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Maurice LIEGEOIS, Psychologue clinicien

Formateur des personnels soignants hospitaliers depuis 1977

Animateur de groupes de parole & d’analyse de pratique

Adresse internet :  moris.liegeois@wanadoo.fr



L’entretien de soutien psychologique

Dans la démarche de soins relationnels

INTRODUCTION

 

Vingt cinq années de pratique comme formateur des personnels soignants des hôpitaux publiques, l’ensembles de mes contacts avec les responsables de formation, les enseignants & formateurs des IFSI et les cadres de santé rencontrés au fil de mes formations, m’ont convaincu que l’enseignement de l’écoute, de la relation d’aide et de la pratique de l’entretien tout d’abord de soutien psychologique ne sont pas suffisamment développés pour répondre aux attentes des patients et ensuite aux textes réglementaires, tels les différents décrets régissant la profession d’infirmière.

 

Il existe encore beaucoup de confusion sur la définition des soins relationnels et encore plus de difficultés à enseigner et à les mettre en oeuvre au sein des unités de soins. Et pourtant les soins relationnels sont des soins à part entière, aussi importants que les soins techniques et que les soins éducatifs. Il est important et urgent que les futures infirmières soient mieux formées et mieux outillées pour construire des démarches de soins infirmiers sur le terrain, dans laquelle les soins relationnels auront toute leur place, au même titre que les soins techniques et éducatifs.

 

 

 

RAPPELS DES DECRETS INFIRMIERS

 

A la lecture des trois derniers décrets infirmiers; celui du 17 juillet 1984, celui du 15 mars 1993 et le dernier en date du 11 février 2002, il est précisé que les soins infirmiers sont de nature :

 

-    technique, relationnelle et éducative

 

Le dernier décret infirmier du 11  Février 2002 relatif à l’exercice de la profession, précise encore les qualités relationnelles à acquérir par les infirmières.

 

Article 2.

Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité de relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologiques, psychologiques, économiques, sociales et culturelles (Approche globale de la personne dans son environnement, approche holistique est le mot utilisé dans le programme de formation de 1992)

L’infirmière participe à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et à l’accompagnement leur entourage.

Dans ce même article, …  les soins infirmiers ont pour objet de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social.

 

Article 5

L’infirmière accomplit les activités suivantes :

- Entretien d’accueil du patient et de son entourage

- Entretien d’accueil privilégiant l’écoute de la personne avec orientation

- Aide et soutien psychologique

- Activités à visée socio-thérapeutique individuelle ou de groupe

- Entretien individuel et utilisation au sein d’une équipe pluridisciplinaire de techniques de médiation à visée thérapeutique ou psychothérapique 

 

 

Article 13

En l’absence d’un médecin, l’infirmière est habilitée, après avoir reconnu une situation comme relevant de l’urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en œuvre des protocoles de soins d’urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable.

Si les soins techniques ont toujours été correctement enseignés depuis l’origine, portés et actualisés aussi par le dernier programme d’étude de 1992, il en est autrement des soins relationnels. Les soins relationnels sont délicats à enseigner sur le terrain et les futures infirmières sont en générale pas suffisamment préparées, ce qui se traduit par une très faible pratique des soins relationnels.

POUR REDUIRE LA SOUFFRANCE PSYCHOLOGIQUE

 

Les soins dits, relationnels, sont un ensemble de moyens et d’outils utilisés dans un cadre méthodologique spécifique, mis en oeuvre par un soignants formé, avec pour objectif premier de réduire au maximum la souffrance psychique afin de faciliter la progression du malade vers un mieux être. Nous ne parlons pas ici de guérison, mais de se sentir mieux « en soi » quelle que soit sa pathologie. Les soins relationnels s’adressent en priorité à toute personne malade, en souffrance psychique. Toutefois reste à définir la souffrance psychique et ses mécanismes.

