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Cimaise «  surveillance patient en chambre d'isolement » , ou la pointeuse absurde


Les anciens soignants en psychiatrie ( ex infirmiers du défunt » secteur psychiatrique « et autres antiquités,,) ont été amenés depuis quelques années à voir surgir dans leur pratique d »étranges objets: l'un d'entre eux, l'informatisation de nombre de tâches, n'en est pas le moindre!

Outre la nécessaire adaptation, sur un plan pratique et quotidien, à un nouvel outil auquel peu ont été formés et qui peut s'avérer délicate, c'est surtout ce qu'on pourrait appeler la philosophie, ou l'esprit (?) du soin, qui en est transformé peu à peu mais radicalement,

L' informatisation des tâches est bien entendu présentée comme un progrès incontestable, un élément de modernité majeur dans l'efficacité des pratiques(ce qu'elle est...parfois), mais elle est aussi devenu l'instrument incontournable de la validation et donc la reconnaissance de la qualité du service rendu aux patients souffrant de troubles mentaux, .L'ordinateur occupe ainsi une place de plus en plus centrale dans le fonctionnement des pratiques : c'est autour de lui qu'est organisé l'ensemble du parcours de soin d'un patient, de son admission à sa sortie et de son suivi, c 'est par lui surtout désormais qu'est authentifié, rendu RÉEL en quelque sorte, la plupart des actes de soin: en effet , si un acte de soins ( distribution de médicaments, entretien infirmier..) n'est pas consigné dans les fiches de l ordinateur il est suspect de n'avoir pas eu lieu,d 'être nul et non avenu , convaincu du grave crime de lèse Traçabilité.

Les soignants sont donc sommés ,après chaque acte considéré comme thérapeutique dans la nomenclature informatique d'aller faire valider leurs actes de soin par le grand Totem informatique, seul habilité à donner consistance et réalité aux soins..

La confiance accordée à priori naguère aux soignants dans leur pratique avant l informatisation s'est ainsi inversée en suspicion systématisée de n' avoir pas été soignant tant que le soin n a pas été adoubé par le Grand Ordinateur.

Un exemple tragi-comique de cette nouvelle Pensée nous est donné par l 'utilisation d'une sorte de pointeuse informatique : l application » cimaise »( logiciel informatique) censée objectiver-et vérifier!- la surveillance des patients en chambre d 'isolement » : surveillance »qui consiste dans cette logique étrange à.. cocher sur un fichier d''ordinateur que le soignant est bien allé surveiller le patient dans sa chambre, en remplissant des cases sur une liste depuis…..le bureau infirmier. La seule contrainte réelle en l 'occurrence pour le soignant étant donc surtout de se rendre très régulièrement.. dans le bureau où trône l'ordinateur pour y cocher des cases à remplir,

On pourrait penser alors,en bonne logique, qu'il eut été plus efficace, SI C ÉTAIT LE BUT RECHERCHÉ, d'installer une » pointeuse » (ou quelqu'en soit la forme ) devant la chambre du patient pour s assurer au moins que le soignant ait bien «  surveillé » le patient...Mais? alors, à quoi sert cette contrainte, qui n a pas le seul mérite qui pourrait la justifier: l'efficacité..,?On nous gagera bien sûr que l'on fait crédit au soignant de ne « tracer »son acte qu'après l 'avoir effectivement réalisé,mais justement : si l on parle de confiance alors comment expliquer cette obligation de marquer les actes de soins réalisés sous peine de ne pas les reconnaître..,,,,?! Le soignant,rappelons le, étant responsable des patients, sur tous les plans , du déontologique au pénal(, et surtout au plan humain), qu'il ait ou non coché des cases, cette contrainte informatique n ajoutant ni ne retranchant rien à sa responsabilité, Mais alors ..?

La réponse pourrait peut-être se trouver dans une réflexion sur la destination de tout cela, Car au fond, à qui s 'adresse cette obligation d'allégeance-osera t on parler de rituel ?- auquel est soumis le soignant, dans la reconnaissance par l informatique de son travail? On voit que sur un plan de strict efficacité,cet outil est non seulement inutile,mais contre-productif, pour ne pas dire absurde, puisqu'il prend du temps au soignant, et surtout l'oblige à être ailleurs qu'à l'endroit où il est censé être pour exécuter justement sa tâche ( ce qui ,dans notre époque de recherche d'efficience paraît bien étrange..)
Dans cette logique comptable ( à savoir que c'est le marquage informatique, et SEULEMENT LUI, qui authentifie les actes de soin -,ou ce que nous sommes «  sommés », sans jeu de mots, de considérer comme tel, puisque tout, n'est il pas,peut être quantifié et objectivé,( y compris le Relationnel ?) - le but ne serait il pas en réalité plus idéologique que pratique, - nous savons, certes, que les établissements de soins ne reçoivent plus leur manne financière qu'en fonction de la quantité d'actes effectués- mais.. peut-être aussi des gages de soumission à cette idéologie nouvelle du tout quantifiable à laquelle il s'agit précisément de se montrer bon élève ..

En quel cas cet intéressant outil trouve alors sa pleine et entière justification: signifier aux instances de contrôle- pardon: d'accréditation-que le formatage idéologique est en bonne voie.. même au prix de l'absurdité.

jp renucci




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