ARTICLE de Maurice LIEGEOIS, Psychologue clinicien
Formateur des personnels soignants
hospitaliers depuis 1977
Commandé par les éditions LAMARRE - Edition
du 29 -11 - 2005
L’entretien de soutien psychologique
Vingt cinq années de pratique comme formateur des
personnels soignants des hôpitaux publiques, l’ensembles de mes contacts avec
les responsables de formation, les enseignants & formateurs des IFSI et les
cadres de santé rencontrés lors de mes formations, m’ont convaincu que l’enseignement
de l’écoute, de la relation d’aide et de la pratique de l’entretien de soutien
psychologique, ne sont pas suffisamment développés pour répondre tout d’abord aux
attentes des patients et ensuite aux textes réglementaires, tels les différents
décrets régissant la profession d’infirmière.
Il existe encore beaucoup de confusion sur la
définition des soins relationnels et encore plus de difficultés à les enseigner
et à les mettre en oeuvre au sein des unités de soins. Et pourtant les soins
relationnels sont des soins à part entière, aussi importants que les soins
techniques et que les soins éducatifs. Il est important et urgent que les
futures infirmières soient mieux formées et mieux outillées pour construire des
démarches de soins infirmiers sur le terrain, dans laquelle les soins
relationnels auront toute leur place, au même titre que les soins techniques et
éducatifs.
RAPPELS
DES DECRETS INFIRMIERS
Les trois derniers décrets infirmiers; celui du 17
juillet 1984, celui du 15 mars 1993 et le dernier en date du 11 février 2002,
précisent la nature des soins infirmiers
- technique, relationnelle et éducative
Le dernier décret infirmier du 11 Février 2002 relatif à l’exercice de la
profession, développe les qualités relationnelles à acquérir par les
infirmières.
Article 2.
Les
soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité
technique et qualité de relations avec le malade. Ils sont réalisés en
tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet,
dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la
santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes
physiologiques, psychologiques, économiques, sociales et culturelles
(Approche globale de la personne dans son environnement, approche holistique
est le mot utilisé dans le programme de formation de 1992)
Elle participe à la prévention, à l’évaluation et au
soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des
personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et à
l’accompagnement de leur entourage.
Dans ce même article, … les soins infirmiers ont pour objet de
protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale
des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques
en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur
cadre de vie familial ou social.
Article 5
L’infirmière
accomplit les activités suivantes :
- Entretien d’accueil du patient et de son entourage
- Entretien d’accueil privilégiant l’écoute de la
personne avec orientation
- Aide et soutien psychologique
- Activités à visée socio-thérapeutique individuelle
ou de groupe
- Entretien individuel et utilisation au sein d’une
équipe pluridisciplinaire de techniques de médiation à visée thérapeutique
ou psychothérapique
Article 13
En l’absence d’un médecin, l’infirmière est habilitée,
après avoir reconnu une situation comme relevant de l’urgence ou de la
détresse psychologique, à mettre en œuvre des protocoles de soins
d’urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable.
Si les soins techniques ont toujours été correctement
enseignés depuis l’origine, portés et actualisés aussi par le dernier programme
d’étude de 1992, il en est autrement des soins relationnels. Les soins relationnels
sont délicats à enseigner sur le terrain et les futures infirmières sont en
générale pas suffisamment préparées, ce qui se traduit par une très faible pratique
des soins relationnels.
POUR
REDUIRE
Les soins dits, relationnels, sont un ensemble de
moyens et d’outils utilisés dans un cadre méthodologique spécifique, mis en
oeuvre par un soignants formé, avec pour objectif premier de réduire au maximum
la souffrance psychique afin de faciliter la progression du malade vers un
mieux être. Nous ne parlons pas ici de guérison, mais de se sentir mieux « en
soi » quelle que soit sa pathologie. Les soins relationnels s’adressent en
priorité à toute personne malade, en souffrance psychique. Toutefois reste à
définir la souffrance psychique et ses mécanismes.
