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PSYCHIATRIE...LEVONS LE VOILE




II.3.c. Le travail thérapeutique

 

C’est dans ce domaine d’abord que nous avons essayé de remédier à la mauvaise utilisation chronique des infirmiers, particulièrement dans le travail extra-hospitalier.

L’un de nous décrivait déjà en 1985 ce qui lui paraissait la source de cette mauvaise utilisation (25).

Dans les hôpitaux psychiatriques, « la vie d’une maladie était prise en charge dans tous les aspects, 24 heures sur 24, par un groupe de professionnels de disciplines très diverses. L’infirmier psychiatrique, dans ce monde clos, s’occupait pour sa part du gardiennage du patient, de ses repas, de sa toilette, de son habillement, de l’entretien de ses vêtements et de ses locaux, de son sommeil, de ses soins paramédicaux, de son travail, de ses loisirs, de sa vie affective et éventuellement de sa vie sexuelle, et enfin, s’il lui restait un peu de temps et la structure le lui permettait, d’un travail plus proprement thérapeutique.

Bref, il s‘occupait de tout.

Ceux des patients, qui après un temps d’hospitalisation souvent trop long, sortaient, étaient pris en charge chez eux par des infirmiers dits d’extra-hospitalier.

Lors de ces visites à domicile, premiers pas d’une politique de secteur encore mal comprise, l’infirmier s’occupait de contrôler l’état psychique du patient et la bonne prise des médicaments, de régler des problèmes d’intendance, de résoudre des problèmes familiaux, sociaux et administratifs, de véhiculer le patient dans certaines de ses démarches, y compris pour l’amener dans un lieu de consultations médicales, de pratiquer certains gestes paramédicaux, mais toujours pas ou peu d’établir une relation thérapeutique.

Bref, les habitudes asilaires étaient transposées au domicile même du patient : on continuait de vouloir s’occuper de tout.

La difficulté venait en fait du grand dénuement dans lequel se trouvait l’infirmier face à une obligation inconnue de lui et pour laquelle il n’avait pas été formé, celle de prendre en charge la maladie psychique d’un individu, et elle seule. »

 

II.3.c. 1. Le s lieux de soins intra-hospitaliers

 

-          L’unité de psychiatrie générale (15 lits) assure le plus grand nombre d’hospitalisation, y compris en HO et HDT.

-          Les autres services hospitaliers sont aussi utilisés :

-          Le SAU  (service d’accueil d’urgence) bien évidemment, et ses « extériorisations » (SAMU, SMUR). Nous en reparlerons plus loin.

-          L’UMCCD (unité d’hospitalisation médico-chirugicale de courte durée), destinée à des séjours d’observation et de soins n’excédant pas 72 heures (traumatisés crâniens, par exemple) est utilisée par nous pour l’observation des patients suicidants, surtout lorsqu’il s’agit d’une première tentative.

-          Le service de gastro-entérologie : c’est là que sont hospitalisés les alcooliques engagés dans un sevrage. Là-aussi nous en reparlerons plus

-          Le service de neurologie : un certain nombre de patients présentant des pathologies mixtes y sont hospitalisés, ou peuvent l’être dans notre  unité.

-          Les services des maladies infectieuses : ils accueillent, entre autres, les sidéens. C’est naturellement là que nous effectuons les sevrages des toxicomanes, particulièrement des héroïnomanes.

-          Les trois services de gériatrie (400 lits de moyens séjour, de long séjour et de maison de retraite). Depuis 1978, les responsables de la gériatrie se sont toujours intéressés à la psychogériartrie, en collaboration avec nous, et ont hospitalisé, dans des structures aujourd’hui très modernes et parfaitement adaptées, les vieillards présentant des problèmes démentiels.

-          Dans tous les autres services, il peut nous arriver d’avoir à soigner des patients présentant, outre leurs problèmes somatiques, des problèmes psychiatriques associés, ou présentant des pathologies intriquées, de type psychosomatique. Nous traiterons de cette question dans le chapitre concernant la psychiatrie le liaison.

 

 

II.3.c.2. Les lieux de soins extra-hospitaliers

 

C’est au premier chef, les centre médico-psychologiques où se déroulent la majorité des consultations psychiatriques (médicales, infirmière,

Psychologiques).

Ils ont l’avantage d’être clairement définis comme des lieux de soins, contrairement au domicile qui nous paraît le plus souvent inadapté pour y prodiguer des soins, présentant en l’occurrence la même ambiguïté et entraînant les mêmes confusions que l’hôpital psychiatrique traditionnel dans son incapacité à séparer lieu de vie et lieu de soins.

Nous réservons le travail au domicile à certains cas précis :

-          le travail de maintien à domicile de vieillards présentant des troubles psychiques, pas uniquement démentiels.

-          L’intervention d’urgence, souvent avec le médecin généraliste, en cas de crises aiguës, quand des compétences psychiatriques s’imposent sur le lieu de la crise,

-          Le travail socio-éducatif dans certaines prises en charge de schizophrènes,

-          Les cas, relativement rares, où une infirmité ou une précarité sociale majeure empêche tout déplacement au CMP.

