PLATEFORME DU C.A. PSY
(Club pour l’Avenir de la Psychiatrie)
Rédacteur : Dr Patrick
Chaltiel. (25 Avril 2005)
Psychiatre d’exercice public.
EPS « VILLE EVRARD » Seine Saint Denis (BONDY)
PLAN
LE CA PSY DEFEND UNE CONCEPTION DE L’AVENIR DE LA
PSYCHIATRIE
A- QUELS SONT LES
BESOINS ?
1–ACTUALISATION ET
SIMPLIFICATION DE LA PALETTE DES SOINS
1– 1 Rénovation de l’hospitalisation
1– 2 Rénovation de l’accueil psychiatrique
des urgences
1–3 Instauration
d’un lien concret entre équipes générales et équipe infanto juvénile d’une même
population
2 –
DEVELOPPEMENT DES PARTENARIATS EN SANTE MENTALE
2– 1 Il y a carence de relais social au soin psychiatrique
2– 2 Le
rôle des usagers, patients et familles
3–LUTTE ACTIVE CONTRE LA STIGMATISATION DES MALADIES MENTALES ET DE CEUX
QUI EN SONT VICTIMES.
4
– UNE IMPLICATION DIRECTE DES « ELUS » S’IMPOSE AUJOURD’HUI DANS LA
CONSTRUCTION D’UNE POLITIQUE DE SANTE MENTALE LOCALE, REGIONALE ET NATIONALE
B– AVEC QUELS MOYENS ?
1- Les moyens doivent être clairement priorises
2- Revalorisation
des métiers de la psychiatrie
3-Restitution de la conception du soin aux équipes soignantes
Le C.A.PSY, fondé par Guy
Baillon, psychiatre honoraire des hôpitaux et Patrick Chaltiel, psychiatre des
hôpitaux en exercice, est un club de réflexion et d’action pour la défense de
la psychiatrie et pour son évolution vers un avenir privilégiant le respect de
la personne humaine dans ses droits et ses besoins fondamentaux d’autonomie et
d’appartenance, quelles que soient ses fragilités physiologiques,
psychologiques ou sociologiques.
Il regroupe -des
soignants : infirmiers, psychiatres, psychologues et des intervenants sociaux ;
-des usagers : patients, ex patients, familles ; -des acteurs
administratifs, élus, membres d’associations.
Il s’est donné pour objectif
premier de définir un socle commun synthétisant les aspirations de tous les
partenaires de la santé mentale, au-delà de leurs divergences.
LE CA PSY DEFEND UNE CONCEPTION DE L’AVENIR DE LA
PSYCHIATRIE
Celle-ci est fondée sur la connaissance de son histoire et la poursuite résolue des idéaux qui ont permis sa transformation radicale dans la seconde moitié du 20ème Siècle : lutte contre la stigmatisation des maladies mentales, restauration de l’intégration sociale des personnes touchées et de leur intégrité citoyenne, prévention de la rupture des liens par une orientation marquée vers le soin de la personne au sein de son milieu naturel, appuyé sur une connaissance précise du contexte familial et social (clinique contextuelle), enfin, continuité d’attention d’une même équipe (humainement cohérente : moins de 100 personnes) à une même population (humainement connaissable et liée par son histoire, son habitus, sa culture, sa vie quotidienne : soit entre 60.000 et 80.000 personnes).
Il est essentiel de reconnaître la spécificité de la psychiatrie dans le champ de la santé. La psychiatrie est en effet, par l’attention qu’elle porte à la personne humaine dans sa totalité indivisible (biopsychosociale), « enracinée » dans ce souci de continuité entre soin et vie sociale. De ce fait elle donne une marque particulière à son exercice au sein de la médecine et engage, dans le champ social, une implication complémentaire. La conséquence en est, pour chaque patient, l’attention portée au lien concret à établir entre ces dimensions.
Le CA PSY
considère que pour la Santé Mentale (qui conjugue soin psychiatrique,
prévention et compensation du handicap) l’urgence consiste à consolider et à
rénover la première ligne d’accès au soin que constituent le dispositif pluri
disciplinaire et le réseau pluri partenarial du Secteur de Psychiatrie.
A-
QUELS SONT LES BESOINS ?
