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POLEMIQUE AUTOUR DE
LA PHILOSOPHIE DE LA FOLIE


Chantal Bernard



Le MOUVEMENT des LUMIERES et les philosophes du XVIIIème ont considérablement influencé l'évolution de la médecine mentale comme le signifie le nom même de certains traités "médicaux-philosophiques".

Je vais retracer en quelques lignes l'itinéraire de Philippe PINEL (1745-1826), à qui est attribuée la "libération" des fous, pour tenter de le dessiner sous une lumière différente, et mettre en valeur le fait que, d'autres que lui, dont son contemporain, Joseph DAQUIN (1732-1815) ont largement contribué dans leur réalité quotidienne, à l'évolution de la prise en charge des malades mentaux et à la mise en place des TRAITEMENTS MORAUX :

COLOMBIER, TENON et DAQUIN ont exprimé dans leurs ouvrages, une réelle volonté d'améliorer les conditions d'hospitalisations des insensés.



PINEL :

Après avoir poursuivi des études ecclésiastiques à Toulouse, PINEL quitte la soutane pour préparer son Doctorat en médecine auquel il est reçu en 1773.
Cette année-là, DAQUIN publie déjà à Chambéry, l'Analyse des eaux thermales en Savoie, traité dans lequel il aborde les questions qui nous intéressent : "les affections de l'âme" qui "ont un pouvoir décidé sur le physique de notre corps" (Je développerai cette notion plus loin)

En 1774, PINEL part pour Montpellier, où il étudie la nosographie de BOISSIER DE SAUVAGES, et suit l'enseignement de BARTHEZ.
Notons qu'il rédige et vend alors, pour se faire un peu d'argent, de nouvelles thèses de Doctorat, médiocres, pour d'autres étudiants.

En 1778, il part "faire carrière à Paris. Pour survivre, il donne des leçons de mathématiques, rédige quelques articles médicaux et dirigera à partir de 1782 la GAZETTE DE SANTE.
Il traduit LES INSTITUTIONS DE MEDECINE PRATIQUE de Cullen en 1785, le ŒUVRES MEDICALES de Baglivi en 1788.

A partir de 1784 (il a alors 39 ans), il travaille pour la première fois au contact de la folie, à la maison de santé de Mr Belhomme, rue de Charonne, maison réservée à de riches malades mentaux. TENON, dans son rapport sur les Hôpitaux, recense dans cette maison à la veille de la révolution, "15 hommes en démence, 16 femmes en démence et 2 furieux".
Pinel a soif de réussite, mais il est desservi par une petite taille, une grande timidité et un bégaiement pénible.
A cette époque, il échoue par trois fois au concours de la faculté pour un poste de "Docteur Régent" et se voit refuser une "charge de Médecin auprès de Mesdames, tantes du Roi".

Peu gâté par l'Ancien Régime, c'est par esprit de revanche et avec enthousiasme qu'il adopte les idées de la Révolution Française.
Nommé Officier Municipal, il suit les séances de l'Assemblée Législative et de la Convention.
Lors de l'exécution de LOUIS XVI, il participe "en armes" au service d'ordre. Mais il devient un bourgeois "modérantiste" et n'accepte pas la Terreur.

Se sentant en danger, il se fait nommer grâce à son ami Thouret, médecin à l'hospice de Bicêtre, où il va se cacher, du 11 septembre 1793 jusqu'au lendemain du 9 Thermidor.
Jean-Baptiste PUSSIN travaille déjà là depuis 9 ans et a acquis une solide expérience de la pratique des insensés, dont saura pleinement profiter PINEL.

