Approche technique de l’entretien infirmier
Elles tiennent toutes les deux la banderole. La foule colorée emplit l’avenue Georges Pompidou et n’en finit plus de hurler sa colère. Elles viennent de Briançon, à 80 kilomètres de Gap pour manifester contre le projet Fillon. Elles sont infirmières et militantes. Nous papotons comme nous pouvons, assourdis par les tambours du Bronx. Comment en sommes-nous venus à crier le mot entretien  Je ne m’en souviens plus. Elles se rappellent que lorsqu’elles étaient en première année, je suis venu à Briançon les initier à l’entretien infirmier.
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Qu’est-ce qu’un entretien 
Le mot entretien, vient du verbe entretenir qui signifie étymologiquement tenir ensemble. Il signifie à la fois les soins, les réparations, les dépenses matérielles qu’exige le maintien en bon état d’un objet, ce qui est nécessaire à l’existence matérielle d’un individu, d’une collectivité et l’action d’échanger des paroles avec une ou plusieurs personnes, et le sujet dont on s’entretient. L’entretien, ce qui permet de tenir ensemble, est le principal outil de communication pour l’infirmier de secteur psychiatrique.
Différents types d’entretien
Il existe de nombreuses façons de catégoriser les entretiens infirmiers.
Les variables en cours dans l’entretien
Les conditions dans lesquelles se déroulent les entretiens sont très diversifiées. Selon les situations, l’infirmière peut réaliser un entretien au chevet du patient, dans une salle d’attente de radiologie avant un scanner, dans l’eau en maillot de bain à la piscine, dans une rame de métro bondée, etc. Quelles que soient ces condition, certaines caractéristique propres à l’entretien y sont toujours présentes. Parmi ces caractéristiques, J. Chalifour (1) décrit les variables en cours dans l’entretien, les phases de son déroulement et les types d’entretiens réalisés. L’observation et l’échange avec plusieurs infirmières travaillant dans différents milieux ont permis à J. Chalifour d’identifier 7 variables  le contexte de l’entretien, les caractéristiques du patient, les caractéristiques de l’infirmière, le but poursuivi dans l’entretien, le contenu traité, la durée et la fréquence des entretiens, l’endroit où il a lieu.
Les phases de l’entretien
J. Chalifour, après une revue de la littérature, propose de découper l’entretien en plusieurs phases. L’entretien se déroule dans le temps, il a donc un début, un corps et une fin. Il comporte trois principales composantes qui sont : le contact affectif et physique, le but ou les thèmes abordés et les modalités qui en favorisent le déroulement.
Les trois temps correspondent à la clarification du but de l’entretien et des moyens d’y répondre, à la réponse au besoin d’aide selon les modalités choisies, et l’évaluation des résultats obtenus et des moyens utilisés.
Il s’agit d’un cadre général. L’étude et l’analyse d’entretiens précis peut montrer d’autres étapes dans l’entretien, mais leur diversité est telle qu’il apparaît impossible de les généraliser. Ainsi par exemple, on pourra remarquer que l’utilisation du
Se former à l’entretien infirmier
On n’a jamais fini de se former à l’entretien. On n’a jamais fini de s’y former parce que l’aspect technique est relativement secondaire. Il s’agit de s’interroger constamment sur la pertinence du chemin que l’on contribue à ouvrir. Chaque entretien est la découverte d’un monde inconnu avec ses jardins merveilleux et ses plantes carnivores, avec ses sables mouvants qui risquent à tout instant de nous aspirer, de nous engloutir, et ses sentiers odorants riches en fraises des bois, en noisette, en coucher de soleil. Il suffit d’un rien, d’un peu d’inattention, de laisser aller pour que le paysage enchanteur se transforme en cauchemar. La clinique est notre seul guide. La clinique et la connaissance de soi. L’entretien est un voyage et comme tous les voyages on n’y rencontre d’abord que soi. Il faut accomplir un réel effort pour y découvrir l’autre. Un autre, tellement proche et tellement différent.
Il est des voyages que l’on n’entreprend pas sans s’y être préparé par un long cheminement. C’est le cas de l’entretien. La meilleure façon de cheminer est la psychothérapie personnelle. C’est en se confrontant soi à la situation d’avancer pour soi en se confrontant à un autre, en posant ses contenus intimes, en ressentant la force de ses affects, en éprouvant la difficulté de les nommer que l’on se forme à l’entretien. On n’en est pas quitte pour cela. Il nous arrivera peut-être, à un moment ou à un autre, selon les rencontres que nous ferons de retourner sur le divan pour une tranche d’analyse ou de psychothérapie.
Cette psychothérapie personnelle est la voie royale, la plus exigeante mais tous n’ont pas cette exigence et tous ne peuvent pas l’avoir.
On se forme à l’entretien par l’entretien. C’est en forgeant que l’on devient forgeron. Il faut constamment revenir sur ses notes d’entretien, constamment s’interroger en réunion clinique, en régulation ou en supervision, lors de groupe Balint. Il faut se confronter à ses points aveugles pour en prendre conscience, pour tenter de les dépasser.
On se forme à l’entretien par l’entretien, en formation continue, avec des jeux de rôle où l’on occupe alternativement la place du soignant et celle du soigné, en multipliant les situations d’entretien.
On se forme à l’entretien en se confrontant à la théorie, aux théories  analytiques, systémiques, comportementales jusqu’à opérer sa propre synthèse théorique, synthèse constamment à remettre en question, jusqu’à trouver son style.
On se forme à l’entretien en testant les techniques de communication  reformulation, clarification, reflet, focalisation, etc.
On se forme à l’entretien par la lecture dans la presse professionnelle des entretiens des autres soignants, en mûrissant à partir de leurs expériences, de leurs failles, de leurs limites, de leurs réussites. On se forme en participant aux entretiens médicaux, en étudiant la façon qu’ont les psychiatres de mener leurs entretiens, en les critiquant, en s’en inspirant, en les dépassant parce que nous ne sommes pas psychiatres. On se forme à l’entretien avec nos collègues, auprès de seniors d’abord, en les pratiquant en duo, puis seul ensuite.
On se forme à l’entretien en écoutant les interviews sur les radios ou à la télévision. En général on y rencontre surtout ce qu’il ne faut pas faire  les reformulations sont rares, l’animateur cherche surtout à se mettre en vedette lui plutôt que la personne qu’il interroge.
On se forme à l’entretien par l’écoute, avec tout ce que les patients nous confient, avec tout ce qu’ils élaborent, avec la confiance dont ils nous honorent.
Dominique Friard
Notes 
Techniques de communication
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Questions ouvertes : mode d’entrée en relation, fait sentir au patient que nous l’écoutons et que nous nous intéressons à ses problèmes, lui laisse réellement le choix de répondre.Dominique Friard,
d’après COOK (J.S), FONTAINE (K.L),