A peine 40 ans nous séparent de la création
du secteur psychiatrique .
Mais quelle évolution
depuis !
La psychiatrie vise
maintenant la réduction, voire la suppression du symptôme, grâce à des actes de
soins administrés, identifiés, quantifiés .
Elle prend en compte
« l’objet maladie » et lui répond par une ordonnance, une
prescription médicamenteuse qui doit forcément améliorer les symptômes du
patient . La consultation est souvent brève,
mais les prises de
traitement sont longues .
Le soin s’est appauvri
dans sa dimension psychothérapeutique . C’est surtout la logique administrative
et financière qui prévaut et impose le contrôle de la psychiatrie . L’esprit
gestionnaire a donc remplacé l’esprit psychothérapeutique et les lois de la
finances ont remplacé les lois de la parole .
L’hygiénisme ambiant
impose la nécessité de la « bonne santé », si besoin par contrainte
psychologique ou corporelle .
Alors que les praticiens
sont en voie de disparition, la clinique est remplacée par les normes d’un
pseudo savoir statistiquement préétabli . Les individus deviennent des clones,
tous identiques, bien formatés, sans défauts visibles, sages, obéissants et
consensuellement normés .
S’agissant du malade et de
son histoire, l’intérêt n’est plus d’actualité .
Quant à l’hypothèse d’un
inconscient, c’est néant . L’intersubjectivité, c’est encore néant . Le
transfert n’est pas pris en compte . L’émotion , on la régule avec des molécules . Le « savoir
sur soi » : le médecin sait et le patient ignore , le dialogue
devient celui de l’expert face à l’ignorant .
Le diagnostic fait appel à
une méthodologie médicale sûre : sémiologie , diagnostic, traitement, basée sur le DSM et complètement épurée de ce point de vue psycho dynamique bien trop
farfelu .
La psychiatrie est fière
d’être maintenant une médecine scientifique .
La relation du soignant au
symptôme ressemble à celle du chirurgien : il est devenu un maître dans
l’art du nécessaire, on enlève, on arrache, c’est la seule réponse possible .
Le symptôme subit une exérèse .
Et la fascination de nos infirmiers
« pharmakons » qui passent un temps incalculable à préparer les
piluliers n’a d’égal que l’affadissement de leur réflexion .
La psychiatrie n’a plus
affaire à des patients qui parlent . Ce que parler veut dire, d’ailleurs, on
s’en fou .