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Retour à Billet d'humeur

 

Ah Si j’étais une infirmière…

 

5H50-arrivée dans le pavillon.  Je rentre dans le sas bien conçu pour coincer de nouveaux arrivants, impossible de ressortir, impossible d’entrer pour qui n’a pas les clés.

Je vais poser ma sacoche dans un placard. Tiens ? Celui ci est équipé d’un verrou. Non non. Pas qu’à l’extérieur…a l’intérieur… Ben oui dès fois que l’on veut se planquer d’un patient…

6H Relève-

6H10-je passe les trois portes menant à mon vestiaire. Comme les serrures sont difficiles et parfois montées à l’envers :

6H20-j’arrive enfin à attraper une blouse dans mon placard, après bien sur m’être fait asperger les chaussures par une chasse d’eau, sans doute conçue pour laver le postérieur des fois que l’on s’assiérait.

6H30-Ouf ! j’ai réussi à repasser les trois portes. Et l’ascenseur n’est pas tombé en panne. Ce serait dommage…car les chambres handicapées sont à l’étage, bien entendu.

6H30-7H-tout va bien à part les trois appels demandant « un homme ». C’est quoi cette bête là ? « Une infirmière de sexe masculin  c’est ça que vous voulez ? » réponds-je. Ça rigole ou pas de l’autre coté. Tant pis la blague est tombé à l’eau.

7H-Préparation des médicaments d’un coté, lavage et pâturage de l’autre.
Celui qui se colle aux médicaments, peut s’extasier devant notre nouvelle et très belle armoire à pharmacie. Dommage, qu’on nous ait demandé cinquante fois laquelle nous voulions et que bien sur celle la ne correspond pas du tout à notre demande.

Dommage pour le lavabo qui fuit depuis trois semaines.

Dommage pour la fenêtre restée ouverte. Pas grave, comme on a pas de barreaux ce sera moins dur pour venir piquer des toxiques.

 Dommage aussi pour tous les meubles anciens qui ont déjà bien vécus.. Au moins on les connaît !

7H30-entre deux sonneries continues d’un quart d’heure chacune du patient en CI, j’arrive à appuyer sur le bouton de l’interphone :

« oui c’est pourquoi » (mais quel con, je sais déjà ce qu’il va me demander)

« JE VEUX FUMER ET AVOIR MON PETIT DEJEUNER !!!!!!!!!!! »

« Ah non ça c’est pas possible, le médecin a prescrit deux hommes et je suis tout seul, faudra attendre un peu ! »

Réponse : « borborygme inintelligible »

Moi : « appuyé sur le bouton, je vous entends mal »

Lui : « %ù9à3’# » (censuré)

7H45-après ces trente minutes de sonneries je prends un doliprane, histoire de calmer le mal de tête et d’oublier ce fait : les médecins ça prescrit des hommes…faudra que je vérifie dans le Vidal à la lettre « H » tiens…

7H50-Ma collègue préposée aux toilettes a aussi pris une douche. Avec le patient. Non, non ce ne sont pas les nouvelles pratiques hôtelières. C’est juste que comme le pommeau de la douche scellé dans le mur est dirigé vers l’extérieur du bac…

Ah et puis faut appeler l’ASH qui n’a plus qu’à éponger la piscine qu’est devenue la chambre du patient. Bah tu penses, avec des bacs à l’italienne dont la pente est orientée vers l’extérieur, exact opposé de la bouche d’évacuation.

Et puis le petit « plus » : les robinets de la douche. Tu penses bien qu’ils les ont mis à l’opposé de l’entrée de la douche. Histoire qu’on se brûle une première fois puis une deuxième fois. La thalasso au boulot, c’est le pied.

Ma collègue qui s’est chargée des petits déjs a eu une bonne surprise. Enfin…plusieurs pour être exact. D’abord, le four marche pas. Normal. Pas branchée. Pas de prises non plus. Et puis pas de raisons qu’il n’y ait que moi à qui ça arrive, ya un évier qui fuit. Et puis elle s’est un peu brûlée aussi. Vive les bouilloires qui ébouillantent AUSSI le personnel.

