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PSYCHIATRIE...LEVONS LE VOILE





DE L'ASILE A LA PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE

Ou comment l'économie saborde le soin.


" Comment écrire l'essentiel des institutions psychiatriques en quelques pages ? " Faire le parcours historique de plus de cent cinquante ans est presque une gageure et un pari sauf si on se situe au niveau des ruptures épistémologiques comme je l'avais déjà souligné dans notre ouvrage " l'accueil en psychiatrie des malades mentaux: aspects juridique, théorique, pratique "(1) . L'histoire de cette discipline s'appuie à chaque époque sur des idées philosophiques, politiques, sociales et économique de son époque mais, dans une visée anthropologique, la seule qui suit le même fil conducteur et une même logique est la science économique, déesse métaphorique élue par les puissants et les princes de ces périodes qui ont toujours gouverné la vie des établissements en essayant de conditionner les pratiques soignantes qui y sont instituées. Le Capital et les politiques libérales du libre échange marchand ont toujours écarté sur son passage les déviants et de nos jours ils y trouvent un intérêt certain pour démultiplier leurs bénéfices et leurs profits dans cet espace de la santé et du soin psychiatrique. Il faut, au nom de ce nouveau dieu laïque qu'est l'argent les dépouiller un peu plus leur individualité solipsiste, l'essence même de l'être qui pour ne pas mourir se prête au jeu de ce Thanatos afin de l'assouvir. Notre utopie d'infirmier vise en permanence à nous référer à Pinel comme le libérateur des chaînes des aliénés en omettant toujours de voir que derrière cette image d 'Épinal, les enjeux de pouvoirs des décideurs ne sont là que pour extraire de la société productive tous ces corps improductifs et de les utiliser à des fins de rentabilité économique. Là non plus on ne partage pas les bénéfices au contraire on sacrifie du soin tout en rentabilisant le libéralisme. Le Léviathan avance toujours et toujours s'assouvissant de la misère des hommes dans une course folle où même la santé est à vendre.

Fin du XIIIème - XIXème : Pinel et le traitement moral.

Cette image à laquelle nous nous attachons de voir Pinel détacher de leurs chaînes les aliénés n'a de sens que dans la mesure où le traitement moral qu'il préconise veut rompre avec les pratiques barbares des traitements antérieurs. Bien avant lui, déjà des écrits mentionnaient l'art de traiter les insensés. En 1795, Colombier (médecin de Charenton) et Doublet (inspecteur adjoint des hôpitaux civils et maison de force) écrivent " l'instruction sur la manière de gouverner les insensés dans les asiles ". Pour eux, l'insensé peut retrouver la raison par des paroles douces et rassurantes, par une hygiène et des soins de confort, des promenades quotidiennes, des vêtements amples et adaptés aux saisons, une diététique appropriée, etc. et aucune violence à son encontre ne saurait être toléré. De même Joseph Daquin, médecin à Chambéry dans sa " philosophie de la folie " (1791) conclu :

" On réussit infiniment mieux et plus sûrement auprès des malades qui en sont atteints par la patience, par beaucoup de douceur, par une prudence éclairée, par de bonnes raisons et par des propos consolants qu'on essaie de leur tenir dans des intervalles lucides dont ils jouissent quelques fois. C'est la réunion de tous ces moyens que j'entends par philosophie "

Lorsque Pinel écrit son " Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale " (1799), il est lui-même soumis aux idées de l'époque qui sont en droite ligne du siècle des Lumières et de la révolution française. En effet, elle a permis au fou de réintégrer le statut de citoyen plus ou moins curable tout en gardant la notion de dangerosité. Cette période est une rupture importante puisque la société ne s'explique plus par la référence à son principe transcendant : Dieu. L'histoire des hommes appartient maintenant aux hommes et nul n'est extérieur à la société. De même le pouvoir politique n'est plus divin mais émane de la volonté populaire. De ce courant de pensée, la folie prend un autre statut puisqu'elle n'est plus une affaire de malédiction. L'idée maîtresse qui se dégage est que nul citoyen n'est extérieur en droit et l'égalité règne pour tous, du moins en théorie. Le " fou " est considéré comme un sujet à part entière dont le principe s'articule sur deux axes. Le premier émet la possibilité qu'on peut communiquer avec lui, même si on se reconnaît pas en lui, et le deuxième est l'affirmation d'une historicité de la maladie dans une société où tout est historique. La folie n'est plus une maladie intemporelle dans la mesure où s'il y a eut un début, il peut advenir une fin.

C'est sur cette conception que Pinel va faire une description clinique et y adjoindre des pratiques thérapeutiques pour aider le malade à sortir de ses passions qui influencent son humeur. En réduisant la folie à une entité morbide sans faire le partage entre Raison et folie, il en a fait un objet d'étude scientifique parce que justement la folie n'est pas de la Raison mais bien parce que c'est une autre manière d'être un homme en face des autres. Et, c'est bien parce que la Raison n'est jamais totalement perdue qu'on peut dès lors communiquer avec lui et instituer un traitement moral. En quoi est-il constituer ?

