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Psychiatrie et sociétés sécuritaires :

Otage, complice ou résistante ?

 

BRUMATH

27-28 Mars 2008

Haut risque de soigner

 

Résumé :

Pendant des années nous avons tous pensé : la psychiatrie est en crise.

Nous avons fait des congrès, des séminaires, des recherches sur ce thème. Nombrilisme ou myopie ?

La psychiatrie était juste un peu en avance sur le reste de la société.

Et dans cette société en crise, les plus vulnérables, les sans voix, les inaudibles, sont ceux qui souffrent le plus.

Les malades mentaux  pour lesquels avaient vu le jour des campagnes de destigmatisation commençaient à retrouver des droits fondamentaux. Or les lois de rétention, de prévention de la délinquance et autres vont leur faire subir de nouvelles formes d’enfermement, d'exclusion.

Que pouvons nous imaginer, tous ensemble pour redonner le goût de la lutte à la psychiatrie....

 

 

 

 

Mots clés : Engagement – Résistance – Sujet - Collectif

 

 

 

 

C’est un argumentaire extrêmement dense que l’APREPA nous a donné à travailler. De chaque phrase nous pouvons tirer des fils qui nous entraînent loin, très loin. Dans un premier temps nous nous sommes amusées à tout suivre… à tout explorer. Là, si vous êtes bien assis, nous pourrions vous emmener dans toutes nos errances mais le temps risque de manquer, aussi nous avons privilégié quelques chemins de traverse que nous vous proposons.

 

Psychiatrie, sociétés sécuritaires, sécurité, otage, complice et résistant ? Mettons nous tous la même chose derrière ces mots ?

 

Psychiatrie,  psukhê et latros : médecine de l’esprit…

 

La psychiatrie est censée s’occuper du diagnostic, de la prévention et du traitement des troubles mentaux qui affectent la santé mentale ou psychique de tous, de l’enfant aux personnes âgées.

La psychiatrie vient de loin, héritière directe de la médecine assyro babyloniène ou la maladie était le fait d’un péché et représentait une punition. Assimilation de folie et de faute. Après l’ère antépsychiatrique la science progresse un peu, mais reste encore l’idée que la folie est une manifestation du pêché.

 

Suit une période de psychose collective autour de la possession, de la sorcellerie, de l’hérésie et de la folie. On brûle sorcières et fous possédés par les démons. On abandonne la démonologie à la renaissance, la possession démoniaque se transforme alors en idée délirante. Arrive alors l’hôpital pour les  indigents et les fous puis ce que Foucault appelle le « grand renfermement » et le traitement moral ([1]) du siècle des lumières. Pinel, qui avait suivi les enseignements de J.B Pussin, met en évidence que les aliénés ne sont pas totalement enfermés en eux-mêmes, ce sont des êtres de raison, des personnes avec lesquelles on peut entrer en rapport, et qui sont donc susceptibles de guérison. La psychiatrie et son évolution sont collées à l’évolution des sociétés et cela n’a pas été sans heurt. Il semble que la psychiatrie ait été parfois aux avants postes de cette évolution.

 

Michel Foucault avait analysé ce qu’il nommait les sociétés disciplinaires. Ces sociétés émergentes aux 18ème, développées au 19èmes et en force jusqu’à la dernière guerre mondiale. Ce sont elles qui ont procédé aux grands espaces d’enfermement.

Dans ces sociétés, l’individu passe d’un milieu clos à un autre. Ces lieux ont chacun leurs lois, ils sont aussi leur résistance (contre pouvoir, syndicat…).

Deleuze pensait que ces sociétés ont une vie historiquement courte. Il disait qu’à terme, toutes les institutions disciplinaires sont appelées à disparaître à plus ou moins longue échéance. Un pouvoir en remplaçant un autre…

 

Les réformes ont donc tenté de détruire ces espaces d’enfermement et s’est mis en place un autre modèle de pouvoir, le contrôle.

 

Ces mécanismes de contrôle disait Foucault s’ils marquent d’abord de nouvelles libertés rivalisent ensuite avec les plus durs enfermements. Il décrivait ce nouveau pouvoir, « le contrôle » comme un monstre.

 

Deleuze fait une analyse très claire du passage de la société disciplinaire à la société de contrôle. Pour la psychiatrie,il nous disait qu’elle aurait elle-même imaginé un dispositif alternatif qui vise à soigner les patients sans les exclure dans des établissements fermés, la psychiatrie de secteur. Celle-ci dit Deleuze est un des premiers éléments souples du contrôle[2].

