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ARME, JUSTICE, SOIN, ETHIQUE, THÉRAPEUTIQUE ?



Une impasse thérapeutique est souvent la conséquence d'un soin qui échoue, quelles que soient les tentatives de construction des équipes soignantes vis-à-vis du patient.

Ce n'est pourtant pas par ce chemin-là qu'il nous faudra aborder le trajet de celle que nous nommerons Karine. Nous sommes obligées de parler de soins par défaut. C'est-à-dire, que ce dont il s'agit relève d'un manque de position de soins.
L'impasse se pose d'emblée, et sa conséquence en est dramatique. Karine a été admise dans notre service, pour la première fois il y a un an pour une classique cure de sevrage, qu'elle avait demandée.

Nous apprenons qu'elle ne dépend pas de notre secteur, mais que les deux secteurs qui l'ont accueilli, ont interrompu leur prise en charge pour cause de transgression. Les termes d'associabilité, d'impulsivité, et d'intolérance à la frustration, d'absence de culpabilité, sont posés par l'équipe infirmière. Il devient alors plus difficile de l'aider.

Elle fume dans sa chambre malgré nos recommandations, ne respecte pas les heures de sorties et de retours, menace de se suicider, exige que l'on réponde à ses demandes immédiatement. Nous sommes rapidement dépassés par sa prise en charge. Elle nous en fait oublier les autres patients hospitalisés La rumeur de psychopathie se véhicule avec pudeur. Sa personnalité organisée, l'expression de sa souffrance, accompagnée de gestes de violence envers elle-même, cultive le doute d'une franche psychopathie. Lors d'une réunion pluriprofessionnelle extraordinaire, le médecin parle d'hystérie grave.
Ce diagnostic est entendu par l'équipe, bien que notre souffrance face à sa violence verbale et parfois physique nous met en grave difficulté. Karine fréquente une jeune femme, soignante de profession avec laquelle, les problèmes affectifs sont essentiels.
Elle sort " contre avis-médical " dès lors qu'elle sait que son amie est d'accord pour revivre avec elle. Nous clôturons ainsi un premier cycle de prise en charge, non repris par le médecin, qui nous laisse " un goût amer ".

Le médecin-chef, décide de la prendre en soin, en hôpital de jour, et nous aurons peu de nouvelles de cette prise en charge.

Au mois de juillet 1998, nous apprenons qu'elle fréquente toujours l'hôpital de jour, et qu'elle a un suivi social sérieux avec notre assistante sociale. Elle en tombe " amoureuse ", et c'est un " coup-de-théâtre " pour les soignants du secteur qui s'ensuit. Détentrice d'une arme à feu, car " elle se sent, pour des raisons d'éléments infantiles consistants " en insécurité, elle menace l'assistance sociale avec son arme, durant 1 heure dans son bureau, au sein de l'hopital. L'affaire s'ébruite à bas bruit.

C'est le propre de son paradoxe. L'assistance sociale est peu habilitée à parler de thérapeutique, et peu soutenue par le médecin saisit néanmoins la direction quant à la détention de l'arme à feu de la patiente. La révolte infirmière se fait en sourdine.

En novembre 1998, Karine est annoncée en admission programmée dans notre service. L'appréhension soignante resurgit avant cette admission, mais le médecin la calme : " pas de contre-agressivité de la part de l'équipe, répondons à la confiance que la patiente nous demande d'avoir pour elle-même " . C'est à partir de cette appréhension, que le médecin parlera d'incompétence.

