Avril 2008
J’ai connu une époque formidable, une époque pas très lointaine, et
pourtant…
……tant de choses ont changé !
C’était une époque où il y avait des
malades à l’Hôpital psychiatrique, plein de malades dans plein de
services….
Il y avait plein d’infirmiers ou
d’infirmières qui n’avaient pas d’ordinateurs et de PMSI ou autres sigles
imprononçables à entrer dans ces bécanes et avaient le temps d’être avec ces
patients ;
Bien sûr, on a souvent ri de cet infirmier
qui jouait à la belote avec ses malades ; mais lui, il connaissait la personne
qu’il soignait ; il allait souvent lui rendre visite chez elle entre deux
hospitalisations ; il connaissait sa mère, son père, son conjoint et jusqu’à ses
enfants ; ….le café était toujours prêt quand il arrivait…J’ai bien cherché mais
il n’existe pas de procédure en démarche qualité pour apprendre à aimer ceux que
l’on soigne ni à expliquer ce qu’est la chaleur
humaine..
Dans les services, on cassait la croûte le
matin après les « levers » et les « douches » mais aucun infirmier ne rechignait
pour autant à se lever quand un malade (pardon…un usager) l’interpellait…c’était
un temps ou les surveillants (pardon les cadres de Santé) et les Surveillants
chefs (pardon les Cadres Supérieurs de Santé) s’asseyaient avec nous et plutôt
que de surveiller l’heure que nous passions à table, surveillaient si tout
allait bien dans l’équipe. D’ailleurs c’est drôle, je me rappelle maintenant
qu’ils connaissaient les malades, oui, oui !! Même les Surveillants Chefs, et
pourtant ils n’avaient pas 1 ou 2 unités mais 5 à 6 à
s’occuper
D’ailleurs, c’est étonnant car ils
n’étaient presque jamais dans leur bureau mais on savait toujours où les trouver
quand on en avait besoin et en plus c’était facile alors qu’ils n’avaient même
pas d’adresse mail, si, si je vous assure, ils n’avaient même pas d’adresse
mail !!
J’ai connu une période où on allait voir
les filles des services éco, ou celles de la DRH…, il n’y avait pas
d’interphone pour nous empêcher de les approcher et il n’était pas nécessaire de
prendre rendez vous pour discuter ensemble…..c’est marrant, leur couloir, à
cette époque, était gai. On entendait quelques rires quand on le traversait,
mais c’était des rires qui n’empêchaient personne de travailler, personne de se
prendre au sérieux (ou si peu) mais tout le monde (ou presque) de travailler
sérieusement
C’est une époque formidable où il n’était
pas nécessaire de lire un protocole pour savoir que dire à un patient ou que
faire quand il souffrait
On n’attendait pas une prescription
médicale pour aller les voir, c’était tous les jours qu’on avait le temps de
leur parler….on aurait bien ri si on nous avait parlé « d’entretien
infirmier »
C’était une époque ou chaque patient était
considéré comme un malade, qu’on pouvait « sortir » en ville avec lui, (on en
avait même pas honte !!!) manger au restaurant pour lui montrer que dehors
c’était pas si dangereux qu’il l’imaginait….aller même l’aider à s’acheter des
vêtements .., !!! Oui ! on était des infirmiers psychiatriques, vous savez, ces
gens en voie de disparition, à qui on a appris qu’il était important de
s’occuper des malades sans les tutoyer, que leur corps était aussi important que
leur esprit, à qui on donnait du temps pour tout cela….
C’était un temps où les cons devaient être
aussi nombreux qu’aujourd’hui mais beaucoup moins devaient être au
pouvoir…… !!!!
Un infirmier de secteur psychiatrique très
fatigué !!