Psychiatrie
et sociétés sécuritaires :
Otage,
complice ou résistante ?
BRUMATH
27-28
Mars 2008
Haut risque de soigner
Résumé :
Pendant des années nous avons tous
pensé : la psychiatrie est en crise. Nous avons fait des congrès, des séminaires,
des recherches sur ce thème. Nombrilisme ou myopie ? La psychiatrie était juste un peu en avance
sur le reste de la société. Et dans cette société en crise, les plus
vulnérables, les sans voix, les inaudibles, sont ceux qui souffrent le plus. Les malades mentaux pour lesquels avaient vu le jour des
campagnes de destigmatisation commençaient à retrouver des droits
fondamentaux. Or les lois de rétention, de prévention de la délinquance et
autres vont leur faire subir de nouvelles formes d’enfermement, d'exclusion. Que pouvons nous imaginer, tous ensemble pour
redonner le goût de la lutte à la psychiatrie.... |
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Mots clés : Engagement – Résistance
– Sujet - Collectif
C’est un argumentaire extrêmement dense que
l’APREPA nous a donné à travailler. De chaque phrase nous pouvons tirer des
fils qui nous entraînent loin, très loin. Dans un premier temps nous nous
sommes amusées à tout suivre… à tout explorer. Là, si vous êtes bien assis,
nous pourrions vous emmener dans toutes nos errances mais le temps risque de
manquer, aussi nous avons privilégié quelques chemins de traverse que nous vous
proposons.
Psychiatrie, sociétés sécuritaires, sécurité,
otage, complice et résistant ? Mettons nous tous la même chose derrière
ces mots ?
Psychiatrie,
psukhê et latros : médecine de l’esprit…
La psychiatrie est censée s’occuper du
diagnostic, de la prévention et du traitement des troubles mentaux qui
affectent la santé mentale ou psychique de tous, de l’enfant aux personnes
âgées.
La psychiatrie vient de loin, héritière directe
de la médecine assyro babyloniène ou la maladie était le fait d’un péché et
représentait une punition. Assimilation de folie et de faute. Après l’ère
antépsychiatrique la science progresse un peu, mais reste encore l’idée que la
folie est une manifestation du pêché.
Suit une période de psychose collective autour
de la possession, de la sorcellerie, de l’hérésie et de la folie. On brûle
sorcières et fous possédés par les démons. On abandonne la démonologie à la
renaissance, la possession démoniaque se transforme alors en idée délirante.
Arrive alors l’hôpital pour les
indigents et les fous puis ce que Foucault appelle le « grand
renfermement » et le traitement moral ([1])
du siècle des lumières. Pinel, qui avait suivi
les enseignements de J.B Pussin, met en
évidence que les aliénés ne sont pas totalement enfermés en eux-mêmes, ce sont
des êtres de raison, des personnes avec lesquelles on peut entrer en rapport,
et qui sont donc susceptibles de guérison. La psychiatrie et son évolution sont collées
à l’évolution des sociétés et cela n’a pas été sans heurt. Il semble que la
psychiatrie ait été parfois aux avants postes de cette évolution.
Michel Foucault avait analysé ce qu’il nommait
les sociétés disciplinaires. Ces sociétés émergentes aux 18ème,
développées au 19èmes et en force jusqu’à la dernière guerre mondiale. Ce sont
elles qui ont procédé aux grands espaces d’enfermement.
Dans ces sociétés, l’individu passe d’un milieu
clos à un autre. Ces lieux ont chacun leurs lois, ils sont aussi leur résistance
(contre pouvoir, syndicat…).
Deleuze pensait que ces sociétés ont une vie
historiquement courte. Il disait qu’à terme, toutes les institutions
disciplinaires sont appelées à disparaître à plus ou moins longue échéance. Un
pouvoir en remplaçant un autre…
Les réformes ont donc tenté de détruire ces
espaces d’enfermement et s’est mis en place un autre modèle de pouvoir, le
contrôle.
Ces mécanismes de contrôle disait Foucault
s’ils marquent d’abord de nouvelles libertés rivalisent ensuite avec les plus
durs enfermements. Il décrivait ce nouveau pouvoir, « le contrôle »
comme un monstre.
