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PSYCHIATRIE...LEVONS LE VOILE




VII. LES ARTICULATIONS AVEC LES STRUCTURES

MEDICO-SOCIALES

 

 

 

 

 

S’il est un domaine où les articulations sont nécessaires mais pas toujours évidentes, c’est bien le domaine médico-social.

De nombreux éléments sont sources de problèmes entre les secteurs psychiatriques et les institutions médico-sociales :

-  La loi de 1975 (30) en tranchant fermement entre maladie et handicap, s’est mise à dos une partie des professionnels du secteur  qui se voyaient (ou se craignaient) dessaisis d’une partie de ce qu’ils estimaient être leurs prérogatives  Les tenants de la psychothérapie institutionnelle estimaient que c’était impossible de séparer les traitements de l’un et de l’autre, voire même que seuls comptaient les soins.

Pourtant la réglementation met bien au rang des missions du secteur psychiatrique, la question de la réinsertion. Et le secteur, s’il ne s’en occupe pas directement, a au moins le devoir de s’en préoccuper.

-   La gestion d’un certain nombre d’établissements médico-sociaux par des associations créées et administrées par des familles de handicapés pose souvent problème : les objectifs des équipes médico-sociales et des familles peuvent être divergents.

-  Les objectifs des équipes de secteur psychiatrique et des équipes éducatives des établissements médico-sociaux peuvent, eux aussi, être divergents.

-  Les financements d’origines différentes et les tutelles d’origines différentes peuvent être source, au minimum de difficultés concrètes, au pire de conflits.

Nous n’avons pas échappé aux difficultés et aux conflits, mais nous avons toujours essayé de les éviter, sinon de les résoudre au mieux.

Nous avons signé avec les établissements avec lesquels nous travaillons, des conventions temporaires, engageant les uns et les autres.

L’ensemble est synthétisé dans le tableau IX.

Nous en donnerons ici quelques exemples.

 

 

VII.1. LE FOYER D’HEBERGEMENT « LES IRIS »

 

Lorsque nous l’avons connu, ce foyer portait le nom d’une autre fleur : « les Myosotis ».

Il était alors géré par une petite association taillée sur mesure et qui ne gérait que cet établissement. Cette association catholique proposait 23 lits à des jeunes filles handicapées par un retard mental, trisomique ou pas, dont les deux tiers travaillaient de jour dans un CAT géré par une autre association, l’APAJH. Ces locaux appartenaient à l’évêché de Dax (reliquat de l’histoire révolutionnaire : le chef-lieu du département est à Mont-de-Marsan, mais l’évêché est à Dax). Aucun personnel qualifié n’exerçait en ces lieux, seulement quelques religieuses que l’association était allée chercher en Espagne. La seule sortie des pensionnaires, hormis pour aller au travail, était la messe du dimanche au village de Saint-Jean-de-Marsacq.

La DDASS – c’était avant la régionalisation – exerçait la tutelle de cet établissement ; elle trouvait anormale son fonctionnement et envoyait régulièrement en tournée d’inspection un médecin inspecteur de la DDASS, et le responsable de notre secteur, comme le prévoyait les circulaires.

On conseilla à l’association d’embaucher du personnel qualifié : elle renâcla mais fit quelques efforts. On conseilla, lorsque les religieuses retournèrent en Espagne, de former le personnel peu qualifié nouvellement embauché : notre secteur s’en chargea.

Mais les membres de l’association continuèrent de considérer les « Myosotis » comme leur chose et s’entêtaient dans des pratiques curieuses : parmi eux, un pépiniériste, un hôtelier et un facteur prirent, chaque jour un peu plus, le pouvoir quotidien sur le personnel éducatif.

Puis de fil en aiguille, les choses s’aggravèrent, le personnel porta plainte contre son association gestionnaire. La régionalisation étant passée par là, la tutelle était double, administrative par le biais de la DDASS et financière par celle du Conseil Général. Les administrateurs finirent par se faire prendre la main dans le sac : il confondaient les finances de l’association et les finances de l’établissement.

La préfecture décida donc en 1989 la fermeture administrative de l’établissement en même temps que le Conseil Général lui retirait son agrément, et donc son financement. Entre temps, la DDASS et le Conseil Générale demandèrent à la petite équipe de secteur de Dax si elle d’accord pour créer une nouvelle association gestionnaire et pour trouver, dans un délai de quinze jours, un nouvel hébergement susceptible d’abriter les pensionnaires et le personnel.

C’est ce que nous fîmes.

Pour l’association, ce n’était guère compliqué. Un psychiatre, plusieurs infirmiers et infirmières se joignirent à la directrice pédagogique et au psychologue du CMPP de Dax (CMPP de statut public) et à la directrice des ressources humaines du CH de Dax. Le Conseil Général lui donna le nom de baptême : l’ARPHASUL, Association de réinsertion des personnes handicapées du Sud des Landes. L’un de nous, Alain Castéra, en sera le Président pendant 10 ans.

