustive du travail en équipe. Nous considérons ce qui se passe dans cette instance plutôt comme un témoin, un signe, un révélateur, du fonctionnement de l'équipe, de la qualité d'ambiance.

Pour commencer cette analyse, on peut mentionner déjà l'existence d'un premier niveau de représentation, qui serait un niveau pragmatique, administratif, formel, à savoir que sont représentés tous les personnels du service et l'ensemble des structures. Chacun a sa place, et celle-ci témoigne de l'inscription de chacun dans l'institutionnel. Chacun peut prendre une part instituante en évoquant ce qu'il fait, en vue de quoi il le fait, et comment il voit évoluer sa pratique.

C'est donc un lieu d'articulation, qui réunit tous les partenaires, de tous les lieux. Il représente l'unité, mais non l'unicité, ou l'uniformité. Il est le lieu de mise en accord sur les orientations, un lieu où l'on pose des choses, un espace de reformalisation, qui permet de revenir sur toutes les pratiques, jusqu'au partenariat, non dans un souci de contrôle, mais plutôt dans un souci "d'unification-synthèse", donnant une photographie du secteur.
Ø Lieu d'articulation, espace de reformalisation donc, devenant un espace de référence, par rapport aux notions :
Ø Lieu de continuité : le Conseil de Service donne de la cohésion,
Ø Lieu d'appropriation : le Conseil de Service permet la constitution d'un lien d'appartenance.

Ainsi, le Conseil de Service devient un lieu privilégié de représentation.
Mais comment cela se passe-t-il, dans le réel ?
Le Conseil de Service s'est trouvé correspondre à une nécessité, liée à l'évolution du service, et due à la diffraction et à la différenciation des structures de soin. Ainsi dans le cadre du projet de service, nous avons d'abord réalisé un bilan de nos ressources, et on a dû alors formaliser les projets existants. C'est autour d'eux et par une réflexion clinique approfondie que l'on a pu avancer. Ce fut le cas par exemple du projet du "CATTP", et même après son ouverture, le Conseil de Service a permis que cette structure ne soit pas isolée et bien reliée à l'ensemble.
Une chose importante à cet égard a été le travail de l'écrit : écrits pour évaluer l'existant, écrits pour reformuler et élaborer les projets. Le Conseil de Service nous a parfois obligé à aller au delà de ce qu'on avait pensé, à rechercher des références cliniques et des orientations en lien avec ces références, par exemple, lorsque le médecin chef nous demandait, toujours pour le CATTP : "Dites m'en plus au sujet de vos intuitions psychothérapiques...". Ainsi, on a pu passer d'intuitions psychothérapiques à des intentions en termes de projets : c'est là une fonction d'élaboration du Conseil de Service.

D'autre part, il faut savoir, et on revient à l'importance de l'écrit, que des comptes-rendus sont rédigés à chaque séance par des personnes différentes, volontaires. C'est un point qui s'est avéré avoir deux effets positifs et intéressants : le premier est qu'un nombre important de membres a pu ainsi s'impliquer, se reconnaître et être reconnu, s'approprier une place, faire sa place dans le Conseil de Service, plus facilement parfois que par la parole difficile à prendre. Le second est que ces écrits, comptes-rendus et autres écrits, ont par leur qualité étonné les médecins qui s'y sont retrouvés et les ont encouragés. De plus, il s'est produit un effet d'entraînement, un effet de rebond et de résonance, les travaux des uns amenant les autres à s'engager à leur tour dans une démarche d'élaboration. Ainsi, par exemple, la difficulté à parler de l'intra tant qu'on parlait de l'extra a-t-elle pu être dépassée, et le document sur l'intra a permis de travailler sur la complémentarité intra/extra.
Si ça marche, si la fréquence des séances, assez importante, n'a pas vraiment altéré un certain élan, une certaine envie de continuer, c'est aussi parce qu'un travail se fait entre les séances : un travail de réflexion, d'élaboration et d'écriture, qui vient alimenter le travail en équipe en Conseil de Service.
Ce n'est certes pas seulement en Conseil de Service que les idées sont travaillées, mais elles sont énoncées, elles sont posées, elles ne se perdent pas et elles peuvent être reprises. Ce n'est pas non plus le lieu où tout se pose, se dit et s'écrit. Ce serait un danger, un piège où plus rien ne serait possible en dehors du Conseil de Service. C'est le lieu de mise en commun : chacun vient avec ce qu'il en a fait, et on confronte différences et convergences.

