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St Alban 2006 : ça suffit !


De l'équipe au Collectif
Du secteur et de ses partenaires…


Monique Calon
Isabelle Aubard
@Marie Leyreloup


@MARIE
Avant de présenter plus avant notre travail portant sur les passerelles que nous avons construites pour aller de l'équipe au collectif, nous allons vous décrire le secteur de psychiatrie générale auquel Isabelle et moi offrons nos services et le centre d'hébergement où travaille Monique.
Géographiquement le secteur est situé sur les 1er et 4ème arrondissements de Paris. Il est né suite à des regroupements de secteur en 2000.
Les équipes de psychiatrie ont participé dès le départ à l'élaboration d'un projet que nous appelons projet " Paris Centre " qui se met peu à peu en place. Ce projet verra à terme le regroupement avec les 2ème et 3ème arrondissement de paris, donc avec les voisins du secteur d'à coté…
Elaborer une offre de soins en Santé Mentale pour une zone géographique déterminée demande en préalable de caractériser quelque peu la population concernée ainsi que les acteurs sanitaires, médico-sociaux, sociaux, économiques, municipaux… inscrits dans le tissu social. Dans cette zone géographique nous pouvons repérer divers groupe de population demandant parfois une adaptation des réponses sur le plan de la santé mentale. La population est extrêmement variée, population ouvrière laissant petit à petit la place à une population de classe moyenne avec des quartiers juif, chinois et une forte communauté homosexuelle. Par ailleurs existe une population plus ou moins précaire, errante, exclue avec ou sans papiers qui compte pour environ 30% de notre file active.

L'hôpital de rattachement est momentanément (nous l'espérons) celui d'Esquirol dans le Val de Marne. Il est relativement éloigné du secteur (éloignement relatif en kilomètre). Les différentes structures extra hospitalières sont elles toutes sur Paris.
Pour vous les citer rapidement, nous travaillons actuellement avec un CMP, un Centre de Jour et un CATTP intersectoriels, un Centre d'Accueil Permanent lui aussi intersectoriel, une équipe de soins à domicile (HAD), un Accueil familial thérapeutique de cinq familles, un club.
Par ailleurs, tout comme les autres secteurs de l'hôpital nous participons à un réseau Psychiatrie et Précarité pour lequel sont détachés une infirmière de secteur et une assistante sociale.
Enfin, nous avons initié un Conseil Local de Santé Mentale ouvert à tous et qui regroupe outres les professionnels de la santé, les politiques, les associations s'occupant de précarité ainsi que celles de familles et de patients, les pompiers, les gardiens de la paix, les PMI, les tuteurs, l'école, la justice, etc….

Comme vous le voyez, notre dispositif s'inscrit dans l'esprit et la lettre de la sectorisation. Ce n'est pas un dispositif figé, il évolue sans cesse et il est conçu sans frontières rigides avec la réaffirmation des compétences soignantes articulées dans de nombreuses actions partenariales. Chaque professionnel est traditionnellement affecté sur une unité de soins, mais chacun à des missions spécifiques qui l'engage dans le travail de secteur. Nous attachons une grande importance à ce que nous appelons la transversalité.
Une équipe de soins en psychiatrie se forme, se déforme, se transforme assez facilement. Pour qu'elle puisse se tourner vers l'extérieur, il lui faut des temps, des temps pour penser. Or, c'est devenu un luxe pour la plupart des équipes. C'est pourtant grâce à ce temps pour penser que nous avons pu définir au mieux nos besoins, nos envies et notre façon de travailler. Il nous a donné à réfléchir sur la souplesse de nos articulations avec les différents partenaires du secteur.

Tosquelles avait fait la remarque que : " Chacun s'engage dans sa façon de travailler - en particulier dans les équipes de soins - avec une certaine dose de plaisir, partagée ou non avec les partenaires rencontrés à l'occasion de nos " prestations sociales " "
Un de nos plus fidèles est la Cité St Martin, un centre d'hébergement où travaille Monique.