1– ACTUALISATION ET
SIMPLIFICATION DE LA PALETTE DES SOINS PROPOSES
Il est impératif de rapprocher le soin hospitalier de la pratique d’urgence dans un « pôle intensif » différencié, inscrivant d’emblée le soin en urgence dans la perspective du soin au long cours, et reliant disponibilité 24 heures sur 24 et continuité. D’où l’implication d’une même équipe pour cette double attention.
Ce pôle intensif
est articulé à un « pôle extensif » comprenant la variété de soins différenciés
adaptés à la population de chaque secteur, où le CMP doit continuer à jouer un rôle pivot.
Le CAPSY insiste sur l’attention à porter à l’objectif premier et central que constitue la continuité des soins, c’est une réponse à la méconnaissance des troubles, propre au fait psychiatrique dans sa complexité. Cette fonction de continuité n’est le propre d’aucune structure de soin, et ne peut être réalisée que par un effort conjoint de l’ensemble des membres de l’équipe de secteur.
1– 1 Rénovation de l’hospitalisation
Le CA PSY se prononce avec fermeté et détermination pour la transformation et l’actualisation du dispositif français d’hospitalisation qui, dans sa majeure part, demeure anachronique, persistance du projet asilaire Esquirolien consistant à « soigner à l’écart ».
Il faut donc moderniser en priorité l’Hôpital Psychiatrique, dans la compréhension de la fonction contemporaine de l’outil de soin hospitalier comme une séquence intensive, incluse dans le cours du soin ambulatoire qui la précède et qui la suit.
Dès lors, les orientations à prendre s’imposent d’elles-mêmes :
v Reconversion du patrimoine asilaire en petites unités d’hospitalisation au cœur des communes desservies, d’une architecture moderne, intégrée au paysage urbain et d’une capacité d’accueil inférieure à 80 lits (pour deux à trois secteurs).
v Abandon simultané des lieux d’hospitalisation concentrationnaires à l’écart des villes et à distance des lieux de vie naturels des patients, car ils provoquent la rupture des liens familiaux et le clivage de l’équipe soignante.
v Ces petites unités doivent s’articuler avec le système Hospitalier Général, sans pour autant se laisser dissoudre dans ce dernier, le soin psychiatrique d’Urgence et de Crise n’ayant, dans la plupart des cas, nul besoin du « Plateau Technique » des Urgences Générales.
v Ces unités doivent obligatoirement être pourvues d’un Médecin Généraliste permettant une qualité nécessaire et suffisante de vigilance somatique, et une articulation constante avec les médecins libéraux et hospitaliers de l’aire d’exercice.
Au total le secteur ne doit régresser ni derrière les murs de l’asile, ni derrière ceux de l’hôpital général, mais doit se développer dans les mailles du tissu social de la ville.
1– 2 Rénovation de l’accueil
psychiatrique des urgences
Les « Centres d’Accueil » ou « Centres d’Accueil et de Crise » ou « Equipes mobiles d’accueil avancé », ont fait la preuve de leur efficacité en la matière et de la satisfaction des usagers et des familles.
Ils constituent un outil différencié, permettant de traiter l’acuité psychiatrique, dans ses spécificités temporelles et contextuelles, non prises en compte au sein des services d’urgence des hôpitaux généraux.
Les conditions de leur efficacité résident :
v dans le souci d’accueillir d’emblée l’entourage familial, au moment de l’urgence.
v dans l’appartenance des soignants à l’équipe également chargée du soin au long cours réalisant ainsi les orientations et transmissions internes nécessaires, avant et après l’urgence.
v dans leur articulation étroite avec les soins hospitaliers afin d’en limiter la durée, d’en réguler les admissions, et de faciliter le retour au domicile,
v dans un équipement suffisant en personnel permettant un fonctionnement permanent (24h./24h.) et des conditions de travail décentes pour une activité exposée (cette permanence étant associée à la permanence nécessaire à l’unité d’hospitalisation),
v dans leur localisation au seuil des unités d’hospitalisation,
v dans leur capacité de se mobiliser, si nécessaire, à domicile.
1–3 Instauration
d’un lien concret entre équipes générales et équipe infanto juvénile d’une même
population, en particulier autour de la prise en charge :
v des troubles de l’adolescent,
v des pathologies du lien ‘mère/enfant’,
v ainsi que du travail avec les familles.
