Retour à l'accueil



CONFÉRENCE DE CONSENSUS
LA LIBERTÉ D'ALLER ET VENIR

La Liberté d'aller et venir en Psychiatrie
Entre l'exigence de la loi , l'éthique et la réalité des pratiques .

2005



Dr PATRICK BANTMAN
Praticien hospitalier , Chef de service Hôpital Esquirol St-Maurice 94413



Il n'est pas aisé d'aborder la question des restrictions à la liberté d'aller et venir en Psychiatrie . Il existe peu de travaux et d'études concernant les pratiques de circulation des patients dans les institutions psychiatriques (1) . Cette question est en général peu abordée par les psychiatres .
Depuis quelques années on assiste à la fermeture des services (2), en rapport avec la montée de situations de violence dans les institutions psychiatriques , liées à des patients sous contraintes , le manque d'effectif, la question de surveillance et de responsabilité, les problèmes d'architecture et de cohabitation des patients , ….. Par ailleurs , le nombre de personnes hospitalisées sous contraintes n'a pas cessé d'augmenter ces dernières années .Ce chiffre doit être pondéré par l'augmentation globale des hospitalisations en Psychiatrie .

L'institution Psychiatrique , lieu de questionnement sur la liberté , est parfois une institution violente dans son rôle de protection de la société vis à vis de la maladie mentale.Il lui est demandé d'endiguer les débordements de la folie, et de se porter en même temps garant des libertés fondamentales des malades qu'elle accueille .

Comment répondre à ces situations difficiles et faire en sorte que nos réponses n'engendrent pas ségrégation et rejet ? Comment se gère au quotidien , par l'équipe soignante ces situations de " restriction de liberté " ?.
Il existe effectivement un certain nombre de modalités et de procédures applicables à l'Hôpital ,qui fixent les restrictions au principe fondamental d'aller et venir , de l'entrée à la sortie du patient en Psychiatrie .. Ces modalités sont souvent le quotidien du Psychiatre hospitalier à travers la rédaction des " certificats de situation " la demande " d'autorisation de sortie ", la demande de " lever d'Hospitalisation à la demande de tiers , "….. Ces modalités fixées par la loi de 1990 concernent l'hospitalisation sous contrainte, en particulier l'Hospitalisation à la demande d'un tiers et l'Hospitalisation d'office .. Elles ont souvent des conséquences sur le fonctionnement et l'organisation des services de soins . Mais elles touchent aussi une frange plus importante de patients qui sont en hospitalisation libre , par le retentissement que ces mesures ont sur l'ensemble des services . Parmi les modalités de restriction de la circulation, figure la mise en chambre en chambre de soins intensifs appelés aussi chambre d'isolement . Lorsqu'elle intervient, elle fait l'objet d'une prescription médicale et s'appuie dans une très large majorité de services sur des protocoles (3) .
Cette question de " l'isolement " a le mérite de poser tout haut ce qui souvent ne faisait pas l'objet ni de prescription ni de protocole , il y a encore quelques temps .

1/ Il s'agit d'abord de poser la question du rapport à la loi régissant l'hospitalisation .

La restrictions imposées par la loi de 90 , et les risques encourus par l'environnement hospitalier , familial concourent à rendre nos positions délicates à tenir . La loi du 17 juin 90, dans ses articles relatifs aux hospitalisations sous contrainte, concerne des états cliniques justifiant d'une " surveillance constante "…
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a apporté des modifications importantes relatives à la circulation des patients dans l'institution psychiatrique. Elle ne concerne pas les hospitalisations libres mais modifie dans un sens plus contraignant les dispositions relatives aux sorties de courte durée des patients hospitalisés sous contrainte.
Les dispositions propres à la loi de 1990 nous aident par certaines dispositions (4) ... Elle pose le principe du consentement des personnes atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation .L'hospitalisation sans consentement se fait sous deux régimes d'hospitalisation , soit à la demande d'un tiers , soit d'office prononcée par le préfet pour troubles compromettant l'ordre public ou la sûreté des personnes .
La question de la mesure d' internement n'est pas une simple mesure de privation de liberté mais bien une mesure de soins sous contrainte . La pratique psychiatrique nous confronte à des patients déniant totalement toute pathologie et refusant l'hospitalisation.
Nous constatons qu'un petit nombre de patients a besoin de l'internement voire le demande inconsciemment en rapport avec une souffrance psychique intense . Ces patients se plaignent beaucoup de la privation de liberté , demande la levée de leur placement ; mais souvent ils s'apaisent , leur délire tombe parfois automatiquement .Un travail de parole peut se mettre en place avec eux , où pas à pas se tissent des liens . Il est banal de constater que la demande de sortie subsiste d'une manière véhémente mais que rien n'est fait pour partir . Les premières sorties peuvent être l'occasion de voir se manifester l'angoisse .Tel patient qui voulait sortir nous confiait combien, en même temps c'était terrible d'être dehors vis-à-vis de ses persécuteurs.