Deleuze fait une analyse très claire du passage
de la société disciplinaire à la société de contrôle. Pour la psychiatrie,il
nous disait qu’elle aurait elle-même imaginé un dispositif alternatif qui vise
à soigner les patients sans les exclure dans des établissements fermés, la
psychiatrie de secteur. Celle-ci dit Deleuze est un des premiers éléments
souples du contrôle[2].
Ce
sont donc les sociétés de contrôle qui poussent la porte, progressivement, mais
avec force. Aux vieilles disciplines opérant dans la durée d'un système clos,
se substituent des espaces ouverts et sans durée directement assignable, et
avec eux, des formes ultra-rapides et souples de contrôle à l'air libre. [3]
Sociétés sécuritaires, société de
contrôle ?
Pendant des années nous nous sommes tous
dit : la psychiatrie est en crise. Nous avons fait des congrès, des
séminaires sur ce thème. Nombrilisme ou myopie ? La psychiatrie était
juste un peu en avance, elle préparait une autre crise. La société entière est
entrée dans une crise, et dans une crise, les plus vulnérables, les sans voix,
les inaudibles, sont ceux qui souffrent le plus. Les malades mentaux pour lesquels avaient vu le jour des campagnes
de destigmatisation commençaient à retrouver des droits fondamentaux. Or les
lois de rétention, de prévention de la délinquance et autres vont leur faire
subir de nouvelles formes d’enfermement, d'exclusion.
De
plus, depuis l'entrée en force des principes économiques dans la gestion du
domaine de la santé, comme sur un marché ordinaire, les valeurs humanistes sont
en voie d'être balayées par d'autres critères dans de nombreuses régions du
monde. Des intervenants sans visage s'immiscent dans le colloque singulier
institué par Hippocrate. La masse critique prime sur l'individu, le contrôle
prévaut sur la confidentialité, le pragmatisme écrase l'empathie, l'exclusion
règne ou s'infiltre, le facteur coût, étranger à la maladie, devient
déterminant dans la décision et la mise en oeuvre du processus de soins [4]
L'évolution
vers une psychiatrie humaniste est interrompue faute de moyens. Elle fait place
à un retour vers la précarité d'antan: entassement asilaire des éléments
dangereux et indifférence à la souffrance psychique des autres. [5]
Le
manque de moyen, c’est souvent l’argument que nous voyons poindre quand le
manque de soin est dénoncé dans tel unité, tel service ! Est-ce toujours
un manque de moyen ? Celui-ci ne vient-il pas étendre son ombre sur celui
du manque de désir, du manque d’envie, de création, de dynamisme.
Est-ce
un manque de moyen quand on oublie de sourire, de dire bonjour, de se soucier
tout simplement de l’autre avant de vouloir en prendre soin. De le
« prendre en charge » comme on l’entend si souvent dire !
Alors
que faisons nous ? Otage, complice ou résistant ?
Un otage est une personne innocente retenue
prisonnière et dont la vie sauve dépend d’une exigence à remplir.
Sommes nous otage d’une histoire qui nous
dépasse ? Bien sûr, il y a de
nombreuses choses qui nous dépassent. Mais quand même ! La psychiatrie ne se doit-elle pas d’accompagner les
changements, l’évolution ? Ne se doit-elle pas d’être devant, en 1ère
ligne. Avant-gardiste. Comme à l’époque des pionniers. Avoir une pensée d’avance,
ou une pensée à côté qui permettent et de comprendre la crise, et de pouvoir en
donner une lecture qui puisse ouvrir des champs du possible…..
Sécurité, sécuritaire, effectivement ne pas se
taire !
La dérive ne touche pas que la psychiatrie, nous
sommes entrés sans y prendre garde dans une nouvelle ère, faite de suspicion,
de peur de l’autre, de précaution, d’abolition de toutes violences. La sécurité
est un droit que les humains réclament de plus en plus. La société, les hommes qui la composent ont
l’objectif impossible du « zéro danger » et pour cela mettent en
place des politiques de « tolérance zéro ». Ils inventent une
psychiatrie alliée de la justice pas tout à fait comme on avait pu l’imaginer
et réinvente une sorte de « grand renfermement ». Otage de ce que les hommes veulent pour leur
sécurité !
