Retour à l'accueil


Retour à Montpellier

MONTPELLIER 2003

MONTPELLIER 5, 6 et 7 juin 2003.

POUR QUE L' HISTOIRE NE SOIT PAS QUE REPETITION…

C'est décidé, nous, infirmiers,
allons participer aux Etats Généraux de la Psychiatrie
à vos côtés, collègues psychiatres.
Citoyens à part entière, nous occuperons notre place.
Cet engagement doit s'entendre comme un acte politique.
(lire le texte de notre collègue Jean Vignes)

Mais sachons ENSEMBLE tenir compte des leçons de l'histoire :
de notre place de soignants, cliniciens avertis et responsables,
soyons capables de cheminer sur une même voie,
de parler d'une même voix,
d' échapper au symptôme d'un perpétuel recommencement.

Faisons de nos différences, non pas une rivalité, mais un atout,
de nos singularités, de nos complémentarités, une richesse,
une force inébranlable.

La quête du pouvoir n'est pas notre objet,
n'ayez crainte nous ne vous le disputerons pas.
Par contre le respect mutuel est bien la moindre des choses
que nous sommes en droit d'attendre les uns des autres.
Sachons nous écouter et surtout nous " entendre " …

Si l'intérêt du pouvoir consiste à entretenir notre division,
l'intérêt des patients n'est-il pas au contraire,
que nous nous unissions afin de leur offrir
chacun de notre place, avec nos spécificités,
des soins de qualité,
dont ils sont également nous devons avec force le défendre :
sujets et citoyens de droit.


Rappelons-nous quelques pages de notre histoire :
de 1302 à 1789, l'histoire des états généraux se confond presque toujours avec les crises les plus
graves de la vie nationale française :
guerre de Cent Ans, troubles religieux du XVIe siècle, Fronde, Révolution.
Mais les états généraux se sont toujours tenus sur convocation du roi.
Ils satisfont au " devoir de conseil " que fidèles et vassaux rendent au souverain.
Leur principal souci consiste à maintenir la spécificité des ordres établis.

Il n'y était pas tant question d'exprimer le désir de respect et de dignité de l'homme
que d'affirmer la volonté d'un ordre à se placer au premier rang,
ce qui n'est pas contester la société, mais lutter pour y participer à son avantage.

Lorsque sous la pression de l'opinion, Louis XVI se résout à convoquer les états généraux,
en 1788, le principe fondamental régissant l'ordre social de l'Ancien Régime
était la division en trois ordres distincts, inégaux devant la loi et l'impôt.
· La noblesse (400 000 membres)
· le clergé (115 000 membres), très minoritaires,
Ces deux ordres bénéficiant de nombreux privilèges symboliques et substantiels
par rapport au
· tiers état (25,5 millions de personnes) composé de l'ensemble des roturiers, de tous les hommes
libres (à l'exclusion des serfs) n'appartenant pas aux deux ordres privilégiés.

Or chacune de ces classes était elle-même profondément divisée :

La noblesse d'épée, méprisait la noblesse de robe, anoblie par faveur royale.
La noblesse de province accusait l'aristocratie de cour d'accaparer les avantages.

Au haut clergé (archevêques, évêques en particulier)
s'opposait un bas clergé (congrégations séculières, curés, vicaires, religieux),
issu du tiers état et souvent misérable.

Le tiers état était constitué d'une immense majorité de paysans, mais comprenait également des artisans et des bourgeois. Il est une partie de la composante sociologique d'un ensemble en formation : la " classe moyenne ".
L'ascension de cette classe était freinée par le cloisonnement en ordres et en corporations ainsi que par les privilèges de la noblesse.
Cette force montante, qui disposait déjà du pouvoir économique, cherchait à s'arroger le pouvoir politique pour imposer un cadre économique libéral qui lui soit favorable.

Cela ne vous rappelle rien tout cela ?

Dans les unités de psychiatrie, ne constituons nous pas, les patients " petit peuple " et nous-mêmes, la classe des infirmiers, le " Tiers Etat ", si souvent ignoré, méprisé.

