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Le mot et la chose



L’entretien infirmier est un poisson de Lune qui se prend pour un seigneur des Karpathes. C’est un chapeau melon posé sur le gouffre de Padirac , c’est sept ans de réflexion dans un bocal à cornichons. Elles ne vous plaisent mes définitions ? Et pourtant, elles sont à peine moins absurdes que celles retenues par notre ancien décret de compétence. Lisez plutôt 
« 
Dans le cadre de son rôle propre l’infirmier accomplit les actes ou dispense les soins infirmiers suivants, visant notamment à assurer le confort du patient et comprenant, en tant que de besoin, son éducation et celle de son entourage  ...
-        aide et soutien psychologique  ;
-        relation d’aide thérapeutique  ;
-        entretien d’accueil et d’orientation ...  » (1)
Vous n’en saisissez pas tout le sel  Lisez celle-ci 
« 
L’infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale, qui, sauf, urgence, doit être écrite, qualitative et quantitative, datée et signée les actes ou soins infirmiers suivants  ... entretien individuel à visée thérapeutique.  » (1)
Vous imaginez un médecin prescrire douze séances de psychothérapie pour M. Boisvert  L’ordonnance pourrait préciser le lieu, la périodicité des séances, les horaires de régulation. Elle mentionnerait l’impact psychique recherché  par exemple travailler le conflit œdipien. Elle pourrait même prédécouper les séances et programmer les manifestations de transfert.
Cela ne vous fait pas rire  Vous vous demandez quels sont les ahuris qui ont rédigé ces âneries  Vous avez raison, moi aussi.
Une pratique repérable, mais ...
Et pourtant, il existe bien une pratique clinique qui correspond au mot «entretien infirmier  ». Dans ce centre d’oncologie, une infirmière clinicienne reçoit Mme Vasseur qui vient de subir une ablation du sein droit. Elle accompagne son deuil, elle écoute la remise en cause de sa féminité, ses questions par rapport à sa vie sexuelle. Une autre infirmière ailleurs, écoute M. Quivron, diabétique, et l’invite à décrire ses rituels alimentaires, la façon dont se déroulent les repas dans sa famille, le sens qu’il leur accorde. Dans un CMP, un infirmier de secteur psychiatrique reçoit Mme Fresney, qui patauge en plein conflit conjugal auquel son hystérie donne une allure de cataclysme mondial, auprès duquel la querelle Israël/ Palestine n’est qu’un doux zéphyr. A Nogent, une infirmière se pose auprès de la famille de M. Turgani, un vieux monsieur qui souffre d’une démence d’Alzheimer. Elle écoute leurs inquiétudes mais aussi leur culpabilité d’abandonner leur père et époux dans ce monde de vieux qui perdent la boule.
La régularité de ces rencontres, la régulation à laquelle ces soignants s’astreignent, leur écoute bienveillante des patients font de ces séquences de soin de véritables entretiens.
S’il est possible de repérer une pratique d’entretien, à l’exception notable des structures de soins extra-hospitalières en psychiatrie et des services de soins palliatifs, celle-ci se cantonne souvent à des entretiens de recueil de données vite oubliées dans le dossier de soin et redécouvertes lors des Mise en Situation Professionnelle des étudiants en soins infirmiers. Les comptes-rendus d’entretiens sont rares et peu documentés. La parole du patient qu’ils sont censés rapporter disparaît derrière les transmissions ciblées. L’entretien répond à une cible (à un problème, l’angoisse par exemple), seul est noté le résultat. Et si la même angoisse étreint le patient, quelques jours plus tard, on reproduira le même type d’entretien pour le même résultat. Lorsque l’on regarde d’un peu près les dossiers de soins, on se rend compte que rien ne semble relier logiquement et cliniquement les différentes séries d’entretien proposées à un même patient.
Un problème
L’entretien infirmier en tant que pratique et support de théorisation du soin pose un réel problème. Tout se passe comme si les infirmiers étaient empêtrés dans cet espace que leur offre leur rôle propre. Les entretiens à visée psychothérapique semblent, eux, totalement absents de la scène institutionnelle. Ce constat que nous sommes nombreux à déplorer pose évidemment la question de la formation initiale  : quelle formation pour quel type d’entretien  Elle nous interroge également sur l’adéquation des textes à la pratique et aux théories en vigueur et d’une façon plus générale sur l’absence de définition de la fonction infirmière. Comment faire cohabiter dans un même article «  changement de sonde d’alimentation gastrique ou de sonde vésicale  », «  surveillance des cathéters courts  » et «  organisation d’activités à visée sociothérapique  »  Associés dans un même article, ces soins seraient du même ordre. A la précision des uns répond le flou des autres. Lorsqu’elle change une sonde, l’infirmière accomplit un acte et un seul. L’ambiance relationnelle est importante, certes, mais elle est ce qui enveloppe le soin. Lorsqu’une infirmière organise une activité à visée sociothérapique, elle peut proposer des actes aussi divers qu’une partie de cartes en préparation du concours de belote auquel vont participer les patients le week-end, qu’une séance de poterie, d’équithérapie, de balnéothérapie ou d’écoute musicale. Ces actes ne sont pas du même ordre que les scarifications. Le type de savoir auquel ils se réfèrent est fondamentalement différent. Leur impact même renvoie à deux conceptions du rôle propre infirmier.
Pour penser l’entretien infirmier, faut-il partir du mot, de sa place dans le décret de compétence et de ce à quoi il renvoie ou de la chose, c’est-à-dire à des pratiques réelles qui se sont imposées ici ou là, malgré ou à cause des incertitudes du décret de compétence  Dans un cas de figure, nous énoncerions qu’il n’y avait pas d’entretiens infirmiers avant 1991 (2) et que cet acte est réservé aux infirmiers de secteur psychiatrique qui seraient les seuls infirmiers compétents en ce domaine. Dans l’autre cas, nous verrions émerger progressivement une pratique, que l’on n’arriverait pas à nommer dans un premier temps mais qui prendrait progressivement le nom «
d'entretien infirmier  ».
Il ne suffit pas qu’un acte soit inscrit dans un décret pour que les professionnels soient formés à le pratiquer, et donc qu’ils soient compétents. La reconnaissance de cet acte doit s’appuyer sur une littérature qui en décrit les soubassements théoriques et des règles de bonne pratique. Autrement dit la chose doit exister avant le mot, pour en soutenir la définition, pour dessiner l’espace auquel le mot renvoie. Il doit y avoir des allers retours constants entre expérimentation de terrain, distance clinique, et théorisation. Les textes divers qui jalonnent ces étapes sont le reflet de cette démarche qui peut seule valider la pertinence d’une pratique clinique.
Quels textes théoriques, quelles règles pratiques élaborés par des infirmiers ont permis de soutenir la reconnaissance de l’entretien infirmier  Pour le savoir, il suffirait de relire la bibliographie de référence des différents guides du service de soins infirmiers et de noter tout ce qui se réfère explicitement à cet acte. Nous ne pouvons que faire le constat d’une grande pauvreté. Les références anglo-saxonnes y sont majoritaires. Tout se passe comme si l’acte entretien avait été posé là sans qu’il soit le fruit d’une réelle appropriation des acteurs de terrain.
L’autre méthode consisterait, pour peu que l’on ait suffisamment d’expérience, à faire retour à sa propre histoire professionnelle et à tenter de repérer l’émergence de cette chose à laquelle on a donné, un jour, le nom d’entretien infirmier.
Je vous invite à me suivre dans ma chronomobile. J’y serais subjectif, sans réelle distance, avec tout ce que cela comporte d’à peu près méthodologiques. Méfiez-vous de ce que vous allez lire.

« Quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose 
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose.
Aussi de la chose et du mot
Devez-vous savoir quelque chose.  » (3)

Le maître de peinture et le maître zen
La première fois que j’ai fait la chose, je n’avais pas vingt ans. J’étais élève-infirmier dans un pavillon qui avait pour nom «  La communauté  ». J’ai raconté ailleurs (2) ma révolte lors de ce premier contact avec la folie institutionnalisée. Les soignants m’apparaissaient comme des enfants qui jouaient près d’un dépôt d’ordure, comme des noctambules qui dansaient sur un volcan, préoccupés qu’ils étaient de leurs avantages acquis et de leur note administrative. Certains patients, malgré l’ampleur de leurs failles, continuaient à se battre, cherchaient à comprendre ce qui leur arrivait et persistaient envers et contre tout à vivre dans un monde humain. «  Ceux-là ont suscité chez moi de l’admiration. J’ai toujours infiniment plus respecté les psychotiques qui luttaient pied à pied contre la maladie que les soignants qui renonçaient. Je voyais dans leur combat l’écho de la lutte de Sisyphe roulant son rocher, persistant à le rouler, même en sachant qu’il finirait par dégringoler et qu’il faudrait recommencer. Et si, eux, n’abdiquaient pas, pourquoi aurais-je du renoncer    » (2)
Mon premier professeur a été Hervé. « 
Lorsque le surveillant m’a fait visiter le pavillon, Hervé m’a montré un de ses dessins, une reproduction de la victoire de Samothrace. Au lieu de manifester un intérêt poli, ravi de rencontrer de l’humain, du culturel, du vivant, je me suis accroché à cette reproduction comme à une bouée, j’ai regardé le dessin avec intérêt, et j’ai dit à Hervé qu’il ne lui manquait que les ailes, puis j’ai rajouté bêtement  «la tête alouette    »
Autour de cet échange quelque chose s’est passé qui avait à voir avec le patronyme d’Hervé que j’ignorais
(on présente les locaux pas les patients  ). Une relation s’est nouée. A partir des dessins d’Hervé, puis de ses textes, tout un chemin a été parcouru qui devait le conduire à quitter le pavillon après cinq ans d’hospitalisation.
Hervé a accompli un certain parcours, mais j’en ai accompli un aussi. J’y ai appris mon métier
(4). Le chemin était cahoteux, difficile, semé d’embûches. A chaque étape, les infirmiers me répétaient que cela ne servait à rien puisqu’Hervé était schi-zo-phrè-ne  C’était marqué. Il ne pouvait pas s’en sortir.  » (2)
Les entretiens infirmiers, on s’est mis à trois pour les inventer  Hervé, Fabrice et moi. Et même si c’est pas tout à fait vrai, c’est joli. Et puis un peu de respect, s’il vous plaît, je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans de diplôme ne peuvent pas connaître  En 1978, personne n’avait encore eu l’idée d’associer le nom entretien et l’adjectif infirmier. C’était une terre vierge que nous explorions. Pour ce que nous faisions, il n’y avait pas de mot. Comme si cela avait été innommable. « 
En ce temps d’avant les cours d’infirmier, en ce temps où je ne savais rien, où j’apprenais sur le tas, les manifestations délirantes ne me paraissaient pas spécialement choquantes. C’était ce qui arrivait à Hervé et à d’autres, une façon de donner du sens au monde. C’était ce qu’il cherchait à décrire dans ses textes.  »(2)
A la première occasion Hervé m’a proposé de me montrer ses autres dessins. Voitures, portraits de Johnny Halliday, reproductions de sculptures, tout un monde m’attendait. N’imaginez pas un artiste injustement méconnu. Hervé ignorait la perspective. C’était un adepte de la ligne claire. Son trait était plutôt maladroit. Mais après tout je n’étais pas critique pictural. Et puis les dessins de mon père, dont c’était le hobby, m’avaient habitué à une certaine hésitation dans le crayon. De fil en aiguille, de discussions autour de la peinture et du dessin est née une relation. Passionné de bandes dessinées, je l’ai amené à petites touches à élargir sa palette et ses motifs. Un grand moment pour Hervé fut la reproduction d’une couverture de Métal Hurlant (5). C’était la première fois qu’il utilisait la peinture. Nous discutâmes longuement de la façon de conserver les couleurs. La laque eut sa préférence. La peinture a tenu. Vingt trois plus tard, son tableau est toujours là, il m’a accompagné dans tous mes déménagements.
La mise en place d’un cadre
Entre deux discussions autour de la peinture, Hervé s’est mis à me raconter son passé. Il est vite devenu impossible de rester dans le dortoir de quarante lits pour parler. Les éléments biographiques devenaient tellement intimes qu’il fallait quitter les box de quatre lits et ses voisins qui n’en perdaient pas une miette. Après discussion, nous choisîmes un bureau pour accueillir ces rencontres. Unité de lieu.
Je me rendis compte que cela dérangeait les infirmiers, que je commettais une transgression. Comme si je me prenais pour un médecin. Nous étions à l’époque du cadre unique. Il n’y avait pas encore de psychologues, et notamment aucune de ceux qui se pensent comme les propriétaires du transfert. J’avais été prévenu qu’il me fallait garder mes distances. Mais comme nul ne m’en avait dit davantage, je continuais à suivre Hervé, le laissant diriger la relation.
Enfin, arriva le moment tant attendu, celui du début des cours. J’allais enfin savoir ce que je faisais avec Hervé. Cela allait enfin prendre du sens. En attendant, les rencontres devaient s’espacer à la grande déception d’Hervé. C’était comme si j’allais l’abandonner. Il devint nécessaire qu’il puisse repérer mes présences. Nous nous fixâmes donc des rendez-vous pour qu’il puisse s’habiller le cœur comme un renard apprivoisé par le petit prince barbu, chevelu que j’étais à l’époque. Il fallait qu’il puisse supporter mon absence.
Unité de temps.
C’est à cette étape là qu’Hervé entreprit de me raconter le début de sa maladie. C’était pour que j’apprenne. Il fallait que je me méfie de ce que disaient les psychiatres. Ils étaient trop à distance pour comprendre. Il est vrai que le sien n’était pas extrêmement présent. Hervé était un de ces patients critiques qui remettent en cause le fonctionnement de l’équipe. Les infirmiers étaient donc ravis qu’il jette son dévolu sur un élève. Pendant ce temps-là, ils avaient la paix. Nos rencontres portèrent sur l’histoire de sa maladie, sur ses premières hallucinations qui n’étaient au départ que des lueurs dans sa chambre d’hôtel. Il me raconta ses premières voix. Il préparait nos rencontres en amenant à chaque fois un petit texte. Unité d’action.