Il faut pourtant noter que les infirmières ne se révoltent ni contre le soins, ni contre la patiente, mais plutôt envers le cadre de soin que le médecin propose, à savoir, que Karine est libre de s'absenter comme elle le désire, n'être présente qu'aux repas, qu'il faut lui rappeler la loi sans intervenir. Une infirmière, une semaine avant l'admission demande à préparer cette hospitalisation. Elle n'est pas entendue.
Il est nécessaire de dire, que le médecin hospitalier qui admet la patiente, n'a pas connu l'hospitalisation antérieure. Les infirmiers connaissant et ayant vécu l'hospitalisation passée demandent un " cadre de soin consistant ". Il leur est renvoyé leur mauvaise foi, et la culpabilité s'incruste dans l'équipe plus profondément. Il est aussi précisé que la patiente demande son hospitalisation pour dépression et sevrage médicamenteux. Pour se faire, elle insiste pour que le traitement soit en perfusion. Cette perfusion est argumentée par le fait que Karine devra rester au lit et canaliser ses émotions, ses impulsions durant le temps du traitement.
Dès le début de l'hospitalisation, les transgressions sont nombreuses, et l'interpellation de l'équipe infirmière vis-à-vis du médecin demeure lettre morte. Très rapidement, nous sommes débordées par le manque de limite sociale et de respect que nous présente la patiente et nous sommes d'accord pour travailler cela. Seulement, d'emblée Karine est menaçante avec le personnel.
L'équipe infirmière n'aurait jamais refusé une réunion clinique et thérapeutique d'urgence. Son insistance au niveau de la difficulté de prise en charge est transcrite sur le dossier de soin infirmier, où l'équipe ne cesse noter toutes ses difficultés et observations. Karine fume sur son lit durant la perfusion, choisit son heure, menace patients et soignants. Sa dualité va jusqu'à ordonner que l'on laisse sortir un patient (en HDT) dans le parc. Nos refus, et explications calme momentanément le " jeu ", mais rapidement Karine tente d'autres transgressions. Cliniquement, elle laisse parfois échapper sa souffrance en parlant de faits passés difficiles. Nous lui accordons souvent des entretiens, transmettons cela à l'équipe et au médecin. Presque quotidiennement, Karine menace le personnel pour avoir une majoration de traitement, mais n'en parle pas au médecin. Elle insiste pour que l'hypnotique (dont elle vient pour sevrage) lui soit donnée en même temps que la perfusion "pour potentialiser son effet ". L'équipe infirmière est débordée, et fait appel au médecin.
L'équipe infirmière n'aurait jamais refusé une réunion clinique et thérapeutique d'urgence. Son insistance au niveau de la difficulté de prise en charge s'appuye sur le dossier de soin infirmier, où l'équipe ne cesse de mettre en écriture toutes ses difficultés et observations de la patiente). Karine a l'autorisation d'emmener sa "nitendo" dans l'unité, utilise la télévision collective pour s'adonner à son divertissement. Un soir vers 18 h. un patient s'en plaint à l'équipe. Une infirmière lui demande de permettre aux autres patients de regarder la télévision.
Karine acquiesce, mais dès qu'elle croise le patient plaignant, elle se jette sur lui, le roue de coup en hurlant " je te tuerai ". Nous intervenons, difficilement, et suffisamment longuement pour que l'angoisse de l'équipe infirmière soit à son paroxysme. Parallèlement, nous appelons le médecin de garde. (qui ne viendra que 30 minutes plus tard). Entre-temps, Karen menace une infirmière qui tentait auparavant d'intervenir dans le rixe : " Vous, je vous interdit de me prendre par les habits, je ne suis pas un chien ". L'infirmière, dans une attitude de soumission, baisse les yeux et ne répond pas à ces paroles. Les deux autres infirmières restent à quelques pas, figées, sachant bien que la moindre parole ou intervention, serait mal venue et activerait l'agressivité verbale, qui pourrait s'enclancher sur une agressivité physique.

Le moral des soignants, (au moins de quelques-uns), est réduit, et nos transmissions écrites et orales peu entendues. La consigne de " lui accorder la confiance qu'elle demande " demeure, et l'on oublie son " passage à l'acte "; un peu comme si, le seul diagnostic médical psychiatrique et rigoureux pouvait se réduire ou s'appauvrir aussi facilement à " évolue favorablement " sans source clinique.

Au niveau de la violence, il n'est pas nécessaire de dire que nous en différencions les origines. soit, il s'agit de patients délirants qui, à partir de leurs interprétations pathologiques, ont un comportement sténique. Nous avons toujours su le reconnaître. Soit celui de personnes responsables qui ne pouvent ignorer leur actes, et ce que cela suscite chez l'autres. C'était le cas de Karine. Elle n'avait cesse de se battre avec ses fantôme névrotiques, et projette sur l'équipe de soin, un règlement de compte lié à sa souffrance. Nous prenons en considérations tous ces éléments cliniques.

L'histoire va rebondir quelques jours plus tard par un fait grave, qui ouvre le débat de ce présent article.

Lors d'un entretien avec l'interne du service, Karine laisse deviner qu'elle possède une arme. Le médecin décide alors de lui " faire confiance ". Persuadé qu'elle ne s'en servirait pas, il tait volontairement les confidences de la patiente, alors qu'il n'ignorait pas l'incident du mois d'août précédent.

Les soignants travaillerons toute une nuit, ignorant qu'une arme est présente dans le service, ainsi que l'équipe qui prend le relais le lendemain matin. Dès le lendemain, l'interne en parle au médecin responsable du service. Celle-ci prend la patiente en entretien, s'informe sur l'arme, et demande à la patiente de la ramener chez elle, toujours dans " cet acte de confiance ". Elle lui propose ainsi une permission de sortie pour l'après-midi. Puis le médecin vient aborder avec l'équipe les transmissions. Elle tait volontairement l'histoire de l'arme, " voulant éviter un vent de panique ". Elle parle plus tard d'incompétence. de l'équipe.

Karine, " satisfaite " de cette confiance octroyée, va de ce pas montrer son arme à une assistante sociale. L'une d'elle prend l'arme dans les mains avant de la lui rendre, l'autre prévient téléphoniquement l'équipe du scénario qui se joue. Avant tout, il est intéressant de savoir si la patiente, de mains en mains, (l'interne, le médecin l'assistante sociale), de " confiance en confiance ", ne recherchait pas un acte de loi, longtemps, apparemment diffusé dans ses messages. Ne peut-on se poser là, la véritable question de sa recherche thérapeutique au sein de l'institution.