Le traitement moral s'appuie en premier lieu sur l'attitude du médecin face au malade. Elle est une parole douce et rassurante qui lui donne espoir tout en compatissant à sa souffrance. En fait, ce que croit Pinel c'est ce " parler avec douceur " qui est la base de tout entretien thérapeutique pour que se réalise une condition de confiance et d'alliance pour la suite des soins à apporter. Il s'agit précisément d'une écoute empathique dans laquelle le malade retrouve sa dignité de personne à nouveau reconnue et l'estime de lui-même.

Cette relation induit le piège puisque se joue entre le malade et le médecin ce que Freud développa : le transfert et le contre-transfert. Le malade pousse le malade à se confier sans réserve et parce qu'il est écouté et reconnu, le malade fait du médecin son idéal. Le médecin peut se laisser prendre dans ce jeu de séductions narcissiques où il risque de s'enfermer.

Pour éviter ce piège Pinel pense que le médecin doit non seulement écouter le malade et lui prodiguer des paroles douces et rassurantes mais il doit également savoir se faire craindre et il ne doit aucunement partager son pouvoir. Le médecin sera toujours le maître de la situation pour " normaliser " le malade car lui seul sait par son savoir ce qui est pathologique et ce qui est normal. Pour qu'il réintègre la normalité, il donc nécessaire de mettre en place des actions éducatives qui s'appuieront sur des valeurs morales bourgeoises, c'est-à- dire des valeurs qui s'appuient sur le travail.

Les actions éducatives.

Pour que l'aliéné réintègre la normalité, il faut donc le distraire pour qu'il se détourne des méditations qu'il rumine et qui lui font engendré des comportements inadaptés. En ce début du XIXème siècle, puis tout au long, les asiles sont surpeuplés, les médecins sont en nombre restreints (un médecin pour 400 à 500 malades) et le traitement moral va se transformer en une pratique collective alors qu'il se voulait individuel. L'asile devient alors une institution totalitaire. Pour Erwing Goffman, une institution est dite totalitaire lorsqu'elle s'accompagne de caractéristiques qui empêchent toute communication avec le monde extérieur. Les signes se traduisent par de hauts murs, des barbelés, des portes verrouillées, etc. Ce qui la caractérise c'est qu'elle applique un traitement collectif et qu'elle prend en charge tous les besoins du reclus à partir d'une organisation bureaucratique. Les individus enfermés entretiennent avec le monde extérieur des rapports limités et le personnel leur impose des techniques de mortification qui leur enlèvent progressivement toutes certitudes sur eux-mêmes. La première technique consiste à l'isolement qui les coupe de tout contact avec leurs proches ou amis. Par cette méthode ils ne peuvent plus exercer leurs droits (voter, signer des chèques, léguer de l'argent, etc.) Lors de leur arrivée, ils sont dépouillés de leurs vêtements et de leurs biens. On leur donne des vêtements de l'établissement ainsi que tous les objets usuels nécessaires à leur hygiène. A aucun moment ils disposent d'une intimité car ils sont surveillés en permanence. Pour toute demande ils doivent s'adresser au personnel. Leurs antécédents sociaux et leurs comportements antérieurs sont scrutés et reprochés. Ils justifient auprès des médecins et du personnel dans les moindres détails leurs activités journalières (travail, participation à la préparation d'une fête, réunion, etc.) S'ils dérogent aux règlements il subiront des réprimandes et des sanctions. Pour tous les actes mineurs ils sollicitent une autorisation qui sera acceptée ou non par le personnel. Lors de l'examen médical, les médecins par des arguments théoriques les discréditent de la version de leur histoire qu'ils énoncent. Ils inscrivent sur un dossier uniquement les comportements négatifs qui sont lus par le personnel. Aussi, les informations les concernant sont divulguées et à la moindre saute d'humeur ce personnel leur reproche devant les autres leurs actions du passé. Lors de réunion, les médecins et les infirmiers exposent leurs opinions et ils décident de la conduite à tenir sans l'avis du reclus. Toutes ces mesures de contrainte les dépersonnalisent. Ils perdent leurs repères qu'ils avaient dans le monde extérieur. Pour ce sociologue ce type d'institution produit des effets pervers (punitions-gratifications, violence, homosexualité, etc.) qui vont à l'encontre de l'objectif premier que l'institution s'était fixée. Il apparaît que les descriptifs d'Erwing Goffman sur l'institution totalitaire peuvent s'appliquer à l'asile du XIXème siècle et au début du Xxème, bien que parfois il en reste encore des traces de nos jours.

L'isolement.

Esquirol écrit : " L'isolement agit directement sur le cerveau et force cet organe au repos, en soustrayant l'aliéné aux impressions irritantes, en réprimant la vivacité et la mobilité des impressions, en modérant l'exaltation des idées et des affections ".

