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Du gardien à l’infirmier psychiatrique :

Histoire d’une profession

 

Toulouse Gérard Marchant

17 Mars 2008

 

 

La médicalisation et l’hygiénisation progressive depuis le début du XXème siècle de l’espace asilaire, vont favoriser la transformation des services. Elles vont également avoir une action sur les appellations des professionnels y exerçant et les formations délivrées.

Du gardien à l’infirmier de secteur psychiatrique, quel chemin ?

Quel choix particulier d’avoir, dans notre titre, employé le terme au masculin : Infirmier !

La profession infirmière est largement féminisée. Elle s’est forgée le plus souvent de manière empirique, en tout premier lieu autour de la religion. Elle a évolué au décours des guerres, des besoins de la société et autour de réflexions humanistes.

Au Moyen âge, par exemple, on met à contribution les prostituées pour s’occuper des lépreux. Ce sont Les ordres religieux qui  vont organiser la profession autour de la charité et de l’amour de Dieu. Les religieuses qui exercent dans les hôpitaux et hospices sont alors entièrement prises en charge par la structure religieuse. Il faudra attendre la laïcisation et la Première Guerre Mondiale pour que s’affirme réellement la profession infirmière, en dehors de tout corpus religieux.

 

Un des précurseurs : Le Dr Bourneville (1840 – 1909)

Le Docteur Désiré Magloire Bourneville était un médecin novateur dans le domaine de l’hygiène, de la santé publique, de la neurologie, de la santé mentale, notamment de la neuropsychiatrie infantile. Il était aussi un farouche anticlérical. Il va dans les années 1870 à 1900, par son influence et son engagement, favoriser la création d’écoles d’infirmière laïques. C’est ainsi qu’en  1878 : l'école d'infirmiers de "l'asile de la Salpêtrière" accueille ses premiers élèves.

 

 

A cette époque dans les asiles publics et privés, les médecins se heurtent d’un côté aux religieuses, n’obéissant qu’à la hiérarchie ecclésiastique et de l’autre à l’instabilité du personnel laïc, à la réputation brutale. Aux soins médicaux et aux thérapeutiques curatives, les religieuses préfèrent invoquer les Saints guérisseurs : « Elles considèrent la folie comme un résultat d’un pêché ; font des lectures mystiques à des malades atteints de folie religieuse »[1]. La catégorie de personnel appelé « gardiens » est décrite comme une main d’œuvre « secondaire », « subalterne » ou encore « inférieure».

 

 

Quand est-il des gardiens

 

 

Le terme de gardien est souvent utilisé dans les hospices et hôpitaux. On parle également de garde, garde en couches, garde malade.

Les gardiens d’asile ont quasiment tous le même profil dans toute l’Europe. Ils sont issus de milieu modeste souvent anciens malades ou «  convalescents  ». Ils sont très proche tant dans leurs fonctions que dans leur recrutement des gardiens de prison. En 1907, Van Den Venter déclare au congrès médical d’Amsterdam : «les personnel des gardiens consistait essentiellement en un ramassis de vagabonds et d'ivrognes, de naufragés de la société qui, poussés par la faim, acceptaient ces fonctions pour pouvoir hiberner dans l'établissement  ».

Il existait très peu de séparation entre vie privée et vie publique. On note que le Règlement du quartier des aliénés de l'hospice de Nantes adopté en 1835 stipulait que « les infirmiers et infirmières doivent «exercer une surveillance constante sur les aliénés  » ; «aucune excuse ne pourrait justifier un abandon, même momentané, des malades qui leur sont confiés  » (art. 5).[2]

Jusqu’au début du XXème siècle, les personnels s’occupant des aliénés étaient considérés encore comme gardiens de fous, ceux qui se devaient de garder, de surveiller les insensés.

Ils vivaient à l’intérieur des murs, et presque rien ne les distinguait des aliénés. Le recrutement était plutôt axé sur la «corpulence physique  ». Certains patients stabilisés devenaient eux-mêmes gardiens. Les personnels sont nourris et logés à l’hôpital, doivent rester célibataires et partagent totalement la vie de ceux qu’ils gardent…. Au congrès des aliénistes en 1901 à Limoges, la question est encore posée  «  Y a t il lieu de remplacer les mots de gardiens par ceux d’infirmiers  ?  » [3] Cette question restera récurrente.

