V. LE DISPOSITIF
DE LUTTE CONTRE L’ALCOOLISME ET LE RESALD
Dès les premières années
d’existence de notre secteur, il y eut des synergies très fructueuses entre
l’équipe de psychiatrie générale et le service de gastro-entérologie du docteur
Jean-Claude Arnal. Celui-ci était intéressé par l’alcoologie, et accepta assez
rapidement que nous puissions effectuer des cures de sevrages dans son service.
D’un commun accord, nous
avions renoncé à effectuer des cures de dégoût, et du fait de leur inefficacité
à long terme, et du fait de leur absence d’innocuité. Par contre, chaque fois
qu’un patient alcoolique désirait s’engager sur la route de l’abstinence, il
nous paraissait important de pouvoir lui proposer une hospitalisation lorsque
nous redoutions la survenue de complications somatiques, ou lorsque le cadre
hospitalier nous semblait pourvoir étayer sa volonté. Nous avons donc pris très
vite l’habitude de travailler en complémentarité. Nous envoyions des patients
pour les sevrages dans le service de gastro-entérologie, ou J. C. Arnal
peaufinait petit à petit un protocole de soins somatiques, d’information sur
l’alcool et ses dangers en utilisant les lettres de Fouquet, et d’intervention
d’infirmiers de l’équipe de secteur. Le service de gastro-entérologie réclamait
l’intervention des professionnels du secteur pour certains de leurs patients
alcooliques hospitalisés pour des complications gastro-entérologiques
(cirrhose, varices oesophagiennes, etc.)
Le Comité départemental de
prévention de l’alcoolisme ne développait au niveau départemental, que des
actions de saupoudrage, qu’il s’agisse des consultations, de la prévention ou
de la formation, et cela sur le pôle de Mont de Marsan où il avait créé un
CHAA. Le lundi matin, un médecin de ce CHAA venait rencontrer en consultation,
dans un centre social de Dax, les seuls patients pris en flagrant délit de
conduite en état d’ivresse, ce qui nous paraissait très indsuffisant.
Les docteurs Arnal et Minard
allèrent proposer en 1985 au directeur de la DDASS, la création d’un CHAA, dont
nous souhaitions qu’il soit géré par l’hôpital, sur un budget annexe, et non
pas par le CDA comme à Mont de Marsan.
La DDASS accepta notre
projet, et le budgétisa à minima : des vacations pour un médecin
alcoologue, une infirmière DE et un psychologue, tous à temps partiel. Le CHAA
ouvrit ses portes en 1985, sous la double direction du service de
gastro-entérologie et du secteur de psychiatrique. Une alcoologue, le docteur
Claude Desbordes, commença donc ses consultations, en partenariat avec nos habituels
partenaires sanitaires et sociaux. Elle est aujourd’hui praticien hospitalier à
mi-temps sur ce poste d’alcoologie du CHAA. L’infirmière DE, formée à
l’alcoologie, Mme Duguié, et le psychologue, Jean Menvieille (qui est aussi en
poste dans l’inter secteur infanto-juvénil) complètent l’équipe du CCAA. Le
docteur Desbores a pris, dans le même
temps, la responsabilité du CODES des Landes (Comité d’éducation pour la
santé). LE CCAA a été, après avis favorable du CROSS, autorisé par le préfet de
région, en août 1998.
Ces dernières années, le
Docteur Arnal ouvrait 4 lits d’alcoologie dans son service de
gastro-entérologie. Pendant ce temps, la clinique Maylis, dont nous avons déjà
parlé, obtenait la transformation de 14 lits de médecine menacés de fermeture,
en 14 lits de post-cure alcoologique.
Une vieille pratique de
relations avec les associations néphalistes (Al’Anon, la Croix d’or, Vie Libre,
Alcoolique anonyme), la médecine du travail et les différents réseaux de Dax,
aboutissait en 1998 à la création, sous l’impulsion du Docteur Arnal, du réseau
d’écoute et de soutien en alcoologie de la région dacquoise (Résald), dont
l’ambition était de renforcer le dispositif de lutte contre l’alcoolisme préexistant
et de le faire connaître (tableau II).