En excluant le malade du milieu familial et social, les médecins de l'époque pensent que l'enfermement permet de le discipliner en l'assujetissant par des moyens coercitifs. Il faut s'emparer de son attention et le seul endroit où cela peut se produire est bien l'asile. De cette conception est advenue la loi du 30 juin 1838 qui permet d'enfermer une personne contre son gré, bien loin des Droit de l'Homme. Lorsque le malade enfreint les règles instituées ou que ses symptômes nuisent au Collectif, l'isolement en cellule devient nécessaire. C'est alors une séquestration dans la séquestration.

Le travail.

Une fois l'aliéné enfermé, il faut le distraire pour que l'inaction ne s'empare pas de lui et que ses idées morbides ne reprennent pas le dessus. Le travail, comme valeur productive essentiellement bourgeoise, indique que celui qui peine se réinscrit par avance dans une perspective sociale. Il prouve qu'une fois sorti, il pourra subvenir à ses propres besoins. Par contre, dans la pratique, ceux qui ne veulent pas œuvrer subissent la répression par la privation d'avantages et sont même transférés dans des quartiers difficiles.

La durée quotidienne du travail couvre une amplitude de dix heures. Hommes et femmes besognent aux tâches ménagères, aux travaux de blanchisserie ou de cuisine, dans des divers ateliers comme la cordonnerie, la boulangerie, les travaux de ferme. C'est ainsi que non seulement le travail va constituer le pivot du traitement moral mais aussi le moyen économique de rentabiliser l'établissement. L'économie conditionne les " soins " qui ont une visée éducative pour mieux rentabiliser les frais engagés dans ce vase autarcique.

Le rythme de vie et les règles instaurées.

Chaque jour la vie des aliénés est cadencée par un rythme immuable et chaque est remplie pour que l'oisiveté et la folie ne l'emportent sur la Raison et sur la norme. Le premier geste du corps discipliné commence par le lever dès cinq heures trente et six heures en hiver. Les gardiens ouvrent les portes des dortoirs. Ils les aident à faire leur toilette et leur lit. Une demie-heure après c'est le petit déjeuner pris collectivement et ensuite certains participent au nettoyage des locaux tandis que d'autres vont au travail.

A midi précisément tous ont regagné leur quartier pour le repas. Chacun est servi au réfectoire et les repas sont pris collectivement comme il se doit. Après le repas et la vaisselle une petite récréation est permise et à treize heures trente ceux qui travaillent regagnent leur chantier qui ferment à dix sept heures pour le dîner qui se perpétue dans le même rituel que celui du midi.

Après le dîner, une récréation plus longue que celle du midi leur autorise à participer à des jeux de société (cartes, dominos) où pour les plus cultivés à la lecture. Pour d'autres, ils feront une promenade dans l'enclos qui délimite les quartiers. A vingt heures l'été et dix neuf heures l'hiver tous les malades sont couchés et des rondes sont effectuées régulièrement par les gardiens.

Si la vie quotidienne est rythmée, la semaine l'est également. Ainsi, le vendredi on fait la barbe, les ongles et on lave les cheveux des malades. Le samedi on distribue du linge de corps et le dimanche de nouveaux vêtements. Les draps sont changés tous les mois à moins qu'ils ne soient souillés.

La répression.

Si l'aliéné transgresse le règlement instauré, il ne tarde pas à subir les conséquences. Les réprimandes, les menaces, les privations de promenade ou de tabac sont les moyens coercitifs. Lorsqu'il ne cède pas, la répression intervient par la contention du corps. La chambre d'isolement fait partie de l'arsenal mais également la camisole ou le fauteuil de force sur lequel il est attaché par des sangles de cuir. Mais il existe une autre répression plus insidieuse : celle des gardiens qui s'effectue loin des regards médicaux et administratifs. Une circulaire du ministre de l'intérieur datant du 19 juillet 1819 en dit long sur ces pratiques : " Les gardiens ne devront plus être armés de bâtons, de nerfs de bœuf, ni accompagnés de chien ".

L'échec du traitement moral.

Plusieurs causes peuvent être attribuées à l'échec du traitement moral. La première se constitue à partir de la théorie de Pinel et de ses disciples et la deuxième est liée à des facteurs économiques.

Echec théorique.

A trop vouloir " réprimer la fougue de l'imagination, la fugacité des impressions (Esquirol) ", une dérive du traitement moral s'est produite. La théorie se voulait dans une visée philanthropique et humaniste, mise en action individuellement et la voilà qu 'elle est utilisée à des fins coercitives sur un Collectif enfermé derrière de hauts murs. Les aliénistes ont tout pouvoir dans ce lieu clos et certains se comparent à un chirurgien. Pour sortir le malade de sa manie les moyens comme la peur, la colère ou la douleur sont employés comme des outils pour faire diversion au délire. Il faut coûte que coûte le sortir de sa maladie en s'emparant de son attention, c'est-à-dire le guérir.

Pour ceux qui ne se plient pas aux règles collectives, l'intimidation, les douches froides et la punition font partie du traitement. La cellule, les vésicatoires à l'eau bouillante, l'application de glace, les chocs électriques, la présentation de serpents et d'objets hideux, les saignées répétées, les purgatifs à haute dose faisaient partie de l'arsenal thérapeutique. Egalement les sédatifs comme l'opium, le hachisch, la teinture de digitale à forte dose étaient prescrits. La terreur règne par des procédures thérapeutiques afin que les aliénés se constituent en tant qu'êtres homogènes à tous les autres. La violence a bien existé du côté des aliénistes et des gardiens.

