Réaction d'une infirmière
suite à l'émission de France 2, « les
infiltrés ».
Pinel
reviens ils sont devenus fous......
Qu'avons nous fait de nos espérances !
C'est la question que je me suis posée ce mardi soir 18 mai, après avoir éteint ma télé.
Cette émission, « Les infiltrés » a fait sur moi l'effet d'un miroir. J'avais honte, honte de moi, de mes collègues, non pas de ce qu'ils/qu'elles faisaient, de ce qu'ils/qu'elles étaient devenu/es, mais de ce que nous avions laissé faire.
Comment, après tant de combats, de débats, d'analyses, de
démonstrations, en sommes nous arrivés là, c'est à dire à une psychiatrie en
tout point semblable à sa grand sœur des années dites « asilaires », où l'Autre
n'existait pas, ou bien n'existait que par sa dangerosité, sa folie c'est à dire
un état proche de l'animalité (et encore à
Le manque de personnel n'explique pas tout, le désinvestissement médical non plus.
L'entrée en scène de la rentabilité des soins, passivement accepté par tous et à laquelle peu ou prou nous avons tous collaboré, n'a été qu'un prétexte pour réactiver la place récurrente du FOU dans notre société, une place à part entre humanité et animalité, balayant ainsi en une dizaine d'années, ce que patiemment (peut-être trop) certains avaient tenté durant 3 décennies de transformer. Tentatives apparemment vaines, qui consistaient à changer le regard, et par delà les pratiques, sur ceux que l'on qualifie « d'incurables ».
Or cette vision de
A travers le débat actuel sur le retour (en douceur mais déterminé) à une psychiatrie « sécurisée », resurgissent les vieux démons et les éternelles tentations de la sélection, de l'enfermement, du garder, d'enchainer, de médicamenter, de bistouriser le cerveau, balayant d'un revers de mains le droit de TOUS à la liberté, à l'égalité, à la fraternité.
Or à l'heure où l'égalité devant le soin est contestée,
commence à émerger cette question, soigner comment et surtout QUI ? La même question se pose pour les
retraites. Quelle retraite pour demain, et surtout à QUI
?
Alors soigner ces patients là, me direz-vous ? A quoi bon ! Il n'y a rien a en faire, ils sont incurables, voire dangereux et même pire ce sont des assassins en puissance.
J'admets ! Même avec des prises en charges les plus intensives, ils ne seront jamais inscrits dans les grandes écoles et ne porteront jamais de Rolex. Quoique !
Mais leur abandon thérapeutique, sauf aux travers des productions pharmaceutiques, signifie, à terme, le retour à une mortalité de plus en plus précoce, à une violence de plus en plus explosive et aux méthodes de contentions de plus en plus barbares. On le sait, puisque cette réalité là, ILS l'ont déjà vécue, NOUS l'avons déjà vécue.
Depuis 10 ans des voix s'élèvent pour dire : « Attention, nous avions baisser la garde, mais la bête immonde n'est pas morte, elle revient en force, à grands coups de sélections, de groupes de malades, de coûts à l'activité, de choix dans les patients, de formations de moins en moins humanistes ». Ces voix ont du mal a se faire entendre face à toute une idéologie, tout un conditionnement qui peu à peu nous ont amené à penser comme « ils » veulent que nous pensions, à nous soumettre à leurs dictats et surtout à ne pas réagir.
A voir à l'écran cette équipe, en souffrance incapable de mettre des mots sur cette souffrance, sur ses causes, cette passivité sans espoir, incompréhensible, m'a fait dire « Comment en sommes-nous arrivés là ? ».
L'institution psychiatrique, comme l'ont dénoncée des philosophes, des intellectuels, des politiques, des médecins, des soignants, peut si l'on n'y prend garde générer les pires horreurs.
Aujourd'hui derrière la façade glacée des « conduites à tenir » des « protocoles » (il y en a pour tout, mais pas pour un regard humain) « des DSM », des « VAP »(valorisation de l'activité en psychiatrie), des « statistiques », la psychiatrie de l'an 2000 se vide de son substrat : l'humanité, la curiosité de l'Autre, la compréhension, bref l'empathie vis à vis de personnes dont l'état nous oblige à un travail sur nous même, sur nos répulsions premières, sur nos appréhensions et aussi sur nos propres pulsions face à l'handicap, la mort, la folie.
Travailler auprès des personnes très âgées, en fin de vie comme auprès de la psychoses graves, demande de mettre en place un dispositif institutionnel permettant à la parole de circuler autrement qu'en se beurrant une biscotte (v§ l'émission « Les infiltrés »), aux pulsions de violence et de mort des uns et des autres de s'exprimer, d'être déculpabilisées et gérées. L'institution se doit d'entendre la souffrance des personnels et d'y répondre, mais pour cela faudrait-il qu'elle s'en donne les moyens..
Nous devons TOUS refuser catégoriquement ce système de sélection qui génère automatiquement l'existence de ces services poubelles dans lesquelles patients et soignants se retrouvent à l'identique et sur lesquelles « on » met un couvercle hermétique pour ne pas voir, pour ne pas entendre. Ces services que chacun fuit mais dont l'utilité arrange TOUT LE MONDE et dont nous sommes COLLECTIVEMENT RESPONSABLES.