 

Ce sont donc les sociétés de contrôle qui poussent la porte, progressivement, mais avec force. Aux vieilles disciplines opérant dans la durée d'un système clos, se substituent des espaces ouverts et sans durée directement assignable, et avec eux, des formes ultra-rapides et souples de contrôle à l'air libre. [3]

 

 

 

Sociétés sécuritaires, société de contrôle ?

 

Pendant des années nous nous sommes tous dit : la psychiatrie est en crise. Nous avons fait des congrès, des séminaires sur ce thème. Nombrilisme ou myopie ? La psychiatrie était juste un peu en avance, elle préparait une autre crise. La société entière est entrée dans une crise, et dans une crise, les plus vulnérables, les sans voix, les inaudibles, sont ceux qui souffrent le plus. Les malades mentaux  pour lesquels avaient vu le jour des campagnes de destigmatisation commençaient à retrouver des droits fondamentaux. Or les lois de rétention, de prévention de la délinquance et autres vont leur faire subir de nouvelles formes d’enfermement, d'exclusion.

De plus, depuis l'entrée en force des principes économiques dans la gestion du domaine de la santé, comme sur un marché ordinaire, les valeurs humanistes sont en voie d'être balayées par d'autres critères dans de nombreuses régions du monde. Des intervenants sans visage s'immiscent dans le colloque singulier institué par Hippocrate. La masse critique prime sur l'individu, le contrôle prévaut sur la confidentialité, le pragmatisme écrase l'empathie, l'exclusion règne ou s'infiltre, le facteur coût, étranger à la maladie, devient déterminant dans la décision et la mise en oeuvre du processus de soins [4]

L'évolution vers une psychiatrie humaniste est interrompue faute de moyens. Elle fait place à un retour vers la précarité d'antan: entassement asilaire des éléments dangereux et indifférence à la souffrance psychique des autres. [5]

 

Le manque de moyen, c’est souvent l’argument que nous voyons poindre quand le manque de soin est dénoncé dans tel unité, tel service ! Est-ce toujours un manque de moyen ? Celui-ci ne vient-il pas étendre son ombre sur celui du manque de désir, du manque d’envie, de création, de dynamisme.

Est-ce un manque de moyen quand on oublie de sourire, de dire bonjour, de se soucier tout simplement de l’autre avant de vouloir en prendre soin. De le « prendre en charge » comme on l’entend si souvent dire !

 

 

Alors que faisons nous ? Otage, complice ou résistant ?

 

Un otage est une personne innocente retenue prisonnière et dont la vie sauve dépend d’une exigence à remplir.

Sommes nous otage d’une histoire qui nous dépasse ?  Bien sûr, il y a de nombreuses choses qui nous dépassent. Mais quand même ! La psychiatrie ne se doit-elle pas d’accompagner les changements, l’évolution ? Ne se doit-elle pas d’être devant, en 1ère ligne. Avant-gardiste. Comme à l’époque des pionniers. Avoir une pensée d’avance, ou une pensée à côté qui permettent et de comprendre la crise, et de pouvoir en donner une lecture qui puisse ouvrir des champs du possible…..

 

 

Sécurité, sécuritaire, effectivement ne pas se taire !

La dérive ne touche pas que la psychiatrie, nous sommes entrés sans y prendre garde dans une nouvelle ère, faite de suspicion, de peur de l’autre, de précaution, d’abolition de toutes violences. La sécurité est un droit que les humains réclament de plus en plus.  La société, les hommes qui la composent ont l’objectif impossible du « zéro danger » et pour cela mettent en place des politiques de « tolérance zéro ». Ils inventent une psychiatrie alliée de la justice pas tout à fait comme on avait pu l’imaginer et réinvente une sorte de « grand renfermement ».   Otage de ce que les hommes veulent pour leur sécurité !

 

En est témoin, le projet de loi "relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental", Ce projet de loi associe deux problématiques totalement indépendantes l’une de l’autre dans les faits. Elle traite de deux situations très différentes sur le plan juridique. » Le seul point commun de ces deux situations est en effet la référence au concept flou de "dangerosité".