La souffrance psychique ne repose sur aucun support,
elle ne se mesure pas et ne peut pas se voir sous un microscope, c’est avant
toute chose, une impression psychique intérieure et personnelle très
désagréable essentiellement ressentie par celui qui l’éprouve (mal être, blues,
idées noires, stress, tensions intérieures, angoisse, anxiété, peur, tristesse,
désespoir, pessimisme chronique …). Ce qui fait la souffrance psychique, c'est
le ressenti désagréable ou l’impressions psychique désagréable d'une situation réelle
ou imaginaire, c’est le vécu désagréable, (sans aucun plaisir), de
l’événement qui déclenche ce sentiment et cette sensation de mal-être. C’est le
vécu désagréable d’un événement ou d’une partie de son histoire personnel. La
personne n’a pas mal à son histoire … c’est le vécu, le ressenti de son
histoire qui déclenche cette souffrance psychique, ici ce sont les émotions et
les sentiments qui entraînent des tensions psychologiques.
« La seule possibilité de se libérer
d’une émotion est de la ressentir. En général les êtres humains pensent leurs
émotions. A ce niveau, aucune liberté n’est possible. C’est dans le ressenti de
la peur, ou de la colère, ou de l’anxiété, ou de la jalousie ou de la
culpabilité que l’émotion (message affectif) se libère. L’émotion est
corporelle. Le mental est une expression du cerveau. La pensée (message
conceptuel) a sa propre beauté mais elle n’a pas la capacité de nous libérer de
l’émotion. Si vous vous rendez disponible sensoriellement, il y aura vraiment
une voie de sortie pour l’émotion. Bien sûr, la pensée a sa place, mais la
pensée qui vient des émotions est polluée. La pensée qui vient du cœur n’est
accessible que dans la liberté vis à vis de ses propres émotions » .
(Eric BARET, philosophe)
Les soins relationnels ont pour but de réduire la
souffrance psychique, réduire l’angoisse existentielle, réduire les peurs, et
faire émerger un sentiment de bien être pour renforcer l’espoir du malade. Ces
soins relationnels mettent en jeux une qualité particulière de communication
verbale et non verbale, fondée sur l’écoute, sur le respect et sur une qualité
de présence à l’autre (le malade) dans une relation qui va devenir
thérapeutique afin d’aider l’autre (le malade) à retrouver du sens à sa vie.
C’est la décharge des émotions et des sentiments bloqués, refoulés, enkystés
qui vont aboutir à cet état de bien être.
Cette souffrance psychique peut être à l’origine de
troubles psycho-relationnels et bio-physiologiques, cette souffrance psychique
peut être réduite par certains médicaments (psychotropes, anxiolytiques …), mais
surtout par une écoute particulière dans le cadre des entretiens de soutien
psychologiques.
Cet apaisement psychologique, se traduira par un plus
fort désir de vivre qui contribuera à renforcer l’impact des soins techniques.
Il existe une interactivité très forte entre les soins techniques et les soins
relationnels, ils sont interdépendants entre eux. Ils sont inséparables,
auto-dépendant l’un de l’autre.
REPERES THEORIQUES POUR GUIDER
POUR UNE PRATIQUE DE SOINS RELATIONNELS
L’A.C.P. (Approche Centrées sur
Dans l’A.C.P., nous trouvons obligatoirement les
conditions de base énoncées par Carl Rogers, à savoir : l’écoute,
l’empathie, l’acceptation positive inconditionnelle, la congruence et quelques
techniques de communication, dont les reformulations et les relances.
L’empathie, dans sa dimension la plus poussée et la
moins connue, tend à se rapprocher du mouvement organique interne (tendance
actualisante), auquel n’échappe pas le thérapeute (le travail se fait l’un par
l’autre, non l’un avec l’autre et non l’un dans l’autre… : concept de
réciprocité éducative de J.-M. Labelle.
“ L’un des concepts les plus révolutionnaires
qui aient émergé de notre expérience clinique réside dans la reconnaissance
croissante que le noyau le plus central de la nature humaine – les couches les
plus profondes de sa personnalité, la base de sa nature animale, archaïque –
est positif par nature, fondamentalement socialisé, allant de l’avant,
rationnel et réaliste… ” (Carl Rogers)
Depuis 50 ans, Carl Rogers est toujours
d’actualité.