 

 

 

JB Pussin et comment Esquirol prendra sa place

 

Jean Baptiste PUSSIN (Lons le Saunier, 1746 Paris, 1811) est souvent considéré comme le père symbolique de l’infirmier en psychiatrie, il pourrait aussi apparaître comme le prototype de l’aliéniste du XIXème siècle. J.B Pussin était tanneur, Il a été admis à Bicêtre en 1771 atteint de tuberculose. Guéri, il trouvera un emploi à l’hôpital. Il occupe au départ un emploi de garçon de salle et est nommé en 1785 : surveillant de la salle des mentaux incurables (loges des « aliénés agités »). Les missions des surveillants sont de diriger les emplois, c'est-à-dire à la fois les sous-employés et les malades. Il est d’ailleurs très ordinaire aux XVIIIème que les services recevant des insensés soit dirigé par un non médecin.

« A l’hôpital La Grave de Toulouse, c’est une femme qui tient le rôle de Pussin. Il s’agit de la Supérieure, Madame sœur Chagny. Elle obtient de l’administration en 1822, alors qu’il n’y a pas encore d’aliéniste dans l’établissement, les fonds nécessaires pour faire construire des bâtiments appropriés pour les aliénés. »[4]

J.B Pussin  « a développé les principes d’une approche à la fois humaine et ferme, dont Pinel s’inspire pour théoriser son traitement moral. »[5]

C’est Pussin, qui atténuera et restreindra les moyens de contention, et non Pinel comme il est souvent dit. Pussin accepte de partager son savoir-faire, il enseigne, à Pinel, ses principes empiriques fondés sur l’observation et l’expérience.Il y a aussi un autre personnage majeur et hors du commun, que l’on ne cite que très rarement, la femme de Mr Pussin. Pinel en parle à plusieurs reprises dans ses écrits, il note « la fermeté, l’intelligence et le courage » dont elle fait preuve. Les époux rejoindront ensuite Pinel en 1801 à la Salpêtrière, 2 ans après son arrivée. Pussin fut également le premier surveillant à écrire des observations sur les personnes qu’il avait en charge.

A la mort de Pussin, le 7 avril 1811 le Conseil Général des Hospices nomment un médecin à la place du surveillant : Jean Etienne, Dominique Esquirol (1772 - 1840). Les attributions des surveillants sont jugées trop étendue. Il va devoir alors redéfinir les attributions de chacun : " les devoirs du surveillant se sont si souvent confondus avec ceux du médecin qu'il en est résulté souvent des entraves pour le traitement médical et des difficultés sans cesse renaissantes " Il s'agit là d'un réel coup de force administratif et médical. Les surveillants sont alors exclus de la relation malades-médecins et retournent au statut de serviteurs.


Esquirol précise dès lors que «  tous les domestiques doivent obéir sans réplique devant leurs malades ; ils doivent céder aveuglément  cette obéissance inspire un esprit de docilité qui tourne à l’avantage du malade  »

 

 

 

Allons faire un tour du côté de chez nos voisins !!

Le « no-restraint »

 

 

« Ce concept a pris naissance en Angleterre, au moment où, en France, venait d'être votée la loi du 30 juin 1838. Le médecin de l'asile de Hanwell, John Conolly, fait une déclaration solennelle, le 21 septembre 1839, pour réformer son établissement et abolir toute mesure de contrainte : le fauteuil de force, la camisole, le gilet de force, le maillot, les entraves... Les idées de John Conolly ont été diffusées en France par B. Morel. » (1860) 

Renouant avec les principes du traitement moral et les théories philanthropiques de Philippe Pinel, Tuke, Willis..., John Conolly met en avant trois modalités d’action thérapeutique dans The construction and government of lunatic asylums (1847) : les «  amusements» (fêtes, bibliothèque, excursions), les «  occupations» (travail des malades, jardinage...) et «l'association harmonisée  ».

L'«  association  » vise à composer des groupes d'individus différents, à l'opposé des regroupements habituels des déments entre eux, des violents entre eux, etc. : par exemple, la surexcitation d'un malade sera amortie par le calme d'un autre, la saleté de l'un par la propreté de l'autre, etc. L'« association » comporte un second aspect : elle fait correspondre chaque «esprit dérangé, souffrant  » avec un «esprit sain  » : chaque malade est référé un soignant, relation qui exige des qualités particulières, définies ainsi par Sankey : 

1. Un certain degré d'intelligence.

2. Une disposition naturelle à la santé et à la bonne humeur.

3. De l'expérience  ».

Une fois ces capacités réunies «  à écouter, à servir les malades  ».