Administrativement ne sommes-nous pas considérés comme des entités anonymes mathématiquement additionnables ou soustractives :
Un patient égal tant d'actes, tant de taux d'occupation de lits etc., tout ceci annuellement comptabilisé. Peu importe si à certaines périodes de l'année cela fait plusieurs patients pour un même lit, et plus d'actes qu'on ne peut effectivement en accomplir en une journée, peu importe la réalité : la mode est à l'annualisation et à la comptabilisation.
Un infirmier psy expérimenté = 1 jeune diplômé = 1 intérimaire qui ne connaît ni le service, ni la psy, ni les patients, = 1 Faisant Fonction d'Infirmier= de plus en plus souvent un aide-soignant, interchangeables selon les besoins, d'une unité à une autre, d'un secteur à un autre, corvéables à merci, présent 24 heures sur 24 aux côtés des patients.
Les notions d'expérience, d'ancienneté, de formation, de lien, de " transfert ", de singularité, d'empathie, de sens, tout ce charabia échappe à cette comptabilité…
Quand au calcul des effectifs globaux, rappelons la formule mathématique : X agent par lit, elle ne considère plus ni les patients ni les soignants !

Souvenez-vous des conflits sociaux, des mouvements où nous avons nous infirmiers, soutenu sans hésiter nos " nobles " médecins, puisque nous luttions à priori pour une même cause, obtenir les moyens d'accomplir dans des conditions correctes
notre mission de service public : soigner décemment nos patients.
Souvenons-nous comme nos " nobles ", courtisés par le gouvernement
(mais qui sont majoritairement les membres du sénat ?… leurs confrères, non ?),
ont lâchement reculé après avoir obtenu quelques privilèges.
Souvenons-nous comme dans notre propre classe, nos " bourgeois " les cadres,
se sont également laissés courtiser par d'hypothétiques promesses d' " anoblissement " et comment après avoir reçu l'obole de quelques piécettes jetées avec commisération à leurs pieds, ils se sont tus. Pourquoi en sommes nous arrivés là, à cette situation extrême,
insupportable pour tous ? (inégalement insupportable tout de même…).

Parce que nous ne sommes tous que des hommes (surtout des femmes d'ailleurs parmi les infirmiers), crédulement avides de reconnaissance, d'amour, de pouvoir et d'argent, et que les mêmes mécanismes produisent toujours les mêmes effets…


Revenons à la fin du XVIIIe siècle, lorsque les finances publiques étaient organisées selon un système archaïque, sans aucune prévision budgétaire. La France était un État fortement centralisé, mais sans aucune homogénéité administrative et juridique. Le droit romain s'imposait dans le Sud, alors que le Nord vivait suivant un droit coutumier.

Le roi se faisait avancer les sommes nécessaires au budget de l'État par les fermiers généraux, qui se remboursaient ensuite en levant l'impôt selon une répartition totalement arbitraire, suivant les classes et les régions. La masse paysanne dans son ensemble était écrasée par la charge des impôts, tandis que la bourgeoisie supportait de moins en moins toutes les taxes qui grevaient son activité. La noblesse et l'Église bénéficiaient de nombreux privilèges et exemptions.

Maintenant on décentralise, on distribue un budget global, évalué sur des critères abstraits pensés par " la noblesse d'épée ", des énarques, mis en application par des administratifs qui additionnent des chiffres, des actes qui pour nous, dans la réalité du soin auprès des patients, n'ont strictement aucun sens.

Alors on essaie vainement de s'adapter en créant des outils spécifiques, comme le DSSI, avec des terminologies spécifiques, venues d'ailleurs.
Plutôt que de travailler tous ensemble,
pour les mêmes patients, autour d'un même sens, vers un même but,
avec les mêmes outils, les mêmes mots, les même concepts,
encore une fois on nous divise, et nous nous exécutons,
bien que nous percevions tous l'absurdité de la situation.

Mais oui " Messeigneurs ", nous en sommes arrivés, pendant que vous additionnez PMSI, DSM, secteur 1, secteur 2, DP … à demander du pain, du sucre, des repas décents pour nos patients… et du papier toilette (on nous octroie avec largesse un rouleau de PQ par jour pour un service de 27 lits + des lits de camps souvent).
Nous sommes littéralement dans la merde " Messeigneurs " !
Le savez-vous ? Le voyez vous ?
Non, ceci n'est pas votre problème… c'est le nôtre.
Excusez moi de vous de ramener à des " détails " bassement matériels,
même si vous vous sentez peu concernés mais …
c'est pourtant avant tout le problème des patients que nous " soignons ".

