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CONCLUSION

 

 

Remontant le cours du temps, nous nous sommes fait chroniqueur de l’asile de Charenton, de sa fondation jusqu’à ses ultimes transformations, qui passent toujours par de nombreux changements de dénomination.

 

Cette chronique est à la fois chronique d’une institution, qu’on l’appelle institution asilaire, institution psychiatrique ou institution spécialisée, et à la fois chronique des liens qu’entretiennent avec elle tous les individus qui y vivent et qui la pérennisent.

 

Dès son érection, au XVIIe siècle, elle a pour statut et fonction de soigner les malades mentaux. Mais elle est aussi soignante en soi, c’est-à-dire qu’elle propose aux malades un lieu, une manière de vivre au quotidien qui se veulent thérapeutiques, moyennant une certaine exclusion, un isolement, où les accompagnent leurs soignants.

 

Là où se rejoignent les aliénistes du XIXe siècle comme les psychiatres de cette fin du XXe siècle, c’est  dans ce point de convergence où la psychiatrie s’identifie à l’institution psychiatrique, qui s’identifie elle-même à ses murs et à son architecture.

 

D’où des interrogations déchirantes et véhémentes : « Faut-il raser les hôpitaux psychiatriques ? » se demandait Claire BRISSET en 1980 (1), et deux ans plus tard, les écrans de télévision proposaient de « Rééduquer et protéger la société », en posant cette même question : « Faut-il brûler l’hôpital psychiatrique ? » (2)

 

Les polémiques vont bon train, doit-on améliorer l’institution ou la détruire ? Mais tel le phénix qui renaît de ses cendres, une institution chasse l’autre, et c’est toujours d’institution qu’il est question, qu’il s’agisse de créer des dispensaires, des hôpitaux de jour, des colonies familiales, des communautés thérapeutiques, des centres de crise ou des structures intermédiaires.

 

-         Fidèles à nos propos initiaux, nous n’entrerons pas dans le débat simpliste et manichéen des bonnes ou des mauvaises institutions. L’histoire de celle de Charenton est instructive à plus d’un égard et nous évite de tomber dans ce piège ; une certitude nous guide : l’institution évolue dans le temps et dans les contradictions. C’est notre premier constat.

 

-         Le deuxième constat, c’est que l’évolution de l’institution soignante est dépendante précisément de l’évolution des personnels qui l’ont ou créée, ou qui la font se développer en y investissant de leur temps et de leur énergie. Ainsi de ROYER COLLARD à ESQUIROL, de BARUK à CHANOIT, des prémices de la sectorisation à sa mise en place, des hommes ont sans cesse repensé leur pratique, pour de bien modestes résultats parfois, mais nul ne saurait les juger.

 

 

-         Le dernier constat, c’est qu’il est très difficile d’évaluer l’évolution des malades. L’essentiel de l’entreprise thérapeutique est de la favoriser, mais toujours par rapport au cadre institutionnel : car, ou bien les patients s’y adaptent, jusqu’à parfois ne plus pouvoir y trouver d’autre issue ; ou bien ils s’en font rejet, essayant alors d’entrer dans le circuit d’autres institutions plus favorables à leur problématique ; ou bien enfin, ils parviennent à aménager une situation, pour amener la sédation des troubles invalidants, et le milieu social extérieur.

 

C’est le privilège des institutions ouvertes aux idées novatrices que de contribuer à régler, cas par cas, les difficultés de ces patients, grâce à un éventail de soignants et de techniques offertes par le dispositif institutionnel. Mais on ne peut se prévaloir d’un modèle thérapeutique unique, et donc forcément totalitaire, pour être efficace.

 

 

NOTES :

 

      1 -       Nous faisons référence à la suite d’articles parus dans le journal « Le Monde » du 2 au 5 septembre 1980 sous ce titre,

      2 -       Emission de télévision produite le 24 mai 1982 sur T.F.1 par Igor BARRERE et Etienne LALOU,