Il n'est plus question d'employer ni contrainte physique, ni violence verbale. Il s'agit d'être attentif, de ne pas intervenir en cas d'excitation. Si la furie est incontrôlable, la réclusion en cellule s'impose, mais pour une durée limitée, d'environ deux heures.  L'accueil fait en France aux idées de John Conolly fût plutôt critique »[6]

En 1907, est publié une grande enquête dans la Revue de psychiatrie sur le «  no-restraint ». Elle dit que le nombre et la qualité des infirmiers est une condition essentielle à la réussite de cette approche thérapeutique.

Cependant dans le même temps Emile Kraeplin pourra dire que : «la suffisance des vieux infirmiers indispose les jeunes médecins  »

 

 

 

L’infirmier psychiatrique : quelle origine pour cette appellation

 

Sous le Front Populaire, se met en route un mouvement humaniste politique et social. Avec le décret du 22 janvier 1937 les asiles prennent la dénomination d’hôpital psychiatrique. Rucart, Ministre de la Santé, signe les circulaires, entre autre celles :

du 13 octobre 1937 recommandant le développement d'une psychiatrie hors les murs, Les devoirs du service public psychiatrique ne se limitent pas aux responsabilités intra-asilaires puisqu’elle préconise l’ouverture de dispensaire d’hygiène mentale dans chaque départements[7]

et du 7 décembre 1938 sur le fonctionnement des hôpitaux psychiatriques.

 

C’est également en 1937 avec le changement de dénomination des asiles  que le terme « d'infirmier psychiatrique" remplace celui "d'infirmier des asiles d'aliénés".

 

 

Pour récapituler !

 

  1878 : l'école d'infirmiers de "l'asile de la Salpêtrière" accueille ses premiers élèves.

  1907 : passage de l'état de gardien à celui du diplôme d'infirmier de secteur départemental en psychiatrie [1].

  1922 : le titre « d'infirmier diplômé de l'état français » est créé. Il sanctionne une formation de deux ans axée sur le soin somatique, et n'incluant pas le soin en psychiatrie.

 

 

 

Les CEMEA

 

Nous ne pouvons parler de formation sans évoquer les CEMEA. Centre d’Entrainement aux Méthodes d’Education Active va proposer et mettre en œuvre avec des personnes tels que Daumézon, Le Guillant des stages de perfectionnement destinés aux infirmiers dès 1949 dans certains établissements qui tentaient, par l’introduction d’une vie sociale dans le vieil asile, de rompre avec la fatalité des structures aliénantes.

 

« Les infirmiers reviennent des stages des Ceméa enrichis, non pas tant de techniques sociothérapiques, ou de recettes pour occuper les malades, mais d’une approche et d’une compréhension du fait pathologique et des modes relationnels, qu’ils avaient eux-mêmes vécues, entièrement repensées et modifiées. Il en découlait un changement radical dans leur attitude professionnelle et le désir de la mise en place de structures désaliénantes et thérapeutique. En ce faisant, ils se heurtaient au traditionnalisme de la hiérarchie infirmière et médicale. On peut dire pour schématiser que c’est du constat de l’inadéquation entre le potentiel révolutionnaire des stages et l’attitude conservatrice du pouvoir médical et administratif que naissait l’idée qui a donné naissance au groupe de Sèvres. »[8]

 

 

Les journées de Sèvres

 

La première eut lieu le 26 mai 1957. Six réunions auront eu lieu au total.

Ces rencontres initiés par Daumézon et LeGuillant, vont réunir des médecins des hôpitaux psychiatriques, des psychiatres et des psychanalystes d’exercice privé ainsi que des moniteurs des CEMEA (Parmi lesquels, on peut citer : Oury, Ayme, Diatkine, Bonnafé, Follin, Tosquelles, Kestenberg, Gentis …). Le groupe de Sèvres va adopter une attitude délibérément prospective. Le 26 avril 1959, le groupe se réunit pour la dernière fois et élabore des propositions d’action, tant pour :

-          le secteur (nous pouvons dire qu’il a été le creuset de l’élaboration de la politique de secteur avant la parution de cette circulaire historique du 15 mars 1960) et

-           pour la participation des infirmiers à la psychothérapie. C’est autour des orientations définies par le groupe de Sèvres que sera élaboré un projet ambitieux de formation des infirmiers, pratiquement achevé en 1963, mais qui ne verra le jour qu’en 1973 sous forme d’un décret établissant les conditions de formation des infirmiers de secteur psychiatrique.