A la fin du XIXème siècle, devant le peu de résultats, toute une critique se développe. La thérapeutique institutionnelle est devenue dans sa logique interne pervertie et elle " fabrique " en fait des incurables. C'est à cette période que vont naître en Angleterre l' "Open-door " et en France les colonies familiales comme Gheel.

Cette volonté de guérir l'aliéné s'appuie essentiellement sur un discours moral et dont les valeurs sont celles de la bourgeoisie de l'époque. Comme je l'ai démontré plus haut, c'est bien le travail qui prime dont l'exploitation de la force de travail des ouvriers se monnaie à un moindre coût tout en recherchant une productivité plus importante qui augmente le capital. Le médecin qui a tout Savoir tente en fait de raisonner la Raison " saine " de l'aliéné pour supprimer les " raisons de son déliré ". Il essaie de lui trouver un cheminement rationnel qui lui expliquera les allégations de sa maladie. Comme la psychanalyse le démontrera plus tard, lorsqu'on s'attaque directement au symptôme on ne fait qu'augmenter les mécanismes de défense. Et, si il ne peut pas comprendre les fureurs de sa folie, il faut alors utiliser l'autorité comme le seul moyen de le contenir. Ces moyens sont l'isolement, le travail et l'applications des règles strictes de l'établissement. La guérison peut donc être obtenue par la soumission où, sur cette scène de l'asile, deux logiques s'affrontent. Il y a celle du " bon " soignant qui a tout le savoir sur la normalité et celle de la " mauvaise " volonté du malade qui n'intègre pas les valeurs collectives qui s'appuient sur le travail, la logique du productif contre celle de l'improductif.

Ce savoir naissant va se lier à une logique du pouvoir puisqu'au XIXème siècle, les médecins participaient au fonctionnement de l'organisation asilaire et à la vie politique. Is deviendront les personnages essentiels de l'asile. Michel Foucault affirme que Pinel n'a pas introduit une science mais un personnage aux facettes du Père, du Juge, de la Loi et de de la Famille dont les buts seront d'enseigner la norme aux aliénés.

L'article 8 de l'ordonnance d'application du 18 décembre 1839 stipule : "Le service médical, ainsi que la police médicale et personnelle des aliénés est placée sous l'autorité du médecin ".

Et Lucien Libert (aliéniste 1882-1912) en dit long sur la vision qu'il a du malade : " L'infirmité des dégénérés malfaisants qui en fait des êtres pervers, impulsifs, suggestibles et dangereux, inaptes aux conditions actuelles de la vie en société, cette infirmité nécessite des mesures préventives et d'élimination. Leur place est dans des établissements spéciaux où ils trouveront une discipline et, s'ils sont jeunes, un dressage qui pourrait annihiler leur tendance malfaisantes ".
Echec du au fonctionnement économique.

Si la conception théorique ne pouvait aboutir qu'à un échec, les pouvoirs publics de l'époque y ont aussi contribué. Avant la loi de 1838, les malades sont des hors-la-loi qu'il faut exclure de la société. La loi du 16-24 août 1790 les assimile à des animaux errants qui peuvent dévaster les biens collectifs ou individuels, car la raison leur fait défaut. Cette " confie à la vigilance des corps municipaux les événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par les insensés ou furieux laissés en liberté et par les animaux malfaisants et féroces ". Pour les maires, c'est une charge financière qu'ils désirent se passer et pour éviter de payer, ils les envoient à Paris en les abandonnant dans la ville ou encore ils les enferment dans les maisons de force ou de détention ou dans des dépôts de mendicité. Certains départements qui n'ont aucun local pour les recevoir les laissent dans leur famille ou encore ils sont exposés à la pitié publique.

C'est ainsi que les trois établissements parisiens (Bicêtre, la Salpêtrière et Charenton) groupent près de la moitié des effectifs d'internés. En 1818, Esquirol rédige un mémoire pour le ministre de l'intérieur dans lequel il décrit les conditions misérables dans lesquelles vievent les aliénés de province. Ils sont enfermés dans des cachots humides, sans lumière et sont enchaînés. Aucune hygiène n'existe et ils vivent dans leurs excréments. Esquirol propose alors la construction de huit à dix asiles régionaux, dépendants de l'Etat et financés par les départements.

Avant que naisse la loi de1838 qui prévoira un asile dans chaque département, les collectivités locales choisissent de verser des subventions aux congrégations religieuses qui s'occupent des aliénés. De plus en 1874 on recense vingt cinq maisons privées spécialisées dans le traitement des aliénés. Certaines furent construites avec les capitaux des aliénistes du public. On y retrouve les grands noms de l'époque : Esquirol, Voisin, Falret, etc. Ils partagent leurs activités entre le privé et le public, entre le lucratif et le non lucratif.