Pour l’hébergement, les choses étaient plus compliquées. Nous finîmes par faire affaires avec l’office des HLM des Landes d’une petite ville (hors secteur), Peyrehorade. Cela nous paraissait une aventure périlleuse que de mettre du jour au lendemain des jeunes filles handicapées ayant jusque-là vécu quasiment cloîtrées, dans un tel milieu de vie : un quartier populaire d’une petite ville province.

Dans le même temps, il fallut traiter de manière diplomatique avec la hiérarchie diocésaine, pour bien montrer qu’il ne s’agissait pas d’un combat contre l’église catholique et pour le Conseil général socialo-communiste, mais d’un combat contre l’incompétence et la malhonnêteté. Le directeur du Centre hospitalier de Dax se chargea de l’évêque qu’il connaissait bien et Minard du vicaire général.

Les choses ne firent pas trop de vagues : seule une famille retira sa progéniture du nouvel établissement, rebaptisé « Les Iris ».

Nos craintes pour les pensionnaires se révélèrent vaines. Bien mieux, l’évolution du plus grand nombre fut spectaculaire vers une amélioration de l’insertion sociale et la diminution de la dépendance. Le travail de l’équipe éducative avec le voisinage, les locataires des HLM, n’y fut pas pour rien.

Aujourd’hui, cet établissement est devenu un établissement mixte – petitement mixte, mais mixte quand même – de 28 lits. Il a créé un service de suite à domicile de 15 places pour des pensionnaires ayant pu quitter « les iris » pour habiter en ville et pour des travailleurs handicapés d’autres CAT, par exemple le CAT de Biaudos. Le conseil d’administration a intégré en son sein des représentants du personnel et des familles, ce qui n’était  pas le cas avant, aucun des anciens administrateurs n’ayant placé d’enfant aux « Myosotis ».

Une convention régit les relations entre le secteur de psychiatrie générale de Dax et l’établissement médico-social « les Iris ». Elle prévoit que nous prenons en charge les utilisateurs des « Iris » qui en ont besoin, qu’ils soient du secteur ou pas, en hospitalisation comme en ambulatoire.

Pendant 10 ans le secteur assura la régulation d’équipe. Nous avons souhaité depuis, que le personnel des « Iris » puisse recruter un régulateur moins lié à l’histoire de leur institution. Nous avons aussi participé longtemps aux réunions dites de synthèse. En contre-partie, « les Iris » sont susceptibles de prendre en charge, soit dans ses lits, soit dans le cadre du service de suite, des patients de notre file active.

Il est à noter que dans la résolution de cette difficile affaire, c’est la bonne qualité des relations entre le secteur psychiatrique, la direction de l’hôpital de Dax, la DDASS, le Conseil général, le CMPP et l’office de HLM des Landes qui a joué le rôle essentiel.

Et c’est la clientèle de cet établissement médico-social qui en bénéficie.

 

 

VII.2 LE CAT DE SAINT-PAUL-LES-DAX

 

Comme les Iris », ce CAT existait lorsque notre secteur a été crée. Il était géré par l’ADAPEI. Son directeur, Michel Bouhier, aujourd’hui décédé, était un humaniste, très ouvert au travail de la psychiatrie publique, curieux de tout, animateur hors pair, mais hélas assez piètre gestionnaire.

Son CAT avait un côté caravansérail fort sympathique et accueillant pour les ouvriers qui le fréquentaient, auxquels on ne demandait guère de rendement dans divers travaux de sous-traitance industrielle et dans quelques travaux agricoles.

Il était assez accueillant pour ces handicapés qui présentent un « retard mental » lié en fait à une évolution psychotique déficitaire.

C’est avec ce directeur que le directeur de notre hôpital signera la première convention entre le secteur psychiatrique de Dax et un établissement médico-social du secteur.

Par convention, nous assurions les soins psychiatriques des ouvriers qui en avaient besoin et nous participions aux réunions de synthèse les concernant. En retour, le CAT s’engageait à prendre certains de nos patients.

Tout marcha bien pendant plusieurs années. Nous avions même un projet commun, l’ADAPEI, le personnel du CAT et le secteur : l’ouverture d’un foyer d’hébergement pour certains des ouvriers du CAT.

Nous eûmes même à mener de concert une lutte contre un projet de la DDASS. Un ancien psychiatre de notre secteur, Jean-Paul Rouzé d’Alzit, en parle ainsi dans son mémoire pour le CES de psychiatrie (31) : « Fin 1979, début 1980, un problème grave surgit sur le secteur. Il va nous aider à mieux préciser notre pensée et à renforcer notre collaboration avec d’autres intervenants du champ sanitaire et social.