 

La souffrance psychique ne repose sur aucun support, elle ne se mesure pas et ne peut pas se voir sous un microscope, c’est avant toute chose, une impression psychique intérieure et personnelle très désagréable essentiellement ressentie par celui qui l’éprouve (mal être, blues, idées noires, stress, tensions intérieures, angoisse, anxiété, peur, tristesse, désespoir, pessimisme chronique …). Ce qui fait la souffrance psychique c'est le ressenti désagréable ou l’impressions psychique désagréable d'une situation réelle ou imaginaire, c’est le vécu désagréable, (sans aucun plaisir), de l’événement qui déclenche ce sentiment et cette sensation de mal-être. C’est le vécu désagréable d’un événement ou d’une partie de son histoire personnel. La personne n’a pas mal à son histoire … c’est le vécu, le ressenti de son histoire qui déclenche cette souffrance psychique, ici ce sont les émotions et les sentiments qui entraînent des tensions psychologiques.

 

« La seule possibilité de se libérer d’une émotion est de la ressentir. En général les êtres humains pensent leurs émotions. A ce niveau, aucune liberté n’est possible. C’est dans le ressenti de la peur, ou de la colère,ou de l’anxiété, ou de la jalousie ou de la culpabilité que l’émotion (messages affectifs) se libère. L’émotion est corporelle. Le mental est une expression du cerveau. La pensée (messages conceptuels) a sa propre beauté mais elle n’a pas la capacité de nous libérer de l’émotion. Si vous vous rendez disponible sensoriellement, il y aura vraiment une voie de sortie pour l’émotion. Bien sûr, la pensée a sa place, mais la pensée qui vient des émotions est polluée. La pensée qui vient du cœur n’est accessible que dans la liberté vis à vis de ses propres émotions » .       

                                                                                               (Eric BARET, philosophe)

Les soins relationnels ont pour but de réduire la souffrance psychique, réduire l’angoisse existentielle, réduire les peurs, et faire émerger un sentiment de bien être pour renforcer l’espoir du malade. Ces soins relationnels mettent en jeux une qualité particulière de communication verbale et non verbale, fondée sur l’écoute, sur le respect et sur une qualité de présence à l’autre (le malade) dans une relation qui va devenir thérapeutique afin d’aider l’autre (le malade) à retrouver du sens à sa vie. C’est la décharge des émotions et des sentiments bloqués, refoulés, enkystés qui vont aboutir à cet état de bien être.

 

Cette souffrance psychique peut être à l’origine de troubles psycho-relationnels et bio-physiologiques, cette souffrance psychique peut être réduite par certains médicaments (psychotropes, anxiolytiques …), mais surtout par une écoute particulière dans le cadre des entretiens de soutien psychologiques.

 

Cet apaisement psychologique, se traduira par un plus fort désir de vivre qui contribuera à renforcer l’impact des soins techniques. Il existe une interactivité très forte entre les soins techniques et les soins relationnels, ils sont interdépendants entre eux. Ils sont inséparables, auto-dépendant l’un de l’autre.

 

REPERES  THEORIQUES  POUR  GUIDER  LA  PRATIQUE

 

POUR UNE PRATIQUE DE SOINS RELATIONNELS

 

L’A.C.P. (Approche Centrées sur la Personne) fait référence au courant de pensée dit humaniste, en concordance avec l’approche globale du malade, dans une conception holistique (texte du programme de formation en soins infirmiers de 1992, voir aussi les différentes théories de soins, HENDERSON, PEPLAU, NIGHTINGALE, ). Il s’agit ici de redonner à l’humain toute sa place ; le malade n’est plus l’objet d’investigation, mais devient un sujet pensant, capable de participer à ses soins et de faire des choix.

Dans l’A.C.P., nous trouvons obligatoirement les conditions de base énoncées par Carl Rogers, à savoir : l’écoute, l’empathie, l’acceptation positive inconditionnelle, la congruence et quelques techniques de communication, dont les reformulations et les relances.

L’empathie, dans sa dimension la plus poussée et la moins connue, tend à se rapprocher du mouvement organique interne (tendance actualisante), auquel n’échappe pas le thérapeute (le travail se fait l’un par l’autre, non l’un avec l’autre et non l’un dans l’autre… : concept de réciprocité éducative de J.-M. Labelle.