 

 

La participation des infirmiers à la psychothérapie va être une des deux sources de désaccords entre les participants. Ces désaccords n’étaient pas sans rapport avec l’ukase stalinien contre la psychanalyse et la première scission chez les psychanalystes en 1953.

 

Les années 1950 sont marquées par la découverte fortuite et l’utilisation empirique des psychotropes, ce n’est pas pour autant que la biologie ait pris le premier plan. « Curieusement, il n’en a rien été. Balvet et Bonnafé rappellent que les transformations de l’asile et l’amélioration du psychisme des patients qui s’ensuivit sont bien antérieures à l’apparition du Largactil, que ces transformations doivent se poursuivrent, stimulées par l’usage des neuroleptiques et par l’apport des découvertes psychanalytiques. Je ne résiste pas au plaisir de citer Bonnafé disant avoir appris de Balvet que la plus grande efficacité d’une cure de Sakel résidait dans le pot de géranium placé par l’infirmier au chevet du malade pour que celui-ci le découvre à son réveil. »[9]

 

 

En 1955, le Ministre de la Santé français promeut un arrêté fort modeste et écrit, sous la pression de psychiatres comme Paul Bernard, Hubert Mignot, Lucien Bonnafé, qu’il «(se) préoccupe actuellement de la création d'un diplôme d'État de spécialisation psychiatrique, permettant le recrutement de cadres particulièrement qualifiés  ». L’arrêté du 23 juillet 1955 réglemente le premier diplôme pour les infirmiers des hôpitaux psychiatriques. Il définit une formation de 2 ans.

Il faudra ensuite attendre 14 ans avant qu’un diplôme départemental se mette en place. La formation étant laissé au grès des établissements et de leurs moyens !!!

 

L’arrêté du 12 mai 1969 entérine le titre : « infirmier de secteur psychiatrique ». Les cours dispensées évolueront, en 1973 la formation des ISP est dispensée sur 2 ans et 4 mois. Les élèves continuent à effectuer une partie de leur temps d’études en travaillant directement dans les services ou ils sont affectés. Le programme de la formation d’ISP sera une nouvelle fois modifié en 1979. Elle se déroule sur 3 ans, à savoir 33mois + les congés d’été !). Il est important de rappeler que ce diplôme n’est pas reconnu au niveau national. Il demeure départemental !!!!

 

 

 

Le Congrès d’Auxerre

 

 

En septembre 1974 a eu lieu Le Congrès d’Auxerre. Georges Daumézon présidait le congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française qui avait pris pour thème: « Rôle et formation de l’infirmier psychiatrique ». Les docteurs Karavokiros et Monroy, chargés de rédiger le rapport sur la formation des infirmiers psychiatriques, voulurent que ce fût les infirmiers eux-mêmes qui le fassent, ce qui eut lieu. Le travail de synthèse fut réalisé par l’AERFIP (Association pour l’étude et le rôle de la formation pour l’infirmier psychiatrique). Association très militante, très politisée voire libertaire. Elle organisa, en même temps que les psychiatres, une sorte de contre-congrès à Saint-Bris-le-Vineux à quelques kilomètres D’Auxerre. Elle rassembla près de 400 infirmiers venus des quatre coins de la France. Où Nous allions, comme le dira un journaliste de Politique-Hebdo, « vider notre sac ».

Un matin 400 infirmiers ont envahi le congrès des médecins, un infirmier est monté sur scène et a lu un texte extrêmement violent. La lumière s’est éteinte et les congressistes ont été invités à se rendre à Saint-Bris- le-Vineux. Une partie importante des psychiatres  les a rejoint une sorte de Mai 68 psychiatrique s’est produit (sans les barricades et la foule autour !).

 

Ce congrès à donner lieu à la publication d’un rapport intitulé : «  Des infirmiers psychiatriques prennent la parole ».

