Monsieur le Maire,
Je me permets par la présente de porter à votre connaissance les évènements qui sont survenus dans la vie d’une de vos administrée, et dont, je pense, vous ne mesurez pas I’importance et les conséquences, même si vous en connaissez quelque peu l’existence.
J’habite à Saint-Maurice depuis ma petite enfance, m’y suis mariée en 1969, mes deux fils y sont nés en 1970 et 1971 ; mon mari travaillait à la Visserie Rationnelle jusqu’à sa fermeture en 1983, et, quant à moi, je travaille aux Admissions de l’Hôpital Esquirol depuis janvier 1975 ! Mon mari est décédé en septembre 1997 ; je vivais donc seule dans mon appartement depuis 3 ans. Ces renseignements sont destinés à vous faire comprendre mon profond attachement à Saint-Maurice !
Aujourd’hui j’en suis éloignée depuis trois mois et peut être pour toujours... Parce que le destin a voulu que je sois atteinte depuis septembre 1999 d’une grave maladie neurologique la Sclérose Latérale Amyothrophique. C’est une maladie qui se traduit par une paralysie progressive des muscles, qui est évolutive, irréversible et contre laquelle il n’y a aucun traitement ! Je précise que la maladie n’a été identifiée qu’en juillet 2000, mais que les symptômes, eux, n’ont jamais cessé d’évoluer.
Au tout début, il ne s’agissait que d’une légère douleur au pied droit, puis dans la jambe droite ; je n’ai commencé à m’inquiéter vraiment qu’en novembre 1999 parce que j’avais de grandes difficultés à marcher et j’ai dû arrêter de travailler fin décembre 1999. Là, a commencé toute une série d’examens médicaux longs et douloureux dont je vous passe les détails...
Au fil des mois, la paralysie a atteint la jambe gauche, puis le bras droit, la main droite, puis le bras et la main gauche ; j’ai marché d’abord avec une canne, puis avec deux, ensuite avec un déambulateur, avec de plus en plus de difficultés quant aux sorties à l’extérieur, le fauteuil roulant était indispensable depuis le mois de mars 2000!
Devant cette progression constante de la maladie et la perte d’autonomie qui l’accompagnait, j’ai commencé en mai-juin 2000 à rechercher une aide extérieure, car malgré la bonne volonté des proches et des collègues de travail pourtant très dévouées, la situation devenait vraiment difficile à gérer.
Et c’est là que j’ai commencé la recherche de l’impossible! La Mairie de St-Maurice, contactée en premier, m’a renvoyée sur une Association d’Aides ménagères et Auxiliaires de Vie située à Alfortville, puisque à Saint-Maurice, il n’existe rien pour les personnes dépendantes de moins de 60 ans ! Les tarifs sont bien sûr au taux le plus fort, vu mes ressources considérables (9500Fr /M) soit entre 80 Fr et 100 Fr/h ! Il faut savoir que mon état de santé nécessitait déjà une présence le matin pour m’aider à me lever et m’habiller, me laver, mon fils se chargeant du coucher, des courses, de la cuisine et du linge puisque je ne pouvais plus rien faire seule, ( part aller aux toilettes). Mes collègues de travail, toutes formidables, se relayaient le midi pour venir me faire manger, avec l’accord et même la participation de notre responsable de service ! J’avais donc besoin, au maximum de 3 à 4 heures par jour pour les soins quotidiens, 5 jours par semaine (mon frère et ma soeur qui habitent l’Essonne se chargeaient des week-ends!), soit un budget mensuel entre 5000 F et 7000 F, qui, vous vous en doutez bien, et quoi qu’en disent les services sociaux, est bien au-dessus de mes moyens (Savez-vous qu’une Auxiliaire de Vie 24 H/24 coûte plus de 20 000 Fr par mois, Pour 5 jours/semaine !) En effet, le fait d’être gravement malade ne dispense en rien du paiement du loyer, des impôts, EDF, assurances, téléphone, etc... ! Je précise que j’ai appelé TOUTES les Associations d’Aide à Domicile du Val de Marne et que tous les tarifs sont identiques, à 200-300 Frs près!
J’avais eu droit, bien sur, à une prescription médicale pour avoir des soins d’aide au lever, toilette et coucher tous les jours par infirmière, mais le problème est qu’aucune n’a accepté de venir chez moi, la plus fréquente des raisons étant les fameux quotas de l’Assurance Maladie contre lesquels on ne peut rien faire ; que les malades se débrouillent! Là encore, j’ai contacté TOUS les Cabinets Infirmiers de Saint-Maurice et de toutes les communes environnantes! Mon médecin de famille, le Dr ADIDA, malgré ses affirmations et ses relations, n’a pas réussi non plus à trouver quelqu’un ; quant à l’Hospitalisation à Domicile, je n’y ai pas droit car ma pathologie ne nécessite pas de soins purement médicaux!