 

 

Au nom de cette sécurité, les politiques nous proposent différents textes de loi pris dans l’urgence. L’urgence, c’est celle de l’émotion. A chaque crime odieux suit une vague émotionnelle et compassionnelle dont les politiques se servent de façon purement électoraliste. Qui irait se plaindre qu’on s’occupe des victimes ? La médiatisation extrême des faits et nous sommes bien placés en psychiatrie pour savoir le mal que cela fait à nos quotidiens soignants, nourrit des pulsions de vengeance chez n’importe quel citoyen. Mais, nous dit Robert Badinter[6], la justice ne peut se confondre avec la vengeance ni avec la compassion pour les victimes, et c’est cela qui rend son exercice si difficile.

On ne s’est pas assez inquiété des conséquences terribles de l’idéologie victimaire, où la figure de la victime se trouve sacralisée, mais aussi instrumentalisée ; elles servent ni plus ni moins d’alibi à des politiques sécuritaires et pénales de plus en plus dures ; chaque crime constitue ainsi une fenêtre d’opportunité à des lois pénales ontologiquement populistes.

 

Badinter nous dit aussi « La multiplication des lois, sans chercher à s'assurer de leur efficacité, engendre un désordre législatif préjudiciable. Trop de lois nuisent à la Loi. Quel bilan a-t-on fait de l'ensemble de ces textes ? Quelle a été l'effectivité de leurs dispositions ? On est entré dans un système où la loi devient un mode de communication politique. Ne vaudrait-il pas mieux s'assurer de sa mise en oeuvre. »

 

Au lieu de demander à la psychiatrie qui n’est pas une science exacte de dire si un homme ayant purgé sa peine va devoir être retenu pour une hypothétique dangerosité, ne devrions nous pas militer pour que se mette en place une réflexion collective et individualisée sur quel suivi, quel soins, quels possibles ?

 

Nous nous devons de dénoncer le mensonge qui consiste à laisser croire qu’il existerait une prédictivité de la "dangerosité" sociale d’un Sujet pour laquelle les experts psychiatres seraient compétents.

Et il ne saurait être question de confondre justice avec thérapie pour les victimes. La mission de soins qui devrait être celle de la psychiatrie passe ainsi au second plan, au profit d'une mission d'ordre public, permettant l'internement, sans limitation de durée et sans aucune des garanties données à un condamné de droit commun. C'est d'ailleurs sur cette confusion entre soins et ordre public qu'est fondée la loi du 30 juin1838, adoptée juste au lendemain du procès de Pierre Rivière, assassin
 de sa mère, de son frère et de sa soeur, procès qui fut l'objet de d'affrontement entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir psychiatrique naissant. L'internement psychiatrique permettait autrefois à celui qui en bénéficiait d’échapper à la peine de mort, aujourd'hui à la prison, mais au prix de sa transformation, selon la formule de Louis Althusser2, en une sorte de «mort vivant», dont il assimile le statut à celui de « disparu ».


 Permettant de maintenir la privation de liberté d'une personne au nom de sa seule dangerosité supposée, l'internement psychiatrique est d'ailleurs un outil privilégié de la prévention de la délinquance

 

Otage ou complice ?

 

Prévention : de ce mot respectable, les derniers textes de loi ont réussi à lui donner une aura négative. Tout est sous haute protection. Par exemple : imaginez un groupe cuisine, le plaisir de faire les courses au marché, ce qui dans la vie courante est plutôt un geste banal. Le plaisir de nettoyer les légumes frais, de trier les haricots, de couper les carottes. Le plaisir de casser les œufs frais, de remuer la pâte, de monter les mayonnaises ! ah ! la mayonnaise fraîche !  Manger tous ensemble le produit de notre matinée de travail qui n’a d’autres visée que celle d’un possible thérapeutique, en tout cas qui a une visée d’accompagnement certain…

 

Mais La haute loi de l’HACCP[7] est devenue notre maîtresse !

Et Il faut plus de détails, plus de tracabilité que ce soit pour le frigo, pour les aliments, pour le circuit du lavage des produits frais etc…. Le lavage des mains en dix exemplaires, La charlotte (Non, non pas celle aux fraises mais celle qui vous donnent une tête aseptisée) et puis les œufs, comment casser des œufs lyophilisés. Nos bonnes expressions en prennent un coup : comment faire une omelette sans casser des œufs.

Lyophilisons, lyophilisons c’est ce qui résulte de cette pensée « protectionniste » à outrance. Et en lyophilisant, on a arrêté de fait la plupart des groupes cuisines…

 

 

Et au nom de ce joli détournement de terme de prévention, n’est-il pas toujours en question, tel une épée de Damoclès, la création d’un fichier national automatisé des toutes les hospitalisations sous contrainte.