La loi de 1838 permet à chaque département de construire un asile et, s'il ne souhaite pas le faire, elle l'autorise à traiter avec un asile d'un autre département. Une disparité va naître entre les départements. Certains vont utiliser d'anciens bâtiments qui sont très vetustes, d'autres vont le construire, d'autres vont attendre et adresser leurs malades dans un département limitrophe. En 1874, les dépenses consacrées aux aliénés ne sont plus obligatoires dans le budget départemental. Les Conseils Généraux choisissent alors d'autres investissements et dès lors on ne peut plus assurer l'entretien des locaux. Ainsi, la fin de certains hôpitaux se fait par les malades et que pour les autres leur survie sera assurée par leur propre travail à l'intérieur de l'asile. Une inertie des aliénistes se fait ressentir devant les mesures économiques, orientant les soins dans une visée coercitive.

De même les asiles furent construits comme un panoptisme. Cette architecture délimite un espace qui renforce la surveillance des individus. Ces derniers intériorisent l'autorité sans qu'elle soit nécessairement présente physiquement. Elle est capable à un moindre coût de dispenser l'instruction, d'instruire la morale publique, de déployer la science économique et d'accroître évidemment la production.

La psychothérapie institutionnelle.

Je ne m'attarderai pas à la fin du XIXème siècle, ni au début du Xxème qui voit naître la psychiatrie moderne. Quoiqu'il en soit, les hôpitaux sont surpeuplés. En 1942, en pleine guerre Tosquelles et Bonnafé vont transformé l'asile Saint-Alban (Lozère) en un vaste champ expérimental d'ouverture sur la communauté, tout en introduisant de nouveaux rapports sociaux entre médecins, infirmiers, malades et en distribuant de nouveaux rôles, à l'encontre des valeurs morales bourgeoises inculquées jusqu'alors. L'économie est passé au second plan pour laisser place à la relation dans une rencontre entre soignants et soignés.

Les fondateurs de la psychothérapie institutionnels.

Saint-Alban est un vieil asile tenu par des religieuses, dans une région reculée et très abandonnée du Massif Central. Du fait de la résistance durant la guerre, Lucien Bonnafé et François Tosquelles vont se rencontrer en ce lieu. Ensemble, ils vont réfléchir tant sur l'oppression de l'occupant et des conséquences du fascisme que sur l'asile comme lieu d'exclusion et des pratiques totalitaires.

Lucien Bonnafé est un jeune psychiatre qui arrive à Saint-Alban en 1942. Adhérent au Parti Communiste, ayant des activités militantes qui l'exposaient trop dangereusement, il du s'expatrier à Paris. Avant la guerre, il fréquentait le mouvement surréaliste et a participé à la création des premiers ciné-clubs ou à des éditions de poésie. Il a également suivi les premières tentatives de réforme du front populaire qui préconisaient déjà le développement des soins extra-hospitaliers. Cette double formation nourrit sa pensée et inspire des propositions pratiques. En tant que Marxiste, il réfléchit à la situation et aux surdéterminations historiques et sociales du drame que vit l'être souffrant. Surréaliste, il pressent les proximités du rêve, du fantasme, du délire, de la poésie, comme des créations qui puisent leur source dans l'inconscient. Pour ces raisons, l'internement et les conditions de vie réservée aux aliénés lui semblent une monstruosité.

François Tosquelles est un psychiatre catalan qui, quand survient la guerre civile en Espagne, a déjà une expérience riche. Psychanalysé, il dispose de solides connaissances du freudisme, grâce à la venue de psychanalystes hongrois et autrichiens qui ont fui le nazisme. Il essaie alors d'imaginer comment cette formation analytique peut servir à concevoir des structures de soins non asilaires. Militant au Parti Trosko-libertaire, il s'engage dans les troupes républicaines. Après la défaite, il se retrouve dans des camps de réfugiés du sud de la France. Mais en relation avec le médecin de Saint-Alban, celui-ci va l'en sortir et l'accueillir.

La rencontre entre Bonnafé et Tosquelles va alors être extrêmement fructueuse. Ils vont associer leurs activités de résistants et un travail de remise en cause généralisée de l'organisation asilaire. Pour eux, la lutte contre l'occupant et contre la sur-aliénation est indissociable. Ce chantier sera le point de départ de la " Psychothérapie institutionnelle ".

Dans l'hôpital cela se traduira par une multitude de changements au quotidien : on enlève les barreaux aux fenêtres, on ouvre les portes, les patients participent dans des réunions décisionnelles, les infirmiers sont formés et ne jouent plus le rôle de gardien. A cette période l'hôpital pour faire survivre chacun doit briser sa clôture sur lui-même, rétablir par l'intermédiaire des infirmiers, des patients et de leurs familles tout un réseau d'entraide et de solidarité avec les paysans des environs.

En effet, il faut se rappeler qu'entre 1941 et 1945 plus de 40 000 personnes sont mortes dans les asiles d'aliénés, laissées à la misère la plus sordide et à la famine (Max Lafont " l'extermination douce " 1987). Saint-Alban sera un des rares lieux à y échapper. Il servira également de refuge pour cacher les clandestins dont les plus connus sont Paul Eluard et Georges Ganguilhem. Des penseurs, des artistes côtoieront des malades internés, s'intéresseront à leurs texte et à leurs œuvres.