MONIQUE
Je travaille dans un centre d'hébergement non sectorisé, dans le centre de Paris qui accueille tout public (personnes seules, couples ou familles) sur plusieurs dispositifs :
- Urgence, court ou moyen séjour
- En structure collective ou en chambres d'hôtel.

Nous sommes ouverts 7 jours sur 7, avons une capacité de 250 lits et recevons environ 1300 personnes par an Autour des années 1995, nous avons été confrontés à un nombre croissant de personnes sans domicile, souffrant de problèmes de santé mentale.
Nous n'étions pas préparés, ni formés à recevoir ces personnes souffrant de problèmes de santé mentale.

Isabelle
Le domaine propre de la psychiatrie c'est bien la souffrance psychique. En ce sens elle est en permanence confrontée aux dimensions politique, social et/ou économique. La psychiatrie, par ses seuls acteurs, n'est pas en mesure de résoudre les problèmes afférents à tous ces domaines. Mais elle se doit d'en tenir compte. Si elle ne se doit pas de les solutionner, elle se doit d'y répondre. Elle peut partager ses pratiques en développant des (petites) équipes qui travaillent en rapport constant avec le réseau complexe et variable de la communauté sociale.
C'est l'aspect " prestations sociales " de Tosquelles auquel nous faisons référence dans notre propos.
Il est alors question de " Mobilité, souplesse et dynamisme du fonctionnement et de l'organisation de chacune des équipes, diminuant ainsi les risques de rigidification, voire de pétrification d'un service qui se doit, plus que tout autre, de restituer au sujet sa capacité de changement de vie. En somme, rendre possible l'existence de lieux et d'organisation où la fécondité innovatrice et l'invention soient reconnues comme un principe essentiel "

Et c'est cette clinique du sujet que les professionnels de la psychiatrie se doivent de partager avec la communauté. Clinique du sujet bien mise à mal, tant il est vrai que notre société évolue vers un individualisme, vers une gestion des bénéfices/risques. L'Homme aspire à plus de libertés et se voit dans le même temps emprisonné dans des groupes communautaires.

MONIQUE
Nous, travailleurs sociaux étions soulagés que nos collègues de la psychiatrie viennent en aide à nos résidents en souffrance en face de qui nous nous sentions souvent impuissants. Mais nous ne pouvions pas encore envisager accueillir des patients du secteur dans notre CHRS.
Nous nous interrogions sur notre rôle vis à vis de ces populations pour qui l'accompagnement social que nous savions faire n'était pas adapté et la réinsertion classique parfois pas envisageable.
En 2001, Nous mettons 3 places en chambre d'hôtel à disposition pour des patients sans domicile, suivis par les 2 secteurs de Paris Centre sans intervention de notre part.
Rapidement ce partenariat s'est étoffé, transformé et une nouvelle pratique est apparue : celle de suivre conjointement (équipes soignantes du secteur psychiatrique - équipes sociales les personnes accueillies en hôtel.
Des rencontres régulières toutes fonctions confondues ont pour but de se connaître à partir d'une pratique de terrain, de réguler les difficultés au fur et à mesure qu'elles apparaissent et d'élaborer les termes de notre future Convention.

Il s'agit de travailler le lien entre nous et d'accepter une remise en question personnelle et institutionnelle, de trouver les moyens du dialogue que requiert la prise en charge de ces personnes, pour qui il faut concilier le soin et l'intervention sociale.
Tenté d'apprendre à travailler, non plus les uns à côté des autres cloisonnés mais ensemble dans le respect des rôles et savoirs faire de chacun est un objectif commun.

Après une année de cette expérience, en juin 2002, la convention est signée entre l'hôpital Esquirol, les 2 secteurs Paris-Centre, l'inter secteur Psychiatrie et Précarité et notre centre d'hébergement.

La convention entérine ainsi le partenariat informel commencé et expérimenté. Elle l'installe dans un cadre institutionnel et pérenne.