Nos législateurs, ou plutôt IGAS et l’inspection générale des services judiciaires, avancent que la loi du 27 juin 1990 a renouvelé l’équilibre posé par la loi du 30 juin 1838 et surtout qu’elle a accompagné l’évolution institutionnelle de la psychiatrie et celles des pratiques thérapeutiques. Entre autre disent-ils pour faciliter l’accès aux soins, il a été cherché à favoriser la réadaptation des patients notamment en légalisant la pratique des sorties à l’essai.

 

De cette facilité nous pouvons constater que les sorties à l’essai se sont multipliées et qu’elles continuent parfois durant des années. Parfois ses hospitalisations sous contrainte se définissent par rapport à une hospitalisation initiale qui n’a plus rien à voir avec le maintien d’une contrainte ambulatoire.

Sommes nous otages de cette pratique ?

Pratique qui nous implique ne serait ce qu’au travers des certificats, de leur renouvellement et bien évidemment des demandes de réintégration.

Que proposons nous pour obtenir le consentement aux soins des patients ?

Ne serions nous pas devenu complices ?

En 2003, à l’initiative du Ministère de l'intérieur, une mission conjointe de  L'Iinspection Générale de l'Administration, de l’Inspection Générale de la Police Nationale et de l’Inspection de la Gendarmerie Nationale a été chargée d’étudier les problèmes de sécurité liés aux régimes d’hospitalisation sans consentement.

Le rapport a relevé la forte augmentation des hospitalisations sous contrainte dans la période récentes [8]    parmi lesquelles les hospitalisations à la demande d’un tiers prévalent (87% des hospitalisations sous contrainte). Ces dernières ont en effet augmenté de 103% entre 1992 et 2001 (pour atteindre 62 894 mesures) tandis que les hospitalisations d’office progressaient de 45% sur la même période (9 625 mesures en 2001)

 

Nous pouvons relever que le fait des sorties à l’essai, ne permet pas aux personnes malades le libre choix de leur médecin et équipe médicale. Qu’en est-il, dans ce cas, du respect de la Loi du 4 mars 2002 ?.   

 

 

Nous avons les moyens, en tant que soignant des services de psychiatrie et nous pouvons nous positionner contre toute préconisation de soins sous contrainte en ambulatoire, porte ouverte à toutes les dérives, dont chaque citoyen doit être protégé.

 

Résistant à la judiciarisation, la France, par la loi du 27 juin 1990 n’a accompagné que de façon partielle les progrès et les modalités modernes de soins. Le retrait, en novembre 2006, des articles 18 à 24 du projet de loi relative à la prévention de la délinquance, a écarté une vision dominée par les préoccupations sécuritaires. La réforme attendue par les usagers et les professionnels consisterait à alléger les procédures de soins sans consentement, qui sont généralement mises en œuvre dans l’urgence.

 

On nous demande de Traiter voir de Guérir…

 

Actuellement le traitement est principalement axé sur la chimiothérapie, dans une alliance de plus en plus prégnante avec les laboratoires. Et là, complices , oui nous le sommes.

 

Un cri d'alarme sur l'usage excessif des médicaments psychotropes.(tranquillisants, antidépresseurs, etc.) a été lancé depuis plus de 10ans en France, qui reste le plus gros consommateur européen en ce domaine. "On peut s'interroger sur la légitimité de la référence exclusivement médicale en psychiatrie et sur les dangers d'une attitude qui consiste à traiter seulement les symptômes et uniquement par des médicaments. Les caractéristiques de l'être humain sont ainsi rabotées que l'on évacue purement et simplement le sens des symptômes, propres à chacun, et le contexte relationnel, générateur de tant de difficultés. De même des abus d'une médicalisation de toute souffrance morale individuelle induite par les difficultés sociales, existentielles, relationnelles et économiques qui marquent si cruellement notre époque. La médecine ne peut être la seule réponse aux malaises d'une société."[9]

Et pourtant, nous en sommes en 2008 à nous interroger sur la surconsommation qui touche aujourd’hui les adolescents et même les enfants, tel qu’en témoigne les dernières publications de l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé).

Le Lexomil® et le Prozac® font souvent partie de l'ordinaire des jeunes dans une banalisation de la prescription, quelle soit d’ailleurs médical ou familial. Banalisation, comme si la seule réponse possible au mal-être et à l'anxiété suscités par les modifications de tous ordres enregistrées à l'âge de l'adolescence : problèmes sentimentaux, familiaux, examens, échecs, premier boulot… se nichait au cœur des petites pilules achetées en pharmacie. Les discours lénifiants et rassurants sur l'innocuité des substances psychotropes en ont facilité l'usage et ont conduit à leur banalisation.