METHODOLOGIE DE BASE
Nous pouvons distinguer trois méthodologies
génératrices de pratiques d’entretiens différentes, seule la méthode de
l’entretien centré sur la personne nous servira de support pour les soins
relationnels.
L’entretien
non directif (centré sur la personne et non sur la maladie)
Encore appelé entretien centré sur la personne, dans
le cadre de la pratique de l’A.C.P. (approche centrée sur la personne),
l’entretien non directif est un entretien au cours duquel l’infirmière évite de
donner au malade une direction, quel que
soit le domaine, évite aussi de penser à ce que le malade doit penser ou
sentir, et évite d’agir d’une manière prédéterminée. Il s’agit tout simplement
d’écouter au sens le plus strict, c’est tout.
L’infirmière accompagne le malade dans son
cheminement de pensée et intervient seulement pour faciliter la communication
au niveau du vécu, en s’appuyant sur quelques techniques. Cette méthode est
souvent utilisée pour conduire des entretiens de soutien psychologique auprès
des malades ou des familles.
L’entretien
semi-directif (ex : l’entretien de recueil de données)
L’entretien semi-directif part d’une idée, d’une
hypothèse et de questions posées par l’infirmière, qui cadre le discours.
L’aspect spontané des associations du malade est moins présent dans ce genre
d’entretien.
L’entretien
directif (ex :
l’entretien à caractère pédagogique ou d’apprentissage)
L’entretien directif est conduit sur le mode d’un questionnaire
organisé et préparé par écrit ou de mémoire. Il ne permet pas une grande
implication personnelle de la part du malade. Il est souvent utilisé pour
conduire une investigation, l’interrogatoire du malade, apporter une
explication ou décrire un acte de soin.
LES
DIFFERENTS TYPES D’ENTRETIENS DANS LES SOINS RELATIONNELS
Nous
pouvons isoler dans les différents entretiens pratiqués par les infirmières
ceux qui s’apparentent plus particulièrement aux soins relationnels, à savoir :
Entretien d’écoute de la personne en crise
dit aussi
entretien à chaud (rôle propre : décret du 11 février 2002).
Objectifs :
réduire l’état de crise, desserrer l’angoisse de la personne, réduire
l’agitation, pour établir un minimum de contact.
Buts : calmer
dans l’ici et maintenant, réduire la souffrance psychique et l’état d’agitation.
Finalité :
restaurer un minimum de communication pour envisager des soins appropriés.
Entretien de soutien psychologique
dit aussi
entretien d’aide, ou de confort (rôle propre : décret du 11 février 2002).
Objectifs :
permettre à la personne soignée de parler de ses difficultés présentes, de ses
craintes à venir, de son vécu.
Buts : réduire la
souffrance psychique de la personne, la soutenir dans les moments difficiles de
l’hospitalisation ou de soins délicats.
Finalité : introduction
à une relation d’aide éventuelle, favoriser l’autonomie pour envisager une
sortie.
Entretien de relation d’aide (série d’entretiens de
soutien)
Objectifs :
atteindre les objectifs fixés par l’équipe (rôle propre : décret du 11
février 2002).
Buts : réduire la
souffrance psychique de manière durable, réduire l’angoisse, remobiliser ses
ressources pour faire des choix et agir.
Finalité : s’assumer seul, sortir de l’institution,
retrouver du sens à sa vie, faire des projets.
Ces entretiens sont
réalisés uniquement sur prescription médicale, le plus souvent en
psychiatrie.
Objectifs : selon
les indications du médecin et après réflexion commune avec les infirmières du
service si possible.
Buts : sera
élaboré par le médecin prescripteur en accord avec l’équipe dans l’intérêt du
malade
Finalité : sera
élaborée par le médecin prescripteur en accord avec l’équipe dans l’intérêt du
malade.