Une mention spéciale concernera les lieux d’hébergement social (foyer-logement, maison de retraite, CHRS) et d’hébergement médico-social.

Nous considérons les uns et les autres comme des domiciles privés et n’y intervenons que dans les mêmes cas de figure que ceux décrits plus haut.

 

II.3.c.3 Les pratiques

 

Si elles sont assez classiques en ce qui concerne les psychiatres et les psychologues (consultations à visée diagnostique, prescriptions médicamenteuses, psychothérapies, etc) elles le sont moins pour les infirmiers, dont nous avons, comme nous l’avons dit, développé au mieux les capacités.

Castéra décrit ainsi les pratiques infirmières de notre secteur et leur articulation avec les pratiques des autres professionnels dans le cadre de ce que nous appelons « la mini-équipe » (Tableau I) :

« Notre action va être centrée sur la pathologie du sujet et sur la souffrance psychique qu’elle entraîne. Pour cela, nous ne disposons que de notre parole et de notre écoute. Cette parole-écoute va être un moteur à améliorer sans cesse, au fur et à mesure de nos interrogations, par la réflexion personnelle, la réflexion d’équipe, la supervision d’un psychanalyste extérieur à l’équipe et tout ce qui pourra être source d’apports pratiques et théoriques.

Cette rencontre thérapeutique pourra être orientée vers un pôle plus éducatif, s’il s’agit de patients très invalidés socialement du fait de leur pathologie. Ce pourra être, pour certaines affections chroniques anciennes ou traitées trop tardivement, un travail de soutien, limité dans ses ambitions, qui permettra simplement de rendre un patient moins isolé dans sa souffrance, de le déculpabiliser si besoin est, et de tenter de lui rendre une dignité humaine souvent disparue. Elle peut être enfin plus spécifiquement psychothérapique dans la mesure de la compétence technique de l’infirmier et de l’engament personnel du patient.

Comment s’articule le travail de l’infirmier avec celui des autres ? Le plus souvent nous formons, pour chaque patient, une mini-équipe temporaire animée d’un projet commun.


Pour l'équipe trois ou quatre membres, rarement plus. Ces membres n’appartiennent pas obligatoirement tous à notre équipe.

Il peut s’agir par exemple d’un psychiatre de l’équipe jouant le rôle de prescripteur et de deux infirmiers, l’un ayant une fonction plus éducative, l’autre une fonction psychothérapique. La mini-équipe peut être constituée d’un infirmier, d’un médecin généraliste et d’une assistante sociale, sans qu’un psychiatre de l’équipe intervienne. Tous les cas de figures peuvent s’imaginer. Un infirmier qui s’en sait capable peut prendre en charge, seul, un patient. En cas de difficultés, il sait qu’il n’est pas isolé et qu’il peut parler de ses problèmes avec n’importe quel membre de l’équipe. » (26)

Il concluait ainsi son article, conclusion qui lui valut à l’époque les foudres d’un directeur d’hôpital psychiatrique pour incitation à une pratique illégale de la médecin : « Ce mode de travail implique donc, pour chaque infirmier, outre une indispensable réflexion sur lui-même, un effort personnel de formation dans de multiples domaines : clinique psychiatrique, pharmacologie, psychologie, conception psychanalytique du fonctionnement psychique, etc. En plus de ce travail personnel, une confrontation d’idées et de pratiques est nécessaire non seulement au sein de l’équipe, mais aussi avec d’autres équipes, psychiatriques ou non.

Aux problèmes psychiques viennent toujours s’ajouter d’autres problèmes (familiaux, sociaux, professionnels, médicaux, juridiques et autres) que nous ne pouvons pas ignorer, mais pour la résolution desquels nous ne sommes pas compétents. Si notre compétence professionnelle est axée sur la psyché, nous ne pouvons pas faire fi de tous les autres domaines qui dont un individu. Mais dans la mesure où nous ne savons et ne pouvons tout faire, il nous paraît donc indispensable de travailler en étroite collaboration avec tous les professionnels du champ sanitaire et social de notre secteur qui ont, eux, les compétences que nous n’avons pas.

Un changement profond s’amorce donc chaque fois que les équipes psychiatriques abandonnent l’enceinte rassurante de l’asile.

Changement du sort et du devenir du patient, changement de la pratique et de la fonction du soignant. Mais aussi changement progressif de la mentalité de la population chaque fois qu’en son sein des expériences fructueuses voient le jour.

Il y va de l’avenir de la profession d’infirmier psychiatrique que sa fonction change elle aussi, quel que soit le lieu d’exercice. Pour notre compte, elle ne peut que s’axer sur le rôle de thérapeute et, plus précisément, de psychothérapeute. »

Il faudra attendre 1993, et le décret de compétence déjà mentionné, pour que ce rôle de psychothérapeute soit enfin reconnu par la réglementation, même s’il ne l’est toujours pas par un certain nombre de psychiatres, voire par quelques infirmiers eux-mêmes.

 


 

 


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