Un établissement privé à but lucratif, qui accueillait des jeunes de 6 à 25 ans, débiles moyens et profonds, était en difficulté du fait du tarissement de son recrutement (…) La Directrice de l’Action sanitaire et sociale présente alors un projet de restructuration de cet établissement, en contradiction formelle avec les perspectives ouvertes par des concertations préalables avec différentes catégories de professionnels du champ sanitaire et social. Dans son esprit, les vastes structures architecturales de cet établissement devaient pouvoir regrouper à 15 kilomètres de Dax, à côté d’un minuscule village : un IMP, une section pour débiles profonds, l’hôpital de jour de l’inter secteur de pédopsychiatrie et un foyer pour adultes handicapés fréquentant le CAT de Saint-paul-Lès-Dax. Ce projet de plus de 100 lits apparaît d’emblée « fou » à l’ensemble des professionnels dans la mesure où il crée un petit asile, éloigné d’un centre urbain et regroupant un nombre important d’individus de pathologies et d’âges différents. Un certains nombre de réunions regroupant divers professionnels appartenant à divers services ou établissements, des membres d’associations de parents d’enfants handicapés, surtout de l’ADAPEI, permirent de manifester une opposition formelle à ce projet. Un contre-projet verra le jour. La directrice de la DDASS est contrainte d’abandonner son projet.

On retiendra deux faits importants de cet épisode de la vie de l’équipe : premièrement l’opposition toujours plus ferme de l’équipe à tout regroupement de malades mentaux sur un mode asilaire ; deuxièmement, le désir qui s’était fait jour alors de créer sur le secteur, en collaboration avec le CAT de Saint-Paul-Lès-Dax, un petit foyer avec des appartements satellites. Disons tout de suite que ce projet, repris de manière isolée par l’ADAPEI, verra le jour en septembre 1981, sous une forme très éloignée du projet initial et qui ne satisfait ni l’équipe ni les professionnels du CAT ».

La roue tourne, le temps passe, les professionnels se remplacent. C’est ainsi que le directeur du CAT, épinglé pour sa gestion insuffisante par le nouveau président de l’ADAPEI, sera licencié. Il sera le premier d’une kyrielle de licenciements, tous plus onéreux les uns que les autres, puisque, chaque fois, l’ADAPEI perdra ses procès devant la juridiction prud’homale. La DDASS et le Conseil Général mettront énergiquement un terme à cette dérive dispendieuse en 1992. Mais le mal était fait. A la place des directeurs compétents, l’ADAPEI mis ses hommes et ses femmes aux compétences quelques fois contestables.

C’est ainsi que le CAT de Saint-Paul-Lès-Dax abandonna ses vieux murs pour rejoindre à grands frais la zone industrielle de Saint-Paul-Lès-Dax. Ce n’est plus le CAT de la Pince (le quartier où il était avant), mais « Aquitaine-meubles ». Le rendement est exigé. On débauche les handicapés trop handicapés, en les faisant passer par la voie de garage d’une section agricole où l’on rejette aussi le personnel éducatif qui ne plaît pas (vieille pratique asilaire bien connue des plus vieux d’entre-nous !). On se débarrasse en douce des psychotiques. Le nouveau directeur ne prend contact avec nous que trois ans après son arrivée, et exige que nous allions faire les consultations au CAT, pour ne pas casser les cadences !

Nous suspendons alors la convention, continuant bien sûr de prodiguer les soins aux ouvriers.

Une nouvelle directrice prendra assez vite contact avec nous, affirmera vouloir réactualiser la convention, s’engagera à préparer un nouveau projet et, trois ans après, ne l’a toujours pas fait.

 

Dans le même temps, nous maintenons la convention qui nous unit au foyer Tournesoleil de l’ADAPEI, car nous nous entendons bien avec l’équipe de professionnels qui l’anime. On trouvera en annexe IV la convention qui lie à ce foyer.

L’ADAPEI des Landes est devenu un problème pesant pour la DDASS et pour le Conseil général. L’un et l’autre ont tout notre soutien en la matière. L’élection d’un nouveau président de l’ADAPEI modifiera peut-être les choses dans un sens plus positif.

On voit bien, à travers cet exemple, les difficultés de certaines articulations, et les jeux d’alliance se retourner au fur et à mesure des changements de personnes et de politiques.

Il convient pourtant de tenir bon pour nous, secteurs de psychiatrie, sur un point : les patients qui ont besoin de nos soins doivent pouvoir en bénéficier, et les actions d’insertion sociale ne doivent jamais se révéler toxiques à cet égard. Il y a donc lieu de maintenir ou de reprendre le dialogue avec les institutions chaque fois que c’est possible, et, quand ça ne l’est pas, de tout faire pour créer les conditions de cette possibilité.