Avec la réaction Thermidorienne, Pinel va enfin se lancer dans la brillante carrière qu'il attend depuis si longtemps :
-    Nommé en décembre 1794 Professeur de physique médicale et d'hygiène de la nouvelle école de Santé de Paris, il va y succéder à Doublet dans la chair de la pathologie interne.
-    Le 13 mai 1795, il devient Médecin Chef de l'hôpital de la Salpétrière, et 7 ans plus tard s'achète un important domaine "payé comptant" à Torfou (près d'Anger)
-    Membre de l'Institut en 1803, il sert maintenant l'Empire et sera l'un des premiers à être décoré de la Légion d'Honneur.
-    En 1805, il reçoit le titre de Médecin Consultant de l'Empereur et son opportunisme le maintient en place pendant les deux restaurations.
-    En 1818, il sera même décoré "au NOM du ROI" de la Croix de l'Ordre de Saint-Michel.
-    En 1822 (il a alors 77 ans), à la suite de la dissolution de l'Ecole de Médecine, il figure parmi les professeurs révoqués…
Cependant, il gardera jusqu'à sa mort son poste à La Salpétrière.

Le "fameux geste libérateur" de Pinel serait une légende qu'il aurait créée lui-même en 1809, en la consignant dans l'introduction de sa deuxième édition de son TRAITE MEDICO-PHILOSOPHIQUE SUR L'ALIENATION MENTALE, alors qu'elle ne figurait pas dans la première édition de 1801 (1).
Sa "motivation" pour s'occuper de la folie est-elle autre chose qu'opportunisme ? Nous sommes en droit, il me semble, de nous poser la question…

Cela n'exclus pas le fait que Pinel reste, par ailleurs, l'un des pionniers de la psychiatrie européenne : sa NOSOGRAPHIE (annexe 1) sera rééditée six fois, et sa MEDECINE CLINIQUE rendue plus précise et plus exacte par l'APPLICATION ET L'ANALYSE ou RECEUIL ET RESULTATS D'OBSERVATIONS SUR LES MALADIES AIGUES, faites à la Salpétrière (mais par Pinel ou Par Pussin ?) sera rééditée trois fois.





DAQUIN :

Il a fait ses études à Turin, capitale politique et universitaire du Piémont. A 25 ans, il est reçu Docteur en Médecine, et va aller compléter sa formation à MONTPELLIER puis à PARIS.

En 1762, alors âgé de 30 ans, il regagne sa ville natale CHAMBERY, où il va exercer la médecine au quotidien à l'Hôtel-Dieu qu'il ne quittera qu'à sa mort.

La question des fous retient déjà l'attention de DAQUIN un an avant qu'il soit nommé aux Incurables. Il décrit les six loges destinées aux fous : humides, froides, malsaines, et où "on ne peut pas y vivre longtemps "donc encore moins y soigner ces malades. On aggrave leurs maux "en les logeant dans des réduits insalubres et qui paraîtraient tout au plus, faits pour contenir des bêtes féroces (…) contraires à l'humanité", HUMANITE à laquelle il va dédier sa première édition de la PHILOSAPHIE DE LA FOLIE.
Il précise : "la Médecine ne s'est occupée jusqu'ici que de la manière de traiter les fous quant aux moyens physiques, elle a négligé dans ce traitement, ceux qu'on pourrait tirer de la philosophie". Nous sommes alors en 1787.
Et à partir de 1788, il exerce donc en plus "aux Incurables" où sont réunis les infirmes et les insensés. Treize ans plus tard, en 1801, naîtra sa première édition de la PHILOSOPHIE DE LA FOLIE qui entreprend de résumer les principes de la réforme sur la situation des malades mentaux de l'asile de Chambéry. DAQUIN n'est pas un brillant théoricien, mais un excellent praticien de terrain : il a rédigé son traité en s'appuyant sur son expérience clinique… et, précise-t-il, sans avoir eu la chance d'avoir un PUSSIN à ses côtés…(2)

Il suit les idées du CULLEN, et est influencé par les doctrines de BAGLIVI sur la médecine d'observation et de "la nature éducative" (3).

Il participe activement à la vie politique et sociale de sa commune dont il devient l'un des notables, estimés de tous. Cependant il choisit délibérément de sacrifier carrière politique, fortune et même famille, pour sa passion : la Médecine.
En 1807, l'hospice des incurables compte 23 fous, 7 épileptiques et 12 imbéciles (4).
Puis, progressivement, DAQUIN va s'occuper de tous les aliénés de Chambéry dont le nombre va croissant :
-    26 aux incurables
-    8 à la Charité
-    4 dans les prisons et
-    64 au dépôt de mendicité
Ces 102 aliénés ne représentent que le 15ème des aliénés recensés dans le département ! (5)

DAQUIN pratiquera quotidiennement et modestement jusqu'à sa mort le 11 juillet 1815.