Dès lors, l'indignation est grande dans l'équipe infirmière, d'autant que nous assistons à une aisance médicale qui parle encore et toujours de thérapeutique, sans définition précise, sans reconnaître la moindre erreur de trajet. Bien au contraire, c'est l'équipe, qui, par son appréhension de l'hospitalisation aura rompu avant son admission, l'acte de soin. "

La patiente était dehors, avant de venir " déclare le médecin. Quelques jours après, Karine va user de cette faille, en pointant un objet derrière le dos d'une infirmière : " Je te braque ! ". Les transgression s'accentuent, les infirmiers le notent. Le médecin n'en tient pas compte. L'équipe ne peut plus gérer la situation, sans le soutien du médecin. Soutien absent, bien évidemment dans ce cas de figure.

Karine sort quelques jours plus tard, sans que rien ne lui soit signifié quant à son acte, et ce, pour la seconde fois. L'arme reste en sa possession. L'interruption du soin, se fera avec son accord, une journée avant sa sortie prévue. Motif : Karine n'a pas respecté sa prise médicamenteuse.

Dès lors, deux infirmières ont réagi en écrivant à la Direction de l'Hôpital. L'équipe soignante, quant à elle, réagit en provoquant d'urgence une première réunion.

Le conseil de service est saisi en session extraordinaire. Les médecins défendent le concept éthique qui veut que l'on ne dénonce pas un patient détenteur d'arme, car celui-ci serait cueilli par la gendarmerie à sa sortie d'hopital. Oublient-ils qu'ils auraient pu prendre l'arme anonymement. Oublient-ils qu'ils mettent en danger d'autres patients, et une équipe de soin. Certains membres de l'équipe infirmière n'acceptent pas de ne pas avoir été informé de la présence de l'arme. Le médecin répond que l'équipe est incompétente. Ce qui est excessif au vue de notre vécu, de nos appels incessants, de nos transmissions. Sans parler de nos nombreux rapports d'incidents depuis 2 ans, sans reconnaître que cette même équipe s'est montrée remarquable dans d'autres circonstance. (notamment lors d'un incendie).

Il nous semble que les médecins n'ont pas hésité à nous mettre en danger, en nous écartant totalement du soin, en fuyant eux-mêmes les indications de nos difficultés. Le médecin se ressaisit en disant qu'il a voulu protéger l'équipe contre " un vent de panique". Cette soi-disant protection nous semble peu professionnelle, au vu de notre diplôme et de nos responsabilités.

Karine est admise en réanimation 3 semaines plus tard pour TDS. L'équipe est forcément fautive d'entraver la démarche médicale, donc responsable de cette réadmission encore officiellement inconnue des infirmières du secteur 6. Nous auront cette information par la patiente qui, de réanimation va joindre l'équipe pour avoir l'adresse d'une autre patiente hospitalisée. Ni la direction, ni les médecins ne nous parleront de cette hospitalisation.

A ce jour, aucun médecin du secteur ne reconnaît avoir commis une faute, alors qu'il est admis qu'une infirmière qui aurait gardé l'information de la présence d'une arme dans le service serait accusé de faute professionnelle grave, mettant en danger d'autres patients.

Nos questions quant à cette histoire sont nombreuses, c'est pour cela que nous le soumettons à la lecture et la critique d'autres. Le médecin garant de l'institution n'est-il pas lié aux lois qui régissent la fonction publique ?

Les infirmières n'ont-elles pas droit à une éthique quant à leur prise en charge, et à un recul critique ? Un traitement antidépresseur provoque un moment de déshinibition.

A partir de cette donnée, n'aurions-nous pas nous saisir de l'arme, du point de vue médical ? Comment une équipe infirmière peut-elle se défendre de l'accusation d'incompétence ? Certaines d'entre nous (auteur de cet article, ainsi que d'autres qui ont peur des conséquences) résistent à taire ou amoindrir cette affaire. Quelle est leur garantie de ne pas être mené à la " faute future ", parce que des révoltent individuelles persistent. D'autant que les actes d'intimidiation individuelles font tranquillement leur trajet, depuis le 1er décembre 1998.

Quant à l'infirmière qui a écrit à la direction, sa demande de mutation est demandée par le médecin-chef. Motif : " Mme. D. ne correspond plus au projet de secteur, la confraternité a été trahie. " L'administration n'y a pas encore répondu. A voir....

Volontairement, nous n'apportons pas de conclusion. Il nous paraît important que cette conclusion soit apportée par le lecteur.

Affaire à suivre !



DOLBEAU NATHALIE ISP
SCHOEB NATHALIE ISP
MELIN FLORENCE ISP
ABT MARYLINE ISP

1999
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