En est témoin, le projet de loi "relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental", Ce projet de loi associe deux
problématiques totalement indépendantes l’une de l’autre dans les faits. Elle traite
de deux situations très différentes sur le plan juridique. » Le seul
point commun de ces deux situations est en effet la référence au concept flou
de "dangerosité".
Au nom de cette sécurité, les politiques nous
proposent différents textes de loi pris dans l’urgence. L’urgence, c’est celle
de l’émotion. A chaque crime odieux suit une vague émotionnelle et
compassionnelle dont les politiques se servent de façon purement électoraliste.
Qui irait se plaindre qu’on s’occupe des victimes ? La médiatisation
extrême des faits et nous sommes bien placés en psychiatrie pour savoir le mal
que cela fait à nos quotidiens soignants, nourrit des pulsions de vengeance
chez n’importe quel citoyen. Mais, nous dit Robert Badinter[6],
la justice ne peut se confondre avec la vengeance ni avec la compassion pour
les victimes, et c’est cela qui rend son exercice si difficile.
On
ne s’est pas assez inquiété des conséquences terribles de l’idéologie
victimaire, où la figure de la victime se trouve sacralisée, mais aussi
instrumentalisée ; elles servent ni plus ni moins d’alibi à des politiques
sécuritaires et pénales de plus en plus dures ; chaque crime constitue
ainsi une fenêtre d’opportunité à des lois pénales ontologiquement populistes.
Badinter nous dit aussi « La multiplication des lois, sans chercher à s'assurer
de leur efficacité, engendre un désordre législatif préjudiciable. Trop de lois
nuisent à
Au lieu de demander à la psychiatrie qui n’est
pas une science exacte de dire si un homme ayant purgé sa peine va devoir être
retenu pour une hypothétique dangerosité, ne devrions nous pas militer pour que
se mette en place une réflexion collective et individualisée sur quel suivi,
quel soins, quels possibles ?
Nous
nous devons de dénoncer le mensonge qui consiste à laisser croire qu’il
existerait une prédictivité de la "dangerosité" sociale d’un Sujet
pour laquelle les experts psychiatres seraient compétents.
Et
il ne saurait être question de confondre justice avec thérapie pour les
victimes. La mission de soins qui devrait être celle de la psychiatrie passe
ainsi au second plan, au profit d'une mission d'ordre public, permettant
l'internement, sans limitation de durée et sans aucune des garanties données à
un condamné de droit commun. C'est d'ailleurs sur cette confusion entre soins
et ordre public qu'est fondée la loi du 30 juin1838, adoptée juste au lendemain
du procès de Pierre Rivière, assassin
de sa mère, de son frère et de sa soeur,
procès qui fut l'objet de d'affrontement entre le pouvoir judiciaire et le
pouvoir psychiatrique naissant. L'internement psychiatrique permettait
autrefois à celui qui en bénéficiait d’échapper à la peine de mort, aujourd'hui
à la prison, mais au prix de sa transformation, selon la formule de Louis
Althusser2, en une sorte de «mort vivant», dont il assimile le statut à celui
de « disparu ».
Permettant de maintenir la privation de
liberté d'une personne au nom de sa seule dangerosité supposée, l'internement
psychiatrique est d'ailleurs un outil privilégié de la prévention de la
délinquance
Otage ou complice ?
Prévention : de ce mot respectable, les
derniers textes de loi ont réussi à lui donner une aura négative. Tout est sous
haute protection. Par exemple : imaginez un groupe cuisine, le plaisir de
faire les courses au marché, ce qui dans la vie courante est plutôt un geste
banal. Le plaisir de nettoyer les légumes frais, de trier les haricots, de
couper les carottes. Le plaisir de casser les œufs frais, de remuer la pâte, de
monter les mayonnaises ! ah ! la mayonnaise fraîche ! Manger tous ensemble le produit de notre
matinée de travail qui n’a d’autres visée que celle d’un possible
thérapeutique, en tout cas qui a une visée d’accompagnement certain…
Mais La haute loi de l’HACCP[7]
est devenue notre maîtresse !