"Le DAQUIN des champs, écrasé par le PINEL des villes" (6) allait cependant connaître une célébrité posthume, dans la violence polémique (cependant très vite occultée) qui agita le monde médical du milieu du XIXème siècle, suite à une communication du Dr GUILLAND fils, le 6 février 1851, devant l'Académie Royale de Savoie, accusant PINEL d'avoir pillé DAQUIN.

DAQUIN a couché par écrit son expérience dans une douzaine d'ouvrages où émerge la réflexion qu'il a consacrée à la folie.

Dans le premier de ses ouvrages L'ANALYSE DES EAUX THERMALES D'AIX EN SAVOIE en 1773, il se penche déjà sur "les affections de l'âme" et "l'effet des passions sur le corps" :
"la tristesse, la haine, l'envie, la jalousie resserrent les fibres, ralentissent la circulation, troublent particulièrement la digestion et occasionnent des spasmes et des obstructions dans les viscères". On sent déjà là poindre son intérêt.

Puis, il écrira un mémoire sur la prophylaxie des accouchements et une recherche sur "les causes qui entretiennent les fièvres putrides à Chambéry", et enfin il va dresser une "topographie médicale de la ville de Chambéry et de ses environs (1787), faisant le point sur l'état sanitaire de la population, incluant la maladie mentale et la façon désastreuse dont on la traite ou plutôt dont on l'aggrave.

DAQUIN a aussi fait d'importantes recherches sur les répercussions de l'influence lunaire sur les malades mentaux, thème qu'il développera considérablement dans sa deuxième édition de LA PHILOSOPHIE DE LA FOLIE.





LE CONTEXTE DE CE MOUVEMENT


Au début du règne de LOUIS XVI apparut en France un mouvement que Jean-Jacques ROUSSEAU décrira comme "une répugnance innée" à voir souffrir son semblable et en 1776, lorsque NECKER succède à TURGOT, la question de l'assistance est à l'ordre du jour. La misère étant fille de l'état social, la société doit réparer le mal dont elle est la cause, et le gouvernement ne saurait abandonner le soin de l'assistance à la charité.

Parallèlement, une interprétation psychologique qui arrache la folie au registre du corps, voit le jour. Mais la folie sera mise officiellement à l'ordre du jour du combat philanthropique par COLOMBIER, DOUBLET et THOURET et la première concrétisation en sera l'INSTRUCTION DE 1785 SUR LA MANIERE DE GOUVERNER LES INSENSES.

C'est donc tout un contexte social qui a permis l'avènement du traitement moral accompagné du fameux geste libératoire que de nombreux auteurs avaient déjà esquissé. Pour n'en citer que deux, je rappellerai que Pierre PIGRAY en 1609, prône déjà "les douces paroles" qui "profitent plus que les remèdes dans les maladies comme la folie" et TISSOT, en 1778 dans son TRAITE DES NERFS ET DE LEURS MALADIES, critique les médecins "qui ne connaissent pas assez le moral" de leurs patients.

LA PHILOSOPHIE DE LA FOLIE de DAQUIN est sans doute le premier témoignage d'un médecin, qui traite exclusivement de la médecine de la folie, en s'appuyant sur sa pratique.
(observation page 58, annexe 02)

"Que le médecin vienne avec la médecine : mais avec cette médecine dépouillée de son galimatias de son charlatanisme et surtout de cet appareil de drogues et de formules, (…) je veux qu'il vienne avec cet esprit observateur qui épie la marche de la nature, afin de la favoriser, d'aider ses pas (6)

"J'ai cru devoir donner le nom de PHILOSOPHIE DE LA FOLIE, parce que de tous les maux qui nous affligent, celui-là est peut-être un de ceux, qui exige le plus petit nombre de remèdes de la pharmacie. On réussit infiniment mieux et plus sûrement, auprès des malades qui en sont atteints par la patience, par beaucoup de douceur, par une prudence éclairée, par de petits soins, par des égards, par de bonnes raisons et par des propos consolants qu'on essaie de leur tenir, dans les intervalles lucides dont ils jouissent quelquefois. C'est la réunion de tous ces moyens, que j'entends par PHILOSOPHIE : c'est d'eux plutôt que de tout ce fatras de drogues, dont en général on surcharge les malades, que dépendent les succès qu'on obtient ; et je soutiens que les secours moraux devraient peut-être, être les seuls qu'on dût employer".