Il existe une pression permanente subie par les adolescents émanant des parents, des profs, de la société toute entière, " pour arriver, pour réussir ",  pression qu'ils finissent par se mettre eux-mêmes  et qui occasionne un stress profondément destructeur.  Du coup Ils veulent et cherchent quelque chose, qui dans l'instant, peu importe d'ailleurs de quoi il s'agit, l'important est qu'ils arrêtent tout de suite d'avoir mal ou d'être mal. Exigence à gérer en urgence absolue tous les bobos de l'existence.

 

Mais n’est-il pas chez les adolescents, comme chez les adultes plus facile de prescrire, plutôt que prendre du temps pour déplier, détricoter et retricoter une histoire.

Prendre le temps de ne pas avoir de solution. Prendre le temps de ne pas avoir de réponse, juste celle d’être là à côté et surtout sans savoir que faire ! Sauf d’être là !

Evitons de fabriquer du soin orthopédique. Une prothèse pour chaque souffrance. Une solution à tous problèmes

 

Des pilules du bonheur à celle luttant contre la Ménopause ou même l’andropause, qui notons le n’est qu’une élucubration permettant de mieux vendre le Viagra.

 

Complices, des firmes pharmaceutiques, oui nous le sommes

Comment oublier les dissimulations faites par la firme pharmaceutique Eli Lilly qui avait tenté de minorer les ­effets secondaires d'un de ses médicaments vedettes, le Zyprexa. Le Zyprexa, c'est la star des antipsychotiques de nouvelle génération. Il s’est imposé ces 10 dernières années comme « le » médicament pour les psychotiques.

En ­novembre 1999 Le Dr Alan Breier, directeur médical de la firme,  écrit dans un courriel interne à des employés que : « Le gain de poids et l'hyperglycémie associés à l'olanzapine sont des menaces majeures au succès à long terme de cette molécule d'une importance capitale.» Et oui ! Le second effet indésirable sérieux de ce médicament est l'augmentation du sucre dans le sang.

« L'association américaine des diabétiques et des diabétologues avaient dès 1996 averti de ce risque. En 2000, un groupe de médecins a mis en garde la firme que la situation « pourrait devenir plus sérieuse que nous ne l'anticipons ». Eli Lilly a constamment nié tout lien de causalité entre la prise de Zyprexa et la survenue d'un diabète. Mais des documents du marketing d'Eli Lilly en 2000 et 2001 soulignaient que les psychiatres relevaient plus souvent ces deux complications avec le Zyprexa qu'avec d'autres psychotropes. »[10]

Oui mais cela serait sans compter la machine commerciale et celle des grands labos qui est particulièrement efficace. (Nous pouvons noter que la place leur est laissée !) Et d’un point de vue économique les nouveaux anti psychotiques ont un avantage et non des moindre, ils se vendent au moins dix fois plus cher que les précédents.

La firme ne reculera devant rien, elle va lancer une campagne baptisée «Viva Zyprexa» pour suggérer la prescription du médicament aux personnes âgées ayant des symptômes de démence. Pourtant, la Food and Drug Administration a déjà publié un avertissement, notant qu' «il augmente le risque de décès» chez ces patients.

 

Pouvons nous nous dire toujours otages quand nous savons ?

 

 

Sommes nous des résistants ? Nous devons nous de l’être ?

 

Certes nous pouvons combattre, ce que beaucoup d’entre nous font encore pour contrecarrer ces positions politiques.

Combattre par des mots, par des textes, par des prises de position, par des façons de travailler. Par notre capacité à transmettre. Nous qui avons laissé les laboratoires devenir les principales sources de formation des jeunes médecins.

 

Il nous faut aussi et surtout garder, conserver, entretenir notre capacité d’indignation. Résister c’est aussi et avant tout s’indigner.

Encore faudrait-il retrouver le goût du collectif. Retrouvons le plaisir de travailler en équipe, d’apprendre de tous et de chacun et d’inventer de nouvelles modalités de soins.
Gardons ou retrouvons l’envie de travailler au plus près des gens. Pour cela, pensons à ne plus parler le psy…. Vous savez, notre sabir incompréhensible !