Et Il faut plus de détails, plus de tracabilité
que ce soit pour le frigo, pour les aliments, pour le circuit du lavage des
produits frais etc…. Le lavage des mains en dix exemplaires, La charlotte (Non,
non pas celle aux fraises mais celle qui vous donnent une tête aseptisée) et
puis les œufs, comment casser des œufs lyophilisés. Nos bonnes expressions en
prennent un coup : comment faire une omelette sans casser des œufs.
Lyophilisons, lyophilisons c’est ce qui résulte
de cette pensée « protectionniste » à outrance. Et en lyophilisant,
on a arrêté de fait la plupart des groupes cuisines…
Et au nom de ce joli détournement de terme de
prévention, n’est-il pas toujours en question, tel une épée de Damoclès, la
création d’un fichier national automatisé des toutes les hospitalisations sous
contrainte.
Nos
législateurs, ou plutôt IGAS et l’inspection générale des services judiciaires,
avancent que la loi du 27 juin
De
cette facilité nous pouvons constater que les sorties à l’essai se sont
multipliées et qu’elles continuent parfois durant des années. Parfois ses
hospitalisations sous contrainte se définissent par rapport à une
hospitalisation initiale qui n’a plus rien à voir avec le maintien d’une
contrainte ambulatoire.
Sommes
nous otages de cette pratique ?
Pratique
qui nous implique ne serait ce qu’au travers des certificats, de leur
renouvellement et bien évidemment des demandes de réintégration.
Que
proposons nous pour obtenir le consentement aux soins des patients ?
Ne
serions nous pas devenu complices ?
En 2003, à
l’initiative du Ministère de l'intérieur, une mission conjointe de L'Iinspection Générale de l'Administration,
de l’Inspection Générale de
Le rapport a
relevé la forte augmentation des hospitalisations sous contrainte dans la
période récentes [8] parmi lesquelles les hospitalisations à la
demande d’un tiers prévalent (87% des hospitalisations sous contrainte). Ces
dernières ont en effet augmenté de 103% entre 1992 et 2001 (pour atteindre
62 894 mesures) tandis que les hospitalisations d’office progressaient de
45% sur la même période (9 625 mesures en 2001)
Nous
pouvons relever que le fait des sorties à l’essai, ne permet pas aux personnes
malades le libre choix de leur médecin et équipe médicale. Qu’en est-il, dans
ce cas, du respect de
Nous avons les moyens,
en tant que soignant des services de psychiatrie et nous pouvons nous
positionner contre toute préconisation
de soins sous contrainte en ambulatoire, porte ouverte à toutes les dérives,
dont chaque citoyen doit être protégé.
Résistant à la judiciarisation,
On nous demande de Traiter voir de Guérir…
Actuellement le traitement est principalement
axé sur la chimiothérapie, dans une
alliance de plus en plus prégnante avec les laboratoires. Et là, complices , oui
nous le sommes.
Un
cri d'alarme sur l'usage excessif des médicaments
psychotropes.(tranquillisants, antidépresseurs, etc.) a été lancé depuis plus
de 10ans en France, qui reste le plus gros consommateur européen en ce domaine.
"On peut s'interroger sur la légitimité de la référence exclusivement
médicale en psychiatrie et sur les dangers d'une attitude qui consiste à
traiter seulement les symptômes et uniquement par des médicaments. Les
caractéristiques de l'être humain sont ainsi rabotées que l'on évacue purement
et simplement le sens des symptômes, propres à chacun, et le contexte
relationnel, générateur de tant de difficultés. De même des abus d'une
médicalisation de toute souffrance morale individuelle induite par les
difficultés sociales, existentielles, relationnelles et économiques qui
marquent si cruellement notre époque. La médecine ne peut être la seule réponse
aux malaises d'une société."[9]
Et
pourtant, nous en sommes en 2008 à nous interroger sur la surconsommation qui
touche aujourd’hui les adolescents et même les enfants, tel qu’en témoigne les
dernières publications de l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des
Produits de Santé).