Je ne savais rien à l’époque sinon les rudiments de psychopathologie que l’on apprenait en première année. J’ignorais tout ou presque de la schizophrénie. La lecture de Bettelheim (6) m’avait appris qu’il pouvait y avoir un transfert négatif qui amenait le patient à agresser le soignant, d’une façon ou d’une autre. Je m’étais préparer à supporter ces attaques avec la même résignation que l’éducatrice de la Forteresse vide. J’étais tout surpris de ne pas le voir survenir. Je me demandais si cela était bien normal. Comme dans ce service là, à cette époque là, nul ne s’intéressait réellement à ce que faisait les élèves ma liberté était grande avec toutes les difficultés que cela implique. Personne à qui parler de ce qui se jouait. Tout se passait comme si les progrès d’Hervé ne pouvaient être perçus, comme s’ils menaçaient le fonctionnement de l’équipe. Il me devint vite évident qu’il fallait que j’en parle à quelqu’un. Mon ami Fabrice Bresson (7), élève comme moi fut celui-là. Difficile d’imaginer un assemblage plus hétéroclite  Fabrice le mystique, féru d’orientalisme taxait à l’époque la psychanalyse d’escroquerie, je dévorais les œuvres de Freud, essayant de comprendre par ces lectures ce qui se jouait avec Hervé. Evidemment, Fabrice détruisait mes fragiles certitudes et me citait des haïkus ou des histoires de maîtres zen pour que je puisse m’interroger. «  Tous les chemins mènent à la vérité, mais la vérité n’est pas le chemin  » me serinait-il. Il prenait un air mystérieux et me laissait là, interrogatif, me demandant comment Freud aurait réagit en pareilles circonstances. C’est ainsi qu’il remit en cause avec une assiduité qui tenait du prodige tout ce que je croyais avoir compris. Il avait une histoire pour toutes les circonstances. Régulation.
Je ne relaterais pas le parcours d’Hervé au cours de ces deux ans. Il finit par sortir après cinq ans d’hospitalisation temps plein. Il retrouva sa mère qui l’avait abandonné et je cessais d’avoir de ses nouvelles. Autour de cet «  » nous inventâmes de nombreuses choses, dont le suivi parallèle. Nous avions constitué un groupe d’élèves, chargés de prendre le relais lorsque je quittais le service pour une nouvelle affectation. Nous nous réunissions régulièrement pour faire le point et faisions à notre manière un travail d’inscription clinique du parcours d’Hervé.
Un mystère
Evidemment, ça ressemble à un conte de fées. Vous n’êtes pas obligé de me croire. Et pourtant, c’est autour de cette séquence de soins qu’Hervé et Fabrice m’ont appris à être infirmier. J’ignorais à peu près tout des règles, des théories, des notions de transfert et de contre-transfert. Mes lectures étaient mes seuls guides. Avec les interrogations zen de Fabrice, et cette sorte d’initiation me semble-t-il voulue et organisée par Hervé.
Dans cette prise en charge
miraculeuse j’ai utilisé de nombreuses techniques de soins  médiation artistique, accompagnement place du Tertre à Montmartre où Hervé voulait se confronter à de vrais peintres, prise de tension parfois, aide à faire le lit autour duquel s’échangeaient des banalités, contention des moments agressifs d’Hervé, le plus souvent lié à un déni de sa progression. Ainsi s’était-il déniché un travail de vendangeur. Son médecin avait cru bon d’augmenter son traitement sédatif pour l’aider à supporter ces quinze jours de travail. Aux moments d’accompagnement quotidien se superposait des temps que je peux repérer comme des séquences de soin qui respectent une unité de lieu, de temps et d’action centrées sur l’écoute de la parole d’Hervé. Le mot n’existait pas, mais ces séquences ressemblent étrangement à ce qui s’est nommé plus tard entretien infirmier. Et même entretien à visée psychothérapique.
Une telle évolution en deux ans et demi, chez un patient diagnostiqué comme atteint de schizophrénie paranoïde m’apparaît aujourd’hui hautement improbable. Il n’empêche. Un tel parcours, je n’ose écrire mené, par un élève aussi inexpérimenté que je l’étais est un mystère auquel je n’ai pas vraiment d’explications. Aujourd’hui, je déconseillerai fermement à tout étudiant de se lancer dans une telle aventure.
Si comme le disait parfois Tosquelles, on peut être psychothérapeute même dans un camp de concentration, rien n’interdit de l’être dans un pavillon asilaire. La psychiatrie de ces années était telle que rien ne pouvait être pire que cette sorte de mort psychique qui engluait soignants comme soignés. Tout plutôt que ces disques rayés, que ces diamants ébréchés, que ces pantins désarticulés, neuroleptisés, que ces poupées de boîtes de musique qui tournent en rond, encore et encore, attendant que quelqu’un veuille bien tourner la clé. Etions-nous des psychothérapeutes  La question n’a pas de sens. Nous nous voulions soignants. Il n’y avait rien d’autre. C’était ça ou rien.
La psychanalyse comme modèle de référence
Dans ces années charnières de la psychiatrie des années 70/80 où le secteur se mettait en place, je suis convaincu que nous fûmes nombreux à inventer l’entretien infirmier, et à le réinventer sans le savoir. Que ce soit au cours des premières visites à domicile, lors des premières prises en charge en hôpital de jour, lors de l’accueil des premiers toxicomanes à Marmottant, les expérimentations furent nombreuses. S’il y eut quelques succès, incompréhensibles avec les normes d’aujourd’hui, il y eut aussi des catastrophes humaines. Des élèves ou de jeunes infirmiers se lancèrent dans des prises en charge trop complexes qu’ils durent assumer seuls. Il y eut des suicides, des réhospitalisations dramatiques, des vies gâchées à tout jamais. D’autres quittèrent la psychiatrie publique et firent les beaux jours des lieux de vie. Cette psychiatrie ne produisit pratiquement pas d’écrits infirmiers. Et nul ne chercha à en favoriser l’éclosion.
Notre modèle était la psychanalyse, avec ou sans divan. C’est à partir de l’or pur de la cure que nous avons progressé, que nous avons appris, en en payant le prix parfois, en nous laissant percuter par les psychotiques et leurs mots/choses qui ne renvoient parfois qu’à eux-mêmes. C’est sur le divan que nous avons poursuivi notre apprentissage. C’est en décortiquant nos rêves, en affrontant le transfert que nous nous sommes formés. C’est autour de la psychose, dans des rencontres brûlantes, au bord du précipice, où soignant comme soigné risquait de chuter, c’est par l’écoute attentive de collègues, de psychiatres ou de psychologues que s’est forgée ma façon de concevoir et de pratiquer ce qui allait devenir l’entretien infirmier. Notons que si nous nous référons à la psychothérapie, la séquence importante est celle de séance, pas celle d’entretien.
Ce trajet et ce retour à la pratique posent la question autour de laquelle s’est séparé le Groupe de Sèvres en 1957, c’est celle du rôle psychothérapique de l’infirmier. Retournons à l’entretien et à sa définition.

« crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose
C'est qu'on peut dire le mot
Alors qu'on ne fait pas la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque chose.  » (3)


Si nous partons des différents textes officiels, il n’existera pendant très longtemps que l’entretien d’accueil infirmier. Ce n’est qu’en 1993, dans le décret de compétence, qu’apparaît l’expression d’entretien à visée psychothérapique. Deux ans plus tôt, le guide du service de soins infirmiers n°11, s’était enhardi à développer les concepts de relation d’aide et de relation psychothérapique. Avant 1991, cette notion semble donc absente de la littérature infirmière.
Habiter l’entretien d’accueil
L’entretien d’accueil est défini dès 1986, dans le glossaire provisoire du guide n°2-bis. C’est un «  dialogue entre l’infirmière et le patient dans les heures qui suivent l’admission en intra-hospitalier, ou dès la première rencontre en service extra-hospitalier.  »(8) Son but est d’entrer en relation avec le patient, de répondre à ses questions, de recueillir des informations permettant d’identifier ses besoins en soins infirmiers et d’établir le plan de soins infirmiers. Ainsi, dès l’origine, l’entretien d’accueil a principalement comme fonction le recueil de données. Pour vous en convaincre, il vous suffit de lire le guide infirmier consacré au dossier de soin. (9) La fiche d’accueil et d’identification proposée comme modèle ne permet pas de transmettre des données relatives à la relation établie avec le patient, ni même les questions qu’il adresse à l’infirmière qui serait une façon d’en témoigner. Cette fiche se remplit au cours de l’entretien d’accueil et durant le séjour ou les séjours ultérieurs. Sa présentation doit permettre une utilisation rapide et un réajustement qui tient compte de l’évolution de la situation. Sa deuxième fonction est d’identifier les besoins perturbés et de mettre en place des actions destinées à résoudre le problème. Le modèle sous-jacent est celui de la démarche de soins et des diagnostics infirmiers que l’on masquera sous le terme de «de soins  » (10)
Un recueil d’information 
La traduction anglo-saxonne est data-collecting interview. Elle donne les clés de l’hésitation perceptible dans les différents textes entre identifier un temps et un acte spécifique correspondant au recueil de données et le dissoudre dans les étapes de la démarche de soins. La cueillette des données étant continue, tout au long de l’hospitalisation, il n’apparaît pas essentiel de la spécifier davantage. Bien qu’inspiré des pratiques et des modes de pensée anglo-saxons, le mot entretien n’est pas utilisé aux Etats-Unis ou au Canada. De leur point de vue, le recueil de données est une étape, sans plus. On ne le quantifie pas plus que le temps d’analyse ou que la rédaction du plan de soin. Au sens strict du terme, ce n’est pas un soin. L’intervention retenue sera celle de stimulation de la volonté d’apprendre, d’établissement de limites, d’aide à la responsabilisation, etc. Pour les Anglo-saxons, l’intervention étant étroitement liée au problème identifié, elle n’a d’autre but que de permettre de résoudre ce problème. Le patient ne prend pas son traitement parce qu’il est perdu dans ses prises, qu’il ignore le nom de ses produits on lui proposera une intervention de gestion de sa médication. Et en aucun cas un entretien. C’est une question de grille de lecture. Si l’on se réfère à des comportements ou à des besoins perturbés, on mettra en place des actions correctrices. Si l’on fait l’hypothèse que ces perturbations sont dues à des conflits psychiques non élaborés, il faudra créer un cadre qui permette cette élaboration. En ce cas, faute d’avoir résolu la question d’un éventuel rôle psychothérapique de l’infirmier, la notion d’entretien peut s’avérer utile. Il s’agit alors non pas de réaliser une intervention, mais de créer un cadre contenant qui permette à la personne d’exprimer un ressenti et de cheminer à partir de ce ressenti. Le schéma problème/action/résultat entre parfaitement dans un programme informatique. A partir de là, on peut calculer une charge de travail, adapter le planning à des besoins en personnel repérés. Lorsqu’il s’agit d’évaluer une pratique qui se rapproche d’un travail psychothérapique, cette informatisation du soin est quasi-impossible.
La notion d’
interview, traduite par les Canadiens par le terme entrevue signale bien que ce dont il est question n’est pas essentiellement l’aspect relationnel du soin. L’important n’est pas ce qui s’entend, le travail mental du soignant, mobilisé lui aussi avec le patient mais ce qu’il voit, ce qui est objectif. Tous les écrits canadiens insistent sur cette recherche d’objectivité. Pas question de penser en terme de transfert ni surtout de contre-transfert. Surtout pas.
Créer un climat de confiance
Ainsi, il n’était pas nécessaire de répertorier un acte du nom «d'entretien d’accueil et d’orientation  », l’article 2 du décret était suffisant, l’infirmier «  identifie les besoins du patient, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue  ».
Le guide n° 11 vient remettre en partie en cause cette première formulation. Si les rédacteurs reprennent la définition de l’entretien d’accueil et d’orientation, ils rajoutent que « 
les approches de l’infirmier à travers ce processus ont pour objet de sécuriser la personne de façon à créer un climat de confiance avec elle, qui favorisera une relation d’aide.  » Ainsi ce qui est premier ce n’est pas le recueil de données mais la création de ce climat. «  La conduite de cet entretien ne doit pas imposer à la personne un entretien directif, mais le soignant devra faire preuve de tact, de finesse, de respect, de compétence, pour adapter son entretien d’accueil à la situation présente.  » L’écoute attentive de la personne est le mot clé de cet entretien d’accueil qui sera suivi d’autres entretiens. Il est possible de remettre en cause les avancées de ce guide en le limitant à la psychiatrie, mais c’est ne rien avoir compris au soin, c’est se fermer à toute expérience vécue dans un service d’urgence, c’est être sourd aux inquiétudes des patients qui ne seront jamais des clients. Le soin ne saurait être une prestation régie par des règles uniquement commerciales. Ce que la personne apporte aux soignants, c’est son corps, c’est sa vie. Il leur confie son bien le plus précieux  lui-même. Il n’existe ainsi pas d’exemples de patients qu’il ne serait pas besoin de rassurer, de sécuriser. L’hospitalisation provoque toujours une régression. L’entretien d’accueil, où que ce soit, doit donc d’abord viser à la création d’un climat de confiance. Ce climat passe d’abord par la personnalisation et par la personnification du soin. Il ne s’agit pas de remettre sa vie entre les mains d’une institution mais de quelqu’un sur lequel on sait pouvoir compter, sur quelqu’un qui s’engage. Il apparaît ainsi que le recueil de données ne saurait être une description uniquement objective et descriptive des besoins perturbés comme cela se pratique dans la plupart des hôpitaux. Les habitudes de vie des patients n’y ont pas plus de valeur que les renseignements administratifs. Le remplissage de la fiche de recueil de données n’est plus qu’une obligation à laquelle on satisfait automatiquement. «a rempli  Au suivant    » Pour l’accréditation, c’est tout bon.
On finit par oublier que derrière ces données, il se cache une personne avec des difficultés bien réelles, une trouille parfois panique de se faire opérer. Il n’est pas sûr que la réduction du temps de travail sans compensation de personnel permette aux infirmières d’habiter leurs entretiens d’accueil. Habiter les entretiens, c’est bien de cela dont il est question. Recevoir une personne, l’interroger, noter ses questions, entendre ses inquiétudes, la rassurer par sa présence plus que par ses mots, c’est s’engager, c’est créer une relation qui nous implique. On est responsable de ceux que l’on apprivoise énonçait le petit prince, le vrai, celui de Saint-Exupéry. Qui ne veut assumer cette responsabilité-là ne peut être infirmière. Une formation initiale qui ne permettrait pas aux infirmières d’assumer leur responsabilité ne saurait être satisfaisante.
L’extension de l’entretien d’accueil
Les entretiens d’accueil ont également connu une nouvelle dimension en psychiatrie  ; l’expérience des centres d’accueil et de crise, sous l’influence des théories systémiques et des thérapies brèves ont montré qu’il suffisait parfois d’un seul entretien mené par un soignant compétent pour que la crise soit résolue et dépassée par la personne ou le groupe de personnes en difficulté. L’entretien d’accueil devait donc être considéré comme un soin spécifique. L’aspect unique de cette rencontre en rendait toute comptabilité impossible. La démarche de soins atteignait ses limites. Dans une même séance, le soignant recueillait les données, les analysait, élaborait une stratégie qu’il réalisait et réévaluait. Ce processus s’effectuait à la vitesse de la pensée. Il n’était donc plus possible de l’écrire. L’action en aurait été par trop freinée. Au delà des centres d’accueil et de crise dont seuls 5 % des secteurs sont dotés, la pratique de CMP et de CATTP montre quotidiennement comment il est essentiel de penser l’entretien d’accueil autrement qu’en référence à la démarche de soins et au recueil de données. L’entretien d’accueil ne peut se penser qu’en référence à la relation d’aide.

« vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose.  »

Le précédent décret de compétence (juillet 1984) énonçait que l’infirmier était habilité a accomplir un soin qui avait pour nom relation d’aide thérapeutique. Un tel intitulé était a priori surprenant, il impliquait que la relation d’aide était considérée comme un soin et qu’il existait des services hospitaliers où une telle relation n’existait pas.
Un climat relationnel
Le guide n° 11 se coltinait cette question. La référence à C. Rogers permettait d’en proposer une définition. «  La relation d'aide psychologique est une relation dans laquelle la chaleur de l'acceptation et l'absence de toute contrainte ou de pression personnelle de la part de l'aidant permet à la personne aidée d'exprimer au maximum ses sentiments, ses attitudes et ses problèmes. La relation est une relation bien structurée, avec ses limites de temps, de dépendance, d'action agressive qui s'appliquent particulièrement au client et ses limites de responsabilité et d'affection que le conseiller s'impose à lui-même.  » (11)
Elle est une « 
relation permissive, structurée de manière précise, qui permet au client d'acquérir une compréhension de lui-même à un degré qui le rende capable de progresser à la lumière de sa nouvelle orientation...Toutes les techniques utilisées doivent avoir pour but de développer cette relation libre et permissive, cette compréhension de soi dans l'entretien d'aide et cette orientation vers la libre initiative de l'action.  » (12)
Ainsi décrite, la relation d’aide apparaît davantage comme un climat, comme une enveloppe que comme un acte réel. Les rédacteurs du guide le pointait bien en énonçant que « 
la relation d’aide peut s’appuyer sur des moments privilégiés notamment dans le cadre des soins et de la relation au corps (toilette, alimentation, application de thérapeutiques médicamenteuses, installation au lit).  » Ses objectifs sont de permettre à la personne de «  cheminer elle-même vers la compréhension ou la clarification de ses problèmes, d’exprimer ses difficultés. Ils se proposent de favoriser le développement de sa maturité et de sa personnalité.  » (12)
Ainsi définie, la relation d’aide thérapeutique ne saurait se cantonner à la psychiatrie. Chaque patient hospitalisé dans n’importe quel service devrait pouvoir bénéficier de cette atmosphère relationnelle. Comment pourrait-on poser une perfusion à Mme Bonnet, atteinte d’une leucémie sans tenter de créer cette atmosphère relationnelle
lui permettra d’énoncer ses doutes quant à son traitement, sa peur de mourir, sa volonté de mettre ses affaires en ordre ?
La relation d’aide thérapeutique n’est donc pas un soin mais l’ambiance relationnelle qui favorise le soin dans sa dimension psychologique. Cette ambiance est d’autant plus importante que les patients que nous accueillons sont atteints d’une maladie chronique ou mortelle et qu’un travail d’élaboration psychique leur est nécessaire.
C’est à partir de la relation d’aide qu’il faudrait penser l’ensemble des soins que nous faisons et non pas à partir de la démarche de soin comme nous y invite le décret de compétence. Il nous faut pour cela définir plus précisément le concept.
Pour Jacques Chalifour « 
la relation d'aide consiste en une interaction particulière entre deux personnes, l'infirmière et le client, chacune contribuant personnellement à la recherche et à la satisfaction d'un besoin d'aide présent chez ce dernier. Cela suppose que l'infirmière qui vit cette relation adapte une façon d'être et de la communiquer qui soit fonction des buts poursuivis. Ces buts sont à la fois liés à la demande du bénéficiaire et à la compréhension que la personne possède de son rôle.  » (13)
Cette relation n'est pas gratuite, elle « 
doit parvenir à provoquer des changements chez l'aidé. Celui-ci devrait effectivement par la suite se sentir plus épanoui, plus capable d'affronter la réalité et de découvrir par lui-même des solutions avantageuses à ses problèmes  ». (14)
Il est évident qu'en psychiatrie, la permissivité, la non-directivité ont des limites qui sont vite atteintes lorsque «
l'aidé  » dénie ses troubles, refuse l'hospitalisation, se sent persécuté par « l'aidant ». N’empêche.
Les étapes de la relation d’aide
Louis Malabeuf propose de prendre en compte quatre niveaux de relation soignant-soigné : la relation de civilité, la relation dite «de nature fonctionnelle  », la relation de compréhension, de soutien, de réassurance et la relation d'aide thérapeutique.
La relation de civilité «  ne différencie pas la relation soignant-soigné de la superficialité de bon nombre d’interrelations habituelles. Elle s'inscrit dans un rituel social, dans la volonté individuelle, d'un «éable  » comportement, d'une convivialité dans l'échange. C'est le niveau du propos banal, de la communication informelle où l'on parle surtout de tout, sauf de l'essentiel.  » (15)
Il s'agit d'un niveau reposant, un niveau où le patient peut se laisser aller à «
relation passe-temps  », à une relation «  bonjour-bonsoir ». Il s'agit d'une illusion car l'infirmier participe aux réunions d'équipe, lit le dossier de soins, mesure donc où en est le patient. Que ce patient soit décrit comme déprimé, mutique ou délirant le « bonjour-bonsoir » sera rapporté en réunion d'équipe, il sera analysé comme un symptôme, comme le signe d'un mieux-être, comme celui d'une aggravation, etc.
Dans l'équipe pluridisciplinaire, tous les soignants ne sont pas référents, toutes les relations n'ont pas les mêmes répercussions, c'est même l'un des intérêts du jeu institutionnel. Le patient a donc besoin de vivre des relations plus calmes, plus à l'abri. Cela ne veut pas dire que cette relation «
 calme" ne va pas se transformer à l'occasion du départ en vacances du référent.
L'infirmier engagé dans une relation d'aide thérapeutique n'a pas toujours la lucidité pour percevoir les tenants et les aboutissants de cette relation, et se laisse parfois plus facilement "manipulé" par «l'aidé  ». Les infirmiers, moins mobilisés sur le plan relationnel, liront mieux les enjeux psychiques de la relation et permettront ainsi aux «aidants" plus engagés de prendre de la distance.
A ce niveau relationnel, correspondrait l’entretien informel, la rencontre dans un couloir, les échanges autour du lever ou d’un soin quelconque.
La relation dite de «fonctionnelle  » est ainsi dénommée «  parce qu'elle participe d'un but avoué et qu'elle a une fonction précise, celle de permettre une connaissance effective de «  » dans un domaine spécifique. Lorsque «autre  » est le malade, les centres d'intérêt du soignant sont la pathologie et ses signes, les habitudes de vie, les données familiales et socio-professionnelles, etc.  » (15)
Malabeuf définit cette relation comme une relation d'investigation où le soignant est en quête d'informations qui lui paraissent importantes pour définir les grandes lignes d'une prise en charge, ou pour en préciser tel ou tel aspect.
« 
La relation de nature fonctionnelle est d'autant mieux perçue par le malade qu'elle s'appuie aussi sur la technique de la reformulation et du reflet de sentiment. La reformulation qu'elle soit écho ou élucidation ou biaisée ou inversée, contribue à limiter l'aspect inquisiteur de l'échange.
Le reflet de sentiment facilite la catharsis des émotions et place le malade dans une dynamique inter-relationnelle positive, propice à l'inscription dans un autre type de relation plus centrée encore sur l'individu-sujet
.  » (15)
L’entretien d’accueil et d’orientation s’inscrit naturellement dans cette étape relationnelle. On peut même écrire qu’il la constitue. On perçoit bien à la lecture de Malabeuf qu’elle ne saurait se limiter à un simple recueil de données.
La relation de compréhension, de soutien, de réassurance constitue le troisième niveau. «  Cette relation de compréhension et de soutien s'exprime dans un début d'empathie. Elle passe généralement par une écoute attentive, par une tentative de dédramatisation des situations, par l'utilisation de la comparaison avec le «  », par la propension à donner des conseils.  » (15)
Elle constitue le niveau minimum de la qualité relationnelle avec l'infirmier référent. L’entretien de réassurance, de soutien, de résolution de problèmes sont utilisés dans ce registre relationnel. Si l’on veut absolument se référer à la démarche de soin, si l’on veut cibler des problèmes, c’est à cette étape relationnelle que l’on peut le faire à la condition de ne pas oublier que ce qui est essentiel, ce ne sont pas nos conseils, nos formules de réassurance, le résultat observable mais ce que le patient repère pour lui-même, ce qu’il élabore et qu’il est seul à pouvoir évaluer.
Le quatrième niveau est constitué par
la relation d'aide thérapeutique. «  Cette relation là ne se décrète pas, elle ne s'improvise pas. Elle se met en place progressivement par l'instauration d'un climat de confiance dans le respect d'au moins deux préalables que sont : le temps minimum à consacrer au malade et, pour soi-même, un minimum de «é psychologique  »... C'est une relation de type empathique où le soignant est suffisamment proche du malade pour percevoir et sentir ce qu'il ressent, mais aussi suffisamment distant et non-fusionnel pour ne pas se projeter lui-même dans la situation, pour ne pas parler et agir à la place du malade.  » (15)
Cette relation là, précise Malabeuf ne résulte pas d'un fonctionnement miraculeux, elle s'apprend, se pratique et s'optimise autant par un travail sur soi que par un lent cheminement vers la maîtrise d'outils spécifiques.
Ces techniques sont d'autant plus difficiles à maîtriser qu'elles participent d'une relation interactive où l'autre nous émeut, nous désarçonne, nous gratifie, nous tend inconsciemment des pièges en nous sollicitant de nous substituer à lui. Ainsi définie la relation d’aide thérapeutique a incontestablement une visée psychothérapique.
Relation d’aide et/ou psychothérapie 
Parvenu à ce point, vous êtes en droit de vous demander, pourquoi la relation d’aide thérapeutique fait partie du rôle propre infirmier et l’entretien à visée psychothérapique du rôle délégué. Les négociations interprofessionnelles ont des raisons que la raison ignore. Il ne faut faire de peine ni aux médecins, ni aux psychologues. Même si le produit fini est absurde. Nous laissons toujours de côté l’éventualité d’un rôle psychothérapique de l’infirmier, rôle qui n’apparaît explicitement dans aucun texte.
Les rédacteurs du guide n°11 avaient reculé eux-mêmes devant l’obstacle. Ils avaient défini deux types de relations  la relation d’aide et la relation psychothérapique. Cette dernière était définie par trois unités  unité de lieu, unité de temps, unité d’action. « 
L’analyse de celle-ci est effectuée d’une part entre le soigné et le soignant, mais aussi avec l’ensemble de l’équipe concernée. Elle doit s’inscrire dans le cadre du projet thérapeutique préalablement défini.  » (11)Autrement dit, l’infirmier pourrait assumer une fonction psychothérapique à la condition de respecter un certain nombre de règles et d’y être formé. Cette formation devrait se faire dans le cadre de la formation initiale qui ne l’aborde qu’exceptionnellement mais également par un travail personnel exigeant qui engage le soignant lui-même autour du questionnement de ses points aveugles (qui le rendrait sourd à ce que le patient lui dit). Elle suppose un travail de régulation, que ce soit sur le terrain (en général animé par un psychologue ou un psychanalyste extérieur à l’institution) mais également par la participation aux réflexions cliniques centrées sur les patients suivis qui sont un temps extraordinairement formateurs lorsqu’elles sont organisées et animées par des praticiens compétents. L’exigence qu’implique l’entretien à visée psychothérapique aussi bien du côté des soignants que du fonctionnement institutionnel suffit à écarter la plupart des infirmiers de cette pratique. Nous ne pouvons que le regretter.

Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose (3)

Laissons là les textes et retournons du côté du terrain. Il existe des lieux et des temps où les soignants rejettent les patients, où ils les considèrent comme des corps objets à piquer, perfuser, bander, déplacer.
Limites du concept de relation d’aide
En psychiatrie, ceux que l’on nomme psychopathes, toxicomanes ne sont plus considérés comme des personnes mais comme des transgresseurs qu’il faut cadrer, punir, piquer, enfermer et pas soigner. Vous-même, moi-même pouvons témoigner de séquences où nous sommes davantage rejetants que soignants. La régulation n’y suffit pas. Nous avons beau avoir les quatre étapes de Malabeuf en mémoire, nous ne nous y retrouvons pas. La relation d’aide telle que la décrit Rogers fait l’hypothèse d’un climat relationnel systématiquement au beau fixe, ce que dément la pratique. Le manque de personnel, le manque de temps ne suffisent pas à expliquer nos attitudes. Il faudrait faire appel à d’autres concepts pour penser ces temps. Ces concepts sont essentiellement psychanalytiques. Les notions de transfert positif et négatif, d’identification projective, de contre-transfert positif et négatif nous seraient bien utiles pour penser. Elles nous permettraient de panser nos contre-attitudes. Parvenu à ce point, j’hésite. Vous me suivez depuis un certain temps. Faut-il introduire des concepts qui supposent un temps d’exposition conséquent, dans un langage que nous autres infirmiers sommes peu habitués à employer et encore moins à lire 
Il y aurait d’un côté la relation d’aide, permissive, avec ses différentes étapes qui s’emboîteraient harmonieusement jusqu’à la relation d’aide thérapeutique et de l’autre une sorte de relation d’emprise marquée par de l’incivilité, de l’indifférence au vécu du patient, une non-prise en compte de son individualité, une incapacité à ressentir de l’empathie. D’un côté la bonne relation positive assumée par des soignants formés et de l’autre la mauvaise caractérisée par des contre-attitudes. Tout cela semble trop caricatural pour être vrai. Il suffit parfois d’un saut de côté effectué collectivement pour qu’un patient catalogué psychopathe se transforme en un patient psychotique en demande de soin et pour qu’à l’indifférence des soignants succède l’empathie. Il suffit qu’un peu de sens soit injecté à un comportement apparemment déviant pour que le patient change et avec elle la qualité relationnelle. Il faut donc modifier notre façon de penser. L’image qui me vient est celle de la carte du Tendre qu’avait imaginé Melle De Scudéry dans son roman Clélie. La carte représente le tendre pays de l’amour, arrosé par la rivière inclination. La rive droite de la rivière représente la raison et la rive gauche le cœur. Plus on s’éloigne plus le sentiment se dilue vers l’Est et s’assombrit vers l’Ouest. En revanche, si les amants se laissent glisser au fil de l’eau, ils passent par toutes les étapes du sentiment amoureux, depuis la surprise de la première rencontre (le village de Nouvelle Amitié) jusqu’aux terres inconnues du mariage. « 
Pour aller à Tendre sur Estime, Clélie a ingénieusement mis autant de villages qu’il y a de petites et grandes choses qui peuvent contribuer à faire naître par estime cette tendresse dont elle entend parler. En effet vous voyez que de Nouvelle Amitié, on passe à un lieu que l’on appelle Grand Esprit, parce que c’est ce qui commence ordinairement l’estime ; ensuite, vous voyez ces agréables villages de Jolis vers, de Billet galant et de Billet doux qui sont les opérations les plus ordinaires du grand esprit dans les commencements d’une amitié. Ensuite pour faire un plus grand progrès dans cette route, vous voyez Sincérité, Grand Cœur, Probité, Générosité, Respect, Exactitude et Bonté, qui est tout contre Tendre, pour faire connaître qu’il ne peut pas y avoir de véritable estime sans bonté et qu’on ne peut arriver à Tendre de ce côté-là sans avoir cette précieuse qualité.  »
Mais que les amants se laissent aller et ils s’échouent à Orgueil, Indiscrétion et risquent de ne jamais arriver aux Terres inconnues.
On pourrait penser le soin de cette façon là. De Nouvelle Rencontre jusqu’à Autonomie, soignants et soignés devraient passer par de nombreux villages  Entretien d’accueil, Réassurance, Soutien etc. mais qu’ils soient moins vigilants, moins exigeants et ils échouent à Indifférence, Relation de dépendance, Emprise. L’image paraît d’autant plus intéressante qu’il s’agit de transfert donc d’amour.

« bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose  » ( 3)

Le raccourci est rapide, fulgurant. Le soin serait tellement simple sans le transfert.
A propos du transfert
Les infirmiers anglo-saxons l’ont bien compris et ont décrété qu’il n’y en avait pas. Les patients ont des problèmes. D’ailleurs on a la liste. A ces problèmes on oppose des interventions. On a la liste aussi. Et on mesure les résultats de ces interventions. Tout est préprogrammé. On ne risque pas d’avoir de surprises. Pas d’entretiens mais de l’entraînement à la mémoire, de l’incitation à faire de l’exercice, de la limitation de la dépense énergétique, de la modification du comportement. Je vous en mets combien  La liste est encore plus importante que celle de notre décret de compétence. Et bien plus drôle.
Si les amants désirent arriver aux Terres Inconnues, il n’est pas sûr que soignants et soignés souhaitent traverser ces différents villages. Il n’est pas sûr que tous les infirmiers soient motivés pour soigner, pour s’engager dans le soin et notamment dans la partie que la notion de psychothérapie interroge. La non-prise en compte des aspects transférentiels du soin par les infirmiers n’est pas uniquement le fait des médecins ou des psychologues, elle est tout autant l’œuvre des soignants qui y voient quasiment un interdit majeur. Cet interdit peut évidemment se comprendre à partir de la notion d’habitus telle que la conceptualise Bourdieu (16). Les infirmiers ont été formés par des psychiatres et des psychologues, ils reproduisent donc à l’envi ce qui leur a été enseigné et qui est relayé par les innombrables histoires qui circulent lors des pauses-café. Le terrible avec le transfert, c’est que l’on a beau faire, c’est-à-dire ne rien faire, il est là, il s’impose. S’il suffisait d’éviter les entretiens d’accueil pour ne pas être engagé ce serait facile. Dès que l’on est soignant dans une institution on est en relation et donc susceptible d’être aspiré par un rôle que le patient nous prête. Même la plus acariâtre des infirmières peut incarner un de ces résidus du passé qui sert au patient à répéter des séquences relationnelles qu’il n’a jamais pu dépasser. Justement parce qu’elle est acariâtre. Et que la belle-mère de Jean-Jacques qui s’appelait Félicie, aussi. Le terrible avec les patients qui souffrent de psychose, c’est que ce n’est même pas du semblant. Carabosse, l’infirmière du service est Félicie. Elle doit faire face à cette terrible identification projective de Jean-Jacques sans avoir d’espace pour la travailler. N’allez pas croire que Carabosse va aller en réunion pour en parler. Elle subit les attaques au quotidien. Elle fait front, devient de plus en plus acariâtre. Elle mène la vie dure à Jean-Jacques qui ne se laisse pas faire. On dirait un couple pathologique. Un jour, c’est sûr, elle l’écrasera comme une merde. Un jour c’est sûr, il l’étranglera. Et la violence, cette violence qui remplit les journaux, qui fait trémuler les représentants syndicaux, elle se nourrit de cette indifférence. De notre indifférence, de notre incapacité à permettre à Carabosse qui s’appelle Colette en vrai, d’être soignante. On peut bien identifier les problèmes d’hygiène de Jean-Jacques, on peut bien le remplir de neuroleptiques, il ne se passe qu’une chose de vraiment importante pour lui, c’est cette relation avec Colette. C’est en ce point que devrait porter notre accompagnement. Colette est-elle psychothérapeute  ? Je crois qu’elle peut l’être. A son corps défendant sûrement. Mais elle peut l’être pour Jean-Jacques pour peu que nous l’accompagnons.
Et du contre-transfert
Et il y a pire encore que le transfert qui nous vient du patient, il y a le contre-transfert qui nous vient de nous. Le transfert serait premier, nous dit-on. «Transférez le premier, monsieur le patient    » Que nenni  Il n’est pas bête le patient, il sait bien que l’institution lui préexiste. Il sent bien, il n’est pas psychotique pour rien, que chez ce soignant là, ce qui est premier c’est le besoin de réparer l’autre, et que pour peu qu’il ne se laisse pas réparer il pourra répéter inlassablement la même relation qu’avec son père. Abolir le temps. Faire en sorte que chaque minute ressemble à chaque minute, que chaque jour soit identique. C’est un rêve de technocrate. On pourrait planifier une fois pour toutes le nombre de soignants nécessaires dans un lieu donné. C’est un rêve de psychotique. Plus d’angoisse. Plus de morcellement. Un monde extérieur qui serait en tout point semblable à son monde du dedans. C’est un rêve de soignant. Il suffirait de repérer le comportement, les dadas des patients, et de les apprivoiser pour connaître des journées tranquilles sans avoir besoin de s’investir, sans grande joie mais sans souffrance non plus. Ah l’asile  En attendant la retraite.
Et l’entretien dans tout ça  C’est une rupture. C’est un temps, un lieu, une écoute, une personne qui vient disjoindre le quotidien. Il me semble que la question du rôle psychothérapique de l’infirmier se pose précisément là. C’est parce que l’on est à distance du quotidien que l’on peut être psychothérapeute. Et lorsque l’on est infirmier, on ne saurait être à distance de ce quotidien. C’est cette proximité avec le patient, souvent mythique d’ailleurs, sauf si l’on compare avec les médecins, qui fonde l’exercice infirmier depuis Pinel. La distance, cela se travaille aussi en réunion collective, en régulation, par l’écriture, par le travail de théorisation, par son propre travail psychothérapique. En respectant ces différentes exigences, l’infirmier peut exercer une fonction de psychothérapeute. Lorsqu’il se soumet à cette discipline, l’institution lui renvoie que dans ce temps là, pour ce travail là, il n’est plus tout à fait infirmier. Il n’en est pas psychothérapeute pour cela. (17)
La question de l’entretien ne saurait se résumer à une querelle corporatiste. Si comme l’énonçaient les tenants de la psychothérapie institutionnelle, même le chien du concierge ou les cochons de Laborde peuvent être thérapeutiques, je ne vois pas pourquoi les infirmiers ne pourraient pas l’être.