J'ai la chance et le plaisir de travailler dans un service qui a été récemment refait, comme on dit " ré-humanisé ", sous la direction d'un médecin chef de service qui fait ce qu'il peut du mieux qu'il peut.
Il n'empêche : par soucis d'économie on a utilisé des matériaux bas de gamme.
Tout se dégrade à grande vitesse, mais pour " les fous " c'est bien assez beau.
Permettez moi de vous en donner exemple anecdotique, parmi d'autres.
Les radiateurs : il ne se passe pas trois jours sans qu'un radiateur lâche. Mais nous le savons tous, la psychose protège du froid.
(bizarrement pas du paiement du forfait hospitalier).
Pas plus tard que la semaine dernière, à 18 heure 30 dans la chambre d'un patient, un radiateur fuit. Situation banale, on a l'habitude sauf qu'il fait - 9° dehors et qu'il va nous falloir trouver un coin quelque part pour mettre un lit de camp, on ne va pas le laisser geler sur pied ce jeune homme ! Nous alertons le collègue de garde du service d'entretien. Il tente d'isoler le radiateur et c'est le tuyau qui se rompt. On baigne alors dans l'eau très chaude, l'alarme incendie se déclenche, les portes coupe-feu se ferment… panique à bord;
Ohé du navire tous sur le pont : les deux ASH et trois infirmières pompaient, pompaient comme des shaddocks.
Mais à l'hôpital psy, l'absurde on est rodés et les initiatives ça nous connaît. L'équipe prend les choses avec humour et décontraction.
Du coup les patients rassurés se détendent, reprennent leurs habitudes : il est 19 heures passées, l'inondation n'est plus un problème, ils ont faim !
Pendant que mes collègues continuent de s'affairer face aux grandes eaux qui déferlent, je vais donc gérer seule le quotidien.
D'une main répondant au téléphone qui n'arrête pas de sonner, de l'autre, je distribue les traitements aux 28 patients présents, puis je fonce servir le repas, comme je peux avec une surveillance toute relative sur les deux salles à manger. Coup de chance une collègue me rejoint et peut intervenir en catastrophe au bon moment : un patients faisait une fausse route et avait déjà changé de couleur. Ouf !!! tout va bien.
Mais qu'est-ce qu'ils en sauront de tout ça nos " nobles " médecins ?
Rien, parce que cela ne les concerne pas, les basses besognes, puisque
de toute façon, quoi qu'il se passe, on assure, et ne soyons pas modestes, on assure drôlement bien, et avec le sourire en plus, mais jusqu'à quand ?

Les assiettes au contenu peu appétissant que les patients nous jettent à la figure en nous demandant avec raison (pas si fous) si on se moque d'eux, ce n'est pas vous qui les prenez en pleine figure " Messeigneurs " les décideurs des Hautes Sphères,
ni vous d'ailleurs, " nobles " médecins.

Les courses à la pharmacie où nous allons chercher les traitements de la semaine en tirant, sous la pluie, sous la neige, des chariots qui pèsent au moins une bonne cinquantaine de kilos et dans lesquels nous découvrons qu'il manque des traitements pour cause … de rupture de stock !… A nous d'expliquer à Monsieur Z qu'à la place du petit cachet rose qu'il a mis trois mois à accepter sans difficulté, il aura cinq gélules et que c'est pareil…
Je me disais lundi en allant à la pharmacie, qu'on pourrait peut-être demander l'octroi d'un mulet par service… ça mettrait au moins un peu de poésie dans le tableau et ça mange pas de pain. Je suis sûre que ça plairait aux patients.

Et les dossiers, ordonnances, bilans, certificats, qu'incessamment nous rangeons, et que négligemment " nobles " médecins, vous dérangez et venez déposer nonchalamment sur le bureau infirmier dix fois par jour, quand vous ne les laissez pas traîner dans votre bureau où nous devons courir les chercher.


Toutes ces survivances du féodalisme allaient, paraît-il voler en éclats dans la nuit du 4 août 1789. Les idées des Lumières avaient pénétré progressivement toutes les couches de la société. Voltaire et Rousseau impulsaient les fondements philosophiques de la Révolution. Le rationalisme et le progrès, l'aspiration à plus de liberté et d'égalité se répandaient partout, y compris dans l'aristocratie. Dans un tel contexte, la nécessité d'un changement est ressentie par tous, l'idée d'une opinion publique émerge.