Le Lexomil® et le Prozac® font souvent partie de
l'ordinaire des jeunes dans une banalisation de la prescription, quelle soit
d’ailleurs médical ou familial. Banalisation, comme si la seule réponse
possible au mal-être et à l'anxiété suscités par les modifications de tous
ordres enregistrées à l'âge de l'adolescence : problèmes sentimentaux, familiaux,
examens, échecs, premier boulot… se nichait au cœur des petites pilules
achetées en pharmacie. Les discours lénifiants et rassurants sur l'innocuité
des substances psychotropes en ont facilité l'usage et ont conduit à leur
banalisation.
Il existe une pression permanente subie par les
adolescents émanant des parents, des profs, de la société toute entière, "
pour arriver, pour réussir ",
pression qu'ils finissent par se mettre eux-mêmes et qui occasionne un stress profondément
destructeur. Du coup Ils veulent et
cherchent quelque chose, qui dans l'instant, peu importe d'ailleurs de quoi il
s'agit, l'important est qu'ils arrêtent tout de suite d'avoir mal ou d'être
mal. Exigence à gérer en urgence absolue tous les bobos de l'existence.
Mais
n’est-il pas chez les adolescents, comme chez les adultes plus facile de
prescrire, plutôt que prendre du temps pour déplier, détricoter et retricoter une
histoire.
Prendre
le temps de ne pas avoir de solution. Prendre le temps de ne pas avoir de
réponse, juste celle d’être là à côté et surtout sans savoir que faire !
Sauf d’être là !
Evitons
de fabriquer du soin orthopédique. Une prothèse pour chaque souffrance. Une
solution à tous problèmes
Des
pilules du bonheur à celle luttant contre
Complices,
des firmes pharmaceutiques, oui nous le sommes
Comment
oublier les dissimulations faites par la firme pharmaceutique Eli Lilly qui
avait tenté de minorer les effets secondaires d'un de ses médicaments
vedettes, le Zyprexa. Le Zyprexa, c'est la star des antipsychotiques de
nouvelle génération. Il s’est imposé ces 10 dernières années comme
« le » médicament pour les psychotiques.
En
novembre 1999 Le Dr Alan Breier, directeur médical de la
firme, écrit dans un courriel interne à
des employés que : « Le gain de poids et l'hyperglycémie
associés à l'olanzapine sont des menaces majeures au succès à long terme de
cette molécule d'une importance capitale.» Et oui ! Le second effet
indésirable sérieux de ce médicament est l'augmentation du sucre dans le sang.
« L'association
américaine des diabétiques et des diabétologues avaient dès 1996 averti de ce
risque. En 2000, un groupe de médecins a mis en garde la firme que la situation
« pourrait devenir plus sérieuse que nous ne l'anticipons ».
Eli Lilly a constamment nié tout lien de causalité entre la prise de Zyprexa et
la survenue d'un diabète. Mais des documents du marketing d'Eli Lilly en 2000
et 2001 soulignaient que les psychiatres relevaient plus souvent ces deux
complications avec le Zyprexa qu'avec d'autres psychotropes. »[10]
Oui
mais cela serait sans compter la machine commerciale et celle des grands labos
qui est particulièrement efficace. (Nous pouvons noter que la place leur est
laissée !) Et d’un point de vue économique les nouveaux anti psychotiques
ont un avantage et non des moindre, ils se vendent au moins dix fois plus cher
que les précédents.
La
firme ne reculera devant rien, elle va lancer une campagne baptisée «Viva
Zyprexa» pour suggérer la prescription du médicament aux personnes âgées ayant
des symptômes de démence. Pourtant,
Pouvons
nous nous dire toujours otages quand nous savons ?
Sommes nous des résistants ? Nous devons
nous de l’être ?
Certes nous pouvons combattre, ce que beaucoup
d’entre nous font encore pour contrecarrer ces positions politiques.