 

 

“ L’un des concepts les plus révolutionnaires qui aient émergé de notre expérience clinique réside dans la reconnaissance croissante que le noyau le plus central de la nature humaine – les couches les plus profondes de sa personnalité, la base de sa nature animale, archaïque – est positif par nature, fondamentalement socialisé, allant de l’avant, rationnel et réaliste… ” (Carl Rogers)

 

Depuis 50 ans, Carl Rogers est toujours d’actualité…

 

 

 

METHODOLOGIE DE BASE

 

Nous pouvons distinguer trois méthodologies porteuses de pratiques d’entretiens différentes, seule la méthode de l’entretien centré sur la personne nous servira de support pour les soins relationnels.

 

L’entretien non directif (centré sur la personne et non sur la maladie)

 

Encore appelé entretien centré sur la personne, dans le cadre de la pratique de l’A.C.P. (approche centrée sur la personne), l’entretien non directif est un entretien au cours duquel l’infirmière évite de donner au malade une direction, quel  que soit le domaine, évite aussi de penser à ce que le malade doit penser ou sentir, et évite d’agir d’une manière prédéterminée . Il s’agit tout simplement d’écouter au sens le plus strict, c’est tout.

L’infirmière accompagne le malade dans son cheminement de pensée et intervient seulement pour faciliter la communication au niveau du vécu, en s’appuyant sur quelques techniques. Cette méthode est souvent utilisée pour conduire des entretiens de soutien psychologique auprès des malades ou des familles.

 

L’entretien semi-directif (ex : l’entretien de recueil de données)

L’entretien semi-directif part d’une idée, d’une hypothèse et de questions posées par l’infirmière, qui cadre le discours. L’aspect spontané des associations du malade est moins présent dans ce genre d’entretien.

 

L’entretien directif (ex : l’entretien à caractère pédagogique ou d’apprentissage)

L’entretien directif est conduit sur le mode d’un questionnaire organisé et préparé par écrit ou de mémoire. Il ne permet pas une grande implication personnelle de la part du malade. Il est souvent utilisé pour conduire une investigation ou l’interrogatoire du malade.

 

 

 

LES DIFFERENTS TYPES D’ENTRETIENS DANS LES SOINS RELATIONNELS

 

Nous pouvons isoler dans les différents entretiens pratiqués par les infirmières ceux qui s’apparentes plus particulièrement aux soins relationnels, à  savoir :

 

 

Entretien d’écoute de la personne en crise

dit aussi entretien à chaud (rôle propre : décret du 11 février 2002).

Objectifs : réduire l’état de crise, desserrer l’angoisse de la personne, réduire l’agitation, pour établir un minimum de contact.

Buts : calmer dans l’ici et maintenant, réduire la souffrance psychique et l’état d’agitation.

Finalité : restaurer un minimum de communication pour envisager des soins appropriés.

 

Entretien de soutien psychologique

dit aussi entretien d’aide, ou de confort (rôle propre : décret du 11 février 2002).

Objectifs : permettre à la personne soignée de parler de ses difficultés présentes, de ses craintes à venir, de son vécu.

Buts : réduire la souffrance psychique de la personne, la soutenir dans les moments difficiles de l’hospitalisation ou de soins délicats.

Finalité : introduction à une relation d’aide éventuelle, favoriser l’autonomie pour envisager une sortie.

 

Entretien de relation d’aide (série d’entretiens de soutien)

Objectifs : atteindre les objectifs fixés par l’équipe (rôle propre : décret du 11 février 2002).

Buts : réduire la souffrance psychique de manière durable, réduire l’angoisse, remobiliser ses ressources pour faire des choix et agir.

Finalité : s’assumer seul, sortir de l’institution, retrouver du sens à sa vie, faire des projets.

 

Entretiens psychothérapiques

Ces entretiens sont réalisés uniquement sur prescription médicale, le plus souvent en psychiatrie.

Objectifs : selon les indications du médecin et après réflexion commune avec les infirmières du service si possible.