Mais la société d'ordre reste accrochée à ses privilèges, et, dans certaines campagnes, on assiste même à une aggravation du régime seigneurial de la part des petits nobles, souvent appauvris…

Cela ne vous rappelle pas ce qui se passe pour certains cadres malmenés, coincés entre des administratifs qui leur demandent de gérer l'ingérable,
et leur équipe qui n'en peut plus.
Parfois épuisés, confrontés à une multiplication de situations aberrantes, ils vont autoritairement jongler avec les plannings, ordonner l'exécution d'actes absurdes,
si on se place à un niveau clinique et non comptable.
Mais qu'est-ce qu'on privilégie, le soin ou la gestion ?
Aujourd'hui c'est clair et net : la gestion.
Le soin cela nécessite du temps, de la réflexion,
et c'est un luxe qu'on ne peut plus se permettre !


Depuis 1776, la France était sortie du cycle de croissance entamé en 1730. L'accroissement des dépenses de l'État, en particulier militaires, avait alourdi la dette publique au point que la monarchie parvenait à peine à payer les intérêts.
Les solutions envisagées par des ministres éclairés et résolus (Turgot, Necker, Calonne) impliquaient toutes la fin des privilèges fiscaux et donc une forte contribution des classes exemptées. Tous se heurtèrent à la résistance de l'aristocratie, fortement attachée à ses privilèges.
En août 1774, Louis XVI nomma l'économiste libéral Jacques Turgot contrôleur général des Finances. Il tenta d'unifier le système des impôts et de libéraliser le commerce. La plupart de ses réformes furent annulées, et Turgot fut acculé à la démission en 1777 par la faction la plus conservatrice de la noblesse et du clergé, soutenue par la reine Marie-Antoinette. Son successeur, le financier Jacques Necker, n'eut guère le temps de mettre en œuvre son programme d'économie budgétaire et d'élargissement de l'assiette fiscale avant sa chute, en 1781. Il acquit néanmoins une certaine popularité en publiant un rapport sur les finances royales, qui révéla le coût élevé des privilèges.
Aux difficultés économiques et financières s'ajouta une crise agricole provoquée par une série de mauvaises récoltes, après les rigueurs de l'hiver 1788. La crise industrielle provoquée par l'arrêt des importations espagnoles de laine et de drap, ainsi que par l'ouverture du marché français aux produits anglais, en 1786, entraîna la fermeture de nombreuses usines. La misère populaire augmenta, tandis que le nombre croissant de vagabonds générait un climat d'insécurité et de peur.

Aujourd'hui nos seigneurs délocalisent leurs usines, décident de mettre les champs en jachère, les entreprises passent aux 35 heures sans pour autant embaucher des employés supplémentaires comme c'était théoriquement prévu. On formalise de nouveaux concepts comme le harcèlement moral. La tension monte, le peuple s'énerve, va de plus en plus mal, la souffrance psychique envahit la société, les listes d'attentes de consultations psy dans les CMP s'allongent, dans les hôpitaux on ne sait plus où trouver des lits, alors on joue à la tournante : le patient qui sort non stabilisé et qui revient deux jours après (c'est toujours ça de gagné).
De nouveau, le nombre croissant de personnes désocialisées génère un climat d'insécurité et de peur. Tout comportement non conforme est associé à la maladie mentale. Les forcenés font la une des journaux, les sauvageons comblent leur ennui... Sarkosy les enferme dans des prisons qui débordent, qui débordent… et déversent leur trop plein dans les hôpitaux psychiatriques.
Un prisonnier trop violent… ce n'est pas normal, c'est un fou. Alors on le conduit à l'hôpital psychiatrique menotté escorté par les forces de l'Ordre où on le confie, en toute sécurité à la garde musclée… de trois menues infirmière, Super-Women, c'est certain. Tout cela dans un service ouvert, nous y tenons ! de toute façon aucune porte n'y est faite pour résister à un assaut violent. Le patient risquerait simplement de se blesser et ça ne vaut pas le coup… il nous faudrait en plus le soigner de blessures physiques !
Voici revenu le temps (sans cerises) du grand renfermement admirablement décrit par Michel Foucault, où ce que la société civile exige de nous, soignants, est d'un tout autre ordre que le soin (on pare à l'urgence même si tout le monde le sait l'urgence en psy, ça n'existe pas), mais celui du maintien de l'Ordre Public.
On collectionne les H.O., H.D.T., et on a totalement oublié le grand rituel médiéval de l'hospitalité. C'est devenu un luxe qu'on ne peut plus se permettre depuis de nombreuses années.