Il nous arrive ainsi de maintenir le cadre de l'HO pendant des sorties d'essai parfois extrêmement longues .Cette pratique du maintien de l'HO, nous l'avons développé à Etampes vis à vis de quelques patients psychotiques , particulièrement délirants et potentiellement dangereux, afin que ceux-ci puissent recourir à un avis d'expert devant la difficulté de se prononcer devant l'amélioration de certains troubles .

Limites de la loi.
La loi présente des limites qui font l'objet régulièrement de controverses :
-La restriction du traitement psychiatrique au seul milieu hospitalier .
-Certains patients sont parfaitement adapté à l'hôpital , mais dès la sortie arrêtent leur traitement et ne consulte plus
- Le régime de l'HO , comme je l'ai précisé est axé sur un objectif sécuritaire d'ordre public ,..

2/ Il s'agit aussi de la question clinique .

On observe ainsi logiquement que l'hospitalisation sous contrainte est un critère important pour restreindre les conditions de circulation devant l'obligation d'assurer une surveillance constante au regard de la loi . Mais les risques suicidaires, les raisons de sécurité et plus largement les considérations cliniques sont très souvent mises en avant . Le régime de l'hospitalisation n'est absolument pas la seule référence , et il est très souvent fait référence à la notion de contrat de soins incluant la question de la circulation dans l'espace de l'institution ( au même titre que la limitation ou non des visites de la famille , des communications téléphoniques , du port du portable ,restitution des clés de voiture ,…).Ces éléments consignés par écrit sont une base de référence pour l'équipe soignante.
La question posée sur la liberté d'aller et venir dans l'institution psychiatrique nous ramène aussi à une réalité :celle de la spécificité de la maladie mentale .
Nous nous trouvons en présence d'un sujet valide dont les troubles altèrent le comportement et la conscience sans altérer le physique . La situation n'est effectivement pas la même vis à vis d'un patient dément , ou dépressif et un malade désorienté ou un psychotique délirant .

Il est difficile d'imaginer que cette liberté idéale reconnue a toute personne puisse s'appliquer au psychotique éclaté, morcelé, perméable a toutes les infractions.
La prise en charge du patient dépressif ou mélancolique au grand risque suicidaire induit aussi une restriction dans sa liberté d'aller et venir .
Par ailleurs , il est important d'évoquer la question de l'entourage , en particulier la famille , souvent à l'origine de l'hospitalisation du patient. Dans le cadre de l'alliance thérapeutique , il est absolument essentiel de les inclure , et de limiter la liberté du patient , parfois aussi, afin de préserver la famille mise à l'épreuve de la pathologie (5) .

3/ De l'autre côté des préconisations insistent sur la liberté d'aller et venir .

A côté des aspects contraignants de la loi et de la clinique en ce qui concerne la restriction à la liberté d' "aller et venir " , il y a un ensemble de préconisations qui visent à respecter la liberté de circulation .La récente mission concernant l'élaboration d'un Plan d'action pour le développement de la Psychiatrie et la promotion de la Santé Mentale (Mission dite Cléry-Melin) insiste sur la clarification entre " l'ouvert et le fermé ". Il s'agit là d'une nécessité absolue et " il paraît inadmissible que pour des raisons d'inadéquation architecturale , un patient en hospitalisation libre se retrouve derrière une porte fermée , même s'il est convenu que cette porte puisse être ouverte à sa demande . " LA POSSIBILITÉ D'ALLER ET VENIR SANS CONTRAINTE DANS LE CADRE DU PROTOCOLLE THÉRAPEUTIQUE LIBREMENT CONSENTIE EST UN ÉLÉMENT FONDAMENTAL DE LA DÉSTIGMATISATION DE L'HOSPITALISATION "(p.75 du rapport ) ".

Nous mesurons bien toute la distance entre de grands principes et les choix difficiles que nécessite une "éthique en situation" .