Combattre par des mots, par des textes, par des
prises de position, par des façons de travailler. Par notre capacité à
transmettre. Nous qui avons laissé les laboratoires devenir les principales
sources de formation des jeunes médecins.
Il
nous faut aussi et surtout garder, conserver, entretenir notre capacité
d’indignation. Résister c’est aussi et avant tout s’indigner.
Encore faudrait-il retrouver le goût du
collectif. Retrouvons le plaisir de travailler en équipe, d’apprendre de tous
et de chacun et d’inventer de nouvelles modalités de soins.
Gardons ou retrouvons l’envie de travailler au plus près des gens. Pour cela,
pensons à ne plus parler le psy…. Vous savez, notre sabir
incompréhensible !
Il
y a toujours eu chez les soignants de psychiatrie une opacification du discours.
Les médias d’ailleurs ne s’y sont pas trompés quand ils mettent en exergue des
dires de psy. Et parfois les réponses amenées sont in-entendables
Quelle
écoute apportons nous ? Quelle réponse donnons nous ?
Ne
sommes nous pas responsables des messages que nous laissons passer
Quel
lien établissons-nous avec les patients, les familles ?
Nous
protègerions nous derrière Un rempart à l’accent d’un certain scientisme
Une
difficulté à donner des réponses ?
Et
pourtant, nous le savons tous, parfois afficher et affirmer son incompréhension,
sa difficulté, permet d’aider l’autre dans son propre cheminement.. Encore
faut-il considérer l’Autre comme un sujet.
Conclusion
Cette
civilisation asservie au management, où il n’y a que le chiffre qui compte a
produit un exil de l’humain. Ne devons nous pas, justement nous
revendiquer d’une clinique du sujet ?
L’homme
se trouve transformé en une petite entreprise de production de comportements,
ouverte à la performance et à la compétition. La gestion capitaliste du risque
individualisé rompt avec les principes de solidarité sociale. La pratique de la
santé est ainsi modifiée jusqu’aux confins de l’intime. « Le monde au
cauchemar d’une administration rationnelle et scientifique de la vie : une
nouvelle crise éthique de la civilisation est à craindre. La référence à Michel
Foucault oriente la réflexion sur la psychiatrie qui s’éloigne de la folie pour
devenir le domaine de toutes les conduites possibles et privilégier l’expert.
Alors que la psychanalyse avait soustrait la folie et les déviances au champ du
déficit : le concept de handicap consacre le retour de l’exclusion. Là
encore un changement anthropologique survient : nous passons d’une
civilisation dépressive fondée sur la faute à une civilisation de la paranoïa
envers soi-même dans laquelle l’individu se trouve invité à dépister les signes
qui le menacent et dont il est à la fois la victime et le suspect. »[11]
Il
s'agit aujourd’hui de protéger les valeurs qui s'attachent, par-delà les normes
scientifiques -et aujourd'hui économiques-, à restituer au sujet souffrant
mentalement sa liberté de vivre, de travailler, d'aimer et de s'insérer dans
une société ouverte [12][5].
Et pour clore notre propos, de vous faire
partager cette réflexion de William Faulkner : « Le suprême degré de la sagesse
est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue pendant
qu'on les poursuit. »
Isabelle Aubard
@Marie Leyreloup
Infirmières de Secteur Psychiatrique - Cadres de Santé
Association Serpsy
[1] (qui signifie l'usage de méthodes engageant directement l'intellect et les émotions)
[2] http://pargesperso-orange.fr/philippe.zarifian/page111.htm
[3] http://pagesperso-orange.fr/philippe.zarifian/page111.htm
[4] http://www.geneva-prize.ch/index.html
[5]
Ibid
[6]
http://www.lemonde.fr/societe/article/2007/09/08/robert-badinter-ne-pas-confondre-justice-et-therapie_952825_3224.html
[7] Hazard Analysis Critical Contrôl Point
[9] E. ZARIFIAN Editions Odile Jacob - Sept. 1996 – 282
[11] Hervé Hubert, psychiatre,
psychanalyste, Tribune libre L'Humanité : « Comment la perte de
l’intime guette l’homme de la performance économique »