Un annuaire du Résald, dont
on trouvera la première de couverture en annexe II, donne aux utilisateurs
ponctuels du réseau d’alcoologie toutes les informations, les adresses et les
numéros de téléphone utiles dans six domaines :
-
les
associations
-
les centres de
soins et de post-cure
-
l’emploi
-
les services
administratifs
-
les services
juridiques
-
les services
sociaux
Le Résald fait tout à fait
siennes les recommandations du rapport de la mission sur « l’Evaluation du
dispositif de soins pour les personnes en difficultés avec l’alcool » des
Prs Michel Reynaud et Philippe-Jean Parquet (56).
Nous décrirons ici
quelques-uns des éléments de ce réseau concernant les soins.
V.1. LES SOINS
AMBULATOIRES
V.1.a. Le centre
médico-psychologique
Les professionnels
(infirmiers, psychiatres, psychologues) reçoivent en consultations les
alcooliques venant d’eux-même, adressés par les services sociaux ou les
médecins généralistes, les professionnels du CCAA, les services de
gastro-entérologie ou de neurologie, éventuellement les patients faisant
l’objet d’une injonction de soins.
Dans les premières années du
service, en l’absence de CHAA, la proportion d’alcooliques de la file active a
pu monter jusqu’à 23 %. Même si le nombre de patients suivis a augmenté, elle
est aujourd’hui redescendue à moins 10 %.
Les patients peuvent venir
directement pour leurs problèmes avec l’alcool, ou ces problèmes se révéler au
fur et à mesure d’une prise en charge pour une autre pathologie psychiatrique.
En 1999, nous avons pris en
charge 84 alcooliques.
V.1.b. Le CCAA
Les professionnels du CCAA
travaillent en étroite collaboration avec le service gastro-entérologie et le
secteur psychiatrique. Une réunion mensuelle des trois services a lieu au CMP
de Dax ; on y traite de programmation et d’organisation du travail, et
aussi de cas cliniques.
Les membres du CCAA sont
très mobiles et leurs actions des oins ambulatoires peuvent se dérouler aussi
bien au CH de Dax (services de gastro-entérologie, de neurologie, de
psychiatrie et autres) que dans les centres sociaux, les CHRS, les lycées, les
associations néphalistes, le dispositif RMI, etc.
V.2. LES SOINS
HOSPITALIERS
V.2.a. Les
hospitalisations en psychiatrie
Elles ont pour indication
soit les pathologies psychiatriques induisant un alcoolisme secondaire, soit
les troubles psychiatriques induites par un alcoolisme primaire (troubles du
comportement, états dépressifs, agressivité, etc)
En aucun cas, l’Unité
d’hospitalisation psychiatrique n’est le lieu de sevrage programmé, même si des
sevrages « par la force des choses » se font naturellement en cas
d’internement pour des troubles consécutifs à des problèmes alcooliques.
En cours d’hospitalisation
psychiatrique, il peut être proposé au patient de rencontrer un alcoologue de
l’hôpital, un professionnel du CCAA, un membre du CMP, ou un membre d’une
association néphaliste.
Il peut éventuellement être
proposé au patient, au décours de son hospitalisation, d’aller en post-cure
alcoolique à la clinique Maylis.
V.2.b. Les
hospitalisations en alcoologie
Elles se déroulent dans les
quatre lits réservés à cette activité dans le service de gastro-entérologie.
V.2.b.1. Les
objectifs du sevrage
1-
assurer un
arrêt immédiat et total de l’alcool dans des conditions médicales et
psychologiques optimales.
2-
Etablir un bilan
global de santé associé au bilan familial et social
3-
Renforcer les
motivations du patient vis-à-vis du deuil de l’alcool
4-
Préparer au
maintien de l’abstinence définitive.
V.2.b.2 Le
déroulement du sevrage
Il est toujours programmé.
Il s’effectue sous le contrôle
du docteur Arnal
Il dure sept jours en
moyenne pour un sujet ne présentant pas de complication somatique associée à
traiter.
Il se veut une prise en
charge globale du patient avec :
-
bilan et soins
somatiques,
-
soins
spécifiques alcoologiques : psychothérapie de soutien, groupes de paroles,
entretiens familiaux, rencontres individuelles avec les associations d’anciens
buveurs, accompagnement social.
Nous noterons que, dans le
déroulement de ce sevrage, les entretiens familiaux sont réalisés par deux
infirmiers du secteur psychiatrique (Marie-France Clech et Eric Ramisse), dans
le service de gastro-entérologie selon le protocole suivant :
Madame Clech et Monsieur
Ramisse assurent la rencontre des conjoints : il s’agit d’une réunion
hebdomadaire : le jeudi de 17 heures à 19 heures. Mise en place en
novembre 1997, elle fait partie intégrante de la période d’hospitalisation. Il
s’agit d’un entretien unique (doublé sur demande) d’une heure avec le couple à
travers la maladie de l’un des conjoints.