FORMATION
AUX SOINS RELATIONNELS
La pratique de l’entretien ne s’improvise pas, cette
pratique obéit à des méthodes et à des règles qu’il est nécessaire d’apprendre
et d’intégrer pour devenir un professionnel de l’écoute. L’écoute va beaucoup
plus loin que le simple apprentissage de techniques ; c’est notre personne
toute entière, notre histoire et notre vécu du quotidien qui sont engagés dans
l’écoute du patient.
Ce professionnalisme de l’infirmière est une des
garanties de la qualité des pratiques d’entretiens auprès des malades
hospitalisés et crédibilise ses pratiques d’écoute et d’entretien auprès des
professionnels de l’écoute (psychologues, psychiatres, psychanalystes, et
psychothérapeutes).
En tant que psychologue, je pense que cette formation
ne se limite pas aux mécanismes d’apprentissage, mais se doit d’aller plus
loin, vers l’Etre en formation. De mon point de vue Il serait même sage,
avant d’écouter les patients, d’avoir fait le point sur sa propre histoire
(dans le sens de panser ses propres blessures psychiques avant de panser celles
des autres), ceci pour éviter d’être « toxique » pour le patient, afin
d’ Etre véritablement « aidant » auprès des personnes soignées
que l’on veut aider.
L’étudiant en formation en I.F.S.I, ou même l’infirmière
en stage de formation permanente, se poseront le questionnement personnel
suivant :
« …suis-je capable d’accompagner et d’écouter une personne plus
loin que là où je me suis arrêté moi-même ? … »,
Ou, pour le formuler d’une manière plus concrète :
« … puis-je connaître et enseigner ce qu’est l‘écoute, si je n’ai
pas moi même l’expérience et le vécu d’avoir été écouté ? … ».
Nous soulevons ici le délicat problème pédagogique du
« développement personnel », ou « travail sur soi » des étudiants
en soins infirmiers.
Pour se former il existe tout d’abord, la formation
de base sur trois années, proposée dans tous les I.F.S.I., (programme de 1992).
Dans l’ensemble de cette formation une petite partie concerne l’apprentissage
de l’écoute sous forme d’apports théoriques, de travaux pratiques et la
possibilité d’expérimenter dans les services de soins pendant certains stages.
De l’avis de cadres enseignants avec lesquels j’ai
travaillé et des équipes pédagogiques des IFSI, cette formation de base n’est
pas suffisante pour permettre à l’infirmière d’avoir une pratique
professionnelle adéquate à la sortie de l’I.F.S.I.
De ce fait, des établissements de soins et plus
particulièrement les Centres Hospitaliers Spécialisés proposent au bout d’une
année, aux nouveaux diplômés, une formation à la relation d’aide sur plusieurs
semaines, ainsi que des formations plus orientées en psychopathologie. En effet
il est donné la possibilité aux jeunes diplômés de négocier auprès de leur
responsable une ou plusieurs formations complémentaires à l’entretien dans le
cadre de la formation continue. Il existe toute une palette de formations à
l’écoute et à l’entretien thérapeutique en passant par la relation d’aide, avec
en fin d’études la rédaction et la soutenance d’un mémoire de qualification.
La pratique de l’écoute, la pratique de la relation
d’aide, la pratique de l’entretien de soutien psychologique et la pratique de
l’entretien psychothérapeutiques supposent aussi un investissement personnel
supplémentaire des infirmières, d’avoir à leur disposition et de participer à
des groupes de paroles (centrés sur la souffrance des soignants), à des groupes
d’analyse de pratiques (centrés sur une analyse en groupe de ses pratiques
d’écoute) et à des groupes de supervision pour optimiser leur pratique de
l’écoute.
Tout cet encadrement professionnel des infirmières peut
être présenté comme des moyens indispensables pour garantir et crédibiliser les
pratiques d’écoute des infirmières en vue d’optimiser la qualité
d’accompagnement des patients.
La question que nous pouvons nous poser est la
suivante, y a-t-il une prise de conscience et une volonté des responsables
institutionnels, d’offrir ces services de « sécurité aux infirmières » ?