 

 

VII.3. LE CAT – FOYER ESPERANCE EMMAÜS

 

Nous avons choisi, pour parler de l’histoire de cette institution, qui, elle aussi, vivra quelques péripéties pas toujours heureuses, de rechercher cette histoire à travers les comptes-rendus du conseil d’administration de l’association « les amis des handicapés psychiques » qui a créé cet établissement. Cet établissement a la particularité, pour un CAT, d’avoir un agrément pour malades mentaux.

On verra bien, à travers cet exemple, comme à travers les deux précédents, les difficultés d’articulation entre administration d’une association, personnel éducatif des établissements, autorités de tutelles et secteur psychiatrique. On y verra aussi que le secteur, s’il accomplit correctement ses missions, peut être une aide à la résolution de ces difficultés, à la condition de persévérer dans le temps.

Le 4 janvier 1969 se tient à Biarritz une assemblée de personnes sensibilisées au problème du handicap mental qui décide de constituer une association « Les Amis des ateliers familiaux de Saint-Joseph ». Cette association a pour but :

-  de rechercher la promotion et l’épanouissement des handicapés psychiques sur tous les plans,

-  de créer à leur intention un centre protégé pour les réadapter par leur travail,

Un bureau est constitué qui est chargé d’élaborer les statuts de l’association. Ceux-ci seront déposés à la Préfecture des Pyrénées-Atlantiques le 21 février 1968.

Dans les mois qui suivent, les fondateurs ont une activité intense de publicité tendant à intéresser l’administration (DDASS, hôpital psychiatrique, Direction département du travail), des associations (Rotary, « Les petits lits blancs », l’Association des basques de New York, etc.) des autorités confessionnelles (l’évêque de Bayonne, des pasteurs) afin de solliciter des dons, des subventions ou de provoquer des adhésions.

La réunion du 7 novembre 1968 établit le programme de l’année à venir :

-  envisager le projet des ateliers,

-  établir le projet des locaux vus par un professionnel

Le Centre réalisé comprendrait :

-              un foyer d’hébergement et d’accueil,

-                des ateliers proprement dit avec une section agricole,

-                des foyers familiaux selon la formule des « Petits pavillons ».

Il fonctionnerait en Mutuelle ou en coopérative.

 

Fin 1969 est envisagé l’achat d’un domaine à Anglet pour y créer « un hôtel d’hébergement et un centre de travail protégé pour des malades mentaux en relation avec l’UNAFAM »

La réunion du 8 janvier 1970 décide de modifier la dénomination de l’association qui devient « les Amis des handicapés psychiques ou ateliers Saint-Joseph ». L’association s’affilie à la section UNAFAM de Bayonne. La confusion régnera entre ces deux associations, puisque, pendant plusieurs années, elles auront les mêmes constitutions de conseils d’administration et de bureaux. La séparation se fera en 1978 après une période de conflit interne au CA.

 

L’achat à Anglet ne s’étant pas réalisé, la réunion du 20 juin 1970 donne mandat au Président pour effectuer toute démarche nécessaire à l’acquisition du domaine de Labès à Saint-Martin-de-Seignanx, et à son aménagement afin d’en faire un « centre de réadaptation à caractère médico-professionnel agricole et artisanal accueillant 60 handicapés ». L’association lance une souscription et une opération « Espérance en Côte Basque » : collecte de papiers, chiffons et cartons par des bénévoles pour recueillir des fonds.

L’association regroupe alors 200 adhérents. « Son rôle est de faire entendre les voix des familles des malades mentaux dans la prise en charge de ceux-ci. Elle s’élève contre l’admission de malades en maison de retraite et demande la création de structures d’accueil extra-hospitalier favorisant la réinsertion de ces personnes. Un véritable politique d’hygiène mentale doit être mise en place ».

En janvier 1971, se noue une relation qui sera essentielle pour l’association et pour ses réalisations : l’Association des Compagnons d’Emmaüs est sensibilisée au projet et sera partie prenante en apportant sa caution, un soutien financier, une enseigne et une activité : collectes en tous genres et bric-à-brac.

Les réunions de 1971 et 1972 sont essentiellement constituées de débats autour de l’acquisition, l’organisation du financement et la mise en état du domaine de saint-Martin-de-Seignanx. Celle-ci se fait avec l’aide de bénévoles tels des scouts ou des guides venant faire un camp sur le domaine.

Le 02.05.1972 la réunion du CA redéfinit l’organisation du futur centre :

-  personnel : un directeur-économe officier en retraite, un médecin, membre de l’association, une infirmière du secteur, un moniteur et conducteur de véhicule, une monitrice ou animatrice, un couple de gardiens, une secrétaire.