Après-guerre, le chemin de Bonnafé et de Tosquelles va diverger. Bonnafé militera pour une réforme générale du système de soins en proposant l'abrogation de la loi de 1838 et l'ouverture de la psychiatrie dans la Cité ainsi que sur la formation des soignants. Après bien des péripéties la loi de 1960 sur la sectorisation aboutira mais la loi de 1838 se maintiendra jusqu'en 1990.

Tosquelles restera quelques temps à Saint-Alban où Jean Oury, le fondateur de la clinique La Borde (1953) viendra y travailler. Ce dernier théorisera la psychothérapie institutionnelle comme étant un lieu le moins aliénant possible. Pour y parvenir il faut déjouer les inerties, les jeux de pouvoir, les pièges identificatoires, les rituels bureaucratiques inhérents aux appareils collectifs et favoriser l'émergence de la nouveauté sans qu'elle soit écrasée par la fausse évidence du sens commun. Il faut donc inventer des dispositifs où le psychotique ne soit pas captif de fantasmes et de désirs de l'autre.

Les fondements théoriques du point de vue sociologique.

En premier lieu, l'idée maîtresse est que la structure de toutes les instistutions est le décalque d'une matrice originelle : la structure de l'usine capitaliste qui s'appuie sur la division du travail, la spécialisation, la déqualification du travailleur, la centralisation du pouvoir, le développement d'un encadrement de surveillance. Ce genre de structure est passé de la manufacture à l'usine avant d'arriver comme modèle sous-jacent dans l'enseignement et les autre institutions comme les hôpitaux.

La révolte de mai 68 remet en cause cette structure et les personnes demandent à travailler différemment c'est-à-dire de façon moins autoritaire, avec moins de hiérarchie, d'accomplir un travail moins répétitif et de manière moins robotique. Ce travail se situera plus sur la qualité que la quantité. La notion de désir de travailler doit se lier avec la notion du plaisir à travailler.

Entre ce nouveau désir de travail et la structure établie se crée un brouillage qui naît de distinctions comme les différences administratives, de postes, de salaires, de diplômes. Au lieu qu'il existe un partage du pouvoir et des responsabilités, c'est au contraire un renforcement de la structure qui se traduit par des représailles, des licenciements, des blâmes, des non renouvellement de contrat, etc. La communication quant à elle s'établit toujours du subordonné au supérieur et vice versa. Mais les réponses aux questions du subordonné seront toujours d'ordre administratif. Si le subordonné n'est pas en accord avec le supérieur, ce dernier peut lui faire sentir que les représailles existent.

Dans un établissement hospitalier, le fonctionnement est axé sur ce schéma. On peut se demander comment dans une relation avec le malade, le soignant peut-être dans une communication effective dès lors que lui-même est soumis au schéma de l'organisation ?

Les concepts théoriques.

De 1960 à 1980 de " l'hygiène de l'isolement " on passe à " l'hygiène de la liberté ". Il faut commencer par soigner l'hôpital et par conséquence les soignants. On assiste à la mise en place de réunions d'équipe à visée thérapeutique. On s'inspire des techniques venues des Etats-Unis comme le psychodrame, la bio-énergie, les techniques de relaxation, etc. Et puis la psychanalyse s'impose comme l'idéologie dominante. La psychiatrie n'a pas uniquement une réflexion sur elle-même mais elle est politisée et dénonce les appareils idéologiques de l'Etat. Et, c'est bien de cette critique qu'il s'agit et qui force les individus soit à s'assujetir aux normes imposées par la classe dominante (la bourgeoisie), soit à sombrer dans la folie s'il n'y parvient pas.

Les ateliers : Pour désaliéner l'institution, il faut créer une structure sur fond de liberté et donc de créer des points de repères sur lesquels les relations pourront s'établir. Ces points de repères sont le club thérapeutique et les ateliers. Leur mise en place sera une décision collective de tous les participants. Les ateliers sont les supports de la relation où vont se jouer les désirs et les fantasmes du malade. Ils sont vécus dans des notions symboliques et le soignant doit laisser la place à l'accueil de ceux-ci.

De plus les ateliers permettent le transfert de la parole d'un atelier à un autre et évitent les passages à l'acte. Le passage à l'acte c'est quelque chose qui se passe hors scène, loin des spectateurs et qui est agit sans réflexion. C'est une impulsion qui se fait au moment du plus grand embarras avec un maximum d'émotions. Or, les ateliers représentent les scènes sur lesquelles vont se jouer les " acting out ". L' " acting out " est une démonstration faite pour être vue qui se joue sur une des scènes et qui appelle l'interprétation et pas nécessairement l'intervention. C'est le contraire du passage à l'acte puisque si le conflit psychique se joue sur ces scènes c'est qu'il est organisé.