1ER EXEMPLE
Nous en donnerons un exemple avec le cas de Mm C.hospitalisée maintenant depuis plus d'un an en hospitalisation à la demande d'un tiers , après des mois d'errances .Il s'agit d'une patiente présentant des carences affectives extrêmes , qui jusqu'il y a peu ne supportait pas la moindre frustration , agressant soignants , ou soignés . Chez elle la régression instinctuelle est telle qu'elle a pour seule demande , ses cigarettes ou bien les repas , ou le goûter .Tous les projets de réinsertion ont échoués .Il y peu de temps , l'exaspération et les transgressions multiples imposaient des sorties d'office en rapport avec des transgressions et des passages à l'acte .Les problèmes qu'elle posait dans le parc et le service , la confinait le plus souvent près du poste infirmier avec une restriction importante de ses sorties .L'équipe gérait ses cigarettes , ce qui entraînait souvent de nombreux problèmes devant la frustration que cela induisait ..Nous avons depuis peu réintroduit les sorties chez cette patiente , afin qu'elle puisse aller chercher son argent et acheter ses cigarettes , ce qui a fait largement diminuer la tension induite par cette patiente . Le travail soignant ne vise pas à imposer la contrainte dans le cas de Mm C mais au contraire à restituer un espace de liberté progressif face à la contrainte de la maladie mentale .Il ne s'agit pas simplement de dire non et de contenir mais de proposer progressivement sur un plan contractuel un projet thérapeutique restituant au patient ses capacités d'aller et venir .

Dans le cas de Mm C ce projet doit être souscrit par toute l'équipe .Il inclut également des partenaires extérieures .Il s'agit en l'occurrence du Trésor Public de l'Hôpital Esquirol acceptant de souscrire aux demandes financières de MmC 3 fois par semaines , pour ses cigarettes , et de sa mère ..Cette dernière est informée des sorties de sa fille et participe du projet. Nous sommes conscients de la fragilité de ce travail d'ouverture avec une patiente aussi difficile .La réussite dans ce cas comme dans d'autres se mesure à la possibilité de reconquérir un espace d'autonomie et de liberté , ne serait-ce dans le cadre de l'Hôpital

2/ AUTRES EXEMPLES.
Je voudrai donner deux autres illustrations de cette question de " liberté d'aller et venir " dans le contexte de mon service à l'Hôpital ESQUIROL .
Le cas de Mr C.hospitalisé depuis un an en service libre , après s'être présenté aux Urgences de l'Hôpital de Créteil .Mr C ne cesse de demander sa sortie , où tout au moins qu'on le laisse se promener dans le parc .Ces demandes sont souvent repoussées . Mr C est hospitalisé en Psychiatrie en service libre pour des douleurs chroniques qui n'ont pas fait la preuve de leur origine somatique malgré des bilans réguliers effectués .Il a 64 ans et vivait avec son amie , jusqu'au décès de celle -ci il y a quelques années .Mr C a dû être hospitalisé à plusieurs reprises en Psychiatrie , adressé par différents services de soins somatiques .Nous avons essayé plusieurs fois de le remettre à son domicile , sans succès, car Mr C retournait se réfugier aux urgences de l'hôpital général pour être " soulagé " de ses douleurs .Le bilan effectué n'a pas permis de faire la preuve d'une problématique somatique et le diagnostic psychiatrique évoquent une dépression masquée avec des troubles hypocondriaques .Dans le service, Mr C arpente à longueur de journées les couloirs près du poste infirmier , il sollicite de l'aide par rapport à ses souffrances et souhaite rentrer chez lui .Il est en service libre , mais malgré cela , nous limitons très soigneusement ses sorties à la suite de plusieurs mésaventures survenues alors qu'il se trouvait en sortie de l'hôpital et qu'il a été trouvé errant à proximité de la Seine .Mr C évoque souvent qu'il va se jeter dans la Seine , qu'il est de toute manière " irrécupérable ".
Malgré l'apparence d'une compréhension de la situation , il est difficile de passer avec MrC un " contrat thérapeutique " et de répondre à ces demandes souvent incohérentes " quant à sa liberté d'aller et venir ". Il s'engage régulièrement à respecter son engagement de respecter les horaires de sorties , mais régulièrement doit être ramener par la police qui le trouve errant devant les bords de la Marne .
Nous limitons en conséquence sa liberté malgré le contexte de l'hospitalisation libre.