 

Les infirmiers  se sont mis à écrire comme Pussin l’avait déjà fait 200 ans plus tôt. Le premier a écrire a été André Roumieux et puis les autres ont suivi…peu ou pas assez !

 

 

Le D.U.P

 

1992 le DUP, diplôme Unique Polyvalent voit le jour. Un seul diplôme pour ceux exerçant en soins généraux et ceux exerçant en psychiatrie.

Et pourtant notre demande (réfléchie) était pour que l’on reconnaisse un diplôme d’état aux infirmiers de SECTEUR PYCHIATRIQUE.

Les Ecole infirmières se transforment par un jeu sémantique en Institut de Formation en Soins Infirmiers. Cependant, nous pouvons noter, que plus d’1/4 des IFSI n'a aucun formateur ayant une expérience du soin psychiatrique!

 

 

Dès 2002, soit 10 ans après la mise en place du diplôme unique, au vue des difficultés rencontrés dans les soins et l’accompagnement des patients souffrants de troubles psychiques, le gouvernement mesure la gravité de la situation. Un projet est à l'étude pour ajouter jusqu'à 2 ans de formation spécialisée aux infirmiers en soins généraux qui choisissent d'exercer dans la santé mentale

 

Du 5 au 7 Juin 2003, la ville de Montpellier va accueillir les "États Généraux de la Psychiatrie" dont le but était d'alerter les pouvoirs publics et l'opinion sur la difficulté croissante d'exercer le soin. La formation des infirmiers et infirmières y sera encore une fois longuement discutée bien que les infirmiers de psychiatrie y aient été invités de justesse !!!!!!!!!

« S’y affrontent (à partir d’un constat commun de carence de la formation pour exercer en psychiatrie), deux visions de la formation de l’infirmier en psychiatrie qui peuvent paraître « ergotage » pour le profane mais qui révèlent deux positionnements très différents. Spécialisation contre spécificité. La première, calquée sur le modèle existant des spécialisations des infirmiers (comme les infirmiers anesthésistes par exemple) vise à ce que quelques uns acquièrent une spécialisation dans le domaine de la psychiatrie. Cette voie se heurte à deux difficultés, (outre de créer une « élite » d’infirmier psy), quelle sera la place des « infirmier spécialisés en psychiatrie » dans les services entre les cadres infirmiers et les infirmiers polyvalents versus diplôme de 1992 ? Et qu’en est-il de la revalorisation salariale liée à la spécialisation (c’est sur ce dernier point qu’ils ne seront pas suivis par les pouvoirs publics (un chou ché un chou kré non de diou !). La seconde propose une formation en Y très proche du dernier diplôme des infirmiers de secteurs psychiatriques qui rappelons le faisaient des stages en cardiologie, orthopédie etc… avant d’avoir leur diplôme, avec donc un tronc commun, puis une « option psychiatrie ».

Ce sera la seule motion des Etats Généraux de la Psychiatrie à ne pas être votée en séance plénière de fin, renvoyant tenants de l’une et de l’autre option à des discussions pour proposer troisième voie.

Dans les mois qui ont suivi les Etats Généraux, des syndicats et associations infirmier se sont réunis plusieurs fois pour arriver à un consensus minimum pour interpeller le Ministère de la santé sur cette question. Un texte commun a été rédigé et adressé à M. Mattei … qui devait quitter ses fonctions peu de temps après suite à un remaniement ministériel ! »[10]       

 

Un paseito para a lente, un paseito para a tras

 

Le 10 Juillet 2003 parait une circulaire  qui porte sur le "renforcement de la formation des infirmiers destinés à exercer dans le secteur psychiatrique". Nos pouvons penser que par ce texte Le gouvernement invalide l'esprit de la formation unique, et en reconnaît son insuffisance. Le rapport Clery-Melun fait suite à cette circulaire (que nous notons « d’application immédiate »). « Alors qu'il avait été question de rajouter jusqu'à 2 ans de formation spécialisée aux infirmiers en soins généraux qui choisissent d'exercer dans la santé mentale, le rapport ne préconise plus qu'une formation complémentaire de 6 mois: c'est mieux que rien, mais à ce rythme (6 mois de plus après 10 ans d'inertie) il faudra attendre 2052 pour retrouver les 3 ans de formation spécialisée qu'ont eue les infirmiers de secteur psychiatrique. Attention, il n'en restera peut-être plus beaucoup pour faire la transition! »[11]

 

Cependant rien n’est mis en place, de façon construite. Le plan « santé mentale » version Mr Douste Blazy, en 2005, amorce l’idée d’un compagnonnage et c’est en janvier 2006 que se concrétise la mise en place d'un tutorat infirmier pour les nouveaux soignants arrivant en psychiatrie.

