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Retour à Billet d'humeur

Je suis vieux (30 ans d’exercice bientôt), peu mobile (27 ans dans le même établissement), un peu sourd, mes lombaires sont un peu écrasées et mon coccyx en hameçon, autant dire que ce billet d’humeur est plus un billet d’humeur mélancolique que de mauvaise humeur.

 

Je viens de remplir un questionnaire généreusement joint à mon bulletin de salaire, une sorte de cadeau Bonux auquel j’eusse préféré une prime confortable, questionnaire de satisfaction au travail porté par Dame Qualité… Et à ma grande surprise j’ai quasiment coché partout que j’étais satisfait tant il est vrai qu’il suffit de ne pas poser les bonnes questions pour obtenir de bonnes réponses.

 

La seule rubrique où j’ai vraiment fait preuve d’insatisfaction est celle du « management médical » du pôle, dirigé par un incompétent notoire…. Moi.

 

Je ne suis pas mécontent des locaux, certains sont vétustes et trop petit mais j’ai franchement connu bien pire, le matériel est correct et les gens qui l’entretiennent diligents et compétents, mes horaires et mes congés me conviennent, motivation et ambiance sont bonnes même si mon « épanouissement personnel au travail » laisse à désirer, les gens avec qui je travaille sont biens et je m’entends bien avec eux (je le crois en tout cas) qu’il s’agisse d’administratif ou de soignants, la gestion des risques même si j’aimerais qu’on parle un peu d’autre chose me parait satisfaisante, l’informatique marche assez bien et les informaticiens font ce qu’ils peuvent pour ne pas trop nous pourrir la vie, l’information circule bien même si elle est souvent sans intérêt majeur, le management (exception faite de moi) me parait de bonne qualité dans l’organisation comme dans la relation.

 

Bien sur j’ai fait part de mon insatisfaction concernant les effectifs, pas assez de tout au regard de files actives croissantes, de populations desservies en hausse croissante avec des moyens en baisse croissante, de missions en expansion constante, de la souffrance psychique aux exclus en passant par les suicidants et les suicidés, l’accompagnement des malades, des mourants, des familles, des catastrophes… Un patient me disait hier : « il parait même que les psychiatres vous consultent » (étonnant non ?). J’en oublie certainement mais ça fait 30 ans que ça dure, 16 ans que je gère, mal certes puisque la pénurie est restée la pénurie, mais 16 ans où j’ai bien compris que ce discours ne menait de toute façon à rien de concret.

 

Qu’est ce qui explique donc ce désenchantement croissant, cette insatisfaction notoire, cette perte de plaisir au travail qui me fait régulièrement penser à aller élever des chèvres dans la Lozère (je vous rassure mon banquier s’y oppose).

 

Ce qui manque dans ce questionnaire dédié au personnel d’un hôpital public, c’est que nulle part il n’est fait mention des soins. On parle bien de Management, de Qualité et surement de norme ISO, de protocoles (des amis malveillants et un peu sourds entendent régulièrement proctologue, mais allez savoir quel sens peut avoir un tel lapsus auditif). Le Dernier conseil du DIM nous a passé un Diaporama où le terme Productivité apparaissait en titre à chaque page. Rentabilité, gestion et performance sont au menu dans les contrats de pôle. Le Directoire nous confie des objectifs, mesuré par des Indicateurs qui sont rapportés aux conseils de Surveillance.

 

Bon sang mais c’est bien sur, je ne suis plus à la page. Le choix de la psychiatrie fait il y a 35 ans par un adolescent aux lectures subversives (l’auteur était barbu et fumait le cigare, plusieurs interprétations restent possibles) n’est plus pertinent dans un dispositif géré par l’économie de marché.

 

L’Hôpital entreprise est là et bien là, encore que… L’Entreprise est là et bien là, mais où est donc passé l’hôpital ?




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