A) Modalités de prises de décision
Les modalités de prises de décision concernant la circulation de Mr C. sont posées quotidiennement lors du flash du service le matin , en équipe . Étant le médecin référent ,nous décidons en équipe tous les jours de l'application ou pas de cette mesure de restriction ou pas .Notre évaluation repose sur plusieurs facteurs , en particulier les problèmes qui ont pu se poser la veille lors d'une sortie de Mr C.Il est à noter l'incidence du projet de soin sur ce contexte de liberté d'aller et venir concernant Mr C .En effet , la perspective d'un placement envisagé en Maison de retraite n'est pas sans retentissement sur la prise en charge . Mr C.refuse tout projet d'être envoyé chez les " grabataires " selon son expression .Les entretiens réguliers avec lui visent à structurer et élaborer à la fois le projet institutionnel le concernant (dont fait partie la liberté ou pas " d'aller et venir "), et le projet de sortie .L'ensemble de l'équipe est informé de ce projet , qui inclut également des référents du Centre -Médico-Psychologique impliqués aussi dans sa prise en charge .La possibilité pour lui de circuler hors du service permet de détendre des situations très conflictuelles , où le patient vient exacerber ses demandes de soins vis à vis de l'équipe . Cet élément est souvent relevé chez des patients très régressés qui exercent un véritable harcèlement de l'équipe ou d'autres patients.
Nos recommandations transcrites dans le cahier d'observations médicales fixeront quotidiennement les horaires de sortie de MrC..

B) Les consignes thérapeutiques
L'unité hospitalisation de MrC est souvent fermée par risque de fugues des patients sous contraintes .
Il suffit parfois d'un patient présentant une situation d'agitation avec risque de fugue pour que l'unité soit fermée .La plupart des patients en service libre sauf contre indication médicale comme Mr C peuvent sortir s'ils en font la demande . Cela est précisé dans les consignes thérapeutiques médicales.
Les consignes sont rédigées par le médecin référent et concernent les autorisations ou les interdictions de sortie .Il est essentiel que l'équipe puisse disposer de transcriptions médicales écrites pour fixer le cadre de l'hospitalisation . Dans le cas de Mr.I l'hospitalisation sous contrainte récente s'inscrit dans l'évolution d'une schizophrénie dysthymique ..MrI a présenté brutalement un état psychotique et délirant dans lequel il s'est mis à arrêter les voitures dans la rue afin de réagir à un commandement délirant.Il s'agit d'une réhospitalisation pour MrI , suivit depuis plusieurs mois au CMP .
La famille est à l'origine de l'hospitalisation à la demande du tiers . Dans ce cas , il est évident compte tenu des multiples risques et de son état que Mr I soit restreint dans sa liberté de circuler . D'ailleurs , il sera mis en chambre de soins intensifs pendant quelques jours , à la suite de comportement d'opposition et d'agitation ..Après quelques jours , une fois restaurée le contact et la sédation , il sera autorisé à circuler dans l'unité de soins.Dans un premier temps dans le cadre du service uniquement sans sortie, même dans le parc . Mr P se soumet assez bien à ce projet thérapeutique .La famille très conciliante malgré les antécédents de décompensation et de violence familiale souhaite rapidement le retour de leur fils .

C) Le cadre thérapeutique
Il s'agit pour nous de ne pas trop anticiper l'évolution , et de maintenir un cadre thérapeutique assez progressif afin d 'éviter la fugue ou une brutale décompensation .Cette graduation dont les mesures contraignantes dans le cadre du service est indispensables , elle est contemporaines d'un retour à la réalité psychique dans le cadre des décompensations psychotiques . On assiste fréquemment à des rechutes , qui nécessitent de revenir à une étape antérieur , avec parfois remise en place d'un protocole de chambre de soins intensif .
C'est dans ce cadre que le rôle du médecin doit s'inscrire comme médiateur de la demande du patient et de la famille , et avec l'apport de l'équipe soignante, ajuster son projet dans l'espace de l'institution mais également au dehors .Le comportement du patient dans l'institution , l'état clinique, l'attitude familiale , leurs souhaits et attentes , ainsi que les antécédents du patient au sein de la famille ,.. participent de la graduation dans l'ouverture de la prise en charge hospitalière . Le thérapeute élabore avec chacun des patients et souvent son entourage un espace de dialogue où la question posée par la loi et la sécurité s'associe à celle d'un " risque calculé " basé sur l' " échange et le dialogue .