2 – DEVELOPPEMENT DES
PARTENARIATS EN SANTE MENTALE
2–
1 Il y a carence de relais social au soin psychiatrique
Cette constatation de Santé Publique s’impose alors que les troubles psychiques entraînent des difficultés relationnelles menaçant l’insertion des patients dans la société et fragilisant leurs liens.
Dès lors les équipes soignantes se sentent tenues de se substituer à cette carence de la communauté (logement adapté, accompagnement à la vie sociale, à la citoyenneté, réadaptation à l’activité, réinsertion professionnelle…)
Cette situation crée une dépendance pathogène entre soignants et patients et un envahissement mutuel aliénant allant à contre sens de l’objectif du soin.
Le CA PSY demande que, sur la base de la réforme de la loi de 1975 sur le handicap, la reconnaissance du handicap psychique (désavantage social variable dans le temps), bien différent du déficit mental stabilisé, conduise rapidement à la mise en place de moyens sociaux susceptibles de mettre fin aux conditions de vie inhumaines et dégradantes, pudiquement masquées par le terme générique de « précarité sociale», que vivent nombre de nos patients.
La maltraitance et la violence sociale, sous sa forme passive (la négligence, l’abandon, le rejet) suscitent souvent le suicide, et parfois, une violence en retour… aussitôt mise au compte de la « folie » et donnant lieu alors à une violence sociale active : rejet, mise à l’écart, incarcération ou internement (augmentation des hospitalisations sous contrainte constante depuis 15 ans).
Il ne s’agit ici :
-ni de nier l’existence de la violence, parfois peu prévisible, qui participe à l’expression clinique de certains troubles mentaux (cette violence est devenue plus rare, grâce aux progrès thérapeutiques en pharmacologie ainsi qu’en psychothérapie).
-ni de la confondre avec les registres de la délinquance ou de la violence induite par la maltraitance, par l’abandon social et par l’isolement qui s’ensuit.
Des dispositifs sociaux d’accompagnement ou de suite des soins psychiques doivent être rapidement développés afin de résorber l’errance, la délinquance réactionnelle, l’incarcération et le suicide des malades mentaux qui constituent un problème majeur de santé et de sécurité publique.
Ils ont été déclinés conjointement par les associations de familles et de patients (UNAFAM et FNAPSY) en un programme : accès à des soins de qualité pour tous les patients ; accès priorisé à un logement adapté ; accompagnement à la vie sociale ; accompagnement vers le retour à une activité, si possible professionnelle ; protection juridique si besoin.
Ils doivent permettre aux soignants de
modérer leur devoir d’assistance dans des limites compatibles avec l’exercice
de leur profession et de leur mission.
2– 2 Le rôle des usagers, patients et familles
Il est devenu fondamental depuis ce Livre Blanc des partenaires en Santé Mentale de juin 2001, pour la construction d’une Politique de santé mentale en France ; mais si ce rôle est reconnu par les Pouvoirs Publics surtout depuis les lois de 2002, il ne l’est toujours pratiquement pas par les professionnels de la psychiatrie, encore marqués par l’enseignement reçu qui rendait la famille responsable des troubles des patients.
Aujourd’hui la compétence des usagers, réunis en associations de familles et de patients, est la meilleure arme contre la stigmatisation des maladies mentales et de la psychiatrie. La reconnaissance de cette compétence et de ce droit au dialogue permet d’apprécier l’importance des besoins de ces Associations (besoin de mise à disposition de moyens et de formations) pour qu’elles puissent jouer au mieux leur rôle dans leurs nouvelles fonctions officielles (conseil d’administration des hôpitaux, conseils de santé mentale, et autres)
3–LUTTE ACTIVE CONTRE
LA STIGMATISATION DES MALADIES MENTALES ET DE CEUX QUI EN SONT VICTIMES.
L’enquête internationale (« Santé Mentale en population générale : images et réalités »), menée récemment dans de nombreuses régions de France et du monde par le Centre Collaborateur de l’OMS, a fait la preuve d’une méconnaissance persistante quant à la nature, à l’expression et au traitement des troubles psychiques et des maladies mentales. Leur perception reste entachée de mythes archaïques, de superstitions et d’a priori, alors que ces souffrances concernent près de 23 % de la population.