PETIT RAPPEL DE CHRONOLOGIE COMPAREE



1785
Instruction sur la manière de gouverner les insensés et de travailler à leur guérison dans les Asiles qui leur sont destinés.

1788
Mémoire sur les hôpitaux de Paris, de TENON.

1789
Première édition de la PHILOSOPHIE DE LA FOLIE dédiée à l'HUMANITE.

1801
TRAITE MEDICO-PHILOSOPHIQUE SUR L'ALIENATION MENTALE OU LA MANIE de PINEL.

1804
Nouvelle édition de LA PHILOSOPHIE DE LA FOLIE dédiée à PINEL.

1805
DES PASSIONS…d'ESQUIROL.

1809
Deuxième édition du TRAITE MEDICO-PHOLOSOPHIQUE de PINEL dans lequel vient s'inscrire le geste libératoire.


et pourtant…PINEL et ESQUIROL ne feront JAMAIS REFERENCE AUX ECRITS DE DAQUIN qu'ils ne pouvaient pas ne pas connaître, et quand Esquirol écrit, indigné, en 1818, dans un mémoire adressé au ministre de l'Intérieur :
"Je les ai vus dans des réduits étroits, sales, infect, sans air, sans lumière, enchaînés dans des antres où l'on craindrait de renfermer les bêtes féroces que le luxe des gouvernements entretient à grands frais dans les capitales"(7)…

On retrouve dans l'avant-propos de l'édition de 1791 de la PHILOSOPHIE DE LA FOLIE de DAQUIN : "Ce sont de vrais cachots, où à peine la lumière du jour pénètre, l'air n'y a pas libre accès (…) y règne une humidité fétide qui augmente encore par la puanteur de leurs excréments (…) tout au moins devrait-on les soigner aussi bien que ces animaux rares, particuliers mais inutiles, que l'on entretient à la honte de l'humanité, dans les ménageries où rien ne leur manque de tout ce qui peut faire jouir longtemps du plaisir insipide de les contempler"(8)

Cela ne rappelle-t-il pas étonnamment la phrase célèbre d'ESQUIROL ?
…tout simplement écrite, 27 ans plus tôt par DAQUIN.

Et DAQUIN questionne :
"aurait-on négligé les hospices destinés particulièrement aux insensés, parce qu'on guérit rarement ces malades : parce qu'il y a souvent du danger à les approcher & presque toujours du dégoût à les soigner : parce qu'enfin le préjugé, où l'on est que les fous ne sont plus propres à rien, quand même ils viendraient à recouvrer leur raison, nous fait sans doute contracter une indifférence absolue sur leur sort & une habitude devenue presque générale de les regarder comme des êtres entièrement ignorés & totalement séparés du reste des hommes ? (9)

Et pourtant, un peu d'Humanité suffit parfois à améliorer leur état, ainsi DAQUIN constate : "Il y a plusieurs fous qui le sont devenus parce qu'on les a d'abord et trop tôt fermés". Il constate aussi de subites guérisons, dans certains cas, suite à une libération.
Dans de meilleures conditions, on réussirait à guérir un plus grand nombre de fous.

Il dit aussi : "la visite qu'on leur fait, devient pour lors un calmant : elle met pour ainsi dire une entrave à la fougue ou au tourment de leurs idées, les suspend ou en arrête le cours. Elle donne souvent à ces malheureux quelques intervalles assez longs de répit, les ramène, sinon à la raison pour quelques moments, du moins leur procure un bien-être et une tranquillité dont ils ont très fort besoin & qu'il n'est pas toujours aisé d'obtenir, par les moyens même les mieux imaginés".