D)Le contexte de fermeture des services
Dans le service la fermeture /ouverture des deux unités fait l'objet à nouveau d'une concertation de l'ensemble des équipes des deux unités d'hospitalisation lors de la réunion quotidienne .Ce point est essentiel car il est indispensable d'avoir un consensus d'équipe pour que la décision appliquée n'élève pas les tensions au sein de l'équipe soignante .Dans ce domaine en effet, il est important de tenir compte des inquiétudes des uns et des autres , en particulier des problèmes de responsabilité vis à vis des patients .Je donnerai l'exemple de discussions concernant le risque de fugue d'une patiente autiste du service , laquelle n'a d'ailleurs jamais fuguée du service malgré l'ouverture des portes . Depuis peu , nous ouvrons à nouveau l'unité en posant quotidiennement lors de la réunion du matin la question de l'ouverture et /ou de la fermeture en fonction de l'état des patients , et des admissions .Les patients sont informés par note de l'ouverture de l'unité et priés d'avertir les soignants de leur sortie .
Au moment de la visite des experts dans le cadre de la procédure d'accréditation de l'Hôpital Esquirol au mois de mai 2001 , le fait de la fermeture avait été signalé dans le rapport des conclusions . " Les services sont fermés à clef .Cela oblige les patients à demander aux soignants l'autorisation de sortir (6) . "
Une enquête a été réalisée à l'Hôpital Esquirol en 2001 sur l'ouverture et la fermeture des services et les raisons invoquées pour la fermeture , le nombre de sortie sans autorisation ainsi que les retours (7) .Nous avons participé à cette en quête au titre du service d'hospitalisation .Le cadre de cette recherche / action a modifié l'objet de la recherche .En effet , quand nous avions pris nos fonctions en 1998 , à la différence d'autres services où nous avions été préalablement , nous avions découvert une pratique à Esquirol dans le cadre d'unités fermées . Nous avions tenté dans un premier temps de modifier cet aspect en posant régulièrement la question de l'ouverture -fermeture de l'unité en fonction des problèmes de sécurité qui pouvait se poser. Au fil des années , le poids des hospitalisations sous contraintes avaient entraîné à nouveau la fermeture quasi constante de l'unité (8) .
Contre toute attente , le fait même d'annoncer ce travail de recherche a modifié la question de la fermeture .En effet , chaque matin , la question de l'ouverture ou non de l'unité était posée en réunion .Le service a alors été ouvert 19 jours sur 30 le premier mois (9) . La principale raison invoquée pour la fermeture est le risque de sortie sans autorisation de patients hospitalisés sous contraintes .La seconde raison invoquée est le risque d' " intrusion " de personnes parfois totalement étrangères au service dans un but surtout de trafic de stupéfiants ou d'alcool. On évoque aussi d'autres difficultés comme la démence avec déambulation chez des patients désorientés , où le risque de fugue d'une patiente autiste .