… Car il est évident, que la qualité se paie aussi en temps, donc aussi en
argent.
LES POINTS DE PASSAGES OBLIGES DE
De la nécessité de définir le type d’entretien que l’on veut conduire
auprès d’un patient
De
quoi parlons-nous ? De quel type d’entretien ? Parlons-nous de
l’entretien directif, semi-directif ou non directif (dit centré sur la personne,
ACP), ou bien faisons-nous référence à l’objectif de l’entretien, entretien de
soutien, entretien d’accueil, entretien dans une relation d’aide, entretien
d’investigation, entretien de diagnostic ? Il est bien évident que selon
le type ou la nature de l’entretien ainsi que son objectif, notre manière
d’écouter, de communiquer et de conduire l’entretien n’utilisera pas les mêmes
référentiels théoriques et méthodologiques. Nous n’arriverons pas au même
résultat. Pourquoi ces questionnements méthodologiques ? Pour répondre aux
objectifs de soins individualisés mis en place par l’équipe soignante. Pour
éviter aussi que la situation d’entretien ne dérive vers une pratique
charismatique non validée, donc non évaluable, donc potentiellement dangereuse.
De la nécessité de choisir la méthode adaptée aux objectifs de
l’entretien
Il existe plusieurs façons de conduire un entretien,
c’est-à-dire qu’il existe plusieurs méthodes qui conduisent à des pratiques
différentes d’entretiens.
Ces différentes méthodes ont des ancrages conceptuels
et théoriques éprouvés et validés qui ont fait l’objet de recherches (courant
médical scientifique, comportementaliste, cognitif, psychanalytique, humaniste,
phénoménologique, existentiel). Mais il existe aussi plusieurs types d’entretiens
qui peuvent avoir des objectifs et des buts différents.
On ne conduit pas un entretien de recueil de données
à l’admission d’un malade, comme on conduit un entretien centré sur la
souffrance psychique du malade en service de psychiatrie.
De la nécessité d’apprendre à conduire un entretien auprès du patient
La conduite d’un entretien repose sur tout un
ensemble de manières d’être, d’attitudes, de processus méthodologiques et sur
beaucoup d’expérience professionnelle individuelle.
La conduite d’un entretien n’est pas innée et ne se
fait pas au “ feeling ”, ni sur le mode du “ comme je le
sens ”. Elle suppose une harmonie complexe et délicate entre
l’apprentissage de quelques techniques de base, l’intégration des processus
dynamiques de la situation, et la présence existentielle du thérapeute
(empathie, acceptation, et congruence), tout en restant naturelle et
authentique. Cela pour bien préciser qu’une formation longue, un travail sur
soi et une supervision sont nécessaires pour aller vers une pratique
véritablement professionnelle, qui demandera encore des années sur le terrain
pour s’affiner.
Un minimum de connaissance de soi est nécessaire pour
apprendre à se situer dans la situation d’entretien, afin d’éviter l’identification,
les projections et les contre-transferts sur le patient ou la personne soignée.
Et puis il me semble aussi nécessaire de
faire un bout de chemin en analyse ou en psychothérapie individuelle, ce qui
évitera à l’infirmière de mélanger ses propres problèmes avec ceux du patient.
La participation à un groupe d’analyse de pratique crédibilisera la rigueur et
la qualité d’écoute de l’infirmière.
Comment comprendre l’expérience de l’écoute que vit
le malade si, nous-mêmes, n’avons pas vécu cette même expérience ? Il
paraît impossible d’accompagner une personne dans un processus que nous-mêmes
n’avons pas expérimenté et intégré. C’est aussi des contraintes, non seulement
en formation de base, mais aussi l’actualisation de sa propre formation
assortie d’un travail sur soi-même qui crédibilisera la qualité et le professionnalisme de
l’infirmière. Bien sûr, toutes ces conditions sont trop souvent submergées dans
la pratique quotidienne des soins, par manque de personnels qualifiés et formés
à l’entretien de soutien, et aussi par un laisser pour compte des soins
relationnels par certains médecins ou institutions.