C'est un lieu de reconnaissance, et un lien d'appartenance. Les prises de parole restent cependant inégales, importantes pour le médecin-chef et la surveillante-chef. Pour les aides-soignantes et les ASH, la question est "d'oser sa parole".
Comme lieu et instance de validation, il est un espace de représentation, un lieu de projection, d'autant plus qu'il y a "ceux qui y sont, et ceux qui n'y sont pas". Souvent, ceux qui demeurent dans les unités assument la continuité des soins en effectif réduit, dans des conditions difficiles.

Ainsi, le Conseil de service, s'il est un lieu de réunion, de convergence des différentes unités peut aussi devenir un lieu de divergence, de clivage, ou en tout cas ressenti comme tel par ceux qui s'en sentiraient exclus, qui n'adhèreraient pas à sa raison d'être ou qui ne partageraient pas sa pertinence. A cet égard, les transmissions sont bien sûr importantes.
Tout n'est pas parfait et ne fait donc pas faire l'économie du clivage, du conflit, mais cela semble se métaboliser moins dans la souffrance.

Mais comment cela se peut-il ?
- c'est parce qu'il y a un retour sur le fond, sur la finalité de la pratique,
- parce qu'on peut ne pas être d'accord sans que cela se transforme en conflit,
- parce qu'on peut être en conflit sans que cela se termine par un désaccord.
En dépassant donc l'obligation formelle d'instituer le Conseil de Service, on a pu suffisamment l'investir pour faire tendre sa fonction vers des objectifs cliniques. Si on y arrive, c'est qu'il y a un intérêt : c'est qu'on vient y vérifier et y puiser des choses. On peut faire le parallèle avec les réunions cliniques en unités de soin : le discours clinique est alors orienté vers l'intimité du sujet. Par rapport à ceci, le Conseil de Service semble être devenu un espace de distanciation, une espèce de métalangage sur les discours tenus en UF, une remise en cause, une remise à l'épreuve, des modèles de prise en charge utilisés.

C'est un espace de dés-idéalisation qui évite de figer les choses. Ce lieu où l'on accepte toute position idéologique, et où toute position idéologique est contestable, voit aussi des positions s'inverser d'une séance à l'autre.
Ceci est possible parce qu'on ne remet pas en cause des valeurs de fond, par rapport à l'humain, à l'existence de l'inconscient...
Le Conseil de Service n'est pas seulement un cadre formel qui légifère nos activités, mais celui partiellement intériorisé qui a fonction de contenant.
C'est l'intériorisation partielle du cadre qui permet au groupe, à l'équipe, de vivre des moments de dislocation, sans en éprouver les effets angoissants. Ainsi, les échanges obéissent à un certain nombre de règles explicites et implicites, qui tendent au respect maximal des participants.

Le Conseil de Service : outil du travail en équipe

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L'outil :
1 - objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail
2 - ce qui permet de faire

Ici, il s'agirait de la manière dont on s'est saisi du Conseil de Service, en tant qu'ISP. La loi a donc permis quelque chose.

Le Conseil de Service est pour nous un outil d'interaction, interagir renvoyant au fait que chacun intervient et agit dans un lieu spécifique - le Conseil de Service étant le lieu où se réunissent ces actions, où elles interagissent.

On considère donc le Conseil de Service comme un objet fabriqué qui sert à interagir, qui se définit par les notions de réciprocité d'une part, et d'action/réaction d'autre part, comme un outil du travail en équipe.

C'est d'abord un lieu de séparation - sans rupture - chacun peut énoncer dans le Conseil de Service ce qui le personnalise, sans être l'objet d'une attaque de l'autre, sans être mis en dehors ; lieu où la question posée concernera plutôt le lien avec les autres, et la place occupée dans un dispositif. Les notions de traçabilité, de lisibilité des pratiques illustrent ce lien avec les autres. L'idée n'est pas de construire un itinéraire préstructuré pour les patients, mais d'offrir une palette de soins où le fil qui relie les structures, c'est le patient lui-même, ce qu'il noue tant avec chacune des structures, qu'avec l'ensemble du dispositif.

On peut énoncer au Conseil de Service nos doutes, nos craintes, notre impossibilité à se représenter dans tel ou tel rôle : la question essentielle est toujours là :
"Quels types de liens transférentiels vont se nouer ?"
"Dans ce lieu, espace de représentation, comment va-t-on travailler ces représentations dans une perspective psychodynamique. On peut considérer le Conseil de Service comme une métaphore du travail clinique. Ce qui s'y passe à l'intérieur, ce qui se joue là - rivalité, pouvoir, identité, unicité - réagit dans la relation clinique avec le patient. Le partage des réflexions théoriques participe au développement des appuis mutuels. La question alors concerne le support de ce partage : comment peut circuler la parole, s'échanger l'information, s'instaurer le dialogue pluriel entre catégories différentes ?
Comment être instituant dans un espace institué ?
Travailler ensemble, c'est oeuvrer communément en tendant à s'améliorer, à se renouveler pour éviter le piège d'une construction idéologique figée qu'il faudra détruire avec tous les risques que cela comporte de crise et morcellement pour aller vers l'avenir.

