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Formation infirmière.

Cette note est un essai de synthèse de discussions autour de la formation infirmière auxquelles j'ai participé soit sur un plan syndical (SUD) soit sur un plan associatif (SERPSY et les CEMEA). Elle ne représente la position d'aucune de ces organisations mais veut poser quelques éléments pour un débat.

Depuis de nombreuses années, la question de la formation des infirmiers en psychiatrie revient telle une rengaine aux partitions cacophoniques.
Il ne faut pas croire que la question ne se pose que depuis la réforme des études de 1992. Elle agitait déjà le groupe de Sèvres en 1959.

Aujourd'hui associations et syndicats peinent, au sein d'un groupe de travail réuni par le ministère à avancer dans une direction commune. Ils ont décidé de se rencontrer début septembre pour poser clairement divergences et leur points communs.
La ligne de fracture, car c'est souvent en terme de fracture que les uns et les autres s'opposent, ne se situe pas clairement entre associations et syndicats. Elle se situe entre tenants d'une formation initiale spécifique à l'exercice en psychiatrie, d'une formation complémentaire pour les infirmiers souhaitant exercer en psychiatrie et enfin d'une spécialisation des infirmiers en psychiatrie.
Sans développer les aspects techniques, sur lesquels on ne pourra faire longtemps l'impasse, tel le statut des infirmiers qui découlerait de telle ou telle option, nous souhaitons apporter quelques éléments à la réflexion. Les pistes ouvertes sont incomplètes et nécessiteront ultérieurement des réflexion plus techniques.

Poser la question de la formation des infirmiers autour des seuls infirmiers exerçant en psychiatrie revient à amputer la question de la formation d'une partie importante, l'abord du soin infirmier dans sa globalité.. Cependant, la question de la formation ne peut faire l'économie de la question du soin que nous voulons, ce qui est encore un autre débat.

Aujourd'hui, que ce soit en pédiatrie ou dans d'autres disciplines médicales, la question des contenus de la formation initiale est posée en terme de carences et d'approximations.

Pour essayer d'avancer dans ce débat, il peut être intéressant de poser le problème sous deux angles différents : le déroulement de la formation et les contenus de formation.

Sans nous attarder sur les contenus de formations, les travaux des associations notamment le collectif ascism-cefi/psy-anfiid semblent de bonnes bases pour aborder cette question, rappelons que les contenus dépendent en partie des modalités d'organisation retenues pour la formation infirmière.

Pour éviter de continuer à dénigrer le contenu de la formation de 92, il convient de rappeler deux aspects positifs de cette formation. Tout d'abord, l'enseignement de la psychiatrie est certes moins important que dans le programme des ISP mais plus substantiel que dans le programme du Diplôme d'Etat de la même époque pour peu que le programme soit respecté par les IFSI. Ensuite, le fait qu'il n'existe plus qu'un diplôme commun permet aux infirmiers une mobilité et des choix d'exercice plus variés. Ce dernier point constitue la base de la proposition que nous allons faire.

Comment alors concilier une polyvalence possible d'exercice, un enseignement pointu dans une discipline et un statut commun à un même métier ?

L'idée serait d'instituer un diplôme d'infirmier polyvalent avec options. Quelle que soit l'option choisie lors d'un baccalauréat, le titulaire du BAC peut s'orienter vers une même profession qu'il soit littéraire ou scientifique, le BAC obtenu étant un diplôme d'enseignement général avec une option.
Il pourrait en être de même pour le diplôme d'infirmier.
Après trois ans de formation, chaque infirmier devrait choisir une option qu'il étudierait durant six mois. Cette option ne doit pas être réservée à la psychiatrie. Il pourrait s'agir d'une option "santé publique", "pédiatrie", "psychiatrie", etc. L'option serait enseignée en IFSI (chaque IFSI ne pouvant proposer toutes les options elles seraient réparties régionalement). Elles alterneraient enseignement clinique, théorique et stages pratiques dans la spécialité choisie.
Deux intérêts sont à noter, d'une part la garantie d'un contenu d'enseignement de l'option identique sur le territoire national, ce qui est loin d'être le cas actuellement dans les stages d'adaptation à l'emploi mis en place par certains établissements. D'autre part la confrontation avec les terrains de stage dans la spécialité garanti la formation pratique par des professionnels en exercice.
Le choix d'une option ne doit en aucun cas faire obstacle à l'exercice dans une autre discipline.
Chaque IFSI devrait réserver un certain nombre de places dans leur enseignement d'option pour des professionnels en exercice désirant changer de spécialité. Ces stages de reconversion, basés sur le volontariat, lors d'un changement d'orientation professionnelle pourraient être pris en charge par les formations continues des établissements. Certes cette disposition ne devrait pas faire l'unanimité auprès des entreprises de formation continue qui voient là leur échapper une manne de deniers publics, mais encore une fois elle garantit un enseignement équivalent sur tout le territoire.