@MARIE
Ce qui nous fait le plus peur dans la rencontre avec les autres, c'est que plus elle est réelle, plus nous risquons de nous sentir démunis : privés de nos pouvoirs sans doute, mais surtout de l'apparente consistance que nous donnent nos fonctions et nos rôles.
Les résistances à la convention, il y en a eu. Elles étaient liées à non pas la peur de perdre mais à la peur de trop gagner ! gagner en terme de nombre de patients à suivre… La peur de ne pas pouvoir assumer cette potentielle arrivée massive et la peur de ne pas avoir notre mot à donner quant à la prise en charge.

Il a fallu apprendre à se connaître, mais aussi à connaître le travail de l'autre et accepter que d'autres puissent avoir accès à notre intimité, à notre quotidien de travail. Accepter que quelqu'un puisse avoir à redire de nos choix, de nos façons de faire, de nos actions de soins.

Le travail suppose une action coordonnée de personnes qui se comprennent, qui s'opposent se combattent ou s'accordent, sur la base de principe qui ne relèvent pas que de la technique, mais aussi de l'éthique, des valeurs et des croyances.

MONIQUE
Les personnes (isolés et familles) que nous recevons arrivent avec une demande sociale : Un hébergement, un travail, un logement autonome…. Elles ne formulent pas de demande de soin, ni d'aide psychologique. J'aimerai vous rappeler ici les paroles du docteur FURTOS au sujet de la demande : " Une bonne santé psychique est nécessaire pour demander de l'aide au moment où l'on en a besoin. Demander suppose de reconnaître face à soi même et face à autrui que l'on manque. Cela suppose la possibilité d'en souffrir, la lucidité de l'analyse (des causalités), l'humilité de la demande (et non de la honte) et la force de l'action. C'est dire combien une demande appropriée de relation d'aide est un luxe- oh ! Combien nécessaire- de personne en bonne santé, qui à la fois conduit à la santé. "

Certaines personnes que nous accueillons n'ont pas les forces nécessaires à la réalisation de leurs désirs et de leurs besoins : Perte de sommeil, perte d'appétit, alcoolisation, tristesse excessive, comportement passif ou très exubérant, sautes d'humeur, parfois agressivité, discours incohérent, une difficulté à se repérer dans le temps comme s'ils étaient dans un présent permanent, à se projeter dans l'avenir, les liens avec le passé semblent rompus.
Parmi ces personnes, il y en a qui ont un suivi psychologique ou psychiatrique, sur Paris ou sa banlieue, d'autres ont interrompu les soins, d'autres encore n'y ont jamais eu accès.
Souvent, elles acceptent d'aller rencontrer la psychologue de notre établissement. Elle poursuit avec sa compétence spécifique ce travail entamé par les travailleurs sociaux de dédramatisation, d'explicitations. Sa formation lui permet de faire une évaluation de l'urgence, du type de soin nécessaire et de mettre en place la juste orientation. Elle est un pont entre la personne souffrante les équipes sociales et celles de la psychiatrie
Un des acquis majeurs de ce versant de la convention " Du Social vers le Soin " est la réponse rapide du secteur psychiatrique.

Isabelle
La notion de prévention et de mise en place de dispositifs d'évaluation concerne la psychiatrie publique dans sa dimension de politique de santé mentale. C'est ce qui nous a guidé pour ouvrir et offrir un dispositif d'écoute et d'aide le plus souple possible.
Chaque nouvelle situation nous permet de créer des liens et de constituer pour chaque personne (patients) un réseau partenarial. Cette pratique a des conséquences sur l'élaboration du travail clinique.
A chaque situation particulière se crée une équipe particulière.
Ainsi " L'équipe soignante doit penser le symptôme dans la globalité de la situation et se référer à ce que les actions des partenaires relèvent des difficultés à maîtriser le réel.
Le temps de l'action thérapeutique est parti prenante des démarches d'intégration dans la vie sociale assurées par les autres intervenants du réseau. Ceux-ci participent, de ce fait, à la mise en place de ces temps soignants. Ils sont en même temps une ressource contextuelle, et ce qui définit les limites du champ de compétence psychiatrique.
Le travail avec le réseau permet d'éviter une objectivation de ce qui fait symptôme de la vie sociale du sujet "

Monique
Nous sommes souvent " utilisés " par nos collègues comme pouvant offrir une étape transitoire pour des patients sortant d'hospitalisations + ou - longues. Il s'agit de leur permettre de faire l'expérience de l'autonomie dans un cadre aménagé

Dans un premier temps, nous nous retrouvons avec les collègues de la psychiatrie, pour évaluer la capacité de la personne à vivre en hôtel et anticiper les difficultés particulières.