Buts : selon les indications du médecin et après réflexion commune avec l’équipe du service si possible.

Finalité : suivant les indications du médecin et sur réflexion commune avec l’équipe du service si possible.

 

 

 

FORMATION AUX SOINS RELATIONNELS

 

La pratique de l’entretien ne s’improvise pas, cette pratique obéit à des méthodes et à des règles qu’il est nécessaire d’apprendre et d’intégrer pour devenir un professionnel de l’écoute. L’écoute va beaucoup plus loin que le simple apprentissage de techniques ; c’est notre personne toute entière, notre histoire et notre vécu du quotidien qui sont engagés dans l’écoute du patient.

Ce professionnalisme de l’infirmière est une des garanties de la qualité des pratiques d’entretiens auprès des malades hospitalisés et crédibilise ses pratiques d’écoute et d’entretien auprès des professionnels de l’écoute (psychologues, psychiatres, psychanalystes, et psychothérapeutes).

En tant que psychologue, je pense que cette formation ne se limite pas aux mécanismes d’apprentissage, mais se doit d’aller plus loin, vers l’Etre en formation. De mon point de vue Il serait même sage, avant d’écouter les patients, d’avoir fait le point sur sa propre histoire (dans le sens de panser ses propres blessures psychiques avant de panser celles des autres), ceci pour éviter d’être « toxique » pour le patient, afin d’ Etre véritablement « aidant » auprès des personnes soignées que l’on veut aider.

 

L’étudiant en formation en I.F.S.I, ou même l’infirmière en stage de formation permanente, se poseront le questionnement personnel suivant :

«  …suis-je capable d’accompagner et d’écouter une personne plus loin que là où je me suis arrêté moi-même ? … »,

 

Ou, pour le formuler d’une manière plus concrète :

«  … puis-je connaître et enseigner ce qu’est l‘écoute, si je n’ai pas moi même l’expérience et le vécu d’avoir été écouté ? … ». 

 

Nous soulevons ici le délicat problème pédagogique du « développement personnel », ou « travail sur soi » des étudiants en soins infirmiers.

 

Pour se former il existe tout d’abord, la formation de base sur trois années, proposée dans tous les I.F.S.I., (programme de 1992). Dans l’ensemble de cette formation une petite partie concerne l’apprentissage de l’écoute sous forme d’apports théoriques, de travaux pratiques et la possibilité d’expérimenter dans les services de soins pendant certains stages.

De l’avis de cadres enseignants avec lesquels j’ai travaillé et des équipes pédagogiques des IFSI, cette formation de base n’est pas suffisante pour permettre à l’infirmière d’avoir une pratique professionnelle adéquate à la sortie de l’I.F.S.I.

De ce fait, des établissements de soins et plus particulièrement les Centres Hospitaliers Spécialisés proposent au bout d’une année, aux nouveaux diplômés, une formation à la relation d’aide sur plusieurs semaines, ainsi que des formations plus orientées en psychopathologie. En effet il est donné la possibilité aux jeunes diplômés de négocier auprès de leur responsable une ou plusieurs formations complémentaires à l’entretien dans le cadre de la formation continue. Il existe toute une palette de formations à l’écoute et à l’entretien thérapeutique en passant par la relation d’aide, avec en fin d’études la rédaction et la soutenance d’un mémoire de qualification.

 

La pratique de l’écoute, la pratique de la relation d’aide, la pratique de l’entretien de soutien psychologique et la pratique de l’entretien psychothérapeutiques supposent aussi un investissement personnel supplémentaire des infirmières, d’avoir à leur disposition et de participer à des groupes de paroles (centrés sur la souffrance des soignants), à des groupes d’analyse de pratiques (centrés sur une analyse en groupe de ses pratiques d’écoute) et à des groupes de supervision pour optimiser leur pratique de l’écoute.

Tout cet encadrement professionnel des infirmières peut être présenté comme des moyens indispensables pour garantir et crédibiliser les pratiques d’écoute des infirmières en vue d’optimiser la qualité d’accompagnement des patients.