Il y a toujours eu chez les soignants de psychiatrie une opacification du discours. Les médias d’ailleurs ne s’y sont pas trompés quand ils mettent en exergue des dires de psy. Et parfois les réponses amenées sont in-entendables

Sandrine Bonnaire  dans son film-documentaire sur l’histoire de sa sœur, "Elle s'appelle Sabine", dénonce sans calomnie la psychiatrie en France. Elle montre à quel point la prise en charge de sa sœur n'était pas adaptée, et la famille livrée à elle-même. Trop de médicaments, trop d'isolement, que les médecins ont justifié. " Ce n’est pas l’hôpital qui l’a rendu malade…", a affirmé le Dr Brehier, psychiatre aux Murets, où Sabine a passé plusieurs années, Il reconnaît tout de même : "L’hôpital psychiatrique, c’est le lieu de toutes les grosses misères. Il n’y a que deux à trois infirmiers en permanence pour 25 malades. On fait aussi ce qu’on peut avec ce qu’on a".

Tout cela ne serait qu’une fatalité à entendre de tel propos ! Là encore c’est la faute de pas de moyens ! Et pourtant je ne peux m’empêcher d’écouter les propos de Sandrine Bonnaire : "Ce n’est pas de la colère que je ressens, c’est de la tristesse. Les réponses que l’on nous a données, non, elles ne nous ont rien appris."

Quelle écoute apportons nous ? Quelle réponse donnons nous ?

Ne sommes nous pas responsables des messages que nous laissons passer

Quel lien établissons-nous avec les patients, les familles ?

Nous protègerions nous derrière Un rempart à l’accent d’un certain scientisme

Une difficulté à donner des réponses ?

Et pourtant, nous le savons tous, parfois afficher et affirmer son incompréhension, sa difficulté, permet d’aider l’autre dans son propre cheminement.. Encore faut-il considérer l’Autre comme un sujet.

 


Conclusion 

 

Cette civilisation asservie au management, où il n’y a que le chiffre qui compte a produit un exil de l’humain. Ne devons nous pas, justement nous  revendiquer d’une clinique du sujet ?

L’homme se trouve transformé en une petite entreprise de production de comportements, ouverte à la performance et à la compétition. La gestion capitaliste du risque individualisé rompt avec les principes de solidarité sociale. La pratique de la santé est ainsi modifiée jusqu’aux confins de l’intime. « Le monde au cauchemar d’une administration rationnelle et scientifique de la vie : une nouvelle crise éthique de la civilisation est à craindre. La référence à Michel Foucault oriente la réflexion sur la psychiatrie qui s’éloigne de la folie pour devenir le domaine de toutes les conduites possibles et privilégier l’expert. Alors que la psychanalyse avait soustrait la folie et les déviances au champ du déficit : le concept de handicap consacre le retour de l’exclusion. Là encore un changement anthropologique survient : nous passons d’une civilisation dépressive fondée sur la faute à une civilisation de la paranoïa envers soi-même dans laquelle l’individu se trouve invité à dépister les signes qui le menacent et dont il est à la fois la victime et le suspect. »[11]

 

Il s'agit aujourd’hui de protéger les valeurs qui s'attachent, par-delà les normes scientifiques -et aujourd'hui économiques-, à restituer au sujet souffrant mentalement sa liberté de vivre, de travailler, d'aimer et de s'insérer dans une société ouverte [12][5].  

 

Et  pour clore notre propos, de vous faire partager cette réflexion de William Faulkner : « Le suprême degré de la sagesse est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu'on les poursuit. »

 

 

 

Isabelle Aubard

@Marie Leyreloup

Infirmières de Secteur Psychiatrique - Cadres de Santé

Association Serpsy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] (qui signifie l'usage de méthodes engageant directement l'intellect et les émotions)

[2] http://pargesperso-orange.fr/philippe.zarifian/page111.htm

[3]  http://pagesperso-orange.fr/philippe.zarifian/page111.htm

[4] http://www.geneva-prize.ch/index.html

[5]  Ibid

[6]  http://www.lemonde.fr/societe/article/2007/09/08/robert-badinter-ne-pas-confondre-justice-et-therapie_952825_3224.html

[7] Hazard Analysis Critical Contrôl Point

[8]

[9] E. ZARIFIAN Editions Odile Jacob - Sept. 1996 – 282

[10] Une firme pharmaceutique accusée de dissimulation, JEAN-MICHEL BADER, 15/10/2007

[11] Hervé Hubert, psychiatre, psychanalyste, Tribune libre L'Humanité : « Comment la perte de l’intime guette l’homme de la performance économique »

 

 

 


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