-  Activités envisagée : un atelier agricole (jardinage, fleurs, petit élevage), un atelier de bricolage (cartonnage, réparation, entretien), un atelier d’art et de loisirs (moulage, décoration, broderie).

-  « le centre à but non lucratif, est une structure d’accueil extra-hospitalier où les adolescents et adultes récupérables ne seront pas mélangés avec des arriérés, des débiles profonds ou des vieillards gâteux »

-  Le centre a déjà une activité de ramassage et de bric-à-brac où des bénévoles encadrent quelques « handicapés habituels » dont le nombre n’est pas précisé. Un directeur bénévole intervient sur le site où les premiers accueils se font en été 1972 sous forme de séjours de vacances pour des malades mentaux seuls ou avec leur famille : 3 personnes en 1972, 8 en 1973, 22 en 1974. a ceux-ci s’adjoignent des compagnons d’Emmaüs de passage pour une durée plus ou moins longue.

 

 

Pendant plusieurs années le centre a une existence difficile, précaire, sans cesse remise en cause par des difficultés financières ; la quête de subsides est une des activités principales du CA.

Une éclaircie se dessine en 1974 lors d’une entrevue du président et de la vice-présidente avec la personne chargée des handicapés à la préfecture des Landes. Une convention pourrait intervenir entre le centre et l’administration, mais plusieurs conditions doivent être réunies. « Il faut que nous sortions du cadre bénévole », déclare le président. « Pour cela, il faut constituer un dossier étayé avec une évaluation d’un prix de journée et un projet d’établissement ».

Le président précise que le personnel doit comprendre :

-  1 directeur-gestionnaire

-  1 psychiatre vacataire

-  1 médecin généraliste attaché à l’établissement

-  1 psychologue

-  1 éducateur pour handicapés

-  1 moniteur-éducateur

-  1 infirmière

-  1 couple de gardiens

-  1 conducteur de véhicule

Le mois de juin voit le début de réalisation de ce programme.

-  recrutement de personne : 1 moniteur, 1 infirmière, 1 gardien

-  activité des ateliers :

-  5 travailleurs : 1 externe, 1 demi-pensionnaire et 3 internes

-  Programme : le matin du lundi au samedi : ramassage de cartons et compressage, l’après-midi, du lundi au vendredi : ramassage, bric-à-brac, rangement ; activité jardinage : ensemencement du jardin en légumes pour la consommation interne.

En fin d’année est créée une section féminine, atelier ouvert l’après-midi à quelques externes encadrées par une bénévoles et qui aurait une activité de blanchissage de chiffons de récupération. Effectif prévu : 3 personnes.

La DDASS donne un avis défavorable au dossier administratif.

Le médecin-chef du CHS de Mont de Marsan est intéressé par le centre et annonce sa visite.

1975 voit l’acceptation et la signature de la convention avec la Préfecture, la fixation d’un prix de journée par la DDASS, l’augmentation notable des personnels d’encadrement et des travailleurs handicapés.

En 1976, le personnel est ainsi composé :

-          7 personnes d’encadrement

-          16 travailleurs handicapés dont 14 hommes et 2 femmes

Un psychiatre est recruté à raison de 4 vacations par mois.

Début 1977 est engagé un directeur « qui présente toutes les garanties de compétences pour prendre les rênes de l’établissement ».

L’effectif est de 26 pensionnaires avec deux places de femmes disponibles.

L’activité des ateliers se diversifie : création d’atelier béton, sanitaire, menuiserie, tri de vêtement, rempaillage.

Dès 1978, le nouveau directeur imprime sa marque à l’établissement :

-          organisation des ateliers,

-          organisation des loisirs : création d’activités sportives internes qui deviendront obligatoires pour tous,

-          organisation d’une kermesse qui deviendra annuelle,

-          placement de plusieurs travailleurs en « appartements thérapeutiques » où aucun suivi n’est organisé mais où une « surveillance discrète » est assurée.

Les relations avec plusieurs autres associations se modifient :

-          dénonciation de la convention avec la communauté Emmaüs de Bayonne et adhésion à l’Union des amis et Compagnons d’Emmaüs,

-          séparation d’avec le secteur UNAFAM des Pyrénées-Atlantiques.

Si cette évolution a la qualité de faire cesser certaines confusions, elle a aussi l’effet de couper le centre de relations et de regards extérieurs à l’institution.

 

En 1979, le directeur expose ses réalisations et ses projets :

-                renforcement de l’activité sportive,

-                organisation pour les congés d’été d’un séjour en camping au bord de la mer avec encadrement par les moniteurs du centre.

