Je ne veux pas manger ou être mangée
Je ne veux pas manger ou être mangée…
La relation est bien trop souvent basée sur le rapport de force. Si je ne mange pas l’autre, c’est lui qui va me manger.
Ce contrat peut se manifester sous la forme d’une dualité agressive  l’autre est un ennemi potentiel, ou bien sous forme de nostalgie fusionnelle  : manger et être mangé semble agréable car on est absorbé par l’autre. L’amour ou l’amitié repose souvent aussi sur ce mode…
Bien sûr ce sont des relations épuisantes puisque dans les deux cas il y a négation. Négation de l’ Un, de la différence nécessaire à l’individuation, à la construction de l’Etre unique que nous sommes
Tout commence peut-être à la naissance…L’enfant aimerait manger sa mère, être tout en elle ou elle tout à lui…
Quant à la mère elle peut aussi manger son enfant, pour qu’il soit tout à elle, ou réponde à toutes ses attentes..
Nombre sont les jeux autour du «  »
- je vais te manger  ! (Loup y es-tu  )
- mange mon chéri, on ne sait pas qui te mangera demain….
Tant de luttes autour de manger qui mènent parfois à la boulimie ou l’anorexie sont éloquentes. Autour de manger se jouent les luttes de pouvoir…
Est-ce pour cela que parmi les moments les plus intenses et les plus douloureux on trouve le moment du repas.
Lorsque j’ai repris contact avec l’institution psychiatrique, ce fut difficile,mais ma tristesse et ma révolte étaient culminantes à l’heure des repas.
Résistance des uns, toute puissance des autres, négociations, refus, violences, éclats de voix…
Il y aurait là matière à réfléchir et à évoluer. Il me semble que si nous en avions le courage, nous pourrions faire des réunions/formations sur ce thème qui nous aideraient à comprendre qui nous sommes ou croyons être.
Je souhaite nourrir et être nourrie.
Une relation nourrissante est une relation basée sur l’échange, le respect de Soi et de l’Autre, sur l’écoute bienveillante et l’acceptation de la différence.
Une grande évidence  !
Pourtant respecte-t-on notre enfant quand on le gave ou lorsqu’on affirme que cela est bon puisque NOUS l’aimons 
Nourrir, c’est proposer et accepter que l’autre refuse…
Dans nourrir,il y a nous et rire (nous-rire). Pour que Nous (l’un et l’autre) puissions être dans la joie, le plaisir d’être ensemble, il faut peut-être changer le «  » en «  »
Ce serait une grande leçon d’altérité.
Penser l’autre comme libre et différent, avec un désir propre. Même s’il s’agit d’un enfant, ou d’un malade mental.
Protéger ne veut pas dire manger, c’est-à-dire annuler, nier.
Il suffit d’un regard, d’un sourire pour que l’autre se sente exister et vous regarde. L’enfant se sent exister d’abord dans le regard de sa mère…
Alors serions nous à la fois nourrissant pour l’autre et nourri par l’autre. Car on se nourrit à chaque instant dans la relation.
Et lorsque l’on se nourrit, en posant nos limites, on est repu, tranquille, sans tensions et sans aigreurs….
octobre 2003