On peut comprendre qu’il est plus rapide de réduire l’anxiété
ou la peur d’un patient par un médicament … cela va plus vite et ne nécessite
pas le temps auprès du patient, d’une infirmière. Mais à long terme la réponse
du médicament comme réponse à l’anxiété va perdre de son pouvoir très
rapidement et le malade appellera de nouveau l’infirmière. La sédation d’une
pointe d’anxiété par un médicament n’est pas la dissolution de cette anxiété
par une relation dans le cadre d’un entretien de soutien.
Ici nous avons la possibilité de faire des
choix ; agir sur le symptôme désagréable par une réponse immédiate et
rapide du médicament, ou bien réfléchir avec le patient pour remonter à la
cause première en l’écoutant. Il est bien évident qu’en situation d’urgence ou
de crise aigue insupportable par le patient, la réponse fera, dans un premier
temps, l’objet d’une rapide prescription du médicament adéquat.
Le médicament ne fait qu’étouffer la pointe
d’anxiété, le malade n’a pas la possibilité d’y mettre du sens et de libérer
ses tensions psychologiques sous forme d’émotions, (larmes, pleurs, sanglots,
cris, colère …). Le médicament dans ce cas là ne fait que colmater la blessure
psychique, mais ne permet pas à celle ci de laisser s’écouler la souffrance
psychique à l’extérieur.
Pour prendre une image, avant de fermer une plaie
psychique, il est important de la nettoyer (d’en trouver le sens) et parfois
d’y laisser un drain (les entretiens) pour laisser s’écouler les larmes ou
l’agressivité. C’est seulement à cette condition là que la souffrance pourra
s’évacuer, en se dissolvant par le biais de l’écoute et la qualité de la
relation.
D’ENTRETIEN DE SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE
QUI
Toutes
les infirmières habilitées, formées, et ayant à leur disposition un groupe de
parole et/ou un groupe de supervision (analyse de pratique) animés par un
psychologue. Rôle propre de l’infirmière – Décret du 11 Février 2002
QUOI
Entretiens
individuels ou relation d’aide faisant référence au concept de la philosophie
humaniste, dont le référentiel théorique est l'A.C.P. (Approche Centrée sur
OU
Dans
un bureau réservé et choisi à cet effet dans le service, ou dans un endroit
calme, accueillant, discret, confortable, sans témoin, sans bruit et sans
dérangement, ou dans la chambre de la personne soignée (sans témoin).
COMMENT
L’entretien
de soutien psychologique & la relation d'aide sont d'abord et avant tout l’existence
d’une relation entre deux personnes. Ces entretiens ont pour spécificité d'être
aidant sur le plan psychologique (démarche de soins relationnels), pour l'une
des deux personnes, la personne soignée et/ou sa famille.
QUAND
Sur
proposition d'une des deux parties, ou à la demande d’un tiers (médecin,
soignants, parents, famille), avec accord réciproque (alliance thérapeutique ou
contrat) entre l’infirmière et le patient, sur la durée moyenne de l'entretien,
sa périodicité éventuelle et le nombre d'entretiens.
POURQUOI ?
Pour
réduire la souffrance psychique de la personne soignée ou de sa famille.
Pour
l’aider à faire face à ses problèmes existentiels avec responsabilité.
Pour
que la personne soignée puisse se réaliser et réaliser ses objectifs de vie
dans le respect de ses propres valeurs et de ses propres rythmes.
Pour
l’accompagner dans les périodes critiques de l’hospitalisation
Pour
l’aider à aller vers son propre épanouissement et donner du sens à sa vie.
CONCLUSION
Gardons à l’esprit que l’entretien de soutien
psychologique n’est pas la panacée, et qu’il s’effectuera d’autant mieux que le
malade ne souffre pas sur le plan physique. N’oublions pas la pyramide de
Maslow, où le premier besoin, à la base de la pyramide, est d’abord de soulager
la douleur physique. Ce n’est qu’après que nous proposerons d’autres actes
thérapeutiques adaptés. Les soins physiques et les soins relationnels sont
aussi importants les uns que les autres, ils sont complémentaires et
indissociables, comme l’œil et l’image.