Dans un 2ième temps, une rencontre est organisée avec la personne et son ou ses futurs référents sociaux de notre service. Ce premier Rendez-vous a pour but de faire connaissance, d'expliquer le plus clairement possible les modalités pratiques de l'hébergement, d'élaborer ensemble.
Il s'agit de leur permettre de faire l'expérience de l'autonomie dans un cadre aménagé.
De l'hôpital où tout le quotidien est organisé, rythmé, à l'intégration d'une chambre d'hôtel où les repas ne sont pas servis, où la solitude est bien réelle, le grand " écart " pourrait être périlleux.
C'est pourquoi, il nous a semblé nécessaire de mettre en place des étapes préliminaires, afin que ce changement de vie puisse se faire le plus doucement possible.

Isabelle
Le dispositif de soin et d'accompagnement sur le territoire extra-hospitalier a beaucoup évolué. Les réponses aux demandes de soins relèvent du travail de " haute couture".
Si nous considérons l'équipe pluridisciplinaire et toutes les composantes de la constellation transférentielle, nous devons prendre en compte les partenaires du réseau qui se construit auprès d'une personne (patient-hébergé)

Quand je rencontre Jess elle est hébergée à la cité St Martin. Elle a vécu plus de 2 ans d'errance entre la rue et divers centre d'hébergement d'urgence. Elle a 30 ans, est mère d'une petite fille de 6 ans dont la garde a été confié au père. Elle déclare un cancer du sein qui sera détecté et pris en charge tardivement. L'intervention est alors inévitable et nécessite l'ablation du sein.

A la cité St Martin. Elle a été prise en charge par différents service : hôtel social d'urgence, chambre d'hôtel au mois.

La vie en collectivité n'est pas facile à Jess. Elle se confronte beaucoup aux autres, à l'autre. Elle transgresse les règlements. Peut se montrer agressive tant verbalement que physiquement. Elle peut se montrer très immature et entretien des histoires d'amour impossible et des rivalités en permanence.
Elle se présente le plus souvent comme très adapté aux situations et aussi relativement forte face à " toutes les tuiles de la vie qu'elle prend sur la tête ". Elle analyse tous les évènements comme étant étranger à elle-même, pour elle toutes les difficultés viennent de l'extérieur. Elle nie ses difficultés.

Jess sera hospitalisée 2 fois sur notre service d'hospitalisation temps plein pour agitation psycho motrice, apparemment faisant suite à une prise de toxiques.

La vie de Jess s'est construite autour de multiples ruptures et retrouvailles. Avec son père, sa mère, sa mère adoptive, son pays d'origine le Congo et la France son pays d'adoption. Il m'était souvent bien difficile de me repérer dans son génogramme.

Dans le réseau de Jess il y a aussi beaucoup de partenaires : travailleurs sociaux de la cité St martin, équipe de secteur psychiatrique, équipe de cancérologie. Il nous a souvent été difficiles pour nous professionnels de nous repérer également, un peu à l'image du génogramme de Jess.

Avec elle, nous devions travailler nos liaisons pour combattre sa déliaison. Nous nous sommes réunis et tenu au courant, ne serait ce que téléphoniquement, de manière régulière. Nous avons décidé ensemble et toujours avec Jess de qui semble le plus à même de faire tel ou tel accompagnement vers les hôtels, le service de cancérologie, les démarches administratives pour obtenir un revenu minimum, les aides par rapport à son cancer, pour mettre en place des temps où elle accueille sa fille.

Cette élaboration collective va nous permettre de mettre en place un suivi conjoint où chacun aura sa place et où Jess en sera le chef d'orchestre.

