C’est alors que nous
terminions la rédaction de ce mémoire que paraissait, le 26 novembre 1999 la
circulaire relative aux réseaux de soins préventifs, curatifs, palliatifs et
sociaux (57). Cette circulaire, que nous attendions comme beaucoup d’autres
professionnels, nous conforte dans l’idée que nous n’avions pas tort de
promouvoir depuis si longtemps des pratiques communautaires favorisant les
actions de soins psychiatriques, les actions de prévention et les actions de
réadaptation sociale, dans une perspective globale de santé publique.
Christian Müller (58) résume
ainsi les éléments permettant une bonne pratique des réseaux :
« - une composition
ouverte aux membres des domaines social, médical, paramédical et
politique ;
-
une compétence
géographique clairement indiquée ;
-
des objectifs
définis en commun dans un souci de santé publique (rassembler l’information, la
traiter, la diffuser) ;
-
des règles de
fonctionnement, une charte éthique de santé communautaire « non
hospitalocentrée » (assurant la sécurisation des information, le rôle de
chacun, etc.) ;
-
une
accessibilité et une visibilité assurées à l’usager quel que soit le point
d’accès au réseau ;
-
un financement
pérenne évitant une situation de précarité. Il ne faut pas oublier que les
réseaux sont vulnérables et fragiles (certains ont disparu méconnus, efficaces
mais épuisés…° ;
-
enfin une évaluation
régulière des dispositifs par des instances reconnues et la formation
professionnelle continue de l’ensemble des acteurs. »
Nous voyons bien qu’un seul
de nos réseaux, le réseau ville-hôpital sida-toxicomanie, correspond exactement
à cette définition générale. Il manque aux deux autres (le réseau psychiatrie
et précarité, et le réseau d’écoute et de soutien en alcoologie de la région de
Dax), un statut juridique et un financement pérenne.
Mais en même temps nous
voyons bien, au travers de ce travail, que la volonté politique des divers
acteurs de travailler ensemble est la première condition d’un vrai travail de
réseau, que celui-ci soit ou non financé, qu’il ait ou non une forme juridique.
L’exemple nous vient de haut
en Aquitaine. Un groupe, sans forme juridique et sans financement, le GRAHPA
(Groupe de recherche et d’animation des hôpitaux publics d’Aquitaine) joue un
rôle prépondérant en Aquitaine. Ce groupe est constitué d’un président de CME
et d’un directeur d’hôpital par secteur sanitaire, du président de la CME du
CHU de Bordeaux et de son directeur général, d’un représentant des DIM
d’Aquitaine, du président de la conférence des présidents de CME de CHS. Créé
depuis 6 ans, il fonctionne donc sur un mode officieux, mais la DRASS et l’ARH
s’y font représenter.
Il n’a pas de statut
juridique, mais il créé des structures à statut juridique : le réseau
d’imagerie médicale d’Aquitaine, le réseau d’hématologie et le CCECQA (Comité
de coordination et de l’évaluation clinique en Aquitaine). Le CCECQA, comme un
bon réseau, sous une forme associative type loi de 1901, regroupe tous les
hôpitaux d’Aquitaine (CHU, CHG, CHS, hôpitaux locaux) et un grand nombre de
cliniques privées. Son but est de donner aux cliniciens des outils méthodologiques,
dans une perspective de mutualisation de moyens scientifiques, pour évaluer ses
pratiques, s’engager dans des démarches qualité et se préparer à
l’accréditation. Son budget pour 2000 dépasse les trois millions de francs.
Cette mise en réseau des établissements de santé, publics et privés, illustre
bien ce que peut être un réseau, avec son financement pour partie ARH, pour
partie adhérents. Mais le CRAHPA, qui lui a donné naissance est aussi un bel
exemple de réseau. On ne s’étonnera pas que Michel Minard ait participé avec
ses collègues somaticiens à la naissance du GRAPHA et à celle du CCECQA. Il
est, pour un deuxième mandat, directeur du conseil d’administration du CCECQA.
On ne s’étonnera pas non plus que notre équipe et notre hôpital aient participé
à certains projets du CCECQA (dossiers de soins, démarche qualité, sécurité
anesthésiques, etc.)
Une autre « mise en
réseau » en Aquitaine nous intéresse au plus haut point :
l’Association Aquitaine pour l’information médicale et l’épidémiologie en Aquitaine,
l’AAPIMEP. Fondée en 1991 par quelques psychiatres des hôpitaux ayant, chacun
dans leurs secteurs, bricolés des programmes informatiques, alors que rien
n’existait sur le marché ni dans les hôpitaux, à l’initiative du docteur Pierre
Godard du CHS de Pau. L’AAPIMEP, association loi 1901, gère une base de données
très importantes (plus de 60 % des files actives d’Aquitaine) à partir des
données de secteurs psychiatriques du CHU, de CHG et de CHS. A partir de cette
base (30 000 fiches patients en 1999), elle organise des rencontres et
fait des recherches épidémiologiques. La DRASS et l’ARH soutiennent fortement
son action, en éditant ses travaux. Nous sommes membres actifs de l’AAPIMEP.
Elle n’a pourtant pas de
financement autre qu’une trésorerie issue des cotisations de ses adhérents
(psychiatres, infirmiers, informaticiens) et quelques recettes non pérennes
provenant de prestations de services.
Voilà donc, au niveau
régional, trois bons exemples de mise en réseau professionnels, ayant pignon
sur rue, actifs, dynamiques et attractifs (des hôpitaux de la région
Poitou-Charentes sont au GRAHPA, des professionnels de la région Midi-Pyrénées
à l’AAPIMEP).
Pourtant leurs statuts
juridiques et financiers sont très différents :
-
le GRAHPA n’a
ni forme juridique, ni budget,
-
le CCECQA est
une association, et est dotée d’un budget pérenne,
-
l’AAPIMEP est
une association, mais n’a pas de budget pérenne.
Autrement dit, et les
diverses expériences dacquoises que nous relatons en témoignent, la forme
juridique et le financement d’un réseau ou d’un dispositif de soins, de
prévention et de réadaptation ne sont pas les conditions premières pour qu’il
réussisse et qu’il atteigne ses objectifs.
L’engagement de
professionnels motivé et compétents lui est indispensable.
Dans ces conditions, on
l’aura compris, un réseau est vivant comme les hommes et les femmes qui le
composent. Comme eux, il naît, se développe et arrive à maturité. Comme eux, il
peut être malade, s’affaiblir et disparaître.
A nous d’en prendre soin,
pour qu’il puisse atteindre ses objectifs fondamentaux : les soins les
meilleurs aux patients.