Pourquoi renoncer à la formation initiale spécifique ?
Si la formation spécifique des infirmiers de secteur psychiatrique paraissait donner satisfaction avant la réforme des études de 92, c'est en partie en regard des formations précédentes des infirmiers en psychiatrie. La question de la qualité des contenus théoriques mériterait une analyse plus fine. Il n'en demeure pas moins que les nouveaux diplômés entendaient, déjà avant 95, en commençant leur exercice professionnel, qu'ils avaient tout à apprendre et qu'il fallait cinq ans d'exercice pour former un infirmier compétent. D'autre part n'oublions pas un avantage non négligeable de cette formation spécifique qui constituait un "vivier" de nouveau diplômés pour exercer en psychiatrie. Les années de lutte des infirmiers de secteur psychiatrique pour le maintien de leur diplôme spécifique tenait peut être plus de la nécessaire reconnaissance d'un exercice particulier que de la revendication d'une formation particulière. En effet, les déclarations de certains politiques et de certaines associations infirmières ont été vécues comme une véritable négation des compétences des infirmiers en psychiatrie et de la valeur du soin psychiatrique lui-même.
Cette non reconnaissance existait dans les faits, limitant l'exercice des ISP aux seuls secteurs psychiatriques alors que la polyvalence (sous entendu la compétence) était reconnue à leurs collègues DE.
Un retour à une formation initiale spécifique conduirait à limiter de nouveau le champs d'exercice des infirmiers.

Pourquoi renoncer à la spécialisation ?
La question de la spécialisation du diplôme infirmier, pose le même problème du champs d'exercice unique. De plus, revendiquer la spécialisation en psychiatrie comme une quatrième spécialisation (après IBODE, IADE et Puéricultrice) se heurte à d'autre difficultés. Difficultés statutaires d'une part, qui dit spécialisation dit grille indiciaire spécifique et rémunération ad hoc ! Difficulté quant à la fonction, il est évident que tous les infirmiers exerçant en psychiatrie ne pourront être spécialisés, quid de leur fonction au sein de l'équipe infirmière ? Quid également des infirmiers déjà diplômés, avant 95 et après 95, faudrait-il être titulaire d'un DE pour accéder à la spécialisation ?
Enfin, un certain nombre d'infirmiers sont déjà spécialisés, ayant suivi au cours de leur exercice professionnel une formation universitaire, qui un DU, qui une licence, qui une maîtrise en santé mentale. L'unification d'un diplôme universitaire en santé mentale permettrait là encore d'assurer un enseignement identique et reconnu. Avant de se lancer dans la spécialisation il conviendrait d'examiner la situation de ces infirmiers qui n'ont actuellement aucune reconnaissance de leur formation universitaire.

Pourquoi renoncer à la formation complémentaire mise en place actuellement ?
Un certain nombre d'établissements mettent en place actuellement des modules de formation complémentaire dans le domaine de la psychiatrie à destination des infirmiers diplômés depuis trois à cinq ans. Ces formations souvent de qualité, grèvent le budget de formation continue des établissements de manière importante, pouvant restreindre l'accès à la formation professionnelle d'autres catégories de personnels. Aucun programme minimum ne permet de contrôler les enseignements de ces formations, pas plus que la qualité des intervenants n'est garantie. Liées à des politiques locales de formation continue, l'accès à cette formation complémentaire est donc inégalement accessible suivant l'établissement d'exercice.

A la marge de la question de la formation proprement dite, il convient de poser la question de la place des associations et des syndicats que ce soit au sein du CSPPM, des groupes de travail ministériels, auprès des IFSI, etc.

Sur la question de la représentativité, seuls les syndicats, présents lors des élections professionnelles peuvent revendiquer le terme de représentativité. Le faible taux de syndicalisation de la profession infirmière étant un faux débat qui reviendrait à contester la légitimité d'un parti politique majoritaire à des élections nationales au seul fait que ce parti n'a que quelques dizaines de milliers d'adhérents ! Les résultats des élections professionnelles sont issus du vote des agents des établissements, dont les infirmiers, y compris non syndiqués.
Néanmoins, les associations sont des partenaires incontournables pour toute réflexion (autour de la formation entre autre). Les adhérents des associations représentent souvent la frange militante des divers corps de métier. Se priver de leurs travaux serait amputer les débats de la richesse et de la compétence de leurs membres.
Leur participation doit être clairement établie. Leurs travaux, leur financement et leurs rôles doivent se faire dans la plus grande transparence ! ... Il est inconcevable par exemple que les IFSI se voient obligés d'adhérer à des associations ayant pour objet la formation pour obtenir des informations sur l'organisation des concours, sur les modifications des programmes ou encore que ces associations traitent avec le ministère en dehors des groupes de travail pour imposer des vues orientées qui ne sont pas partagées par les autres membres du dit groupe.

Emmanuel Digonnet
Le 23 juillet 2003