Je n’oublie pas non plus dans ma liste de doléances, le matériel médical considéré de confort , et donc à la charge exclusive du malade, mais cependant indispensable à la simple sécurité, tels les barres d’appui et de soutient dans la salle de bain, les W.C, les surrélèvateurs et autres sièges de baignoire ou de douche, etc.. .J’aurais eu un grand besoin d’un fauteuil de repos électrique, afin de pouvoir soulager mes douleurs quelques heures par jour, mais prix à l’achat étant très élevé (entre 7000 Fr et 12000 Fr), je n’ai pu me décider à un tel investissement, surtout que je ne savais pas combien de temps j’allais pouvoir l’utiliser! J’ai donc tenté d’en louer un : en vain ! Tous ces fauteuils n’existent qu’à l’achat: on paie d’abord, et tant pis pour vous si ça ne convient plus un mois après ! : je n’ai donc pas eu de fauteuil...
C’est donc en l’absence de toute aide extérieure, en dehors de celle des personnes déjà citées, que j’ai réussi à tenir tant bien que mal jusqu’en septembre 2000.
J’ai pris dès la rentrée (impossible de trouver quelqu’un en août !), une aide ménagère 2X2 h/semaine, ainsi qu’une auxiliaire de vie qui venait me faire prendre une douche 2Xlh/semaine (avant je n’étais lavée que le week-end par ma soeur), soit un budget de 2000 Fr/mois, ceci étant le maximum de ce que je pouvais mettre, mais restait très en dessous de mes besoins réels. Je faisais avec...
En octobre 2000, mon état s’est à nouveau aggravé au niveau de la marche, avec de nombreuses chutes nécessitant des interventions extérieures, de mon fils, de mes collègues et même des pompiers ! Et puis, j’ai cessé de marcher ... C’est la raison pour laquelle le 20 octobre 2000, j’ai avalé 60 comprimés de somnifères pour mettre fin à ce cauchemar et délivrer ma famille de la charge insupportable que j’étais devenue... .et me suis hélas réveillée à la Salpétriêre ! J’ai été très déçue, je le suis encore...
Parce que, ce que vous refusez d’entendre, Monsieur le Maire, comme tous nos élus d’ailleurs, c’est que le plus dur à vivre dans cette histoire, ce n’est pas tant la maladie avec ses douleurs et ses pertes d’autonomie incessantes, mais c'est ce mur inébranlable d’incompréhension et d’indifférence contre lequel je me suis usée pendant tous ces mois. Vous parlez d’aide urgente, indispensable à la vie quotidienne, on vous répond quotas, barèmes et règlement! et qu’on est désolé, mais on ne peut rien pour vous.... Et vous restez là devant votre téléphone, déçue, révoltée, humiliée de devoir quémander un secours qui vous semble normal après trente ans de cotisations et sans jamais le moindre abus, et surtout épuisée! Savez-vous qu’après 5 ou 6 appels de ce genre, il me fallait des jours, voire même des semaines avant de trouver le courage de recommencer! Et il fallait bien continuer à essayer de vivre pendant ce temps
Si j’ai pu vous écrire ce long texte, c’est parce que depuis 3 mois je suis à l’Hôpital Maritime de Berck, où j’ai eu la chance de trouver une équipe médicale compétente et dévouée, ainsi que des kinés et ergothérapeutes formidables . C’est grâce à ces derniers que je peux à nouveau communiquer par ordinateur adapté interposé! (il y a longtemps que je ne peux plus écrire) Mon voeux maintenant est de trouver ce type d’établissement en Région Parisienne. On verra bien...
Voici donc mon histoire, qui ressemble certainement à celle de beaucoup d’autres, etje souhaite que vous trouviez un peu de votre précieux temps pour y réfléchir, et éventuellement y puiser quelques sujets de débats (on peut rêver !). Je crois que notre Société s’honorerait de remédier sans tarder à ce type de situation, afin que d’autres ne connaissent pas ce que j’ai vécu.
En espérant n’avoir pas trop abusé de votre patience, je vous prie de croire, Monsieur le Maire, à mes salutations respectueuses.
Martine MIRGUET
Berck, le 13/02/2001