L'éparpillement des différents pôles d'activités et donc des membres de l'équipe représente effectivement un risque ; le développement de la notion d'appartenance se conjugue à deux niveaux : l'appartenance professionnelle et l'appartenance à un service. Cela se traduit par l'énoncé des politiques de soins, mais aussi par un partage régulier de ce que fait chacun. Le Conseil de Service est un lieu de centralisation et de formalisation qui permet le développement de la notion d'appartenance professionnelle et à un service. Cela permet de faire vivre à chacun la perception globale du travail réalisé et de situer son action dans cet ensemble, gage de confiance interpersonnelle.

Les documents écrits, reconnus et validés par le Conseil de Service sont autant de documents de référence pour la pratique infirmière. Un travail fait quelque part, dans un sous-groupe, appartient à l'ensemble. D'autres s'en saisissent, peuvent le retravailler. Ceci donne au Conseil de Service sa fonction "dépôt", qui est aussi une fonction-mémoire, et une fonction cimentant le lien d'appartenance par la référence commune ainsi instituée. Ainsi, peut on à chaque instant se référer mais aussi s'autonomiser.

La question de la continuité du soin ne se pose pas en terme de personne, mais en terme de relais. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit être partout ; et il n'y a pas obligation de faire, mais plutôt adhésion, qui permet à chacun de s'autoriser et d'être autorisé, à intervenir éventuellement dans les différentes unités, et à parler de ce que fait l'autre.

Lorsque chaque membre a repris à son compte ses références à l'idéal, remis en estime la valeur du travail qui est le sien, dans la spécificité de son rôle, bien des choses peuvent changer, même s'il persiste d'inévitables réactions de prestance, de frustration, de lassitude ou d'irritation. La représentation de ce que fait l'autre, permet une meilleure précision des indications, et de ce fait, une cohérence de la prise en soins.

Le sentiment d'appartenance se fonde sur l'efficience dans le soin, car il y a représentation de la place des uns et des autres dans le dispositif, conscience du type de besoin du patient et représentation de la réponse au besoin, en fonction du dispositif.

L'autonomie décisionnelle dans le travail d'équipe est à la fois garantie et garante du travail d'équipe, du travail en équipe.

Car la notion de l'essence du soin est différente d'une formalisation d'une loi singulière personnelle. Il faut qu'elle émane des valeurs princeps, contenues justement dans le discours pluriel. Elle pourra alors prendre corps, devenir parole instituante, dans cette équipe qui n'est pas un mythe, mais l'élaboration collective d'un projet, sur la base de valeurs communes.

En guise de conclusion :

On a pu observer lors du renouvellement du conseil de service, il y a un an, d'une part que des agents, infirmiers, ASH, AS, de toutes les unités de soins ont posé leur candidature.
D'autre part, il y avait des nouveaux venus parmi ces candidatures. Ce qui dénote l'intérêt de participer à cette instance et vraisemblablement pour ces nouveaux venus une manière de s'inscrire, avec leur différence dans l'histoire du service.
Celui ci en permettant cette manière de s'inscrire, favoriserait pour chaque membre de l'équipe un ajustement professionnel. Le conseil de service en venant rappeler la réalité professionnelle, permettrait à chacun de répondre à la mission qui lui est impartie, dans les limites de sa fonction en favorisant le développement de ses compétences.

Néanmoins, l'aspect aléatoire du triage au sort des représentants des personnels infirmiers, AS et ASH ne risque-t-il pas de limiter cette possibilité d'inscription ?
On pourrait éventuellement assister à un non renouvellement du fait de ce mode de représentation. On pourrait voir le conseil de service se figer dans une représentation uniquement fonctionnelle avec tous les risques de totalitarisme et d'immobilisme qu'entraîne immanquablement la permanence du mandat.



Patrick BERGER - ISP - Unité de Bilan et d'Orientation.
Evelyne DAVID-LIVET-ISP-CATTP Villefranche S/S
Elisabeth NECTOUX- CI - Acacia RC

Secteur 69G20
Centre Hospitalier de St Cyr au Mt d'or



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