Les débats qui ont succédé au drame de Pau ont montré l’éternelle résurgence des spectres de la peur et des réflexes de contrainte ou de rejet, d’où l’importance d’une réflexion sur la lutte à mener contre la stigmatisation.
Le CA PSY demande à l’Etat de développer une politique de communication et d’information publique, pour faire évoluer la conscience collective en matière de santé mentale, afin:
v que la folie et la violence soient enfin reconnues comme des composantes intrinsèques de l’humain (sous les formes de la passion, du fanatisme, de l’utopie, de la mélancolie, du mal de vivre) et non comme des caractéristiques des maladies mentales,
v qu’il soit enfin reconnu que la criminalité des malades mentaux n’est pas différente de celle de la population générale,
v que les personnes les plus dangereuses ne sont pas des malades mentaux, mais que ceux-ci sont, avant tout, des sujets vulnérables, fragiles, qui de ce fait ont souvent besoin d’un accompagnement et d’une protection sans exclusion.
v qu’au total le projet de notre société soit de les respecter en tant que personnes humaines et de leur accorder enfin une place incontestable dans la Cité.
4 – UNE
IMPLICATION DIRECTE DES « ELUS » S’IMPOSE AUJOURD’HUI DANS LA
CONSTRUCTION D’UNE POLITIQUE DE SANTE MENTALE LOCALE, REGIONALE ET NATIONALE.
Leur rôle est essentiel :
v dans le choix de l’implantation des structures de soin dans la ville, en particulier l’implantation des unités d’hospitalisation.
v Pour le développement des services qui vont voir le jour dans le cadre de l’application de la loi sur le handicap 2005 (SAVS, SAMSAH, Clubs, Entreprises d’insertion) en insistant en priorité sur l’accès à des logements adaptés, dont le besoin actuel est considérable, associés à un accompagnement adéquat.
v
dans la constitution pour chaque secteur d’un « Conseil local de Santé Mentale
» rassemblant élus, soignants, tutelles et associations d’usagers ; instance
essentielle de la politique de secteur dans son sens le plus large et
partenarial : c’est ce conseil qui apprécie projets et évaluation des
réalisations, qui confirme la continuité des synergies entre les partenaires :
psychiatrie, médecine, intervenants sociaux, familles et patients. Il est
l’outil principal de la lutte contre la stigmatisation. Il doit aussi apprécier
les orientations à soutenir dans le champ de la prévention, objectif encore délaissé de la politique de secteur et
qui doit être développé.
B
– AVEC QUELS MOYENS ?
1- les moyens doivent être clairement priorisés
En direction de la première ligne d’accès aux soins de psychiatrie générale, soit la psychiatrie de secteur, tout en organisant la nécessaire synergie avec :
v le secteur privé libéral, en évitant la tentation de lui donner mission de colmater les carences actuelles du service public car ce serait priver ce dernier des moyens de rénover ses outils et de résoudre ses difficultés,
v et les soins de seconde intention, souvent organisés en filières ségrégatives (Adolescents, Personnes âgées, Schizophrènes, Dépressifs, Névrosés, Agités, etc.…) . Ceux ci ne sauraient en aucun cas se développer au détriment de la psychiatrie générale qui doit être consolidée, afin de rester (ou de devenir) accessible et disponible à tous et à tout moment dans la connaissance intime du contexte de son intervention.
Sur le plan des actions ce sont les soins en milieu
naturel, non stigmatisés qui doivent être en première ligne. Ces soins doivent
recevoir les moyens de leur pleine réalisation en termes d’hommes et d’espaces
(ce qui demeure l’exception sur le territoire national).
2-
Revalorisation des métiers de la psychiatrie.
La psychiatrie n’est pas une spécialité médicale. C’est une discipline à part entière (Médecine somatique, Chirurgie, Obstétrique, Psychiatrie). Ses modalités de soin et ses outils de travail sont spécifiques, basés sur un art relationnel nécessitant un long apprentissage afin de construire une relation d’alliance déjouant les multiples niveaux de méconnaissance et de peur attachés aux maladies mentales et à leurs traitements. La complexité du trouble psychique doit être reconnue comme une donnée fondamentale: chez une personne dite malade coexistent toujours une conscience et un déni du trouble. C’est une complexité qui doit être mieux connue, enseignée et intégrée aux soins des autres disciplines médicales.