En 1788 les nobles en appelèrent à l'opinion publique pour réclamer la convocation d'états généraux qui ne s'étaient plus réunis depuis 1614 … Mais leur but n'était en fait que de déconsidérer le roi pour lui imposer un pouvoir aristocratique.
Lors de la campagne précédant les élections aux états généraux, la censure fut suspendue, et un flot de pamphlets exprimant des idées inspirées des Lumières circula. Dans toutes les paroisses de France, des cahiers de doléance adressés au roi furent rédigés.

Allez y collègues, le temps est venu, ouvrez vos cahiers de doléances ! Tout ce que vous hurlez quand les surveillants, les médecins ont refermé la porte du service, tout ce qu'ils refusent de voir, d'entendre, écrivez le
Tout ce que vous souhaitez pouvoir faire, rêvez-le, dites-le, faites-le…
Et dans vos services, faites y participer les patients.
Ouvrez le débat !


Necker, qui avait été rappelé par Louis XVI en 1788, obtint le doublement de la représentation du tiers état (en majorité des bourgeois), qui disposerait d'autant de députés que la noblesse et le clergé réunis. Les états généraux se réunirent à Versailles le 5 mai 1789 et très rapidement se posa la question du mode de scrutin. Les privilégiés réclamaient un vote par ordre, qui leur aurait assuré d'imposer leur point de vue, tandis que le tiers état exigeait un vote par " tête ?" qui lui aurait garanti la majorité. L'impasse de procédure, et l'épreuve de force, dura six semaines, et, le 17 juin, le tiers état se proclama Assemblée nationale. Il fut rejoint le 19 par la majorité des représentants du clergé (en grande partie des curés) conduits par Emmanuel Joseph Sieyès et par un groupe de nobles libéraux menés par le comte de Mirabeau (élu du tiers état). Méfiante à l'égard du gouvernement royal, qui avait apporté son soutien à la noblesse et au clergé, l'Assemblée nationale se déclara seule habilitée à lever les impôts. En guise de représailles, Louis XVI lui supprima sa salle de réunion, la salle des Menus-Plaisirs. L'Assemblée nationale répliqua, le 20 juin, en se réunissant dans une salle de jeu de paume, à Paris, où elle jura solennellement de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution à la France.

Nous n'aurons pas six semaines, mais trois jours, en juin à Montpellier. Nous devons arriver en sachant imposer notre point de vue, nous saurons le défendre notre champ des Menus-Plaisirs, et nous y partagerons les spécialités de France, de Navarre et d'ailleurs. Nous avons le cœur et les idées larges.

La défiance des députés envers les décrets royaux et les mouvements de mutinerie dans l'armée conduisirent le roi à capituler. Après avoir tenté, en vain, de revenir à la représentation en trois ordres, le 27 juin, Louis XVI invita la noblesse et le clergé à rejoindre l'Assemblée nationale, qui s'érigea en Assemblée nationale constituante le 9 juillet. Cédant aux pressions de la reine et de son frère le comte d'Artois, Louis XVI appela plusieurs régiments étrangers loyalistes, qui vinrent stationner à Paris et à Versailles. Le 11 juillet, il renvoya le très populaire Necker. Le peuple de Paris réagit par des émeutes à ce qu'il prit pour une provocation, et le 14 juillet, la prison royale de la Bastille, symbole du despotisme, fut prise d'assaut.
Le roi rappela Necker le 16 juillet, et, le 17, il se fit présenter par Bailly, à l'Hôtel de Ville, la cocarde tricolore (bleu, blanc, rouge), nouveau symbole de la nation. L'exemple de Paris fut bientôt imité partout en France.