La question que nous pouvons nous poser est la suivante, y a-t-il une prise de conscience et une volonté des responsables institutionnels, d’offrir ces services de « sécurité aux infirmières ? Car il est évident que la qualité se paie aussi en temps, donc aussi en argent.

 

 

 

 

LES POINTS DE PASSAGES OBLIGES DE LA PRATIQUE

De la nécessité de définir le type d’entretien que l’on veut conduire auprès d’un patient

De quoi parlons-nous ? De quel type d’entretien ? Parlons-nous de l’entretien directif, semi-directif ou non directif (dit centré sur la personne, ACP), ou bien faisons-nous référence à l’objectif de l’entretien, entretien de soutien, entretien d’accueil, entretien dans une relation d’aide, entretien d’investigation, entretien de diagnostic ? Il est bien évident que selon le type ou la nature de l’entretien ainsi que son objectif, notre manière d’écouter, de communiquer et de conduire l’entretien n’utilisera pas les mêmes référentiels théoriques et méthodologiques. Nous n’arriverons pas au même résultat.

Pourquoi ces questionnements méthodologiques ? Pour répondre aux objectifs de soins individualisés mis en place par l’équipe soignante. Pour éviter aussi que la situation d’entretien ne dérive vers une pratique charismatique non validée, donc non évaluable, donc potentiellement dangereuse.

 

De la nécessité de choisir la méthode adaptée aux objectifs de l’entretien

Il existe plusieurs façons de conduire un entretien, c’est-à-dire qu’il existe plusieurs méthodes qui conduisent à des pratiques différentes d’entretiens.

Ces différentes méthodes ont des ancrages conceptuels et théoriques éprouvés et validés qui ont fait l’objet de recherches (courant médical scientifique, comportementaliste, cognitif, psychanalytique, humaniste, phénoménologique, existentiel). Mais il existe aussi plusieurs types d’entretiens qui peuvent avoir des objectifs et des buts différents.

On ne conduit pas un entretien de recueil de données à l’admission d’un malade, comme on conduit un entretien centré sur la souffrance psychique du malade en service de psychiatrie.

 

De la nécessité d’apprendre à conduire un entretien auprès du patient

La conduite d’un entretien repose sur tout un ensemble de manières d’être, d’attitudes, de processus méthodologiques et sur beaucoup d’expérience professionnelle individuelle.

 

La conduite d’un entretien n’est pas innée et ne se fait pas au “ feeling ”, ni sur le mode du “ comme je le sens ”. Elle suppose une harmonie complexe et délicate entre l’apprentissage de quelques techniques de base, l’intégration des processus dynamiques de la situation, et la présence existentielle du thérapeute (empathie, acceptation, et congruence), tout en restant naturel et authentique. Cela pour bien préciser qu’une formation longue, un travail sur soi et une supervision sont nécessaires pour aller vers une pratique véritablement professionnelle, qui demandera encore des années sur le terrain pour s’affiner.

 

Un minimum de connaissance de soi est nécessaire pour apprendre à se situer dans la situation d’entretien, afin d’éviter l’identification, les projections et les contre-transferts sur le patient ou la personne soignée. Et puis il me semble aussi  nécessaire de faire un bout de chemin en analyse ou en psychothérapie individuelle, ce qui évitera à l’infirmière de mélanger ses propres problèmes avec ceux du patient. La participation à un groupe d’analyse de pratique crédibilisera la rigueur et la qualité de l’infirmière.

 

Comment comprendre l’expérience de l’écoute que vit le malade si, nous-mêmes, n’avons pas vécu cette même expérience ? Il paraît impossible d’accompagner une personne dans un processus que nous-mêmes n’avons pas expérimenté.

 

C’est aussi des contraintes, non seulement en formation de base, mais aussi l’actualisation de sa propre formation assortie d’un travail sur soi-même qui crédibilisera  la qualité et le professionnalisme de l’infirmière.

 

Bien sûr, toutes ces conditions sont trop souvent submergées dans la pratique quotidienne des soins, par manque de personnels qualifiés et formés à l’entretien de soutien, et aussi par un laisser pour compte des soins relationnels par certains médecins ou institutions.