A NOUS DE L'EXIGER. C'est de notre dignité d'être humain et de soignants dont il s'agit.
A travers notre histoire nous avons su le faire, aujourd'hui il est temps de réagir si nous voulons pouvoir nous regarder en face.
Un petit coup d'œil vers nos origines nous montre que
nous en sommes capables. Le traitement moral, initié par Pussin, notre
ancêtre infirmier, et développé par le médecin Pinel, s'origine, en ces temps de
Révolution dans la libération du Tiers-État et des esclaves : désenchaîner les
malades mentaux, fondement du traitement moral, c'était désenchaîner le
peuple.
La psychiatrie de secteur, celle de l'ouverture des
asiles, 2 siècles plus tard, née de l'horreur des camps d'extermination et du
lourd tribut payé par les malades mentaux à l'idéologie eugéniste nazie (dont
l'un des chantres était Aléxis Carrel), a inventé un dispositif de soin : la
sectorisation et une thérapeutique de masse : la psychothérapie
institutionnelle. Le but : l'ouverture des asiles et l'humanisation de le folie.
Quand des milliers de malades mentaux (entre 30 et 40
000) mouraient de faim dans les asiles sous les yeux des soignants
-médecins-infirmiers- gardiens-, acteurs passifs, des psychiatres engagés
nourrissaient, soignaient, libéraient ces mêmes patients. L'expérience de Saint
Alban, aujourd'hui loin de l'esprit de ses paires, a été le levier qui a servi à
révolutionner le regard porter sur
En 2010 me direz-vous nous ne sommes ni en guerre ni en
Révolution. Pas si sure ! Une guerre économico-financière mondialisée nous fait
croire que nous devons accepter l'inacceptable, comme laisser mourir sur le
trottoir des êtres humains, laisser se suicider des travailleurs, enfermer des
enfants dans des prisons infâmes, sélectionner dès la naissance ceux qui
deviendront l'élite, conditionner les autres à devenir leurs serviteurs,
déstabiliser l'avenir par un chômage chronique et garder à moindre frais les
vieux, les malades mentaux, voire les éliminer....... en nous faisant
miroiter « un meilleur des mondes »
illusoire et pernicieux qui nous entraîne vers la barbarie, une barbarie moderne
certes, où sous prétexte de prévention, chacun est filmé, écouté, classé,
répertorié et ce dès sa naissance.
Est-ce vraiment ce monde là dont nous rêvons pour nos enfants
?
Les différentes initiatives prisent ces derniers mois
doivent se rassembler en un collectif large regroupant, au delà des
différences des uns et des autres et
des pré-carrés, toutes les forces humanistes de ce pays et même au delà.
Il est temps de nettoyer le miroir et de nous regarder en
face.
Une infirmière en psychiatrie ayant cessé son activité avant de vivre
cette restauration asilaire PS : * en plus de 40 ans de carrière je n'ai jamais
utilisé ou vu utilisé de camisoles (celle que j'ai pu voir sortait d'un grenier
et était mangée aux mites) tout comme les « bracelets de contention ». Les
patients mis en chambre d'isolement y était sur prescription médicale, ils
faisaient l'objet d'une surveillance accrue. La chambre d'isolement était
l'ultime recourt à certaines épisodes de crises particulièrement difficiles.
Avec la diminution du personnel son recourt est devenu de plus en plus fréquent
et de plus en plus banalisé. *Sotteville les Rouen l'un des hôpitaux
pilotes dans le mise en place de la sectorisation, là où a été prononcé le rapport Demay,
l'antithèse du discours d'Antony, est en 2010, concepteur « chanceux » d'une
formidable UMD moderne, propre, équipée de tout le matériel hight
tech dernier cri. Bonnafé chef de service durant 15 ans à Sotteville, doit se
retourner dans sa tombe. La pensée d'Alexis Carrel auteur de « l'Homme cet
inconnu » «Souvent ceux qui sont capables de réfléchir
deviennent malheureux.» "En Allemagne, le gouvernement
a pris des mesures énergiques contre l'augmentation des minorités, des aliénés,
des criminels. La situation idéale serait que chaque individu de cette sorte
soit éliminé quand il s'est montré dangereux".] etc....
«Le faible d'esprit et l'homme de génie
ne doivent pas être égaux devant la loi.»
[ «Le principe démocratique a contribué à
l'affaissement de la civilisation en empêchant le développement de l'élite.»]
[«Pour celui qui sait observer, chaque
homme porte sur sa face la description de son corps et de son âme.»]
[ "Le conditionnement des
criminels les moins dangereux par le fouet, ou par quelque autre moyen plus
scientifique, suivi d'un court séjour à l'hôpital suffirait probablement à
assurer l'ordre. Quant aux autres, ceux qui ont tué, qui ont volé à main armée,
qui ont enlevé des enfants, qui ont dépouillé les pauvres, qui ont gravement
trompé la confiance du public, un établissement euthanasique, pourvu de gaz
appropriés, permettrait d'en disposer de façon humaine et économique. Le même
traitement ne serait-il pas applicable aux fous qui ont commis des actes
criminels? Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à
l'individu sain".