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"L'hôpital se
moque de la charité"
Nous,
les Hospitaliers, qui le sommes si peu ces derniers temps, lançons un cri
d'alerte à l'opinion publique!
Nous sommes en train de rompre avec des
siècles de culture. Depuis son origine, la mission de Service Public de
l'hôpital est d'accueillir, soigner et protéger les malades sans distinction
d'âge ni de classe sociale. "Charité bien ordonnée commence par soi-même", cet
adage, l'hôpital, aujourd'hui, pourrait bien se l'appliquer à lui-même, tant la
vieille institution se délabre. Mais il ne s'agit pas tant des murs que des
conditions de travail et de leur cortège de conséquences :
-
Restriction des moyens en personnel, telle "peau de chagrin", réduisant
quotidiennement les équipes à l'effectif minimum de sécurité,
-
Flexibilité, corvéabilité et adaptabilité, à merci, des soignants, dont les
roulements sont modifiés à l'envi, souvent du jour au lendemain, faisant fi de
leur vie personnelle,
- Chantage à l'obligation de continuité de
"Service Public", sensée justifier la grande précarité des plannings, visant à
culpabiliser et à menacer des professionnels, contractuels de préférence, déjà
stressés et sous pression,
- Epuisement des équipes et des individus
(burn out) à cause du déséquilibre entre le travail à accomplir et les moyens à
disposition,
- Arrêts "mal-à-dit" du personnel qui pleuvent et
s'accélèrent,
- Manque de temps de réflexion en équipe sur notre
travail,
- Manque de temps de présence, d'écoute et de disponibilité
d'esprit à accorder aux patients,
- Occupation des lits à flux tendu,
supérieure à 100% en hospitalisation temps plein,
- Attente aux urgences
de plusieurs heures,
- Patients hospitalisés sous contrainte, en
psychiatrie, dont l'enfermement se prolonge, faute de personnels pour les
accompagner, ou qui sortent trop tôt, faute de lits,
- Féminisation de
la profession d'infirmier psychiatrique alors que la mixité est capitale,
- Construction de nouveaux locaux inadaptés à la psychiatrie...
La tragédie de Pau n'a visiblement pas servi de leçon! Les politiques
attendent-ils une nouvelle catastrophe pour faire semblant de s'émouvoir de la
difficulté du travail des soignants? Les quelques moyens financiers, octroyés en
urgence à l'époque, nous sont retirés aujourd'hui, sous la forme de 400
suppressions de postes. Et ce n'est que le début... La politique actuelle veut
la destruction pure et simple du Service Public!
Les hospitaliers
gestionnaires, branche exécutive des directives gouvernementales, ne donnent pas
aux hospitaliers soignants les moyens de travailler! Ils nous disent que
l'hôpital est en déficit mais pourquoi ne pas commencer par approvisionner les
budgets ?
A l'heure de la dictature des statistiques et d'une certaine
logique comptable, la vraie question est "comptons-nous encore seulement pour
quelqu'un?"
Nous, les infirmiers de la psychiatrie, nous prenons la parole
en notre nom et en celui de ceux qui ne l'ont pas, les patients. Nous voulons
dire que nous ne sommes pas de simples exécutants, comme voudraient nous le
faire croire nos dirigeants et gestionnaires. Nous marchons sur la tête et ils
nous disent que c'est le bon sens! Comment peut-on faire aux patients ce que
l'on ne voudrait pas que l'on nous fasse à nous-même? Nous sommes tous des
malades, des personnes âgées ou des démunis potentiels... Personne n'est à
l'abri du temps qui passe et des coups du sort!
Nous vivons au règne de la
mal traitance des patients, des soignants et des individus de façon générale.
Considérés comme des objets, des pions, on nous malmène, on nous pressurise et
nous déplace sans état d'âme. Si "Cupide on s'en fout", version revue et
corrigée d'une chanson du grand Brassens, c'est parce que partout l'on recherche
"rentabilité" et "profits", à tout prix, au détriment de la vie même! Que l'on
nous donne les moyens de prendre soin et d'écouter les personnes souffrantes et
fragilisées qui s'en remettent à nous! C'est une évidence, la santé passe par
là! N'oublions jamais que nous sommes des êtres parlants et, c'est d'une
banalité déconcertante, les mots évitent bien des maux!
Les infirmiers
psychiatriques
Psy I, 1er Est, Hôpital St Jacques du CHU de Nantes, le 04
juin 2008.