La pratique de la psychiatrie s’appuie sur un travail d’équipe et sur la complémentarité des diverses professions : psychiatres, psychologues, infirmiers, éducateurs et rééducateurs, aide soignants, travailleurs sociaux, et d’autres encore. Cette pluralité professionnelle n’est efficiente que si l’identité de chaque profession est respectée. Ce travail d’équipe nécessite une formation à la dimension institutionnelle du soin psychique. Il est l’outil de base de la psychiatrie de secteur.
Depuis 15 ans deux professions sont particulièrement touchées et doivent être défendues en priorité : les infirmiers et les psychiatres :
v Les infirmiers.
Depuis l’origine du traitement des malades mentaux, c’est l’alliance et la collaboration étroite entre médecins et infirmiers qui a été à la source de tous les progrès humanisants. Sans l’infirmier J.B. Pussin et ses observations sur les malades, le Dr Pinel n’aurait pas pu renoncer à la contention physique au début du 19°Siècle. Plus près de nous, le secteur psychiatrique n’aurait jamais vu le jour sans l’implication engagée des infirmiers psychiatriques, lesquels ont constitué une force motrice essentielle vers l’humanisation des soins.
C’est dans cette collaboration entre psychiatres et infirmiers que se conjugue la nécessaire attention portée dans la démarche thérapeutique à la fois aux ressources de la personne et au trouble psychique, toujours associés chez le sujet malade.
L’homogénéisation européenne ne saurait être l’occasion d’un nivellement démotivant, mais notre pays doit ouvrir courageusement la voie à la reconstitution de la profession d’infirmier psychiatrique en tant qu’infirmier spécialisé, bénéficiant, au-delà du tronc commun des trois années d’études en soins infirmiers généraux, d’une année de spécialisation ouvrant droit à une valorisation tenant compte de cette compétence.
La pénurie des vocations et l’hémorragie des effectifs soignants ne sera résolue qu’à ce prix, sachant qu’au plan national, l’équipement en personnel infirmier pour un travail efficace de psychiatrie publique, doit retrouver un niveau de un pour 1000 habitants, soit 60.000 infirmiers psychiatriques sur l’ensemble du territoire, leur juste répartition étant du ressort de l’autorité de l’Etat.
v Les psychiatres.
La formation des psychiatres laisse profondément à désirer. Le CAPSY souligne la nécessité d’intégrer les psychiatres responsables de secteur dans les filières de formation et de recherche. L’enseignement de la psychiatrie doit, certes, apporter des connaissances universelles en matière de pharmacologie, d’épidémiologie et de recherche en biologie du cerveau, mais il doit aussi transmettre avec la même exigence de qualité, tout ce qui concerne les aspects fondamentaux de santé publique, cruciaux dans la pratique au quotidien : lutte contre la stigmatisation, accès au soin, liens avec la famille, continuité d’attention aux trajectoires de soin des patients dans le respect de leurs choix et de leurs libertés individuelles.
L’université a donc le devoir de s’engager dans les contraintes et les nécessités du service public, au lieu de lui demeurer marginale, de cette façon elle sera à même d’intégrer les pratiques institutionnelles ainsi que les pratiques psychothérapiques (individuelles, familiales et groupales) dans son enseignement et sa recherche, aux côtés des démarches biologiques, comportementalistes et psychanalytiques, là où actuellement celles ci sont exclusives.
Le CA PSY demande aussi une valorisation du service public de psychiatrie permettant d’atteindre un niveau raisonnable d’équipement correspondant à un psychiatre de service public pour 10.000 habitants (6.000 pour l’ensemble du territoire, soit la moitié des psychiatres français, donc sans augmenter le nombre total). La répartition cohérente, tant des psychiatres de service public que des libéraux est du ressort de l’autorité de l’Etat ; elle est une nécessité incontournable.
La synergie entre ces professionnels doit, par ailleurs être organisée, par exemple par la participation des psychiatres libéraux aux gardes et astreintes de service public.
La Recherche qui est actuellement du domaine exclusif de l’université, doit être ouverte à l’ensemble des professionnels de la psychiatrie en raison de leur expérience. Elle doit impliquer ces laboratoires de terrain que sont les équipes de secteur. Tout programme de recherche lancé par les organismes officiels ou privés devrait associer obligatoirement des équipes de secteur aux laboratoires universitaires.