Ainsi, en organisant des scènes qui sont matérialisées par les activités, les tâches de tous les jours, on évite les passages à l'acte à condition que les " acting out " soient accueillis sans rigidité dans un rapport de confiance. La manière dont le soignant accueille les " acting out " détermine ce qu'il adviendra du Désir. Si les " acting out " appellent l'interprétation c'est qu'ils se passent sur la scène d'un transfert, c'est-à-dire un transport d'une parole qui émerge de et à propos de. Lorsque la parole est transportée d'une personne à une autre, d'un lieu à un autre, elle fait vivre d'autres rencontres plus ou moins oubliées, pour arriver à créer à un certain moment des reconnaissances très personnelles.

La désaliénation des soignants : La désaliénation de l'institution passe obligatoirement par l 'élimination des facteurs nocifs de cette matrice originelle : la structure de l'usine capitaliste. La principale est la hiérarchie qui favorise l'aliénation des soignants. Ainsi tout système hiérarchique pyramidal nécessite que les personnes pour toutes actions plus ou moins personnelles, demande la permission à l'autre. Ces demandes sont tellement coutumières qu'elles ne choquent plus l'usager. Cette structure favorise la fonction du Surmoi mais aussi les demandes orales et les demandes anales. De ce fait, les personnes qui composent le Collectif " glissent " dans des stéréotypes régressifs sado-masochiste. Ce système s'applique à dépenser de l'énergie inutilement comme les problèmes d'avancement, la peur de la faute, de l'interdiction, le manque d'initiative, etc.

Cette tyrannie plus ou moins consciente empêche l'émergence de la créativité de la parole et des systèmes de rencontres importantes dans la pratique collective. Dans cette pratique, il est donc nécessaire de mettre en place des grilles d'emploi du temps très diverses, avec roulement des rôles, affinement des fonctions, des réunions d'information, la ventilation coordonnée des responsabilités, un système de gestion collective de certains secteurs, etc. Cela permet de mettre en place dans le Collectif des relations transférentielles multiples et de transformer les passage à l'acte incontrôlés comme la violence, les fugues, etc. en des " acting out ".

Les soignants comme des " co-acteurs " : Si la désaliénation passe par l'annulation de la hiérarchie, les soins quant à eux adviennent par une pratique qui s'appuie sur une activité qui accompagne les malades dans la vie quotidienne qu'elle soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement.

On a tendance à croire que le psychotique vit hors des symboles. Hochmann pense au contraire qu'il lutte contre parce qu'il a compris que le mot signifiait l'absence de la chose et que cette absence est douloureuse ; il évacue alors le sens que les mots transportent. C'est un mécanisme de défense qui lutte contre un sentiment de destruction imminente. Ainsi, en accompagnant le malade dans la vie quotidienne, nous introduisons par des actes une réalité qui n'est pas abstraite comme les mots. Par ce biais, le malade s'incorpore symbiliquement un morceau de substance du soignant, c'est-à-dire qu'il élabore une représentation et une relation à cette représentation. Il ne s'agit pas de tout faire à sa place car le fantasme de la mère inépuisable ne tarderait pas à émerger. Mais en l'accompagnant, il fait l'expérience d'un dehors et d'un dedans, d'un contenu et d'un contenant, de la ligne séparatrice et des frontières qui le font déboucher sur le manque nécessaire pour ne pas être dans la fusion et la confusion.

Tous ces actes passent par des activités comme l'aide à la toilette, les jeux de société, les accompagnements à l'extérieur, la simple présence, etc. tout ce qui constitue la vie d'une unité, des hôpitaux de jour, des C.M.P. Toutes ces activités ont le même point commun. Elles ressemblent à quelque chose d'essentiel qui est toujours absent qu'elles rappellent sans le remplacer.

Le risque pour le soignant est que lui-même pour se rassurer, agisse des actes en excès à la place du malade. Il ne lui permet pas alors d'expérimenter cette partie de l'objet qu'il incorpore pour s'en faire une représentation. Le soignant devient cette " grande Déesse mère " toute puissante qui le morcelle un peu plus et qui favorise des systèmes d'amour et de haine fusionnels, du persécuteur au persécuté. La notion de prise en charge globale qu'on retrouve dans les dossiers de soins infirmiers est le premier danger car le soignant va définir tous les besoins et les agir réellement sans prendre le temps de les " jouer ", de le laisser régresser ou tout simplement de prendre du plaisir ensemble. En fait, le soin n'est pas autre chose qu'un psychodrame de l'aide et du soutien.

Et de nos jours !

La politique de la santé a changé. Les hôpitaux ne touchent plus le prix de journée au nombre de lit mais reçoivent une enveloppe globale qui suit le PBI. Il devient progressivement ce qu'on nomme de nos jours l'hôpital entreprise. La restriction des budgets entraîne obligatoirement la restriction des effectifs. La psychiatrie, elle-même, dans sa volonté de la sectorisation, est rattaché aux hôpitaux généraux. Bientôt du budget global l'hôpital nous passerons au budget définit par l'activité. Le secteur public va fusionner avec le secteur privé. De même, les mentalités de la maladie mentale ont évolué. Le malade ne se maintient plus dans un lieu clos mais il vit auprès des siens et il rencontre et parle avec d'autres interlocuteurs qui l'aident dans sa vie quotidienne : assistantes sociales de quartier, aides-ménagères, personnel de mairie, etc. La psychothérapie institutionnelle ne peut plus exister que dans les murs de l'hôpital, elle doit " s'exporter " dans la Cité par le biais des Clubs thérapeutiques, des appartements associatifs, et de toutes les structures extérieures existantes.