8H Petit déj. Il pleut. Les patients qui fumaient (dehors !!!) rentrent. Pas de auvent. Mais pas grave ! Ya les platanes…

Par contre, y a d'la boue, ya dla boue partout. Et des cailloux. Des gros. Du genre de ceux qui peuvent être utilisés par un patient un tantinet énervé. Et puis des bouts de bois, des canettes, des trous profonds( ??? travaux). Enfin bref tout ce qu’il faut pour que VRAIMENT, personne n’ai envie d’y mettre les pieds. Dans ce terrain vague.

8H30-9H-Les joies du RIMP, des AVQ, des logiciels de pharma…opération à répéter deux fois. Informatique ET papier. C’est qu’on ne rigole pas avec la traçabilité.

9H-Viens le temps des CI. Les miennes, celles des autres.

-Entre 10H et 11H-retour dans le pavillon. Je ne comprends plus rien. On a l’impression d’être ailleurs : il s’est passé tant de choses en si peu de temps ? Bah oui.
Alors je traîne à discuter avec deux, trois patients. Un quart d’heure à tuer. Et dire que je pensais autrefois que c’était ça mon boulot. Discuter avec des patients, les écouter. Apparemment on m’a menti.

11H15-Mise en chauffe des repas.

Il en manque. J’appelle la cuisine. C’est pas eux. C’est nous. Tiens ? Ça me rappelle la pharmacienne il y a quelques instants. Elle m’a dit exactement pareil lorsque je lui ai téléphoné pour lui dire qu’il manquait deux comprimés de clozapine. A croire que je les boulotte en cachette…

Revenons à nos plats. Chic. Des quiches congelées. Et pas de four.

11H50-je finis de passer la sixième barquette de quiches au micro ondes, pendant ce temps là je souffle dessus pour les réchauffer.

Je cours aller chercher madame X à l’étage qui est en fauteuil. Elle aurait pu descendre par l’escalier, mais avec son fauteuil roulant, elle ne s’est pas sentie.

12H repas en CI et repas en salle. Moi c’est la CI. Normal, je suis doté d’un chromosome qui m’oblige à aller en CI, c’est irrésistible l’appel de la CI.

Ah ? Plus de clopes pour le patients D398 fou furieux qui hurle qu’on lui a menti et qu’en CI, c’est pire que la prison : c’est le « cachot ».

12H30-Flûte l’ASH n’est pas là. Bon corvée de vaisselle. Ça me changera des AVQ et du RIMP en attendant la relève.

13H-Repas.

Ah non. Un pavillon m’appelle parce que c’est « méga urgent important » dans une CI. Ne résistant pas à l’appel de la CI je m’envole vers d’autres cieux dans mon carrosse qui refuse catégoriquement la marche arrière. C’est dur dans ces conditions d’aller porter secours à la gente féminine d’autres lieux…

13H10 Après trois jurons et deux coups sur le levier de vitesse, esquivé deux chats et un étudiant infirmier je stoppe devant le lieu du crime.

Je sonne.J’ai pas de passe.

Ben non.

Le boulanger oui.

Mais pas l’infirmier.

Normal.

13H20-Une ASH est venue m’ouvrir et je me coltine un patient avec trois collègues masculins (ah l’appel de la CI…) pendant qu’une infirmière me conseille de ne pas faire mal au patient. Merci. Je vais y penser.

En attendant je vais esquiver le mawachi gari du patient mécontent pendant que mon collègue lui largue deux ampoules de Loxapac. (DEUX ? que deux ? Oui oui vous avez bien lu ; c’est le médecin qui l’a dit) et les conférences de consensus. Faut commencer par la dose minimum.

Bon.

Rituel habituel :

Contentions, gnons, injection, prison…pardon CI…

13H45-je rentre au pavillon et je surprends une bribe de la fin de relève des collègues.

Ces salopiots de collègues d’aprem m’ont rien laissé à manger.

13H55-Je retraverse les trois portes et je prie pour que l’ascenseur ne tombe pas en panne.

Une bonne journée.

Et oui. Ça aurait pu être pire…

J’aurais pu être patient.

 

                                                                       Décembre 2009

                                                                       Argath le Troll




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