-                Persistance d’une activité dite de type Emmaüs, constituée de l’accueil transitoire ou à long terme de personnes ne s’intégrant pas dans les communautés Emmaüs classiques souvent en raison de troubles de personnalité. Ces personnes sans statut précis, sans ressources, travaillent et vivent au domaine au bon vouloir du directeur.

-                Projet : réalisation d’un gymnase et de pavillons pour les retraités du CAT.

Le CA approuve unanimement la gestion et les projets.

Dès le début de 1979, le docteur Minard prend contact avec l’établissement, y est chaleureusement invité à déjeuner par le directeur et convié à une collaboration.

En 1980, une convention est signée entre le directeur du CAT et le directeur de l’hôpital de Dax. Elle prévoit que le secteur psychiatrique soignera des patients du CAT à la demande de son équipe et que, en contre-partie, le CAT accueillera les patients que nous lui adresserons. Dans les premières années, nous adresserons deux patients psychotiques au CAT, mais nous arrêterons très vite du fait des difficultés internes.

En 1981, 57 personnes travaillent sur le domaine : 14 personnes d’encadrement, 40 travailleurs handicapés et 3 compagnons d’Emmaüs.

En 1983, au CAT : 42 travailleurs handicapés,e n hébergement : 32 personnes, encadrement : 15 employés.

Durant les années 80 s’organise, sous la poigne et l’œil omniprésent du directeur, un fonctionnement pathologique où règne la confusion et l’arbitraire. Le directeur est tout puissant dans la gestion, les décisions d’admission, les relations avec l’extérieur.

L’institution forme un tout ne dissociant pas le CAT et le foyer d’hébergement. Les travailleurs handicapés sont affectés aux ateliers au grès du directeur. La vie est groupale, sans prise en compte de la personne. Il faut se fondre dans la masse sous peine de sanctions pécuniaires ou médicamenteuses. Les conditions de vie ne garantissent ni intimité ni hygiène, dans un cadre non-conforme aux normes de sécurité et équipé de matériel de récupération. Les travailleurs handicapés ont aucune information sur leur statut, leurs revenus. Ceux-ci sont gérés sans aucune transparence et utilisés à leur insu pour participer aux animations, aux séjours et déplacements sportifs obligatoires.

La DDASS missionne à plusieurs reprises un médecin-inspecteur départementale et le docteur Minard pour inspecter cet établissement. Le juge des tutelles se missionnera lui-même et demandera au docteur Minard de l’accompagner dans l’établissement pour y vérifier le fonctionnement des mesures de protection des biens.

Les uns et les autres constatent l’hégémonie du directeur, lié à des problèmes hypomaniaques non traités, et les irrégularités de fonctionnement : absence de projet éducatif sérieux, absence de soins pour certains ouvriers qui en auraient besoin, « punitions » des ouvriers jugés trop paresseux par diminution arbitraire du salaire, gestion des finances personnelles de certains ouvriers par le directeur lui-même. Le directeur de la DDDASS demande au directeur du CAT d’établir un projet éducatif et un projet de soins avec le secteur psychiatrique, le juge des tutelles exige une normalisation de la protection des biens et redit l’illégalité des punitions financières.

Le directeur n’entamera jamais aucune démarche pour l’élaboration des projets demandés.

Les personnels d’encadrement subissent la loi du directeur. Ils sont pour la plupart sous qualifiés et toute formation professionnelle leur est refusée. En 1987, 18 membres du personnel se syndiquent et élisent deux représentants qui, durant les années suivantes, vont essayer de faire respecter la législation. Cette initiative est très mal acceptée par le directeur, chaque revendication est l’occasion de conflits débouchant sur plusieurs actions devant la juridiction prud’homale.

Le CA et l’AG de l’association continuent imperturbablement à rendre hommage et à saluer annuellement le travail et les réalisations du directeur.

Le gymnase est construit et des athlètes de l’institution participent aux compétitions régionales, nationales et internationales.

Les « Jardins d’Emmaüs », résidence pour les retraités du centre, se construisent. La question se pose du statut de cet hébergement. « Après discussion, il est convenu qu’aucune autorisation ne sera demandée : nous sommes propriétaires d’une maison et nous y receverons des amis, ceux-ci étant des travailleurs du CAT parvenus à l’âge de la retraite. Ils paieront leur pension et nous leur en restituerons 10 pour cent comme argent de poche ».

Les effectifs de l’institution en 1991 se chiffrent ainsi : pour un agrément financé de 45 personnes, 57 ouvriers travaillent au CAT ; 39 sont internes dont 2 compagnons d’Emmaus et 18 sont externes donc 2 compagnons d’Emmaüs.

De 1991 à 1994, les comptes-rendus du CA se limitent à un rapport financier global de l’établissement.