Enfin, les
rencontres régulières avec les associations
d’usagers (familles et patients) ont montré l’intérêt de l’implication de
celles-ci dans la formation de tous les professionnels de la santé mentale,
comme dans la recherche.
3- Restitution de la conception du soin
aux équipes soignantes
Le soin psychiatrique doit se prêter, comme tous les autres à une évaluation (justification citoyenne de la dépense) ; mais celle-ci doit être élaborée avec attention et dans le respect du travail des soignants. Elle doit être centrée sur les « principes fondamentaux » de la politique de secteur, c’est à dire la disponibilité, la continuité des soins, le travail avec le contexte, l’attention aux liens de proximité.
A l’inverse il faut dénoncer le fait que la perspective d’un PMSI psychiatrique, de la tarification à l’activité (T2A), de la nouvelle gouvernance hospitalière, ainsi que la transformation de l’ANAES en Haute Autorité de Santé, concourent à une véritable crise de sens dans la profession psychiatrique dont les effets péjoratifs sont :
v le sentiment général de dépossession, vécu par les équipes soignantes, de ce qui constitue l’un des fondements de leur mission : la conception du soin (dans la créativité, l’inventivité et la prise de risque inhérente à tout progrès thérapeutique),
v l’invasion bureaucratique du temps de travail des soignants par une multiplication déraisonnable de « procédures » et de « protocoles », souvent importés et inadaptés à notre culture et à notre réalité nationale, conduisant les équipes à consacrer moins de temps au soin qu’à décliner les « preuves du soin »,
v la perte d’élan vital de l’encadrement infirmier, de plus en plus tiré à hue et à dia entre les réalités du terrain et les exigences procédurales d’une « direction des soins », devenue partie intégrante du secteur administratif des hôpitaux.
Le CA PSY demande que la conception du Soin soit restituée aux équipes soignantes, au sein d’un cadre national, définissant de façon précise sur le fond, mais souple dans ses modalités, les missions cliniques et de santé publique du secteur de psychiatrie.
En conclusion, la
reconnaissance des axes qui fondent la psychiatrie de service public constitue
un guide précieux pour analyser son développement et préparer son avenir.
Disponibilité des soignants, proximité des espaces
de soin, continuité d’attention aux patients et à leurs proches, appui sur le
contexte relationnel se sont révélés être des principes fondamentaux ; à
chaque fois que l’un d’entre eux a été laissé pour compte, la pratique a dérivé :
C’est ainsi que se sont instituées des ruptures néfastes : -entre
psychiatrie de l’enfant et de l’adulte - entre soin en urgence et soin au long
cours - entre pathologies « reconnues » et pathologies intriquées, ou
mal définies. Ces ruptures participent à l’aggravation du pronostic vital et
fonctionnel de ces maladies dont la nature même est de produire des ruptures
dans la continuité psychique, existentielle et du lien social.
Ce que l’expérience de ces 30 années passées
nous apprend, c’est que ces quatre objectifs : Proximité, Disponibilité,
Continuité, Appui contextuel, doivent
être menés conjointement.
Pour ne
pas reproduire des erreurs du passé, des priorités doivent être définies
aujourd’hui : elles concernent d’une part le soutien à apporter aux
professionnels, d’autre part une politique de santé cohérente. Ce n’est pas le
découpage des secteurs qui importe mais leur taille humaine (entre 60
et70 000 habitants), et surtout la relocalisation au centre de chaque
secteur de son pôle de soin intensifs (associant accueil 24/24h et service
hospitalier) ainsi que le déploiement des services d’accompagnement à la vie
sociale qu’institue la loi 2005 sur le handicap. Ainsi, affirmons le
clairement, l’avenir de la santé mentale ne sera pas le fait d’un seul champ
professionnel, mais d’une coordination locale associant professionnels,
usagers, élus et tutelles.
La France, aujourd’hui encore riche en soignants
expérimentés, doit les reconnaître et leur donner la possibilité de se
coordonner et de s’allier aux forces vives de la Cité pour une psychiatrie, dé
stigmatisée, en phase avec l’évolution de notre société.
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