CONCLUSION

Nous n'avons pas pu évoquer dans ce cadre l'intérêt des unités intersectorielles . Nous avons insisté à partir de documents de référence et de notre pratique sur les circonstances qui entraînent la privation de liberté en milieu Psychiatrique , en décrivant les procédures.
Nous avons souligné le rôle de l'hospitalisation sous contrainte qu'impose la loi de 90 , mais en fait on se rend compte d'après les éléments présentés que la référence clinique ainsi que le cadre idéologique du service interviennent tout autant . Le soin ne peut aller sans prise de risques, risques que les protocoles sécuritaires rendent de plus en plus difficile à prendre. La pratique psychiatrique de part la spécificité du fait psychiatrique implique la mise en place d'un cadre thérapeutique ainsi qu'une alliance thérapeutique afin que puisse se dérouler le processus de soin de l'entrée du malade à la sortie .
Nous sommes confrontés souvent à une restriction des libertés qui doit rester dans le cadre de la loi de 1990 , ce qui nécessitera sans doute de la part de cette conférence d'actualiser par des nouvelles recommandations une pratique qui est loin d'être homogène dans la matière .
De notre expérience , il ressort que cette question d'ouverture /Fermeture est une question fondamentale pour l'avenir de la Psychiatrie , a conditions que les équipes et l'administration puissent se saisir des enjeux et risques attenant à ces questions que nous avons essayées de définir à partir de notre pratique .
Afin que puissent se mettre en place les éléments référentiels permettant l'élaboration de guide de bonnes pratiques, il est nécessaire, tout en évitant la standardisation de la démarche, d'exiger le rappel de la réglementation en vigueur sur la liberté de circulation des patients et l'ouverture des services. En contre partie la décision d'exercer une limitation de circulation devrait être définie à partir d'un projet thérapeutique incluant la famille , les contraintes de la loi de 90 , le risque attenant à la libre circulation , l'état clinique ,….La prise en charge élaborée par l'ensemble de l'équipe soignante devra comporter un volet sur la liberté d'aller et venir .
L'ouverture /fermeture des services doit faire partie d'une démarche appréhendée à partir des critères clairs et précis et doit être évaluée sur des délais revus et corrigés . Il ne s'agit pas de compliquer les procédures actuellement utilisées dans la pratique mais de mieux les cerner et de faciliter leur identification en abordant des questions fondamentales le plus souvent négligées. Au même titre que la mise en place du protocole de mise en chambre de soins intensifs qui s'est généralisée à partir de son édification , l'élaboration de critères qui définissent les conditions de libre circulation , peut permettre de guider les équipes afin de les aider vis à vis de cette question . Cela ne sera pas seulement le seul élément décisif, compte tenu des difficultés actuelles au regard des problèmes qui se posent en Psychiatrie (effectif , responsabilité accrue , violence ,…) .Il est important cependant que les équipes puissent se réapproprier cette question à travers leur fonctionnement institutionnel afin que les principes de perméabilité avec l'extérieur , d'ouverture , de travail avec l'environnement , de circulation des acteurs puissent vraiment avoir droit de citer .





Je remerçie le Dr M.Esvan Praticien hospitalier ,S.Lefoll et le Dr G.Vidon et toute mon équipe du 16é secteur pour leur aide et conseils attentionnés.

NOTES et BIBLIOGRAPHIE

1 - L'Association Nationale des Psychiatres Présidents et Vice-Présidents de CME a souhaité faire un " d'état des lieux " des pratiques en matière de liberté de circulation des patients, à travers une enquête effectuée en 2003.In PORTES OUVERTES OU FERMEES EN HOSPITALISATION TEMPS PLEIN (Charles Alezrah * et Jean-Marie Bobillo -2002-). La liberté de circulation .portes ouvertes , portes fermées ?

2 - Par rapport aux années 70 où on a assisté conjointement au développement de la politique dite de secteur en France et à l' " ouverture " des services hospitaliers ..

3 - 85,3% des services ont un protocole de mise en chambre d'isolement .86,4% des services ont un protocole de surveillance d'un patient en chambre d'isolement (Enquête des Drs Charles Alezrah et Jean-Marie Bobillo).

4 - Dans le cadre de notre pratique , nous avons constaté l'intérêt d'utiliser la loi de 90 en particulier avec des patients psychotiques . Nous avons été surpris de constater que le cadre des placements d'office venait parfois soulager la carence symbolique que l'on peut observer à l'oeuvre dans les délires paranoiaques . Nous en avions fait à l'époque le sujet de notre thêse

5 - Sur ce point voire notre rapport sur " le soutien apporté à la famille de sujets présentant des signes précoces de schizophrénie " In Conférence de consensus SCHIZOPHRÉNIES DÉBUTANTES Diagnostic et modalités thérapeutiques, John Libbey , 2003

6 - Rapport d'accréditation de l'Hôpital Esquirol P.10.

7 - La liberté de circulation .portes ouvertes , portes fermées ? Anne-marie Leyreloup, Emmanuel Digonnet publié dans l'ouvrage Démarche qualité en Santé Mentale , publié sous la direction d' Aude Caria (2003).

8 - A l'époque , le service ne disposait que d'une seule unité de 35 lits, difficile à contenir dans la promiscuité et la violence .

9 - Anne-marie Leyreloup, Emmanuel Digonnet (ibid p.6)



- La liberté de circulation .portes ouvertes , portes fermées ? Anne-marie Leyreloup, Emmanuel Digonnet publié dans l'ouvrage Démarche qualité en Santé Mentale , publié sous la direction d'Aude Caria (2003).

- Rapport d'accréditation de l'Hôpital Esquirol

- PORTES OUVERTES OU FERMEES EN HOSPITALISATION TEMPS PLEIN (Charles Alezrah et Jean-Marie Bobillo -2002-). La liberté de circulation .portes ouvertes , portes fermées ?