Les Etats Généraux de la Psychiatrie se sont tenus à Montpellier du 5 au 7 juin et ont été l’occasion de réunir une partie importante des forces vives de la Psychiatrie dominées à la tribune et dans la salle par les médecins.

Ce n’est que tardivement que nous avons écouté les représentants des patients et des familles , samedi après-midi , nous rappeler combien ils avaient besoin de notre disponibilité et de la cohésion des professionnels.

La parole des patients qui constitue notre enseignement primordial avait été absente jusque-là.

Tout comme celle des infirmier(e)s qui sont en première ligne et dont l’une d’entre elles évoquait son combat personnel pour reprendre 3ans et demi d’études difficiles , avec la charge de ses enfants pour se retrouver à moins de 1500 Euros par mois après plusieurs années de carrière où cette psychologue ne bénéficiant que du renouvellement de contrats de 3 mois qui la maintenaient dans une grande précarité psychologique.

Dans ces conditions , les revendications financières des psychiatres libéraux dont « les honoraires n’ont pas été revalorisés depuis 8 ans » et dont le revenu annuel moyen net s’élève à 80000 Euros ne peuvent s’entendrent qu’à la condition de revaloriser le statut et les revenus des autres catégories professionnelles ainsi que le relèvement des minima sociaux auxquels se retrouvent une grande partie de leur clientèle (le RMI est à 411 Euros mensuels)

Ces revendications ne peuvent s’entendrent qu’à la condition de lutter pour la préservation de « la puissance du Salariat » cf. Bernard FRIOT-, de la sécurité Sociale et des Retraites par Répartition dont il n’a été quasiment jamais question durant les 3 jours ,comme si les soignants en psychiatrie vivaient et exerçaient hors de toute réalité sociale ou politique.

En effet, FRIOT nous rappelle que « c’est le travail qui est à l’ origine de la création de valeur nouvelle (« la valeur ajoutée » des entreprises dont la somme donne le produit intérieur brut annuel), il est en effet tout à fait normal que ce soit à cette occasion, par la cotisation sociale et sous le contrôle des travailleurs , salariés et indépendants, et non par l’ impôt, que les besoins fondamentaux comme le besoin de santé soit financés »

Les psychiatres vivent-ils en dehors ou à côté de leur propre histoire.

N’est-ce pas à la faculté de Montpellier , dès le 31 janvier 1935, que commence un mouvement de grève qui proteste contre les avantages accordés aux étudiants étrangers(notamment les juifs) ?. Voir Bruno HALIOUA, » Blouses blanches, étoiles jaunes »,Liana Levi,2000,p.35.

N’est-ce pas à Montpellier que se tient le congrès annuel des aliénistes en 1942 ,où la conférence des Drs Requet et Balvet qui alertent leurs confrères contre les risques mortels de la dénutrition volontairement imposée à leurs malades par leurs médecins…passe inaperçue ?

Ce sera « l’extermination douce » racontée par Max LAFONT qui fera 40000 morts parmi les malades des asiles français durant la guerre !

Qui rappelle que se sont les psychiatres et les anthropologues allemands qui sont à l’origine des lois de 1933 qui permettront l’élimination des malades mentaux, des alcooliques graves , des épileptiques et des handicapés mentaux ?

Qui rappelle que se sont les médecins allemands , prestigieux, qui ont réalisé des expériences sur l’ Homme . A Strasbourg-le souvenir de MENACHEM TAFFEL- Matricule 107969 vient y faire dramatiquement écho, lui qui avec 85 autres cobayes juifs non identifiées jusqu’à présent, « sélectionnés » à Auschwitz, devait étoffer « le musée » strasbourgeois du professeur August HIRT.

Quel est le sens de cette insupportable sponsoring des laboratoires qui financent une grande partie de la formation des soignants et de la tenue des E.G.distribuant gratuitement « 750 parapluies en 15 minutes » alors qu’il ne pleut jamais à Montpellier et faisant couler le champagne à flot aux intermèdes.

8 des 10 labos présents à Montpellier ont fait partie des 39 qui ont porté plainte , dès 1998, contre l’ Afrique du Sud pour lui interdire l’usage des génériques dans le traitement du Sida

On estime à 400000, « le nombre de morts organisées par privation de secours » !

Pour moi, on ne peut comprendre les enjeux de la Psychiatrie qu’à l’aune de 2 facteurs.

1)Le parti pris de l’ Etranger.

On nous invitait à aller à la rencontre d’un confrère algérien à la pause.

Mais qui prend le parti des ces centaines de demandeurs d’asile territorial qu errent dans nos grandes villes , traumatisés psychiquement , dont l’accès à l’ Aide Médicale d’ Etat est régulièrement menacé , de manière si incompréhensible puisqu’on s’attaque là aux plus fragiles et isolés de nos patients.

La qualité morale d’une société se mesure ,j’en suis convaincu, à la manière dont elle accueille et traite l’ Autre. C’est de la même manière qu’elle traite ses propres « marginalisés ».

2) Auschwitz – 1942 et notamment à la lumière de la participation des médecins –la profession qui a adhéré le plus au parti nazi-à la Solution Finale.

« Je parle de ces vingt minutes qui se sont écoulées sur le quai du camp d’extermination de Birkenau avant que les personnes descendues des wagons ne se retrouvent devant l’officier qui faisait la sélection.(…)les portes des wagons s’ouvraient violemment au milieu des cris et des aboiements , les hommes étaient séparés des femmes,dans une cohue démentielle ils se retrouvaient devant un officier qui leur jetait un rapide coup d’œil, montrait quelque chose en tendant le bras, puis ils se retrouvaient en tenue de prisonnier.(…)Et quand en pensant que tout cela s’était répété jour après jour , semaine après semaine , mois après mois, durant de longues années, j’ai pu entrevoir la technique de l’horreur, j’ai compris comment on pouvait retourner la nature humaine contre la vie humaine ». IMRE KERTESZ-Prix Nobel de littérature 2002 à Stockholm.

Mais reconnaissons l’immense espoir que soulève cette rencontre …à la condition que les médecins se montrent solidaires de toutes les autres corporations de soignants et restent à l’écoute des plaintes de leurs patients ,souvent premières victimes et cibles de la violence de l’ultralibéralisme.

Et pourquoi ne pas entonner sur l’ air de « la Marseillaise » (largement inspirée de Mr Capella ):