Les liens que nous avons établis nous ont aussi et surtout permis de mettre à distance, la destructivité que Jess mettait en œuvre.

Après plusieurs mois et suite à diverses demandes et dossiers déposés pour une place dans un centre hébergement avec suivi social vers l'insertion, Jess obtient une chambre d'hôtel dans le cadre d'un CHRS pour un premier contrat de 6 mois. Dans le même temps elle renoue avec sa mère adoptive et part la rejoindre peu de temps plus tard en province….

Nous sommes tous dans cette position de " auprès de… ", de " prendre soin de… ".

Monique
A chaque situation nous tentons ensemble d'élaborer un cadre Personnalisé. L'accompagnement est différent pour chacun selon son état, sa pathologie et les questions que se pose la personne.

Ces 2 étapes mobilisent beaucoup de personnes et d'énergie. Néanmoins, elles sont nécessaires. Et une bonne préparation, nous l'avons vérifié est souvent le garant d'un séjour satisfaisant.
Ensemble, il est décidé, qui du référent social ou de l'infirmière de secteur est le mieux placé pour faire telle ou telle démarche avec la personne.
Dans le cadre du partenariat avec le secteur psychiatrique, depuis 2001 une cinquantaine de personnes ont été reçue et accompagnées conjointement.

Deux limites restent à souligner :
- La difficulté à amener aux soins certains de nos résidents manifestement en grande souffrance mais qui sont dans le déni de leur maladie. Nous ne parvenons pas à obtenir leur adhésion à un projet de soin.

Et aussi

- Le manque cruel de places d'hébergement adapté ou de logement autonome pouvant accueillir ces personnes après leur passage dans notre établissement

ISABELLE
Courant 2004, la cité St Martin et le secteur psy se retrouve pour un nouveau projet de logement d'insertion dans le cadre de l'accompagnement socio psychiatrique de population précarisé.

Nous allons pouvoir travailler avec 11 appartements qui ne sont pas regroupés et forme ce que l'on nomme un hébergement éclaté.

Nous nous sommes réunis régulièrement et avons beaucoup échangé durant l'année 2005 et cette année 2006 pour élaborer ce projet. Pour nous connaître sur ce nouveau terrain, pour partager, pour nous accompagner. Il nous semblait fondamental aux uns comme aux autres de devoir nous accompagner pour pouvoir accompagner par la suite d'autres. Avec l'idée princeps que tout accompagnement qu'il soit thérapeutique ou éducatif ne peut être envisagé sans la création préalable d'une relation. Et également que la première garantie du soin c'est d'apprendre à se faire confiance.

Pour cela il nous fallait, bien entendu, partager certains paradigmes.
Entre autre que pour qu'un travail thérapeutique puisse se mettre en œuvre il nous semble essentiel de construire notre travail comme nous l'on enseigné nos collègues de DAX c'est à dire réparti en trois niveau :
1er : un travail de l'équipe sur elle-même
2ème : un travail de l'équipe avec la communauté
3ème : le travail thérapeutique
Si les deux premiers niveaux n'existent pas, nous affirmons que le travail thérapeutique ne peut être satisfaisant.

Au fil de nos rencontres nous nous sommes construit un cadre, un cadre psychique. Comme lorsque l'on construit le cadre thérapeutique d'un groupe ou d'atelier.
Ce cadre nous l'avons mis en place dans une régularité et une temporisation. Il est notre " garde-fou ". C'est lui qui nous protège de notre arbitraire.

Nous avons pris la décision de ne pas travailler côte à côte mais ensemble. Cet " ensemble " supposait de ne pas faire comme si. Nous avons choisi de nous constituer en équipe unique et que chaque étape vienne d'une collaboration conjointe. Il nous semblait important d'éviter de créer un clivage entre thérapeutique et éducatif. Le clivage ne permettant pas la rencontre et surtout pas la rencontre de l'Autre mais irait plutôt à son encontre.

Nous avons beaucoup échangé sur le sens et les termes. C'était une nécessité : deux cultures professionnelles différentes se rencontraient. Il nous fallait trouver une convention sémantique.