Fin 1994, les syndicats passent à l’action et dénoncent en vrac ce que tout le monde savait déjà. Mais en plus, on découvre des systèmes de punitions de plus en plus répréhensibles : 1 ouvrier est, par exemple, menotté à un arbre pendant trois heures, en plein soleil. Les syndicats saisissent le docteur Minard et le directeur de la DDASS. Ce dernier convoque le docteur Minard, et ensemble, ils décident de mettre un terme à ces errements.

Le 14.01.1995, le CA est convoqué pour des « motifs graves » et le président évoque chronologiquement les évènements récents :

-  le 22.02.1994, les directeurs des deux tutelles de l’établissement y viennent pour évoquer les problèmes d’ordre déontologiques qui affectent le fonctionnement du CAT-Foyer. Ils évoquent des sanctions financières et les sévices dont on été victimes des travailleurs handicapés de la part du directeur. Ils reprochent à l’association de ne pas avoir de projet éducatif, demandent un projet écrit, discuté avec le personnel, faut de quoi il sera demandé au Préfet de fermer le centre avec possible saisie du Procureur de la République.

-                   Le 03.01.1995, le président de l’association réunit les personnels d’encadrement, leur signale la menace qui plane sur l’établissement et leur reproche de ne pas l’avoir informé des désaccords qu’ils avaient avec le directeur.

-                   Le 09.01.1995, le directeur et le président sont convoqués à Mont de Marsan. Devant de nouvelles dénonciations montrant la persistance des méthodes, la démission du directeur est demandée sous peine de fermeture de l’établissement et de poursuites judiciaires. Le directeur choisit la démission et il cesse ses fonctions le 31.01.1995. Il demeure président de l’Union sportive d’Emmaüs et de l’association des Amis d’Emmaüs, associations satellites qui seront dissoutes plus tard.

Un nouveau directeur est nommé, assurant à temps partiel un intérim avec pour mission d’évaluer l’état de l’institution et de présenter un rapport quant à son fonctionnement et de donner des orientations.

Les conclusions de ce rapport du 03.03.1995 préconisent.

-                   le renforcement de l’équipe éducative, du suivi des externes, du suivi médical et psychiatrique et du secrétariat.

-                   La dissociation des lieux de travail et d’hébergement, de l’amélioration de la sécurité et de l’humanisation,

-                   Le maintien des activités du CAT.

-                   La régularisation de la situation des compagnons d’Emmaüs.

-                   L’étude du maintien des « Jardins d’Emmaüs »

La direction du CAT-Foyer avec la participation du personnel d’encadrement, a établi un projet de restructuration basé sur le respect de la personne, de son accompagnement vers la non-dépendance et de l’ouverture vers l’extérieur.

Voici la situation à l’aube de l’an 2000 :

-  effectifs : 60 places de travailleurs handicapés au CAT, actuellement occupées par 56 temps pleins et 8 mi-temps,

-  36 places en foyer d’hébergement,

-  8 places en appartements institutionnels de personnes engagées dans un processus d’autonomisation sociale,

-  un service assurant l’accompagnement et le suivi éduco-social des personnes vivant en autonomie à l’extérieur,

-  chaque travailleur handicapé fait l’objet d’un projet et d’un suivi, personnel et personnalisé, tant professionnel que social et psychiatrique, réévalué en fonction de l’évolution et des événements.

 

 

Le secteur de psychiatrie de Dax a été sollicité par la nouvelle direction. Une convention de collaboration a été signée entre le CH de Dax et le CAT-Foyer Espérance emmaüs. Un psychiatre du secteur assure le temps de psychiatrie institutionnelle.

 

 

VIII.4. L’EQUIPE DE LA SOURCE

 

On a vu, au travers des chapitres précédents, le rôle important de l’équipe de cette association dans les différents réseaux dacquois, plus particulièrement le Réseau Ville-Hôpital-sida-toxicomanie et le Réseau Psychiatrie-précarité.

Il s’agit bien en fait d’une structure médico-sociale disposant d’un local d’accueil au centre-ville de Dax et de 5 appartements thérapeutiques. On l’a dit, sa clientèle est représentée par les toxicomanes, les jeunes errants et les jeunes sortant de prison.

Comme avec les établissements médico-sociaux précédents, nous avons signé avec la Source une convention : l’équipe de secteur s’occupe de la régulation de cette équipe et des problèmes de debreafing en cas de situation difficile avec la clientèle ; en contre-partie les éducateurs de la Source reçoivent les clients qu’on leur adresse, dans le cadre de leur agrément, mais reçoivent aussi à leur permanence, quelques psychotiques, assez bien équilibrés sur le plan symptomatique, mais très isolés socialement.

On trouvera ci dessous copie de cette convention.