Comment
être en situation d'écoute si nous n'avons pas réfléchi à toutes ces questions ?
Une formation s’impose, accompagnée d'un travail
personnel sur soi, d'un groupe de parole pour “ poser ” sa
souffrance, d'un groupe de supervision pour “ analyser ” sa pratique,
afin d’optimiser la qualité de l’écoute. Il est fondamental que cette qualité
et cette pratique d’écoute deviennent un véritable soin relationnel et soit reconnu
par les médecins et les autorités sanitaires et sociales. Le décret infirmier
du 11 février 2002 apporte le cadre juridique pour faire appliquer cette
pratique. Bien sûr la souffrance psychique est entièrement subjective, il n’y a
que le patient qui peut la ressentir, on ne peut la mesurer objectivement,
alors trop souvent elle est minimisée ou parfois carrément niée par certains
médecins et infirmières.
Actuellement nous constatons que la plupart des
établissements de soins effectuent des soins techniques de qualité grâce à la
conscience professionnelle des personnels soignants (parfois au détriment de
leur propre équilibre de vie), mais le manque de personnels correctement formés
à l’entretien de soutien psychologique et la baisse chronique des effectifs
toujours à la limite de la sécurité, ne permettent pas une véritable prise en
charge de la souffrance psychique des personnes malades ou personnes en
détresse existentielle. Il a toujours été démontré par les plus grands
spécialistes des sciences humaines et de la médecine que l’état psychologique
de la personne malade ou en détresse existentielle, intervenait pour une très
grande part dans l’activation de ses processus thérapeutiques internes. C’est
vrai aussi qu’il est plus rapide et moins coûteux à court terme, de colmater en
toute légalité l’angoisse existentielle de la personne en détresse morale par
l’utilisation d’un véritable arsenal de drogues dites légales, que sont
certains médicaments (psychotropes…).
L’Etre humain a toujours cherché en tous temps à
réduire sa souffrance psychique en utilisant des astuces, qui la plupart du
temps ont apporté un soulagement éphémère soit, mais au prix d’un état
d’accoutumance et de dépendance pathologique. Une meilleure prise en compte de
la souffrance psychique par des professionnels du soin relationnel (écoute,
entretiens de soutien psychologiques, relation d’aide thérapeutique,
psychothérapie …), permettrait sans aucun doute à long terme, de contribuer à
réduire sensiblement la consommation des psychotropes et de réduire modestement
les dépenses de santé.
Certes, le soin relationnel n’est pas rapide, il ne
peut pas se faire dans la précipitation, il demande aussi un temps d’intégration,
les résultats ne sont pas immédiats, les résultats ne sont pas spectaculaires,
c’est un travail de fond, c’est un
investissement à long terme, et puis surtout il nécessite à chaque rencontre un
professionnel de l’écoute bien formé.
BIBLIOGRAPHIE
Présence de Carl ROGERS, de
André DE PERETIT
Edition Erès
L’entretien de face à face,
de Roger MUCCHIELLI
Edition ESF
Comprendre Carl ROGERS, de
Brian THORN
Edition Privat
Le développement de la
personne, de Carl ROGERS
Edition Dunod
Psychothérapie et relations
humaines, (T1,T2)de Carl ROGERS
Edition Studia Psychologica
L’approche centrée sur la
personne, de Carl ROGERS
Editions Randins
Les bases de la psychothérapie,
de Olivier CHAMBON
Edition Dunod
La relation d’aide, de Jean
Luc HETU
Edition Gaétan Morin
Enseigner la relation
d’aide, de Jacques CHALIFOUR
Edition Gaétan Morin
L’entretien de soutien
psychologique, de Maurice LIEGEOIS
Edition LAMARRE (2003)
Enseigner l’entretien de
soutien auprès des étudiants, de Maurice LIEGEOIS
Edition LAMARRE (sortie prévue
mai 2006)
Nombreuses revues
professionnelles
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d’associations
Mémoires d’étudiants IFSI,
d’infirmiers et de psychologues