Le 7 juin, à Montpellier, nous arborerons, notre cocarde, l'heure de notre réveil aura sonné…

Les événements de Paris et la crise politique amplifièrent le sentiment d'insécurité et furent à l'origine de la Grande Peur, qui se répandit dans tout le pays (à l'exception de la Bretagne, de l'Alsace, de la Lorraine, de la Gascogne et d'une partie du Languedoc) à partir du 20 juillet. Les paysans prirent les armes pour se défendre contre la menace supposée et, la crainte passée, se tournèrent contre la noblesse pour détruire les traces écrites des droits féodaux, allant parfois jusqu'à incendier les châteaux.
Inquiète de voir le mouvement lui échapper, la bourgeoisie possédante décida de reprendre ces revendications à son compte. Dans la nuit du 3 au 4 août 1789, le clergé, la noblesse et la bourgeoisie du parti patriote votèrent l'abolition des privilèges (corvée, servitudes personnelles) et le rachat des autres droits seigneuriaux. Dans les jours suivants, l'assemblée proclama l'égalité des peines, la libre admission à tous les emplois, l'abolition des dîmes levées par l'Église, de la vénalité des charges et de tous les droits féodaux.
Dans la foulée, elle décida de placer en préambule de la future constitution une Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Ce texte fut voté le 26 août.
Les idéaux révolutionnaires furent résumés sous la formule " Liberté, Égalité, Fraternité? ".
Messieurs de la Noblesse (collègues psychiatres ne soyez pas modestes),
Infirmiers du Tiers Etat, La Bastille, ce n'est qu' Ensemble
que nous aurons des chances de la prendre.

Tout comme en 1789, nous, membres du Tiers Etat, devons batailler ferme
pour occuper à vos côtés cette place, qui nous revient pourtant de fait,
parvenir à sortir de l'aliénation,
du statut d'objet dans lequel vous nous confinez si souvent.
Ce combat, n'est pas gagné d'avance.
Que d'énergie dépensée contre un adversaire qui n'est pas le bon !

Notre inscription (ou plutôt notre NON inscription)
figurait en caractère gras sur votre plaquette !
Acte manqué ? volonté délibérée ?

Messieurs de la Noblesse
commencez donc par reconnaître l'existence,
la valeur des soignants qui travaillent à vos côtés.
Apprenez à les respecter, à respecter leur travail, à les entendre.

Peut-être alors les patients sortirons des oubliettes de la société.


Rappelez-vous ce qu'Esquirol écrivait dans sa thèse en 1805 :
" Les gens instruits n'acceptent pas de s'enfermer et de vivre " avec les fous ", alors que ce n'est pourtant qu'en vivant avec eux que l'on sera à même d'acquérir des connaissances précises et étendues sur l'aliénation mentale. "

Rappelez-vous que lorsque Pinel a pris ses fonctions à Bicêtre, l'ancêtre des infirmiers Jean-Baptiste Pussin, y travaillait déjà depuis 9 ans, élaborant une réflexion de soignant, relevant ses observations par écrit, établissant des statistiques, expliquant et justifiant la nécessité de supprimer les chaînes, proposant des actes à visée thérapeutique.
Le mérite de Pinel, (même s'il s'est par ailleurs approprié la paternité des actes de Pussin, notamment " le geste inaugurateur de la psychiatrie " délivrer les fous de Bicêtre de leurs chaînes), n'est-il pas d'avoir su reconnaître l'existence d'un autre regard privilégié que celui du médecin… N'auriez vous pas, pour la plupart d'entre vous, oublié cela ?

PS : bien que je fasse dans ce texte
un parallèle entre la " classe " des infirmiers et " l'ordre " du tiers état,
je précise, que je m'oppose d'autant plus à la création d'un Ordre des Infirmiers
que j'estime que notre fonction se réfère au soin,
au dialogue, à la réflexion, au débat contradictoire permanent
et sûrement pas à un jugement de ce qui serait bien ou mal,
encore moins au maintient de l'ordre " public ".

Ce n'est que lorsqu'une EQUIPE
peut s'autoriser au dés-ordre lorsque cet ordre est insensé,
qu'elle peut en dé-battre librement et démocratiquement
avec tous les partenaires impliqués dans le soin,
quand Tous les membres de cette EQUIPE se questionnent ensemble
simplement, honnêtement et ouvertement sur leur pratique
qu'une dynamique de soin peut s'instaurer.

ENTRONS ENSEMBLE EN RESISTANCE



Chantal BERNARD, Infirmière de Secteur psychiatrique,
Centre Hospitalier des Mûrets à La Queue en Brie (Val de marne)