Et si DAQUIN utilise aussi toute la panoplie de l'époque (saignée, purgatif mais aussi le camphre et l'opium qui procurent calme et repos et les classiques bains et douches) ce qu'il préconise avant tout c'est l'hygiène de l'âme.

Au travers de son œuvre, il m'est apparu comme un homme extrêmement attentif aux souffrances morales, très à l'écoute de l'homme malade mentalement, et qui a su réintroduire le "fou", à une juste place, dans l'humanité.

C'est un GRAND HOMME qui a choisi, de se consacrer pleinement à sa pratique, au détriment de la gloire qu'il a laissée à PINEL.
On ne peut pas se battre sur tous les terrains à la fois : il a choisi de se placer aux côtés des malades.



NOTES :


1-    Biographie de PINEL, Encyclopédia Universalis 1975, volume 19, page 1514.
2-    Extrait de la présentation par Claude QUETEL, de la PHILOSOPHIE DE LA FOLIE de DAQUIN, page 22
3-    Notons que PINEL utilise les mêmes références théoriques que DAQUIN, puisqu'il a traduit ces mêmes auteurs.
4-    Chiffres relevés par les archives Départementales de Savoie
5-    ibid
6-    Extrait de la PHILOSOPHIE DE LA FOLIE, page 113
7-    Extrait "des établissements consacrés aux aliénés en France et les moyens de les améliorer" par ESQUIROL au Ministre de l'Intérieur, en septembre 1818
8 et 9- pages 39 et 40 de la PHILOSOPHIE DE LA FOLIE.

BIBLIOGRAPHIE


LA PHILOSOPHIE DE LA FOLIE de Joseph DAQUIN
Editions FRENESIE, collection Insania, PARIS 1987


HISTOIRE DE LA FOLIE A L'AGE CLASSIQUE de Michel FOUCAULT
Editions GALLIMARD, collection Tel, PARIS 1972


HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE d'Yves PELICIER
Editions PUF, collection Que sais-je ? 1976


LES MEDECINES DE LA FOLIE de MOREL et QUETEL
Editions HACHETTE, collection Pluriel 1985


ENCYCLOPEDIE UNIVERSALIS, PARIS 1975

Extrait de

HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE
Yves PELICIER
Collection QUE SAIS-JE aux P.U.F. 1976


NOSOGRAPHIE DE PINEL


(les classes I, II, III et V représentent les fièvres, les phlegmasies,
les hémorragies et les lésions organiques)

Classe IV - névroses

Ordre 1. - Névroses des sens (ouïe, vue).

Ordre 2. - Névroses des fonctions cérébrales.
    Sous-ordre 1. - Comata
        Genres : apoplexie, catalepsie, épilepsie.
    Sous-ordre 2. - Vésanies.
Genres : hypocondrie, mélancolie, manie, démence, idiotisme, somnambulisme, hydrophobie.

Ordre 3. - Névroses de la locomotion et de la voix.
    Sous-ordre 1 - Névroses de la locomotion.
        Genres : névralgie, tétanos, convulsions, danse de Saint-Guy, paralysie
    Sous-ordre 2. - Névroses de la voix.
        Genres : voix convulsive, aphonie.

Ordre 4. - Névroses des fonctions nutritives.
    Sous-ordre 1. - Névroses de la digestion
Genres : spasmes de l'œsophage, cardialgie, pyrosis, vomissements, dyspepsie, boulimie, colique de plomb, iléus.
    Sous-ordre 2. - Névroses de la respiration.
        Genres : asthme, coqueluche, asphyxie.
    Sous-ordre 3. - Névroses de la circulation
        Genres : palpitations, syncope.

Ordre 5. - Névroses de la génération.
    Sous-ordre 1. - Névroses génitales de l'homme.
        Genres : anaphrodisie, satyriase, priapisme
    Sous-ordre 2. - Névroses génitales de la femme.
        Genres : nymphomanie, hystérie.


