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Solder le passé

Il y a parfois des sujets bien difficiles à aborder et plus spécifiquement quand il s’agit de remonter dans le passé. On se rend compte aujourd’hui que, par exemple, des gouvernements présentent des excuses publiques pour les barbaries commises et une bonne partie du chemin reste encore à faire. Nos sociétés et institutions se sont trop souvent comportées en bafouant ce que l’humain a de plus précieux en lui, son intégrité.

Qu’en est il de nos institutions psychiatriques à ce sujet& Qu’en est il de nos institutions psychiatriques à ce sujet&

Tout un chacun connaît le contexte du passé asilaire avec les abus que l’on peut supposer, la maladie vécue comme une déchéance ou une punition. L’identité professionnelle des personnels de l’époque demeure un poème en soit. Bref, il est vrai que le contexte à grosso-modo évolué.

En tant que professionnel nous demandons souvent aux patients de revenir sur leur passé, de l’évoquer. L’institution que nous représentons revient-elle, elle aussi, sur des souvenirs collectifs peu glorieux  ? Nombreux sont encore les gens de la rue qui fantasment le soin psychiatrique comme tortionnaire  n’y aurait-il pas un lien  Il y aura eu une succession de mutations dans notre univers pour qu’il ne soit plus carcéral et peut
-être pouvons-nous dire que nous sommes devenus des humanistes à partir des années 70. Cependant, une marche en avant a son rythme et le temps n’est pas si loin où ici et là, dans quelque service égaré au fin fond de quelque hôpital, les abus de pouvoir était monnaie courante. On peut imaginer aisément que des soignants pour certains encore en exercice, que des patients qui ont eu a passer par là, en ont quelques traces au creux de leur mémoire. Mais, au nom de nous tous les soignants, le silence de nos institutions se fait assourdissant quant à présenter en notre nom des excuses à la population. Pourtant, lorsqu’on évoque l’image de la psychiatrie d’aujourd’hui, on y distingue le reflet de ce passé …
Il y a eu de belles et bonnes expériences, oui, mais il n’y a pas eu que cela 
Le temps n’est pas si loin où par exemple des personnes âgées pour certaines n’ayant d’ailleurs pas vraiment perdu la boule, étaient cloîtrées pavillonnairement. Le temps n’est pas si loin non plus, où les personnels peu désirables étaient mis à travailler dans ces services là ou quelques autres du même acabit. Il nous faut bien avouer aujourd’hui, que parfois mais pas toujours, le respect de l’individu, de son intimité, de ses particularités, n’étaient pas à l’ordre du jour. Est ce que tout cela au bout du compte n’est pas quelque part, une blessure partagée  Nombre de soignants un peu sensibles ont abandonné ou ont faillit le faire …nombre d’entre nous, spectateurs, avons peut-être médité cela dans le silence de notre fort intérieur. Peut-être avons nous été acteur essayant de limiter les effets pervers de la collectivité. Mais les traces existent, elles sont là et bien là dans notre inconscient collectif …

Sur un plan plus personnel, j’espère qu’à la fin de leur carrière, les personnels concernés auront fait le bilan de leur souffrance à soigner afin d’être en paix avec eux-mêmes.

Un nouvel avenir 

Aujourd’hui, la difficulté à soigner la maladie mentale a pris d’autres formes  ; nos gestes sont pensés, analysés et cadrés, des espaces sont prévus pour exprimer nos émotions. Ces mises en forme sont une garantie pour prévenir d’éventuels passages à l’acte de soignants, au moins sur le plan physique, et au delà bien sûr de l’individu qui fait exception. L’heure n’est donc plus tellement aux explosions mais plutôt aux implosions. Ce qu’on appelle les régulations d’équipe, les supervisions, ne suffisent pas toujours à l’expression du ressenti, la chaleur humaine fait le reste mais comme chacun le sait, elle est aléatoire. Des individus se retrouvent ainsi isolés et on dira comme pour se rassurer que cette personne avait certainement des problèmes personnels, une fragilité quelconque, mais estce si sûr à tous les coups, ou ne serait-ce pas plutôt l’entrechoc de plusieurs éléments dont le contexte professionnel fait partie  Chacun aura en la matière son propre regard sur soi … Nous avons tous connu des collègues qui comme on dit  «plongé  ». Quel avenir pour eux et leurs familles  ? Nous regardons cela au cas par cas, nous n’avons aucun chiffre, aucun indicateur qui nous permette de situer l’ampleur du phénomène  ; pas de reconversion organisée. Les arrêts de maladie itératifs pour des problèmes psychologiques sont la plupart du temps et silencieusement assez mal vus et mal venus, les somatisations acceptées comme une fatalité.
On peut nier le problème, le minimiser ou l’amplifier, mais il paraîtrait à priori important d’en tenir compte, ne serait-ce que parce que la qualité des soins est à fortiori liée au contexte ambiant.

Thank’s …

Héno Jean Arman , infirmier en psy
juillet 2000


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