Retour à l'accueil


Retour à Montpellier

MONTPELLIER 2003


La conquête de l'espace.


A vrai dire, c'est le temps qui devrait avoir la parole, je dispose de 3 à 4 mn, et pour un infirmier de la génération perdue, ça suffit.

Il faut avoir une bonne dose de folie pour accepter de parler d'un sujet aussi vaste en 3 ou 4 mn, et cette folie qui fait tant parler, vous le savez bien, on ne sait guère d'où elle vient. Je remercie tous les collègues grâce à qui, j'ai grand plaisir à dire tout ce qui m'est venu sur la langue.
Jean Paul, Dominique, Emmanuel, Claude, Olivier, Jean le toulousain et les autres.
Nous sommes ici par notre propre volonté ! Et là où il y a une volonté, il y a un chemin ! C'est autant de notre folie, de nos désirs, nos façons de faire et défaire la psychiatrie dont nous allons parler.

Nous voulons réaffirmer l'existence clinique de l'inconscient et la nécessité des pratiques prenant en compte l'héritage bénéfique de la psychothérapie institutionnelle.
Nous demandons l'abolition des privilèges et en premier celui de l'invasion idéologique d'où qu'elle vienne et qu'elle quelle soit.
Ô, nous ne sommes pas A-Théoriques, A-Historiques, ni A-Politiques, mais conscients d'être engagés sur les plans personnels et professionnels, dans le cadre d'un collectif soignant nous protégeant de l'aventure individuelle. Si penser, c'est bien entendu raisonner, calculer, nommer, classer, évaluer, être connecter et tout ce que vous voudrez, penser c'est aussi se passionner, créer et se différencier.
Oui, rêver c'est aussi penser.

L'essentiel en 3 points.
- Retenir une relation entre les parcours, les évènements de la vie et la psychopathologie exprimée. En d'autres termes, maintenir une qualité de l'écoute et de l'attention portée à l'autre, associée à une démarche compréhensive.

- Entretenir le " penser et faire ensemble " des collectifs soignants -patients y compris bien entendu-, dans leurs capacités à décliner une continuité psychique, familiale et sociale.

- Soutenir l'accompagnement des mots par des actes et des actes par des mots, et réguler les aléas du transfert sous ses différentes formes (personnel et/ou institutionnel), voilà ce qui nous paraît essentiel avec les médicaments, que les laboratoires se rassurent et les psychiatres aussi.

Des moyens pour de nouveaux espaces
Nous voulons des moyens humains en termes d'effectifs, de formation et de capacités à pouvoir exercer notre métier dans de bien meilleures conditions qu'actuellement.
Nous ne parlons pas à la place des patients, mais avec eux nous exigeons des conditions d'accueil et de soins qui tiennent compte du respect de la personne (chambre individuelle ou double avec cabinet de toilette, architecture adaptée des locaux tenant compte des troubles qui s'expriment et à prendre en charge d'un point de vue thérapeutique, avec ouverture permanente au territoire agréable de la relation soignante), oui à l'isolement thérapeutique ouvert sur l'espace de la tranquillité, droit réel au logement et allocation de revenus permettant aux usagers d'être réellement autonomes.
Nous refusons cette querelle stérile à partir du nombre de lits, c'est vers d'autres espaces thérapeutiques que nous voulons aller, d'autres places dans une autre architecture où se diluent, précipitation, promiscuité, urgence systématique, culture démesurée de la mesure et transposition standardisée des façons de faire.
Nous demandons l'abolition des privilèges de l'abus ; abus d'absences, de fermetures, d'éloignement, de manque de formation, des rapports, enquêtes, échelles et statistiques en tous genres.
Avant de conclure, il convient de rappeler qu'une des difficultés essentielles du métier d'infirmier en psychiatrie est de considérer tout patient comme un sujet à part entière, reconnu dans la différence unique de son histoire et de son monde. Il est anti-thérapeutique de dépersonnaliser l'accueil, le séjour et les soins dans la surenchère de l'humanisme froid et mécanisé des protocoles. Nous demandons l'abolition de la pensée uniformisante, dépersonnalisante, en ce qu'elle annule les différences tant au niveau des soignants, des institutions, que des usagers.

En conclusion
Sachons mettre autant de raison que de folie dans nos propos, de l'émotion dans les motions, car si la vie demeurait triste, elle ne s'appellerait pas, tout simplement, la vie.
Je vous remercie.

JP Vérot, infirmier en psychiatrie

Ecrit à partir de propositions dont les éléments figurent sur le forum de Serpsy réservé aux EG de la Psychiatrie.