Annexe 2

La quatrième observation est encore celle d'une fille âgée de vingt-cinq ans, bien constituée qui n'avait jamais éprouvé la moindre indisposition et qui quoique de figure agréable, s'était toujours sagement comportée ; elle était sur le point de se marier, les fiançailles même étaient déjà faites, mais au moment presque de célébrer le mariage, son prétendu la trompe cruellement et se marie à une autre : aussitôt qu'elle apprend cette fâcheuse nouvelle, l'aliénation de son esprit s'ensuivit au point qu'elle devint tout à coup furieuse, parlant continuellement sans qu'aucun de ses propos eut ni suite ni liaison ; elle déchirait ses vêtements et brisait tout ce qu'elle trouvait sous ses mains. Une saignée assez copieuse, suivie des bains froids et des aspersions d'eau froide sur la tête parurent un peu alléger son état ; elle fut plus calme après ces secours, elle eut quelques intervalles assez longs de retour à la raison, mais étant ensuite retombée dans une aliénation complète et continue, elle a parcouru pendant onze mois consécutifs tous les différents degrés de cette maladie. Je l'ai suivie et exactement observée durant tout ce temps ; je l'ai vue souvent et pour tout remède je n'ai employé que des soins, des égards, des paroles consolantes et quoique le plus souvent, elles fussent en pure perte, je ne me rebutais point : je lui faisais donner tout ce qu'elle me demandait ; jamais elle ne m'a mal reçu, malgré l'état de fureur dans lequel elle était le plus souvent, je défendis de la laisser voir à qui que se fut, parce que j'avais remarqué que plus elle voyait du monde, plus son imagination s'échauffait et ses fureurs augmentaient. Elle devint extraordinairement maigre et ressemblait à un spectre ; elle était presque toujours nue, enfoncée dans la paille qu'elle mettait en poussière, me tenait les propos les plus orduriers et qui auraient fait rougir le plus débauché libertin. J'eus quelques soupçons que ses règles étaient supprimées depuis cinq ou six mois ; je ne pouvais m'en assure parce qu'il était difficile d'obtenir d'elle une bonne raison et que d'ailleurs toutes mes questions sur cet objet n'étaient point écoutées et demeuraient sans réponse. L'état de son cerveau, la maigreur de tout son corps et la suppression des règles me firent un moment désespérer de sa guérison ; j'étais sur le point d'abandonner ; cependant je tenais de lui faire donner une chemise pour m'assurer de ce que je cherchais et quelques jours après je crus apercevoir des indices de l'évacuation menstruelle ; ils ranimèrent mon espoir et mon courage, j'ordonnai alors de la sortir de son cachot et de la promener souvent dans les corridors, quoiqu'elle ne fut qu'en chemise et malgré le froid de la saison. Au bout de deux mois, le retour de ses règles ne fut plus douteux, elle commença à reprendre de l'embonpoint, sa tête devint plus calme, ses idées moins fougueuses, elle m'écoutait mieux et me répondait de temps en temps avec beaucoup de sens ; la malpropreté indicible dans laquelle elle avait presque toujours été, diminua aussi peu à peu. A cette époque, je lui proposai des habillements qu'auparavant elle avait toujours mis en pièces : elle accepta et parut même mettre de la recherche dans sa parure ; on en vint à la promener chaque jour dans les salles et on voyait chaque jour aussi les progrès de la guérison qui s'avançait à grand pas ; enfin au bout de onze mois d'une folie la plus caractérisée, elle a recouvré toute sa raison ; elle avait seulement un souvenir confus de mes visites dans son cachot et des complaisances que j'avais eues pour elle. Rentrée au service d'une Dame en ville, elle y jouit d'une bonne santé et remplit ses devoirs avec toute l'intelligence et le bon sens que demande son état.

LA PHILOSOPHIE
DE
LA FOLIE


Par M. Joseph DAQUIN, Docteur en Médecine de la Royale Université de Turin, Médecin de l’Hôtel-Dieu de Chambéry, Membre de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres Art de Lyon, de la Société d’Agriculture de Turin Correspondant de la Société Royale de Médecine de Paris.