 

On peut comprendre qu’il est plus rapide de réduire l’anxiété ou la peur d’un patient par un médicament … cela va plus vite et ne nécessite pas le temps auprès du patient d’une infirmière. Mais à long terme la réponse du médicament comme réponse à l’anxiété va perdre de son pouvoir très rapidement et le malade appellera de nouveau l’infirmière. La sédation d’une pointe d’anxiété par un médicament n’est pas la dissolution de cette anxiété par une relation dans le cadre d’un entretien de soutien.

Ici nous avons la possibilité de faire des choix ; agir sur le symptôme désagréable par une réponse immédiate et rapide du médicament, ou bien réfléchir avec le patient pour remonter à la cause première en l’écoutant. Il est bien évident qu’en situation d’urgence ou de crise aigue insupportable par le patient, la réponse fera dans un premier temps, l’objet d’une rapide prescription du médicament adéquat.

Le médicament ne fait qu’étouffer la pointe d’anxiété, le malade n’a pas la possibilité d’y mettre du sens et de libérer ses tensions psychologiques sous forme d’émotions, (larmes, pleurs, sanglots, cris, colère …). Le médicament dans ce cas là ne fait que colmater la blessure psychique, mais ne permet pas à celle ci de laisser s’écouler la souffrance psychique à l’extérieur.

Pour prendre une image, avant de fermer une plaie psychique, il est important de la nettoyer (d’en trouver le sens) et parfois d’y laisser un drain (les entretiens) pour laisser s’écouler les larmes ou l’agressivité. C’est seulement à cette condition là que la souffrance pourra s’évacuer, en se dissolvant par le biais de l’écoute et la qualité de la relation.

 

Exemple de protocole

 

D’ENTRETIEN DE SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE

 

QUI

Toutes les infirmières habilitées, formées, et ayant à leur disposition un groupe de parole et/ou un groupe de supervision (analyse de pratique) animés par un psychologue. Rôle propre de l’infirmière – Décret du 11 Février 2002

 

QUOI

Entretiens individuels ou relation d’aide faisant référence au concept de la philosophie humaniste, dont le référentiel théorique est l'A.C.P. (Approche Centrée sur la Personne de Carl ROGERS)

 

OU

Dans un bureau réservé et choisi à cet effet dans le service, ou dans un endroit calme, accueillant, discret, confortable, sans témoin, sans bruit et sans dérangement, ou dans la chambre de la personne soignée (sans témoin).

 

COMMENT

L’entretien de soutien psychologique & la relation d'aide sont d'abord et avant tout l’existence d’une relation entre deux personnes. Ces entretiens ont pour spécificité d'être aidant sur le plan psychologique (démarche de soins relationnels), pour l'une des deux personnes, la personne soignée et/ou sa famille.

 

QUAND

Sur proposition d'une des deux parties, ou à la demande d’un tiers (médecin, soignants, parents, famille), avec accord réciproque (alliance thérapeutique ou contrat) entre l’infirmière et le patient, sur la durée moyenne de l'entretien, sa périodicité éventuelle et le nombre d'entretiens.

 

POURQUOI ?

Pour réduire la souffrance psychique de la personne soignée ou de sa famille.

Pour l’aider à faire face à ses problèmes existentiels avec responsabilité.

Pour que la personne soignée puisse se réaliser et réaliser ses objectifs de vie dans le respect de ses propres valeurs et de ses propres rythmes.

Pour l’accompagner dans les périodes critiques de l’hospitalisation

Pour l’aider à aller vers son propre épanouissement et donner du sens à sa vie.

CONCLUSION

 

Gardons à l’esprit que l’entretien de soutien psychologique n’est pas la panacée, et qu’il s’effectuera d’autant mieux que le malade ne souffre pas sur le plan physique.

 

N’oublions pas la pyramide de Maslow, où le premier besoin, à la base de la pyramide, est d’abord de soulager la douleur physique. Ce n’est qu’après que nous proposerons d’autres actes thérapeutiques adaptés.