 

16 Janvier 2006 : la circulaire n° 2006-21 concrétise la mise en place d'un tutorat infirmier pour les nouveaux soignants arrivant en psychiatrie. Cette stratégie d'évitement transpose sur les épaules des anciens infirmiers encore présents dans les services, une responsabilité bien encombrante que politiques et I.F.S.I. partage maintenant depuis plus de 15 ans.

Cette circulaire est une reconnaissance très explicite du fait que la transmission des savoirs et des savoir-faire, nécessaire pourtant au travail d'équipe en psychiatrie, ne se fait plus depuis 1992...

 

S’y associeront les 15 jours de consolidations des savoirs…..

 

 

 

Conclusion

 

L’infirmier ne s’appelle plus infirmier de secteur psychiatrique mais dans les services qui ont mené une véritable politique de secteur, il a maintenant tout un réseau de partenaire avec lui dans la ville qui l’aident, le guident dans les soins qu’il apporte aux personnes en souffrance psychique. Il n’a jamais autant mérité son appellation d’infirmier de secteur.

 

Les formations spécifiques des professionnels ont été supprimées. Le nombre de psychiatres formés depuis 1986 a été divisé par 10. La formation d’infirmier de secteur psychiatrique a disparu depuis 1992. Cette disparition s’est avérée possible car il n’y a pas eu de reconnaissance d’un exercice particulier. D’un point de vue économique, il n’était pas rentable de continuer à dispenser 2 formations de plus les hôpitaux psychiatriques représentaient des «  viviers » d’infirmiers diplômés. Avec la disparition de ce diplôme, la spécificité du champ d’exercice a disparu. Et pourtant !
Etre soignant en psychiatrie n’est pas un métier anodin, cela suppose une éthique, un positionnement militant quand à la défense des droits de l’homme. Notre travail consiste à nous rapprocher de l’autre, cela suppose que l’on se positionne avant tout comme Homme et que l’on travaille avec son propre engagement humain.
Cela suppose aussi d’être un artisan, qui bricole au quotidien avec ses outils et concepts. Cela suppose qu’il faut rester en position d’apprentissage et d’apprendre aussi et surtout des patients.

 
Notre travail est aussi et surtout un travail de lien, de connaissance humaine et professionnelle; lien de l’Homme avec son histoire, sa famille, sa cité.

 

Soigner et principalement en psychiatrie ne se borne pas à appréhender des techniques mais c’est avant tout un engagement politique qui s’appuie sur une conception philosophie de l’homme.

 

Je voudrais, pour conclure mon propos, vous faire partager cette réflexion de William Faulkner : « Le suprême degré de la sagesse est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu'on les poursuit. »

 

 

 

Isabelle Aubard

Infirmière de secteur psychiatrique

Cadre de santé



[1] Bourneville D.M, « Histoire illustrée de la psychiatrie »

[2]Marcel JAEGER, «Congrès européen : ASCISM - 21 novembre 2000  « L’histoire des infirmiers en psychiatrie et la dimension européenne », serpsy.org                                         

[3] L’infirmier de secteur psychiatrique, http//www .serpsy.org

[4] Marie Rajablat, Jean Vignes…..

[5] Jacques Hochmann, L’histoire de la psychiatrie, Puf, p.9

[6] Marcel JAEGER, «Congrès européen : ASCISM - 21 novembre 2000  « L’histoire des infirmiers en psychiatrie et la dimension européenne », Serpsy.org

[7] Bonnafé (L) thèses 1978 sur la psychiatrie de secteur, l’information psychiatrique vol54 n°8 octobre 1978 p.877

[8] Jean Ayme, « le groupe de Sèvres, VST N° 128, 1980

[9] Michel Gillet, « Le retour d’Ulysse » in Quelle formation pour quelle psychiatrie ?, Erès, p.106

[10] Emmanuel Digonnet, note personnel de l’auteur

[11] http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/histoire.htm







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