Deux logiques s'affrontent : l'économie et la conception des soins. Pour que les soins soient efficaces et adaptés individuellement dans une conception qui tend et qui utilise les outils de la psychothérapie institutionnelle, que le personnel ne s'use pas physiquement et mentalement, il est nécessaire qu'il travaille de manière confortable. Ce confort ne s'obtient qu'avec des effectifs infirmiers importants. Du point de vue économique, peu importe l'idéologie des soins ! Ce qui compte c'est qu'ils soient à un moindre coût. Alors que Bonnafé préconisait la sectorisation, que cette dernière finit cette mise en place, l'économiste prône pour l'avenir de créer des structures intersectorielles qui coûteront moins chères aux hôpitaux. La notion de rentabilité deviendra le maître mot puisqu'il faudra remplir le temps en actes, et plus il y aura d'actes, plus le budget de l'hôpital sera important et par conséquence moins la qualité sera au rendez-vous. Le danger de ce nouveau système est la création de nouveaux ghettos pour les incurables qu'ils soient malades mentaux ou non. Dans son histoire, la psychiatrie a toujours montré lorsqu'elle avançait d'un pas, elle reculait de deux.

Au XIXème siècle, lorsque l'industrialisation arriva, la force de travail était nécessaire pour alimenter le capital. De nos jours ce capital s'alimente avec peu de force de travail par le biais de la mondialisation. Les hôpitaux empruntent le même schéma en optant pour des soins qui emploieront le moins d'infirmiers possibles tout en gardant un fonctionnement extrêmement rigide, celle de la matrice originelle. On voit mal comment la psychothérapie institutionnelle tiendra le choc ? Faut-il croire Gladis Swain lorsqu'elle écrit dans le Débat n°47 en 1987 que les neuroleptiques interviennent pour l'ordre et la science et l'anti-psychiatrie pour le rêve et la relation humaine ? Au-delà du simple constat de ces trente dernières années, on ne doit pas oublier cette évolution massive des médicaments. Henri Ey, à son époque, se posait la question existentielle du malade au regard des neuro-sciences. En effet, la chimiothérapie modifie la façon " d'être au monde " et, le patient traité par ces médicaments se trouve privé du seul compromis qu'il s'était imaginé : le symptôme auquel il tient de toute ses forces. Qu'advient-il lorsqu'il en est dépossédé et qu'inévitablement un " manque " le saisit ? Il n'y a qu'une seule alternative : que chaque patient soit accompagné par un soutien psychothérapique individuel, groupal ou institutionnel. En cela la psychothérapie prend tout son sens ainsi que les notions d'infirmiers référents qui accompagnent le malade dans son projet. Non seulement ils l'accompagneront dans sa vie quotidienne au cours de son hospitalisation, ou en extra-hospitalier, mais ils sont la marque symbolique de la Loi, cadre de référence nécessaire qui utilise la référence comme un repère (re-Père) afin que le malade s'engage dans un véritable contrat de soins. Ils sont des co-acteurs dans la relation et dans un co-agir, ils l'aideront à franchir des étapes difficiles qui, jusqu'alors, lui semblaient insurmontables. En tant que co-acteur dans un co-agir, ils sont en quelque sorte un miroir dans lequel le malade s'identifie en passant par l'altérité.

C'est sans doute par l'engagement des soignants que l'approche de la psychothérapie institutionnelle peut retrouver ses lettres de noblesse et faire valoir aux économistes le bien fondé de cette pratique. Pour cela, il me semble que la nouvelle génération doit réfléchir sur ce modèle qui reconnaît pleinement le malade en tant que Sujet. Elle doit acquérir une conscience professionnelle qui se forge non seulement sur un savoir faire et une savoir théorique mais également s'ouvrir à une conscience politique tout comme Tosquelles et Bonnafé l'ont fait mais aussi toute cette génération d'infirmiers dont je fais partie. Contre cette économie qui est le nouveau Dieu laïque de cette époque, ils leur faut acquérir une politique du rebelle et la faire valoir dans toutes les instances qu'elles soient locales(conseil de service, commission des soins infirmiers, syndicats, etc.) ou nationales (ANAES, ministère, etc.). Le soin ne se résume pas qu'à une technique mais bien à un engagement politique qui s'appuie aussi sur une philosophie.


Bibliographie :

1 JAMET (J.M), DEPRE (V), Editions Masson, collection Souffrance psychique et soins, juillet 1997.



Jean-Michel JAMET
Infirmier de secteur psychiatrique
Secteur XII - Pav 11B
(D.E.A droit, économie et sociologie de la décision médicale
ex-doctorant en droit médical)

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