 

Les soins physiques et les soins relationnels sont aussi importants les uns que les autres, ils sont complémentaires et indissociables, comme l’œil et l’image.

Comment être en situation d'écoute si nous n'avons pas réfléchi à toutes ces questions ?

 

Une formation s’impose, accompagnée d'un travail personnel sur soi, d'un groupe de parole pour “ poser ” sa souffrance, d'un groupe de supervision pour “ analyser ” sa pratique, afin d’optimiser la qualité de l’écoute. Il est fondamental que cette qualité et cette pratique d’écoute deviennent un véritable soin relationnel et soit reconnu par les médecins et les autorités sanitaires et sociales. Le décret infirmier du 11 février 2002 apporte le cadre juridique pour faire appliquer cette pratique. Bien sûr la souffrance psychique est entièrement subjective, il n’y a que le patient qui peut la ressentir, on ne peut la mesurer objectivement, alors trop souvent elle est minimisée ou parfois carrément niée par certains médecins et infirmières.

 

Actuellement nous constatons que la plupart des établissements de soins effectuent des soins techniques de qualité grâce à la conscience professionnelle des personnels soignants (parfois au détriment de leur propre équilibre de vie), mais le manque de personnels correctement formés à l’entretien de soutien psychologique et la baisse chronique des effectifs toujours à la limite de la sécurité, ne permettent pas une véritable prise en charge de la souffrance psychique des personnes malades ou personnes en détresse existentielle.

 

Il a toujours été démontré par les plus grands spécialistes des sciences humaines et de la médecine que l’état psychologique de la personne malade ou en détresse existentielle, intervenait pour une très grande part dans l’activation de ses processus thérapeutiques internes.

 

C’est vrai aussi qu’il est plus rapide et moins coûteux à court terme, de colmater en toute légalité l’angoisse existentielle de la personne en détresse morale par l’utilisation d’un véritable arsenal de drogues dites légales, que sont certains médicaments (psychotropes…).

 

L’Etre humain a toujours cherché en tous temps à réduire sa souffrance psychique en utilisant des astuces, qui la plupart du temps ont apporté un soulagement éphémère soit, mais au prix d’un état d’accoutumance et de dépendance pathologique.

 

Une meilleure prise en compte de la souffrance psychique par des professionnels du soin relationnel (écoute, entretiens de soutien psychologiques, relation d’aide thérapeutique, psychothérapie …), permettrait sans aucun doute à long terme, de contribuer à réduire sensiblement la consommation des psychotropes et de réduire modestement les dépenses de santé.

 

Mais le soin relationnel n’est pas rapide, il ne peut pas se faire dans la précipitation, il demande aussi un temps d’intégration, les résultats ne sont pas immédiats, les résultats ne sont pas spectaculaires, c’est un travail de fond,  c’est un investissement à long terme, et puis surtout il nécessite à chaque rencontre un professionnel de l’écoute bien formé, et non une molécule agissante produite à la chaîne.

                                                                                           Le Mans le 1 Octobre 2005

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

Présence de Carl ROGERS, de André DE PERETIT

Edition Erès

 

L’entretien de face à face, de Roger MUCCHIELLI

Edition ESF

 

Comprendre Carl ROGERS, de Brian THORN

Edition Privat

 

Le développement de la personne, de Carl ROGERS

Edition Dunod

 

Psychothérapie et relations humaines, (T1,T2)de Carl ROGERS

Edition Studia Psychologica

 

L’approche centrée sur la personne, de Carl ROGERS

Editions Randins

 

Les bases de la psychothérapie, de Olivier CHAMBON

Edition Dunod

 

La relation d’aide, de Jean Luc HETU

Edition Gaétan Morin

 

Enseigner la relation d’aide, de Jacques CHALIFOUR

Edition Gaétan Morin

 

L’entretien de soutien psychologique, de Maurice LIEGEOIS

Edition LAMARRE (2003)

 

Enseigner l’entretien de soutien auprès des étudiants, de Maurice LIEGEOIS

Edition LAMARRE (sortie 2006)

 

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