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MONTPELLIER 2003

MONTPELLIER 5, 6 et 7 juin 2003.

L' EQUIPE DE SOIN PLURIDISCIPLINAIRE, complémentarité des singularités

Une équipe soignante pluridisciplinaire se compose de différentes personnes, de différentes professions, réunies autour d'une tâche commune : prendre soin des patients.

Le mot EQUIPE désignait à son origine en 1688, l'équipage d'une petite flottille appartenant à un même batelier.

Il faut nécessairement faire preuve d'esprit d'équipe, de participation, de coopération, afin que les manœuvres d'un équipage permettent à un navire de voguer, sans chavirer, et de garder un cap, contre vents et marées.

Travailler en équipe implique une participation collective, ayant pour but d'atteindre un certain nombre d'objectifs sur lesquels, on s'est préalablement entendus.

Cela nécessite donc un minimum de consensus.

Si chacun, à bord, ne partage pas la volonté d'aller vers un même lieu, si chacun, manœuvre dans son coin, sans coordination, le navire tourne en rond, éventuellement chavire.

Avancer, implique donc une organisation cohérente, la transmission d'un certain nombre d'indications essentielles, admises par tous, et convenablement mises en œuvre : en avant toute, hissez les amarres, bordez les voiles, direction bâbord.

Une fois posées ces bases incontournables, ajoutons qu'une équipe soignante, véritablement pluridisciplinaire, se compose par essence d'individus de formations différentes, qui n'ont généralement pas manifesté le désir ni fait le choix de travailler ensemble.

Chacun est une personne singulière, ayant sa propre identité, sa propre histoire, son propre héritage culturel.

Cependant chacun doit savoir et pouvoir composer son harmonieux mixage de subjectivité et d'objectivité.

Un équilibre est à trouver, équilibre fragile, qui se modifie chaque fois qu'un élément quitte l'équipe ou s'y intègre.

D'où la nécessité de considérer également l'équipe comme une entité, elle-même, objet concret, douée d'unité matérielle et d'individualité, alors même que son existence objective n'est fondée que sur des rapports.

Même si tout un chacun travaille effectivement dans le cadre de son statut, de son rôle et de sa fonction, il exercera différemment selon son tempérament et ses particularités.

L'origine latine du mot statut, statutum, renvoie à " statuer ", c'est à dire à une décision d'ordre juridique.

Nous entendrons donc le statut, comme l'ensemble des lois régissant la situation et les capacités d'une personne ou d'un groupe, leurs droits et leurs obligations.

Le terme latin functio, accomplissement, est la source du mot funcion, exécution en latin juridique de functum, service public et de fungi, s'acquitter.
Cela nous confirmera que la mission essentielle du fonctionnaire quel que soit son statut, est d'assurer le service public.

La fonction définit le rôle caractéristique d'un élément dans un ensemble. Elle dicte précisément ce que doit accomplir une personne pour jouer son rôle dans un groupe social. Associée à la notion de devoir, elle représente la charge spécifique à chaque emploi.

Le rôle, du latin médiéval rotulus, parchemin roulé, est quant à lui porteur de plusieurs sens possibles :

Le sens premier est en rapport avec la loi, on nomme rôle, un acte notarié, une expédition de jugement, un cahier des charges, la liste du personnel composant l'équipage d'un navire indiquant le service de chacun à bord.

Mais le rôle, c'est aussi l'incarnation d'un personnage, interprété par un acteur, ou la conduite sociale de quelqu'un qui " joue " dans le monde un personnage, met en scène ses actions.

Le rôle concerne donc une mise en acte, une conduite, un comportement observable.

Chacun l'incarne avec son savoir être, sa personnalité, et les spécificités qui lui sont propres.
Ainsi un même rôle interprété par des acteurs différents, sera joué sur des registres différents, et produira des effets singuliers et dissemblables.

Reconnaître à l'infirmier un rôle propre est en quelque sorte un pléonasme…

Nous ferons le constat qu'il est souvent possible de " jouer abusivement " le rôle de quelqu'un dont on n'a pas officiellement le titre. Mais s'il peut y avoir usurpation de fonction, de titre professionnel, il sera plus complexe de parler d'usurpation de rôle, étant donné l'importance de la part de subjectivité qui entre en jeu dans ce concept.

Ainsi, dans la loi, s'origine le statut.
En découle une fonction dont il convient de s'acquitter, en exécutant un rôle, défini dans le cadre de cette fonction, rôle que chacun exécutera cependant différemment, selon ce qu'il est, en tant que sujet.

Statut rôle et fonction sont les chaînons articulant structure sociale et individu.

Revenons à notre équipe soignante pluridisciplinaire embarquée sur son navire avec notre médecin, Chef de Service. Il ou elle, a le statut de commandant et donne le cap.

Mais un capitaine, si compétent soit-il, disposant d'un navire sans équipage, ne voyagera … que dans ses rêves. Il lui faut s'entourer des personnes qualifiées et compétentes, qui assureront la manœuvre et le service.

Il lui faut embarquer des hommes et des femmes qui savent lire les indications des étoiles sur le cadran de la voûte céleste, qui connaissent les tables de déclinaison du soleil, qui calculent au sextant, latitude et longitude, qui utilisent le quadrant, l'astrolabe et le loch pour mesurer la vitesse du navire par rapport à l'eau.

Il faut des hommes forts pour tirer les cordages, d'autres agiles et légers pour gravir les gréements, d'autres encore dotés d'une très bonne vue.

Toute différence est richesse et plus l'équipage compte de personnages singuliers et complémentaires, mieux il sera à même de répondre à chaque situation particulière …

Le capitaine a naturellement la nécessité de s'entourer d'officiers, non seulement compétents en matière de navigation, mais également habiles à diriger cet équipage composite.

Lorsque naissent des désaccords, indices positifs, signes que l'équipage pense ses actes, raisonne, questionne, et même si se déclenchent des conflits, les officiers doivent savoir ressouder l'équipe.

A eux de dérouler le fil de la clinique, seul lien permettant de réintroduire du sens, autour duquel le groupe pourra s'associer.

Et n'oublions surtout pas d'embarquer les artistes : ils nous ouvrent les portes de leur imaginaire.
Ils nous surprennent, inventent, font briller les yeux et palpiter les cœurs. Ils tracent une autre route, ils nous entraînent ailleurs, sur des chemins, où nous n'aurions pas eu l'audace de nous aventurer. Mélangeant habilement saveurs et ingrédients ils exaltent nos sens et nous font partager les fruits de leur passion.
S'il procurent du plaisir à l'équipage, chacun sera plus curieux, plus détendu, plus joyeux, et tous auront ainsi bien plus de cœur à l'ouvrage…

Rappelons-nous également qu'en 1549, par équipage, on entendait également l'ensemble de tout le matériel nécessaire qui accompagnait l'équipée. En effet, un équipage nu et sans nourriture ne survivra pas bien longtemps.

Dans notre service de soin, il nous faut également, les moyens matériels et les structures au service des femmes et des hommes, des patients et des soignants.

Là encore, plus l'éventail des possibles est important, plus chacun trouvera la possibilité de s'exprimer, et de découvrir ce qui lui convient au mieux.

Soignants comme soignés, sont tous singuliers : certains ont besoin de liberté et de souplesse pour s'épanouir sans se braquer, d'autres n'y parviendront que s'ils sont rassurés par un cadre et par des contraintes précises.

Il ne peut y avoir de généralité, de recette absolue, de protocole.

Ensembles, nous devons chaque jour, inlassablement sur notre métier, tisser du lien, du sens, nous exprimer, nous adapter, créer, inventer, développer l'éventail des possibles.