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Au pays des Cathares




Je m'étais fait la belle, au pays des cathares
Cueillir les étincelles, utiles à ce bel art,
Celui de soigner les gens, tristes ou psychotiques,
Qui n'ont plus en dedans de lanterne magique.
Je reprends donc le métier et m'attelle à l'ouvrage.
Tout doucement sans ciller, j'écoute ouverte et sage
Ces hommes et ces femmes, sans mot et sans musique,
Sans note sur la gamme des émois, des mimiques,
Crevant sous le silence, écorchés et sans vie,
Croulant sous la démence, ou la mélancolie.
Comme chaque compagnon de ce petit atelier,
Je cherche routes et ponts, ruelles, gués ou sentiers
Pour atteindre et toucher ces êtres chancelants
Bien trop déboussolés pour être encore confiants.
C'est un art minutieux, qui demande intuition,
Et que l'on soit soucieux de l'Homme, de ses passions.
C'est un travail clinique, humblement supposé,
Pas seulement diagnostic, pas seulement infirmier.
C'est une Grande Oeuvre Humaine, une Philosophie
De l'Etre et de la Peine, du Désir, de la Vie.

De retour de ma belle, au pays des Cathares,
Sitôt, on me harcèle de sornettes, de " bobards ".
Ici des calomnies, et nul projet qui vaille.
Médecins se déchirent, ou cherchent renommée,
Ou encore bien pire, d'autres laissent aller.
Infirmiers incrédules, soignent désabusés,
Un diplôme des plus nuls, leur étant refusé.
Tout ceci les conforte dans l'idée que les " fous "
Et l'estime qu'on leur porte, ne valent pas le coup.
Quant à vous, psychologues, je regrette vraiment
Que vous ne soyez plus rogues et plus impertinents.
Je milite pour l'Homme, non pour sa Gestion.
Je me bagarre en somme pour sa Sublimation.
Il est inacceptable de n'entendre parler
Que de choses rentables, de sang contaminé.
Soulevez avec moi toutes nos forces vives
Pour combattre à la fois projets et directives
De tous les grands du monde à Sainte Economie
Vastes calculs immondes à Sainte Ignominie.

Devenons des Rebelles, devenons des Cathares
Bâtissons citadelles, construisons des remparts,
Pour défendre l'Humain du prochain millénaire
Et l'espoir souverain d'ambitions moins sectaires
S'il est admis de dire, bio-psycho-social
La dimension d'Esprit n'en est pas moins cruciale.
Ecoutons les silences, les paroles sibyllines
Amarrons nos pensées sur nos vieilles racines
Aquatiques et terriennes, ou plus encor fugaces
Ignées et aériennes. Soyons donc sagaces,
Et tâchons de repérer, comme les navigateurs
Les écueils à éviter dans les méandres des cœurs.
Cherchons pour nous guider dans ces pèlerinages
L'étoile du berger de ces hommes en naufrage.
Inventons chiffres d'or et équations secrètes
Moquons nous des butors, à nos plumes, Poètes !
Renouons le lien sacré de l'Homme à l'Univers
Ce cordon enchanté même très éphémère.
Je revendique aux soins cette dimension là
Même si je sais très bien que çà ne suffit pas.

Je suis une rebelle, je suis une cathare
Je cherche la parcelle de fantaisie qui pare
Les soins que nous donnons, sans réfléchir toujours,
Aux malades " sans raison ", à ceux qui les entourent.
Nous sommes tous embarqués, sur de fragiles esquifs
Chaque jour est scandé de gestes répétitifs.
Comprendre la tragédie de ces énergumènes
Emmurés, asservis à d'effroyables scènes
Traduire images et mots, sans toutefois réduire
A de morbides propos, obsessions et délires,
Tirer avec constance du fond de cette lie
D'arrachement, d'absence, d'ombre et de nostalgie,
Et réchauffer doucement ces âmes engourdies,
Panser délicatement ces corps endoloris,
Voilà ce que, je crois, doit être notre ouvrage.
Voilà ce que je crois pour éviter l'outrage.
Tissons un beau cocon, pour que la chrysalide
Libère le papillon et s'envole sylphide,
Qu'il aille raconter à d'autres cette histoire
D'hommes et femmes soignés, guidés par des Cathares,

En toute Dignité.

Marie Rajablat.

1998
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