Pour conclure

Dans le no mans’land qu’est la psychose, le monde, l’être, tout est menacé, morcelé. Proposer un entretien à une personne engluée dans sa psychose, c’est lui proposer de tenir ensemble sur un fil invisible. C’est sur ce fil posé sur un précipice qu’aura lieu l’entretien. Il s’agit d’abord, avant tout et peut-être uniquement de cela  tenir ensemble.ensemble grâce à la relation, et tenir ensemble malgré la relation. L’entretien infirmier n’est pas un entretien médical, ni un entretien avec un psychologue. C’est parce que l’infirmier est dans la proximité du patient, que ce soit dans l’unité, ou par son origine sociale qu’infirmier et patient peuvent essayer de tenir ensemble. Si le fil invisible lâche tous deux sont précipités dans le néant, même si leur néant n’est pas le même. Si le fil invisible tient, c’est le monde qui tient. Après on pourra bien recueillir des données, les analyser, couper les cheveux en quatre, poser des diagnostics infirmiers, planifier les soins. Si le fil invisible lâche, rien de tout cela ne sera possible.
L’entretien infirmier est donc une rencontre (c’est-à-dire une série d’interactions) entre un soignant infirmier et une personne en demande d’aide (que cette demande soit formulée ou implicite) ou en détresse (qui ne peut donc parfois pas formuler de demande d’aide). C’est une rencontre entre deux personnes.
L’une est porteuse d’un savoir sur la maladie, d’un cadre institutionnel qui la légitime, d’un projet de soin qui donne sens à la rencontre mais également d’une expérience qui ne se résume pas à son parcours professionnel car elle prend en compte tout son vécu, la connaissance de ses forces, de ses faiblesses, de ses failles. C’est évidemment là qu’une analyse personnelle ou une indispensable supervision prennent toute leur importance.
L’autre est porteuse d’un certain nombre de symptômes mais également et surtout d’un vécu, d’une expérience de la vie, d’une façon de réagir aux événements, de mécanismes de défense qui lui sont propres, elle détient un savoir sur la vie, sur sa profession que l’infirmier est souvent loin d’avoir, elle donne, elle aussi, un sens à la rencontre.
Cette rencontre a pour cadre une institution de soin, cela signifie que c’est en référence à la place qu’il y occupe, en référence au projet de cette structure de soins que l’infirmier va accompagner cette série d’interactions. C’est à ce titre qu’il est amené à en rendre compte.
Cette rencontre est d’abord la confrontation de deux qualités de présence  celle terrible, angoissante, morcelée, réelle, exigeante, exubérante du patient et celle contenante, rassurante, apaisante ou au contraire apeurée, dépassée, agressive, violente du soignant.
C’est dans la première minute de l’entretien que tout se joue.
Soit l’infirmier est en capacité de contenir, de recevoir les affects, les délires que le patient projette, expulse vers lui et un entretien pourra être possible, soit il ne l’est pas et aucun entretien ne sera possible, la rencontre n’aura pas lieu. Il s’agit d’abord d’accueillir l’être de l’autre, d’accepter de lui faire une place en soi, d’accepter de se laisser «
  » un temps. Il faut donc être convaincu que ce qui est projeté vers nous ne nous détruira pas. Il ne suffit pas d’être en capacité de recevoir, de supporter les affects qui envahissent la personne et qu’elle projette sur le soignant, il faut aussi pouvoir retraiter ce qui nous est donné, le transformer en un affect acceptable, le bonifier. Un entretien ne saurait donc être un simple recueil de données, il doit être aussi un retraitement de ces données, il faut rendre au patient ce qu’il nous offre. Il s’agit d’être hospitalier. (18)
En accueillant son hôte, le Romain lui remettait la moitié d’un objet, généralement une tête de poisson ou une tête de bélier en terre cuite, et gardait l’autre moitié. Ainsi étaient scellés par ce geste et par ce symbole, le pacte et l’attachement des deux personnes. Sur ces objets étaient gravés les noms des contractants. L’entretien renvoie à un échange mais à un échange égal, réciproque.
Anne-Marie Leyreloup, dans son mémoire de maîtrise en ingénierie de la santé énonçait qu’il existe non pas un mais des entretiens infirmiers très différents les uns des autres. « 
Si les définitions imprécises des textes de loi ne permettent pas de rendre compte de la diversité des entretiens, c’est peut-être aussi que l’entretien infirmier se fait en fonction de ce que chacun d’entre nous peut se permettre d’y mettre. Chaque infirmier artisan aura sa manière de façonner les mots, sa manière d’écouter, de recevoir l’autre.  » (19)
Tous les chemins mènent à la vérité mais la vérité n’est pas le chemin.
A vous de jouer 

Dominique Friard.


Textes qui a servi de base au dossier de santé mentale n°65 sur l'entretien infirmier

Notes

1-        Décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.
2-        FRIARD (D), LEYRELOUP (A.M), LOUESDON (J), RAJABLAT (M), STOLZ (G), WINDISCH (M), Psychose, psychotique, psychotrope  quel rôle infirmier  , Editions Hospitalières, Paris 1994, pp. 26-27.
3-        L'Abbé de Lattaignant, Le mot et la chose.
4-        Qui est une profession.
5-        Revue de Bandes Dessinées très à la mode à l’époque. L’affiche représentait le visage de Loane Sloane, un personnage de Druillet. Le personnage se caractérisait par ses yeux rouges et une bouche béante sur un intérieur rouge. Il est entouré de femmes nues. Le dessin date du 7 mai 1978.
6-        BETTELHEIM (B), Evadés de la vie, John l’anorexique, Paris 1973, Fleurus, Pédagogie psychosociale.
7-        ISP puis IDE, puis enseignant, diplômé d’acupuncture du Commonwealth, Fabrice est récemment décédé, ce texte lui est dédié.
8-        De l’intérêt d’un service infirmier de compensation et de suppléance en vue d’adapter des moyens en personnel aux besoins des personnes soignées. Approche méthodologique. B.O. n°86-2 bis.
9-        Le dossier de soins, Guide du service de soins infirmiers, n° 1, Série soins infirmiers, B.O. n°85-7bis.
10-        RADENAC (O), Plan de soins, Numéro spécial de L’infirmière enseignante, novembre 1970.
11-        L’évolution des orientations en santé mentale et la fonction infirmière, Guide du service de soins infirmiers, n° 11, Bulletin Officiel, n°91.11 bis.
12-        ROGERS (C), La relation d’aide et la psychothérapie, Paris 1977, ESF.
13-        CHALIFOUR (J), La relation d’aide en soins infirmiers, Une perspective holistique humaniste. Gaëtan Morin, Québec 1989.
14-        PHANEUF (M), La communication et la relation d’aide, éléments de compétence infirmière, in Nursing Québec, 2/3, mars-avril 1982.
15-        MALABEUF (L), La relation soignant-soigné  du discours au passage à l’acte, in Soins Formation Pédagogie, n°4, 1992, pp. 4-7.
16-        BOURDIEU (P), La reproduction, Paris, Editions de Minuit, 1970. Cette note est un hommage au grand sociologue récemment décédé.
17-        Voir l’ouvrage ambigu publié par dix psychiatres qui enseignent l’entretien infirmier aux infirmiers  MERCUEL (A), MONTFORT (J.C) LAUTH (B), RECA (M), TRIBOLET (S),PARADAS (C), GREMION (J), PACAUD (H), LEVEAU (J), Entretien et relation d’aide dans des situations psychiatriques ou psychologiques difficiles, Masson, Paris 1999.
18-        FRIARD (D), Tenir ensemble, in Soins Psychiatrie, n° 200, Janvier/février 1999, pp. 30-31.
19-        LEYRELOUP (A.M), A la recherche de l’entretien infirmier, Maîtrise Ingénierie de la santé Recherche clinique, Université Paris XII Val de Marne, Ecole Supérieure Montsouris, Décembre 1998.



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