MONTPELLIER 5, 6 et 7 juin 2003.
Grosse colère, oui !
D' être parents d'un jeune psychotique en France actuellement et de nous sentir impuissants.
Colère de lire ici et là sur des forums de qualité, des paroles de vie, de sagesse, d'amour -oh combien !- mais aussi de résignation, de peur, d'angoisse sans cesse renouvelée…
Colère de ne jamais entendre ne serait-ce qu'un semblant de critique en terme de remise en cause d'une politique de santé.
Combien sommes-nous de parents, de familles, touchées par ce désastre -humain et social- qu'engendre la maladie mentale ?
600 000 à 1 million en France plus leur famille, cela fait du monde, mais pas de bruit…
On n'en parle pas, le sujet est tabou : " un fou chez nous ? Non, surtout pas ! ". On le garde chez soi, pourtant, on le nourrit, on ouvre la fenêtre de sa chambre de temps en temps quand il le tolère, on le presse de ne pas oublier ses cachets, ses rendez-vous chez le psy ; on surveille de loin ses téléphones, ses fréquentations, on mesure l'argent de poche avec parcimonie, préférant lui payer ses cigarettes, plutôt que de lui donner de quoi s'évader dans quelques paradis nauséabonds.
Sa présence est totale aux autres, ses parents, frères et sœurs, nul ne peut l'oublier…Il souffre, c'est une évidence. Les médicaments calment souvent lorsqu'il accepte de les prendre pour un soulagement certes mais aussi un renoncement à soi, une dépersonnalisation souvent intolérable. La parole de ses proches est là, rassurante ou menaçante selon son état. Extra lucides, ces derniers ne le sont pas toujours, et la fibre maternelle tire à plein sur les cordes du sensible.
L'armoire à pharmacie familiale déborde des multiples traitements essayés puis abandonnés sans compter ceux réservés aux parents qui n'ont pas d'autre choix.
La vie continue, le boulot, les collègues, les quelques relations -enfin celles qui restent- avec qui peu à peu on soulève le coin obscur du voile, mots après mots, diagnostics successifs, comme autant de poignards à l'âme La famille se resserre ou explose, c'est selon. Dans le premier des cas, la solitude est immense, les bouteilles à la mer, innombrables. Oh ! bien sûr, au début de la maladie, on interpelle sans cesse : les médecins d'abord quand ils veulent vous répondre, quand ils ne jouent pas le diagnostic aux devinettes, quand ils ne s'interrogent pas ostensiblement sur la pathogenèse familiale, quand ils ne transforment pas la fameuse alliance thérapeutique en blanc-seing permanent…Combien d'humiliations pour certains parent jugés trop interventionnistes, de remises au pas, de jugements à l'emporte-pièce assénés sans rien écouter de Son histoire, du quotidien vécu entre deux rendez-vous…Sans parler de la fameuse Hdt (hospitalisation à la demande d'un tiers), où le ciel vous tombe sur la tête !
Les associations de familles de malades aussi, pétries de bonne volonté, où l'on s'échange noms de psys, de traitements, d'adresses…
Les sites et forums sur le net pleins de ressources et d'humanité souvent…
Pansements ? Cautères sur des têtes de bois !
Où est la fameuse conjonction thérapeutique entre soignés, soignants et familles ? Le travail en réseau avec les équipes médico-socio-psychologiques … ? De 13 200 psychiatres actuellement on devrait passer à 8 180 en 2015 alors même que 1500 postes sont actuellement vacants ! (davantage de postes que de demandes pour cause de salaires dérisoires et de manque d'équipement).
Où sont les structures d'accueil post-cure dignes de ce nom où l'on pratique un réel travail psychothérapeutique ? (sur les doigts d'une main).
Où sont les centres qui prennent en compte l'aspect " toxicomanie " des jeunes en souffrance psychique ? (idem)
Où sont les lieux de scolarisation adaptée où réintégrer peu à peu un jeune en rupture ? (sur LE doigt…)
Où ?………… Où ?………… Où ?………… Où ?………… Où ?………… Où ?…………
Julia KRISTEVA (professeur à l'Institut universitaire de France, psychanalyste et écrivain) a adressé il y a peu une Lettre au président de la République sur les citoyens en situation de handicap (éditions FAYARD-2003).
Dans cet ouvrage serré, elle fait des propositions, notamment en ce qui concerne la crise de la psychiatrie française, où elle interpelle le président de la République sur sa promesse d'un grand chantier du Handicap en France, en cette année européenne du Handicap en Europe…
Mais l'économie va mal, nous dit-on, et les handicapés -surtout psychiques- n'intéressent pas grand-monde…
Les 5, 6 et 7 juin prochains ont lieu à Montpellier les :
ETATS GENERAUX DE LA PSYCHIATRIE,
(www.eg-psychiatrie.com/sommaire.php3) en présence, lors de la dernière journée, du Professeur MATTEI, ministre de la Santé et des personnes handicapées.
Nous parents, n'avons pas été conviés (juste une petite intervention le dernier jour). Les infirmiers psychiatriques s'y sont invités de justesse. Les psychiatres vont-ils s'entretenir dans le secret, de ce qui nous concerne tous ?
Que faire pour être entendus ? Pour dénoncer l'incurie scandaleuse de la santé psychique en France ?
De nos jours, seule la médiatisation peut repousser les murs.
Les familles doivent être présentes dans les débats et dans la rue pour dire tout haut ce qu'il en est.
Nous lançons ici un appel à tous les parents de bonne volonté qui veulent se joindre à nous à Montpellier, qui ont des relations dans les médias, qui sauraient trouver des slogans-choc pour attirer leur attention.
Nous allons également adresser ce message à l'association SERPSY-FNAPSY (http://www.serpsy.org/) très active en ce domaine.
TOUS SOLIDAIRES !