Monique
Entre autre sur la notion de temporalité. Notre prise en charge s'inscrit dans un temps limité par la durée de l'hébergement, alors que le temps du soin est un temps qui paraît sans limite.

Les patients de la psychiatrie ont besoin pour la majorité d'un soutien permanent. On ne guérit pas d'une maladie mentale mais on peut aider la personne à une stabilité relative.

Isabelle
L'appartement permet d'éviter une désocialisation trop importante et un accompagnement dans une période transitoire. La notion d'accompagnement traverse en permanence nos discussions. Mais en fin de compte, elle nous traverse tous en permanence, peu importe notre appartenance sociale et professionnelle.
" La relation d'accompagnement est un outil fortement utilisé par le législateur : les lois du 2 janvier 2002 " rénovant l'action sociale et médico-sociale ", du 4 mars 2002 " relative aux droits des malades " et du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées ", l'ont inscrite dans le code de la santé et dans le code de l'action sociale et des familles. Elle est ainsi devenue une notion générique permettant de regrouper des pratiques hétérogènes qui d'inscrivent dans des domaines thérapeutiques, éducatifs, sociaux… "

L'accompagnement que nous envisageons est sur le quotidien. Qui dit accompagnement dit évolution de l'accompagnement c'est-à-dire aider à faire pour qu'ensuite les hébergés fassent seuls. Amener les hébergés à " Apprivoiser la cité pour mieux se l'approprier ".

Accompagner dans une mobilisation collective ou le but d'insertion devient un " agi " positif face aux méandres de l'administration et à ses critères. Et où cet accompagnement est avant tout une histoire de relation humaine, plus qu'une prescription normative.

L'accompagnement envisagé est individualisé alternant les rendez vous de façon régulière sur le lieu même du logement (appartement, quartier) et sur le lieu de l'institution. Il est primordial que nous réfléchissions et mettions en place la meilleure coordination possible du réseau à exploiter sur la cité, sur le quartier et auprès de nos divers services. Cette coordination nécessite une lisibilité par tous des lieux et personnes ressources.

CONCLUSION


Monique
Cet accompagnement de patients de la psychiatrie nous amène à poser un autre regard. Cette expérience nous persuade que ces personnes peuvent vivre dans la société, au milieu de la ville à condition de les soutenir et de prendre en compte leurs besoins spécifiques.
Cela nous amène à une pratique sociale différente.
Nous avons acquis une nouvelle façon d'être, des nouvelles façons de faire.
Nous n'avons pas perdu notre identité de travailleur social, nous n'avons pas essayé de devenir soignant, mais nous avons acquis une nouvelle pratique sociale adaptée aux personnes malades mentales.
Nous n'avons pas superposé deux pratiques mais nous en avons crée une nouvelle médico-sociale en proposant aux personnes une prise en charge globale.

Isabelle
Les modalités relationnelles que nous avons mises en place prennent en compte la rencontre psychique. L'accompagnement ne se situe pas que dans une position relationnel ou politique mais dans une position engagée. De ce fait il milite pour une nouvelle posture professionnelle et une nouvelle perception des liens sociaux.

Un des aspects que nous avons peu, si ce n'est pas, développé dans cette intervention est celui des finances. Bien que cet aspect soit fondamental et nous traverse, les uns et les autres, quotidiennement.
La part de la prise en charge des personnes en souffrance qui répond à des demandes d'ordre social doit être financé par le social et non par le sanitaire comme cela a été le cas pendant un bon nombre de décennies.

@Marie
Notre expérience de secteur est suffisamment mature pour que l'on puisse passer de l'équipe soignante au collectif autour d'une prise en charge. Notre positionnement autour du quotidien nous oblige à penser le travail entre sanitaire et social sans que l'un ou l'autre soit lésé ni envahi par le soin ou le social.
Ce repositionnement nous permet en outre de penser le travail de prévention qui est souvent oublié. Cela demande que chaque équipe fasse un peu de ménage dans ses pratiques.

En fait, notre travail commun s'articule dans un espace évolutif, celui de la personne dont on prend soin.