La rencontre avec le patient
alcoolique et son conjoint fait acte, et mène à de nouveaux dévoilements de
sens. La recherche d’une compréhension de la situation permet l’instauration
d’un processus de changement. Le conjoint exprime sa souffrance, témoigne de
son désarroi souvent dans un discours de revendication. Sa demande s’inscrit
dans une stratégie de tensions et de retour à un équilibre. La rencontre
n’aboutit pas d’emblée à une « alliance » mais l’évènement de cette
rencontre fait date dans l’histoire. Il faut
donc que l’évènement puisse faire « sens », c’est ce qui caractérise
notre fonction thérapeutique. En visant à faire du sens, elle déclenche un
processus de changement par un travail élaboratif qui concerne tous les
partenaires avec les liens qui intriquent : individuel, familial, médical
et social. Ce sont les axes essentiels qui nous semblent indispensables pour
soigner le patient alcoolique. La fonction des thérapeutes est de repérer les
signes cliniques mais aussi de faciliter l’émergence de la parole du patient et
de son conjoint.
V2.b.3. Les suites du sevrage
Dans tous les cas, le
médecin généraliste est informé du séjour (après accord du patient) et
contracté téléphoniquement en cours d’hospitalisation. Il refait un courrier
dans les trois jours suivant la sortie.
Le patient sort avec une
fiche de liaison médicale et une ordonnance.
-
s’il rentre
à domicile, il part avec un carton
de rendez-vous :
. pour un suivi ambulatoire
par le médecin référent alcoologue
. pour un suivi par
l’infirmière alcoologue ou un psychologue
. pour un suivi au CMP
. pour un suivi CCAA
-
s’il rentre
en post-cure
. la programmation de cette
post-cure est le plus souvent établie avant l’admission pour sevrage ou,
parfois, en cours de séjour après le bilan somatique et psychopathologique
-
les indications
de la post-cure sont :
. la persistance de troubles
cognitifs
les pathologie somatiques
associées ou non encore stabilisées,
la nécessité d’un
éloignement du milieu social ou professionnel en vue de renforcer la motivation
du patient à l’arrêt de l’alcool.
-
le protocole
d’accueil justifie des échanges directs ou téléphoniques après l’envoi d’une
lettre de motivation.
Les médecins de la clinique
d’accueil sont adhérents du Résald.
V.2.c. L’alcoologie de
liaison
Elle est assurée au sein de
notre hôpital, par des membres de quatre équipes :
-
l’équipe
d’alcoologie du service de gastro-entérologie
-
l’équipe du
CCAA
-
l’équipe de
psychiatrie de secteur (CMP et UPG)
-
l’équipe de
neurologie
V.2.d. Les
hospitalisations en neurologie
Elles sont assurée le plus
souvent dans le service de neurologie pour des complications neurologiques et
cérébrales de l’alcoolisme : polynévrites, syndrome de Korsakov, céphalées
de type Gayet-Wernicke.
Il peut arriver, lorsque
l’agitation psychomotrice ou les troubles du comportement dominent, que
l’hospitalisation se fasse à l’unité de psychiatrie générale.
V.III LES ARTICULATION DU RESALD
Elles prendront plus de
relief après la lecture compète de ce mémoire. En effet, les professionnels du
champ sanitaire et social du pôle dacquoise se retrouvent souvent dans
plusieurs réseaux qui s’articulent les uns avec les autres.
C’est ainsi qu’on peut
difficilement imaginer le réseau d’alcoologie travaillant sans lien avec le
réseau ville-hôpital sida-toxicomanies ni avec le réseau psychiatrie et
précarité. On se référera au tableau XI pour mieux saisir ses articulations.
Par rapport aux propositions
de M. Reynaud et Ph. J. Parquet résumées dans le tableau en annexe I, nous
voyons notre dispositif, correspond tout à fait à son esprit et presque à sa
lettre , à l’exception de l’absence d’hôpital de jour et du fait que notre CCAA assure un service
pour plus de 150 000 habitants.
On notera d’autre part que
le Résald n’a, pour l’instant, si statut juridique, ni budget propre, mais un
représentant de la DDASS assiste à toutes ses réunions.