 

Annexe III

CONVENTION-CADRE

 

 

Entre les deux parties ci-dessous désignées

 

LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DU CENTRE HOSPITALIER

Boulevard Yves-du-Manoir

4010 DAX

représenté par son Directeur Général, dûment habilité d’une part,

et

 

L’ASSOCIATION LA SOURCE

Place Pitrac

40000 MONT DE MARSAN

 

représentée par son Président, dûment habilité d’autre part,

 

ARTICLE I

Le secteur de psychiatrie générale du Centre Hospitalier de Dax s’engage à assurer une intervention dans le domaine clinique au sein de l’établissement :

 

LA SOURCE

Place du Mirailh

40100 DAX

 

Cette intervention a lieu à la demande de l’équipe technique de la Source de DAX, en accord avec l’Association, employeur, pour une réflexion clinique destinée à améliorer la prise en charge des utilisateurs.

 

ARTICLE II

Cette collaboration entre dans le cadre des circulaires ministérielles concernant le rôle des secteurs psychiatriques vis-à-vis des institutions sanitaires, sociales et médico-sociales (circulaire du 14 mars 1990, relative aux orientations de la politique de santé mentale, parue au Journal Officiel du 3 avril 1990).

 

ARTICLE III

L’équipe de santé mentale s’engage à une aide clinique auprès de l’équipe technique de la Source sous la forme de réunions hebdomadaires d’étude de cas cliniques ; En contre-partie, l’équipe de la Source s’engage à recevoir certains des patients du secteur de psychiatrie générale, dont le nombre sera déterminé par l’équipe de la Source, au cas par cas.

 

ARTICLE IV

Le Centre Hospitalier Général s’engage à ne facturer aucune des prestations fournies, cette action entrant dans el cadre réglementaire du service public.

 

ARTICLE V

La présente convention est conclue pour un an et prend effet à compter du 1er mai 1993.

 

ARTICLE VI

Après l’année de fonctionnement, la convention peut être renouvelée de manière tacite entre les deux parties.

 

ARTICLE VII

La présente convention peut être dénoncée à tout instant par l’une des deux parties contractantes.

 

 

 

LE DIRECTEUR DU                                                          LE DIRECTEUR DE LA SOURCE

CENTRE HOSPITALIER DE DAX                              DE MONT DE MARSAN

 


Annexe IV

CONVENTION-CADRE

 

Entre les deux parties ci-dessous désignées

 

LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DU CENTRE HOSPITALIER

Boulevard Yves-du-Manoir

40100 DAX

 

représenté par son Directeur Général, dûment habilité d’une part,

et

 

L’A.D.A.P.E.I. des Landes

15 rue Victor Hugo

40000 MONT DE MARSAN

 

représentée par son Président, dûment habilité d’autre part.

 

ARTICLE I

Le secteur de psychiatrie générale du Centre Hospitalier de DAX s’engage à assurer une intervention dans le domaine clinique au sein de l’établissement :

 

FOYER TOURNESOLEIL

Route d’Angouade

40990 SAINT PAUL LES DAX

 

Cette intervention a lieu à la demande de l’équipe technique du foyer en accord avec l’Association, employeur, pour une réflexion clinique destinée à améliorer la prise en charge des adultes accueillis.

 

ARTICLE II

Cette collaboration entre le cadre des circulaires ministérielles concernant le rôle des secteurs psychiatriques vis-à-vis des institutions sanitaires, sociales et médico-sociales (circulaire du 14 mars 1990, relative aux orientations de la politique de santé mentale, parue au Journal Officiel du 3 avril 1990).

 

ARTICLE III

L’équipe de santé mentale s’engage à une aide clinique auprès de l’équipe technique du Foyer Tournesoleil sur trois points :

A-    Participation au suivi individuel de certains résidents,

B-     Intervention d’un de ses membres à une réunion hebdomadaire d’une heure centrée sur les problèmes cliniques et relationnels des membres de l’équipe avec la population accueillie par l’institution,

C-    pParticiper aux réunions de synthèse des résidents suivis.

 

ARTICLE IV

Le centre hospitalier d’engage à ne facturer aucune des prestations fournies, cette action entrant dans le cadre réglementaire du service public.

 

ARTICLE V

La présente convention est conclue pour un an et prend effet à compter du 1er octobre 1990.

 

ARTICLE VI

Après l’année de fonctionnement, la convention peut être renouvelée de manière tacite entre les deux parties.

 

ARTICLE VII

La présente convention peut être dénoncée à tout instant par l’une des deux parties contractantes.

 

 

 

LE DIRECTEUR DE                                       LE PRESIDENT DE L’A.D.A.P.E.I.

CENTRE HOSPITALIER DE DAX                     DES LANDES


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